La répartition des tâches scolaires révèle des inégalités de genre surprenantes dans les écoles secondaires haïtiennes. Cette recherche met en lumière comment les constructions sociales influencent les rapports pédagogiques, désavantagent les filles et soulèvent des questions cruciales sur l’éducation différenciée en milieu scolaire.
6.2- Influences, injonctions et altérisation
6.2.1- Répartition différenciée des tâches lors des activités extrascolaires
Dans les écoles secondaires en dehors des activités scolaires, filles et garçons sont appelés à coopérer dans des activités extrascolaires. Celles-ci peuvent concerner le sport, l’organisation de groupes de travail mais aussi la préparation des fêtes ou des journées de couleur qui sont occasionnelles. Au Lycée National de Carrefour Feuilles et au Collège Saint- Pierre, les élèves affirment que certaines tâches spécifiques sont l’apanage des filles, d’autres des garçons.
Ce qui relève d’un accord tacite aboutissant à une distribution inégalitaire des rôles. Ginette du Collège Saint-Pierre déjà citée raconte :
« Nous sommes 7 au comité de la salle et j’en fais partie. Nous avons notre façon à nous de nous organiser. Les garçons ne vont pas au marché ; nous leur soumettons des rapports car les garçons sont là pour passer le dernier trait. Mais c’est comme si c’est nous qui devons aller au marché. Nous les filles, nous savons négocier les prix ; nous savons comment cela fonctionne (Extrait d’entretien, enquête de terrain de l’étudiante).
Dimension de pouvoir social, nous pouvons comprendre que la répartition des tâches se fait de façon différenciée chez les adolescent.e.s scolarisés. En effet, les filles ne remplissent pas les mêmes fonctions que les garçons et vice versa. Si comme expliqué par cet élève, les garçons sont dans des positions de décision alors que les filles leur rapportent ce qui a été fait comme soumettre un rapport aux supérieurs hiérarchiques, on peut de là, déduire que le pouvoir n’est pas équitablement partagé entre eux.
Ceci a une conséquence sur les filles qui ne se voient pas offrir des expériences nouvelles comme le leadership mais se trouvent toujours cantonnées aux mêmes fonctions. En outre, faut-il souligner que l’investissement des filles dans des tâches de soutien comme faire des emplettes semble leur priver des espaces de décisions.
Car, pour l’organisation des fêtes, les achats et la préparation des repas impliquent un grand investissement de temps et d’énergie mais toujours sont-elles considérées comme moins valorisants de façon générale. Le salaire attribué aux aides de maison qui sont généralement des femmes en Haïti peut en témoigner.
Ces tâches sont appropriées par les adolescent.e.s comme faisant partie d’attributions intrinsèques suivant un ordre naturel. Cette distribution sexuée du travail encourage les stéréotypes sexuels qui font qu’il y a une séparation : il y a des travaux d’hommes et des travaux de femmes. Or, cette répartition sexuée reproduit des clivages, qui alimentent les différences entre les sexes, en ce sens que cette séparation est totalement arbitraire, car elle fait fi des capacités réelles de chacun et est à la base de la hiérarchisation des carrières qui fait qu’un travail d’homme vaut plus qu’on travail de femme comme nous tenions à le souligner dans notre cadre théorique.
Les adolescentes et adolescents haïtiens ne font que reproduire ce qui se fait habituellement tous les jours dans la société haïtienne, correspondant à une mentalité sexiste où les tâches domestiques et tout ce qui implique le care sont à la charge des femmes et des filles.
Il y a lieu d’observer dans la société haïtienne un plus grand investissement de la gent féminine dans les tâches du care comme aller au marché ou faire la lessive. Les adolescent.e.s ne se démarquent pas du schéma traditionnel qui désavantage les femmes par rapport aux hommes en établissant des différences fondamentales entre eux/elles. L’homme se retrouve ainsi au centre des activités de plus grand prestige social pendant que les femmes sont reléguées hors de la scène sociale. Ce qui semble être le cas aussi parmi les adolescent-e-s. Cette élève confirme bien ce point de vue :
« On sait tous que les garçons sont des poto mitan, ce sont eux qui sont toujours au- devant de la scène. Par exemple, la semaine dernière nous avions organisé une journée Edupol ; nous allions à la finale et puis il arrive que des élèves de la classe qui avaient décidé de demander de l’argent pour louer un bus pour le trajet ; c’étaient les garçons qui avaient loué le bus ; ce sont les garçons qui font toujours ce genre d’activités ; ceci dit, les filles ne s’intègrent pas vraiment. Elles se mettent toujours de côté. Même si c’est elles qui font à manger lors des fêtes ; il faut le leur demander » (Extrait d’entretien, enquête de terrain de l’étudiante).
Questions Fréquemment Posées
Comment la répartition des tâches scolaires affecte-t-elle les filles en Haïti ?
La répartition des tâches scolaires affecte les filles en Haïti en les cantonnant à des fonctions de soutien, ce qui les prive d’expériences de leadership et les maintient dans des rôles moins valorisés.
Quelles sont les conséquences de la répartition différenciée des tâches entre garçons et filles ?
Les conséquences de la répartition différenciée des tâches sont que les filles ne se voient pas offrir des expériences nouvelles comme le leadership et sont souvent reléguées à des tâches considérées comme moins prestigieuses.
Pourquoi la répartition des tâches est-elle considérée comme inégale dans les écoles haïtiennes ?
La répartition des tâches est considérée comme inégale dans les écoles haïtiennes car elle reproduit des stéréotypes sexuels, où les garçons occupent des positions de décision tandis que les filles sont chargées de tâches de soutien.