La responsabilité de l’expert-comptable est souvent sous-estimée, pourtant elle est cruciale dans la gestion des risques fiscaux des PME. Cette recherche révèle comment une approche méthodologique innovante peut transformer l’audit fiscal, offrant des solutions essentielles pour renforcer la confiance des clients et protéger leur réputation.
§ 4. Responsabilité de l’expert-comptable
L’expert-comptable assume la responsabilité de ses travaux et ce conformément à l’article 6 de la loi n°88-108 du 18 août 1988 qui dispose : « Les personnes inscrites au tableau de l’ordre assument la responsabilité de leurs travaux.
Elles doivent observer les dispositions législatives et réglementaires en vigueur et notamment celles régissant la profession ainsi que le règlement intérieur de l’ordre ».
109 L’article 21 du CDP dispose : « tout professionnel doit faire preuve de la plus grande discrétion dans l’exercice de la profession pour préserver la dignité et l’honneur de celle-ci ».
110 Article 32 du Règlement de déontologie des experts comptables (Belgique).
L’expert comptable, dans l’exercice de sa mission d’audit fiscal, doit respecter un ensemble de règles dans la conduite de ses missions. Dans l’exercice de ses fonctions, il peut commettre des manquements à ces règles ce qui risquent d’engager sa responsabilité sur le plan civil (4.1), pénal (4.2) et disciplinaire (4. 3).
- Responsabilité civile de l’expert-comptable
La mission d’audit fiscal doit être distingué nettement :
- de l’audit légal ;
- des missions spécifiques touchant à la fiscalité, qui peuvent par ailleurs être confiées par le client à son expert-comptable en marge d’une mission d’établissement des comptes annuels.
L’une des caractéristiques de la mission d’audit fiscal est qu’elle intervient pour détecter les risques fiscaux et améliorer, ensuite, la gestion des risques par les mesures correctrices qu’il peut suggérer (gestion du risque fiscal après coup).
L’étendue de la responsabilité civile de l’auditeur fiscal varie en fonction des termes de la lettre de mission qui apparaît en quelques sortes comme la loi des parties dans la mesure où il n’existe aucun texte, aucune norme auxquels les parties puissent se référer.
A cet effet, afin de délimiter la responsabilité civile de l’auditeur fiscal, les parties doivent prendre soin de préciser si la mission envisagée procède à un contrôle de la régularité ou à un contrôle de la régularité suivi d’un contrôle d’opportunité.
En Tunisie, la responsabilité de l’auditeur fiscal vis-à-vis de son client trouve son origine légal dans l’article 89 du COC qui dispose: « un simple conseil ou une recommandation n’engage pas la responsabilité de son auteur, si ce n’est dans las cas suivants:
- …….
- lorsque, étant intervenu dans une affaire, en raison de ses fonctions, il a commis une faute lourde, ne pouvant être commise par une personne dans sa position, et qu’il en est résulté un dommage pour l’autre partie;
- lorsqu’il a garanti le résultat de l’affaire.»
Du fait que la mission d’audit fiscal vise deux objectifs: l’audit de compliance ou de conformité et l’audit d’opportunité. Le professionnel pourra, selon le cas, devoir111:
- Mettre en garde le client contre les risques fiscaux pris du fait de décisions de gestion, d’erreurs ou d’omissions connues ou décelées, et ce, même si un avis ne peut être émis qu’à posteriori;
111 P.Bourhis, Le devoir de conseil en matière fiscale, Revue: Economie et Comptabilité n°168, Octobre 1989.
- En présence de choix fiscaux, exposer l’ensemble des possibilités fiscales (dans la mesure où la lettre de mission stipule le contrôle de l’efficacité fiscale) ou suggérer qu’une étude approfondie d’opportunité soit effectué dans le cadre d’une extension de la mission principale (dans la mesure où la lettre de mission stipule uniquement le contrôle de la régularité fiscale).
L’absence de mise en garde
La mise en garde peut s’imposer tant en début qu’en cours de mission. Lorsque, en début de mission, des risques fiscaux sont identifiés à l’occasion de la prise de connaissance du dossier, l’auditeur fiscal aura intérêt à les porter à la connaissance de son client.
La régularisation des erreurs ou omission génératrices de risques fiscaux, dès lors qu’elles ont été signalées relève de la seule responsabilité de l’entité auditée.
L’absence de mise en garde engageant la responsabilité civile de l’auditeur fiscal concerne essentiellement le non respect des règles fiscales courantes notamment dans le cadre d’un audit fiscal envisagée dans une opération d’acquisition d’entreprises (travaux de due diligence).
En tout état de cause, si les risques signalés venaient à se réaliser, le professionnel ne pourrait en être tenu pour responsable, sa responsabilité ne se trouvant engagée que pour ses propres fautes. En cours de mission, l’auditeur fiscal peut être confronté à des décisions de gestion ou à des erreurs de l’entreprise génératrices de risques fiscaux112. Dans la mesure où l’auditeur fiscal a eu connaissance de faits qu’il estime générateurs de risques fiscaux, il lui appartient de mettre en garde l’entreprise.
