Comment le cadre théorique éclaire les conflits scolaires en Haïti ?

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🏫 Université d'État d'Haïti - Faculté des Sciences Humaines
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de licence
🎓 Auteur·trice·s
Chéry, Jeanne-Elsa
Chéry, Jeanne-Elsa

Le cadre théorique des rapports scolaires révèle des dynamiques de genre surprenantes dans l’éducation haïtienne. En examinant les conflits entre élèves dans trois établissements de Port-au-Prince, cette étude met en lumière comment les stéréotypes de genre influencent les performances académiques, avec des implications cruciales pour l’égalité en milieu scolaire.


6.1.2- Rapports conflictuels entre les élèves

Si la présence de l’autre sexe peut stimuler le besoin de réussite ou être une source de motivation, elle peut aussi bien se transformer en une source de conflit par l’idée même de compétition qu’elle entraine. Les garçons se croient supérieurs aux filles au point de se sentir lésés s’ils arrivent à être « détrônés » au niveau des moyennes.

Or, pour les filles interrogées, aucune ne semble partager l’idée de compétition mais paraissent envisager des rapports plus souples avec leurs pairs masculins ou ces dernières rebutent les conflits avec les garçons. Hélène, une élève de seconde, du lycée Carrefour Feuilles nous dit :

« Moi, je ne m’entends pas bien avec les garçons de ma salle parce ce sont des sauvages, des brigands. Je ne les aime pas. Je n’aime pas quand ils s’assoient dans le même banc que moi parce qu’ils ne se comportent pas bien. Mes amis sont surtout des filles. J’ai l’habitude de parler aux garçons aussi mais pas comme à des amis » (Extrait d’entretien, enquête de terrain de l’étudiante).

On réalise que les rapports interpersonnels peuvent être conflictuels et revêtir un caractère de nuisance dont les garçons sont les principaux auteurs. À juste titre faut-il noter que ce sont les garçons qui se sont plaints alors que les filles se profilent comme des victimes de leurs attitudes.

Ce type de comportement débouche sur le retrait des filles qui ont tendance à prendre leurs distances par rapport aux garçons réputés d’avoir des comportements dérangeants ou violents.

Ceci n’est pas sans conséquence sur les rapports entres les adolescent.e.s, qui au lieu de nouer des rapports de collaboration et d’entente, laissent installer l’opposition et le désaccord entre eux. Nous avons aussi compris que cette réalité peut être étroitement liée au système disciplinaire de l’établissement considéré.

Par exemple le système disciplinaire au lycée qui peut être moins rigide et être à la base des dérives dans les interactions entre filles et garçons.

Ludnie, une élève en classe de seconde du Lycée National de Carrefour Feuilles raconte :

« Je n’aime pas la façon dont mon école fonctionne. Quand les professeurs travaillent, les élèves font du bruit. Ils me perturbent, moi qui voudrais travailler. Ce qui m’empêche de me concentrer. Auparavant, j’étais plus motivée. La plupart des écoles comme le Collège Bird, les écoles chez les sœurs religieuses, elles sont bien organisées comparativement à nous qui sommes au lycée. On dit que les lycéens sont performants, mais cela remonte à très longtemps. Maintenant, ils viennent à l’école accompagnés de leur radio. Ce que je n’apprécie pas » (Extrait d’entretien, enquête de terrain de l’étudiante).

Le système disciplinaire de l’établissement scolaire suivant qu’il est rigide ou moins sévère peut affecter les relations entre filles et garçons. Et dans le cas des lycées en Haïti qui sont réputés moins stricts que les écoles privées, des dérives qui relèvent d’un relâchement de la discipline peut être à la base de conflits entre les sexes dont les filles sont les principales victimes.

Or, cette situation peut servir à renforcer l’idée que les filles sont dociles et les garçons plus actifs ; elles sont moins aptes à se défendre car elles subissent les attitudes des garçons au lieu de les affronter. Ce qui n’est guère favorable pour changer les mentalités, ni les rapports inégalitaires entre les sexes.

Des clivages se créent entre les sexes en se basant sur des prétentions sexistes. Mais aussi, il convient de considérer la variable des milieux de provenance car les inégalités de genre prennent des ampleurs différentes suivant l’origine sociale par exemple, comme le soutient Marie Gaussel, les inégalités sont imbriquées et plus fortes dans certains milieux.

