La répression du mariage forcé en RDC révèle une réalité alarmante : malgré des lois existantes, les autorités judiciaires négligent cette infraction au profit d’autres crimes sexuels. Cette étude met en lumière les conséquences socio-juridiques de cette insuffisance, appelant à une prise de conscience urgente.
L’acte répréhensible
Comme pour la qualité requise, il y a une différence entre les actes prévus par l’article 336 du code de la famille et ceux de l’article 174f du code pénal livre II.
1° Pour le code de la famille :
Deux actes peuvent constituer l’incrimination de mariage forcé. Il s’agit notamment d’une contrainte exercée à personne pour se marier, ainsi que de l’empêchement de mauvaise foi à la conclusion d’un mariage régulier.
La contrainte exercée contre une personne à se marier :
La contrainte caractéristique de cette infraction consiste en toute violence physique ou morale exercée sur la victime. Il s’agit de tout fait ou toute attitude de nature à inciter ou à imposer un mariage à quelqu’un.
En d’autres termes, lacontrainte peut être(ou est) étendu comme une obligation, une exigence exercée à l’égard d’une personne, au moyen d’une pression, d’une coercition, d’une injonction, d’une menace, pour l’obliger à faire ce qu’elle ne veut pas faire. Il peut s’agir d’une contrainte physique (menace et violence) ou d’une contrainte morale (dol ou ruse) qui puisse obliger une personne à faire ce qu’elle ne veut pas faire.
En substance, il va de soi que cette contrainte doit être exercée en vue d’un mariage, et contre le gré de la victime.
L’empêchement de mauvaise foi à la conclusion d’un mariage régulier :
C’est l’action d’une personne qui fait obstacle à la conclusion d’un mariage régulier, par malhonnêteté en affirmant des mensonges contre l’un ou l’autre partenaire. Tel serait le cas d’une femme qui, par jalousie, découragerait le prétendant de la fille de sa voisine à la veille du constat d’un mariage à l’état civil, au motif que la fille est séropositive. Il en est de même d’un étudiant qui dissuaderait une fille de célébrer un mariage devant l’officier de l’état civil avec son ami à qui il impute l’impuissance sexuelle ou la sorcellerie.99
En d’autres termes plus simples, c’est le fait pour une personne de rendre irréalisable ou impossible la célébration du mariage par des manœuvres illicites. Il en sera ainsi d’une personne qui enlève et détient hors de vue le futur époux ou la future épouse le jour même de la célébration du mariage aux fins de l’empêcher à se marier.
Pour le professeur Pierre AKELE, empêcher un mariage, c’est s’y opposer ou interdire sa célébration. Il s’agit donc de toute attitude, tout fait ou tout moyen tendant à interdire la célébration d’une union remplissant toutes les conditions légales. C’est le cas du religieux qui
menace d’excommunication un fiancé s’il se marie avec sa future épouse ; ou encore d’un sorcier qui prédit un malheur en cas de réalisation d’une promesse de mariage.100
De plus, l’empêchement à la conclusion d’un mariage régulier suppose donc que le processus de réalisation de l’union conjugale soit pratiquement achevé. Ceci signifie que la loi protège ici spécialement le futur époux, c’est-à-dire le ou la fiancé(e) ou toute autre personne qui s’est engagée dans une promesse de mariage.
2° Pour le code pénal tel que complété et modifié :
Deux actes également sont réprimés dans le cade du code pénal congolais. Il s’agit notamment du don en mariage ou en vue du mariage et de la contrainte à se marier.
Le don en mariage ou en vue du mariage :
Il s’agit de l’offre d’une personne, quel que soit son sexe, en mariage ou en vue du mariage par un parent ou un tuteur sans rien exiger en contrepartie et contre le gré de la victime. Il en sera ainsi d’un père qui offre sa fille à épouser le fils de son voisin sans exiger quelque chose en contrepartie et ce, pour la consolidation de leur amitié.
La contrainte à se marier :
Sans qu’il soit nécessaire de reprendre les développements juridiques exposés par rapport à la contrainte à se marier dans le cadre du code de la famille, il importe toutefois de retenir que cette contrainte doit nécessairement être exercée en vue d’un mariage, et contre le gré de la victime. Ce serait l’hypothèse d’un tuteur qui impose à une fille de se marier avec son coreligionnaire au détriment du fiancé membre d’une autre communauté religieuse.
Le défaut de consentement
Le mariage est formé par le seul effet de la rencontre des consentements de deux partenaires. Mais le consentement n’oblige que si la volonté de ceux qui l’ont donné est saine, c’est-à-dire exempte de vices ; sinon le mariage n’est pas valable.
Autrement dit, le mariage est un contrat qui requiert pour sa validité le consentement personnel des futurs époux. Par conséquent, il n’y a point de mariage sans consentement des parties. Lorsqu’il se fait constater des vices de consentement dans le chef de l’une des parties au contrat de mariage, on parlera cette fois-là du défaut de consentement, c’est-à-dire qu’il n’y a pas eu accords de volonté entre les deux parties.
Dans le cas d’espèce, le défaut de consentement résulte de la violence, des menaces, de la ruse ou d’un environnement coercitif, dans lequel se retrouve la victime de cette incrimination.
C’est pourquoi, l’infraction de mariage forcé se réalise donc par l’absence de consentement de celui qui en est la victime et qui doit avoir manifesté son opposition à cette union forcée. A
défaut, il ne peut y avoir incrimination, c’est-à-dire que le consentement de la victime enlève au procédé son caractère infractionnel ; dès lors que la personne concernée est consentante, on ne sait parler de mariage forcé. Cette absence de consentement doit avoir un lien de causalité avec les violences et menaces exercées par l’une des personnes citées par la loi.
Cependant, le défaut de consentement résultant du dol ne peut constituer l’incrimination du mariage forcé car, sur base du principe : « en mariage, trompe qui peut »,les tromperies avancées par l’un des futurs époux sont acceptables. Le défaut ou l’absence de consentement doit résulter des contraintes (violences ou menaces) exercées à l’égard de la victime de cette infraction par l’une des personnes reprises dans la loi.
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99 MUTATA LUABA L., op. cit., p.417. ↑
100 AKELE ADAU P., op. cit., p.108. ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que le mariage forcé selon le droit congolais?
Le mariage forcé est caractérisé par une contrainte exercée sur une personne pour se marier, ainsi que par l’empêchement de mauvaise foi à la conclusion d’un mariage régulier.
Quels types de contraintes peuvent constituer un mariage forcé?
La contrainte peut être physique, comme des menaces ou de la violence, ou morale, comme des manœuvres de dol ou de ruse pour obliger une personne à se marier contre son gré.
Comment le code pénal congolais réprime-t-il le mariage forcé?
Le code pénal congolais réprime le don en mariage ou en vue du mariage sans le consentement de la victime, ainsi que la contrainte à se marier exercée contre le gré de la personne concernée.