Les stratégies de mise en œuvre pour lutter contre le mariage forcé en droit congolais révèlent une réalité troublante : les autorités judiciaires privilégient d’autres infractions au détriment de cette pratique persistante. Cette étude critique met en lumière les implications socio-juridiques cruciales pour la protection des droits des femmes à Kalemie.
Paragraphe 3. Nature juridique du mariage
Pour mieux comprendre cette notion de la nature juridique du mariage, il serait impérieux voire important d’analyser les deux concepts : le contrat et l’institution.
En effet, le mariage est à la fois un contrat et une institution. Il existe donc des arguments permettant de considérer que le mariage est un contrat et des arguments permettant de considérer qu’il s’agit d’une institution. Sans doute faut-il donc admettre que c’est à la fois un contrat et une institution.
Point 1. Le mariage est un contrat, un accord ou un engagement
Le contrat est un acte juridique résultant de l’accord des volontés pour donner naissance à un lien de Droit d’obligation entre parties. Le principe de l’autonomie contractuelle offre une grande latitude aux cocontractants quant à la détermination des modalités de leur engagement dès lors que cela ne contrarie pas aux lois qui intéressent les bonnes mœurs et l’ordre public. Les volontés interviennent également pour opérer une modification du contrat et y mettre un terme. Si l’une des parties ne respecte pas les obligations souscrites, elle engage sa responsabilité contractuelle.
Dans la même optique, la définition du mariage faite par l’article 330 du code de la famille vise l’acte constitutif du mariage. Sous cet angle, le mariage est un contrat que l’homme et la femme concluent. Il est fondamentalement un engagement que chacun des époux prend à l’égard de l’autre : engagement de vivre ensemble ; engagement de fidélité ; engagement d’assistance ; bref, un engagement pour la vie. C’est pourquoi, le mariage suppose nécessairement un accord de volonté entre les époux pour sa formation.30
En clair, le mariage est un contrat dans la mesure où il est créé par la volonté.31 La volonté est fondamentale dans la formation du mariage. Elle est aussi fondamentale dans la dissolution du mariage puisque, aujourd’hui, la volonté commune est la principale cause permettant le divorce. Le développement du divorce par consentement mutuel a renforcé l’aspect contractuel du mariage.
Le mariage est également un contrat solennel. Le contrat solennel est celui pour la validité duquel la loi exige que le consentement soit donné en certaines formes consistant souvent à la rédaction d’un acte notarié.32 Mais dans le cadre du mariage, ce contrat se conclut devant l’Officier de l’Etat Civil.
Dans la même perspective, nous sommes d’avis que le mariage revêt un caractère contractuel qui exige pour sa validité l’accord de volonté de chacune des parties ou de chacun des futurs époux car, le contrat lui-même, tel que ci-haut défini, comporte plusieurs conditions pour sa validité. Et parmi ces conditions bien indiquées à l’article 8 du code civil congolais livre III,33 fait partie l’accord de volonté des deux parties ou tout simplement leur consentement qui ne doit en aucun cas être vicié.
C’est pour cette seule raison que le mariage, en tant que contrat, a permis au législateur congolais de laisser la latitude aux parties ou aux futurs époux de se choisir eux-mêmes leur partenaire de vie et ce, sans y être contraint ou forcé par une main étrangère.
Point 2. Le mariage est une institution
Une institution peut être présentée comme une situation juridique dont les règles sont définies à l’avance par la loi et que la volonté ne peut modifier.34 Ce qui est institué, la chose instituée, devient une institution : l’institution du mariage civil, d’une réalité, d’une opération juridique.35
Néanmoins, outre qu’il s’agit d’un contrat, le mariage est bien plus qu’un simple contrat. Il crée une union entre l’homme et la femme qui s’engagent à vivre ensemble jusqu’au décès de l’un d’entre eux et pour partager leur commune destinée et pour perpétrer leur espèce. Il n’engendre pas seulement les rapports entre les époux, il crée une nouvelle famille. Il assure la filiation des enfants qui naitront et scelle l’alliance entre deux familles.36
Cet aspect fait du mariage une institution. Il est ainsi une espèce de corps social dépassant les volontés individuelles des époux.37
Pour Amélie DIONISI,38 le mariage est aussi une institution. C’est une institution dans la mesure où l’ordre public est omniprésent en la matière. Ainsi, rares sont les effets du mariage auxquels on peut déroger par contrat. De plus, le mariage fait entrer dans un statut, le statut de gens mariés, qui est un ensemble de règles impératives.
C’est aussi une institution en raison de l’intervention indispensable de l’autorité publique tant au stade de la formation qu’au stade de la dissolution. Le mariage est un acte solennel, qui ne peut être célébré que par un officier public après l’accomplissement de certaines formalités. Il ne peut être dissout que par un divorce qui est en France judiciaire.
Autrement dit, il ne peut être dissout sans l’intervention d’un juge.
En effet, une fois la volonté des époux exprimée, c’est l’officier de l’état civil qui prononce au nom de la loi le mariage. Le législateur congolais protège, certes, la liberté de consentement mais les vices pouvant être invoqués en Droit du mariage diffèrent de ceux qu’il est possible d’utiliser en Droit commun des contrats. Ainsi, le dol, c’est-à-dire le recours à une manœuvre frauduleuse incitant à contracter, est exclu pour fonder une action en nullité relative du mariage.39
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30 KIFWABALA TEKILAZAYA J.-P., op. cit., pp.201-202. ↑
31 DIONISI PEYRUSSE A., op. cit., p.51. ↑
32 KALONGO MBIKAY S., Notes de cours de Droit civil : les obligations, Troisième année de Graduat, Université de Kinshasa, Faculté de Droit, 2003, p.132, inédit. ↑
33 L’article 8 du décret du 30 juillet 1888 relatif aux contrats et aux obligations conventionnelles dispose : « Quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention : le consentement de la partie qui s’oblige ; sa capacité de contracter ; un objet certain qui forme la matière de l’engagement; une cause licite dans l’obligation ». ↑
34 LAROUSSE P., Dictionnaire petit LAROUSSE, éd. Larousse, Québec, 2009, p.542. ↑
35 PICOTTE J., Juridictionnaire : recueil des difficultés et des ressources juridiques, éd. Université de Moncton, Moncton, 2018, p.1930. ↑
36 KIFWABALA TEKILAZAYA J.-P., op. cit., p.202. ↑
38 DIONISI PEYRUSSE A., op. cit. ↑
Questions Fréquemment Posées
Qu’est-ce que le mariage en tant que contrat?
Le mariage est un acte juridique résultant de l’accord des volontés pour donner naissance à un lien de Droit d’obligation entre parties.
Pourquoi le mariage est-il considéré comme une institution?
Le mariage est bien plus qu’un simple contrat; il crée une union entre l’homme et la femme qui s’engagent à vivre ensemble et à partager leur destinée.
Quelles sont les conditions de validité du mariage selon le code civil congolais?
Parmi les conditions de validité du mariage, il y a l’accord de volonté des deux parties, qui ne doit en aucun cas être vicié.