« Il convient de traiter les inégalités dans leur ensemble, d’autant plus que souvent les élèves issus des milieux populaires ou immigrés ont une relation avec l’école plus compliquée car ils correspondent peu à l’image idéale de l’élève de classe moyenne, neutre, docile et discret ». (Gaussel, 2016 :16).

Jonathan, un élève en classe terminale du Lycée National de Carrefour Feuilles avance :

« Dans ma classe, les filles n’excellent jamais comme les garçons parce que ces derniers sont toujours plus motivés. De plus, les garçons sont toujours plus débrouillards que les filles ; ils ne voudront jamais que les filles les surpassent. Les hommes ont toujours plus d’autorité. Les filles sont pédantes, si une fille est la première, elles vont nous traiter d’inferieurs. Nous, nous ne tolérons pas ce genre de choses. Parce que depuis la 7eme, les filles n’ont jamais été premières de la salle, ce sont les garçons qui ont la plus forte moyenne » (Extrait d’entretien, enquête de terrain de l’étudiante).

Les filles et des garçons ont une trajectoire scolaire différente qui est marquée par l’adoption des rôles sexués qui conduisent à la reproduction des rapports sociaux de sexe. Dans la lignée des travaux de Corinne de Boissieu, un concept voit le jour : « le genre scolaire » de Boissieu (2009) qui se définit comme « les manières différenciées d’être à l’école, sorte d’habitus scolaire, et la façon dont les élèves les incorporent ». (Mieyaa et al, 2012 : 9).

Ceci dit, le genre scolaire assimile la construction d’une identité d’élève-fille ou d’élève-garçon au fruit de la socialisation de genre et l’élaboration de l’identité sexuée en construction.

C’est un processus qui débute dès la tendre enfance dans l’interrelation des différents milieux de vie où filles et garçons mobilisent des attitudes et aptitudes commandées en majeure partie par le cadre familial. Plus tard, les groupes de pairs interviendront de manière significative dans la consolidation de ces attitudes différenciées dans les groupes de sexes.

À l’école primaire, l’idée de compétition, d’agressivité des garçons face à la docilité, le dialogue des filles se met en place. Et à l’adolescence, ils ne connaissent pas d’interruption. Qu’il se pose des doutes sur la capacité des filles en l’attribuant à une question naturelle, le problème, beaucoup plus profond, se trouve aussi au niveau de la perception des filles.

Minerve interrogée a déclaré :

« Les garçons sont turbulents ; je ne lie jamais d’amitié avec eux et je leur adresse la parole que très rarement » (Extrait d’entretien, enquête de terrain de l’étudiante).

Les rapports entre filles et garçons révèlent une opposition certaine entre ce qui est permis et ce qui ne l’est pas selon qu’on appartient à tel ou tel groupe sexué. Parfois, le rapport n’est pas obligé d’être frontal car un ensemble d’interdits tacites prennent naissance dans la constatation des liens eux-mêmes.

Ces interdits régissent les comportements des uns et des autres en renforçant la bicatégorisation sexuelle ; un ensemble de rejets, d’attitudes de mépris et d’abandon composent le tableau. Une sorte de conditionnement conduit à des autocensures et parfois à des attitudes de groupe foncièrement différentes.


Questions Fréquemment Posées

Comment le sexisme se manifeste-t-il dans les écoles secondaires en Haïti ?

L’analyse révèle la présence du sexisme en milieu scolaire, où les constructions sociales du féminin et du masculin impactent les rapports pédagogiques et désavantagent les filles par rapport aux garçons.

Quels sont les effets des comportements des garçons sur les filles dans les établissements scolaires ?

Les comportements des garçons, souvent décrits comme dérangeants ou violents, entraînent un retrait des filles qui prennent leurs distances, ce qui empêche l’établissement de rapports de collaboration.

Comment le système disciplinaire influence-t-il les relations entre filles et garçons dans les lycées ?

Le système disciplinaire, s’il est moins rigide, peut mener à des dérives dans les interactions entre filles et garçons, renforçant l’idée que les filles sont dociles et les garçons plus actifs.

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