Le défaut de mise en garde du client contre les conséquences fiscales possibles d’erreurs ou omissions commises par lui, et connues de l’expert-comptable est de nature à constituer une faute, quand bien même les omissions en cause résulteraient d’une volonté délibérée du client.
Le défaut de conseil exigible en face de choix fiscaux
En présence d’une lettre de mission stipulant le contrôle de l’efficacité fiscale, l’auditeur fiscal devra s’assurer de l’inexistence d’options ou d’opportunités fiscales permettant d’optimiser la gestion fiscale de l’entité auditée.
Selon P.Bourhis113, si l’on admet que le contribuable adopte un comportement fiscal guidé par la seule rationalité fiscale, il choisira (options) ou demandera à bénéficier (agréments) du régime fiscal qui minimisera sa charge fiscale globale. A défaut, une surimposition peut apparaître, constitutive d’un préjudice réparable par le professionnel qui soit, soit aura manqué à son devoir de conseil, soit ne pourra apporter la preuve de l’accomplissement de diligences normales en la
112 Op. cit.
113 P.Bourhis, Le devoir de conseil en matière fiscale, Revue: Economie et Comptabilité n°168, Octobre 1989.
matière (notamment dans le cas où la mission d’audit fiscal porte uniquement sur l’audit d’opportunité).
A notre avis, la responsabilité civile de l’auditeur fiscal, en cas de contrôle de l’efficacité fiscale, ne peut être retenue que pour les choix fiscaux tactiques courants du fait que l’opportunité du choix stratégique doit généralement être appréciée dans le contexte économique global de l’entreprise et non du seul point de vue fiscal. Compte tenu de cette complexité, il est plus souvent difficile de prouver la responsabilité civile de l’auditeur fiscal pour les choix fiscaux stratégiques.
Selon P.Bourhis, le principe retenu en matière de la responsabilité civile de l’auditeur fiscal est que le principal de l’impôt n’est pas dommageable lorsque le contribuable était en tout état de cause redevable de cette somme.
L’exception à cette règle et qui conduit au paiement partiel ou intégral de l’impôt par l’auditeur fiscal est possible lorsqu’il apparaît que le client n’aurait pas été redevable de l’impôt supplémentaire en l’absence de faute du professionnel. Cette exception peut résulter d’un manquement aux obligations de diligence normale ou bien au devoir de conseil114.
De même, aux termes de l’article 99 du CDPF, lorsque l’auditeur établit ou aide à établir de faux comptes ou de faux documents comptables dans le but de minorer l’assiette de l’impôt lui-même est tenu solidairement avec leur clients du paiement du principal de l’impôt et des pénalités y afférentes.
Seules les sanctions fiscales sont constitutives alors d’un préjudice réparable lorsqu’elles résultent d’une faute de l’auditeur fiscal. Ce principe a été rappelé en droit comparé dans un jugement de grande instance de Paris en date de mars 1985 : « Attendu que le préjudice réparable ne peut résulter que de l’application des pénalités de retard et non d’une imposition dont X(client) était redevable en toutes hypothèses ».
Si des sanctions fiscales constituent l’accessoire d’un impôt qui, en principal, engage la responsabilité d’un auditeur fiscal, celles-ci constituent, au même titre que les droits rappelés, un préjudice réparable.
De même les sanctions du non respect des règles fiscales courantes constituent un dommage réparable à condition qu’ils résultent d’un comportement fautif du professionnel au regard de ses obligations contractuelles.
- Responsabilité pénale de l’expert-comptable
114 P. Bourhis, dommages d’origine fiscales et responsabilité civile professionnelle dans le cadre des missions d’établissement des comptes , RFC n°201, Mai 1989, p.77-80.
Outre le cas de violation du secret professionnel, l’auditeur fiscal ne peut être poursuivi sur le plan pénal que dans les deux cas suivants:
- Due diligence fiscale pour les opérations d’acquisition d’entreprises: Parfois, c’est le vendeur lui-même qui prend l’initiative de la mission d’audit ou de due diligence fiscale. Ne souhaitant pas mettre à la disposition des acquéreurs potentiels des documents qu’il peut juger confidentiels, il peut solliciter la réalisation d’une mission d’audit afin d’obtenir l’opinion d’un tiers indépendant sur les risques fiscaux auxquels est exposée l’entité qu’il envisage de céder115. Dans ce cas, la responsabilité pénale de l’auditeur fiscal est établie (en tant que complice ou auteur de l’infraction) que si certaines conditions ont été réunies à savoir:
- l’accomplissement d’un acte positif qui consiste à établir ou à aider à établir de fausse évaluation des risques fiscaux ;
- la participation volontaire et consciente de l’auditeur fiscal à la réalisation de l’acte ;
- le mobile et le but poursuivi qui est de permettre à son client, la minoration du passif fiscal.
Audit fiscal à blanc (autre que le cas d’opérations d’acquisition d’entreprises):
La responsabilité pénale ne peut être retenue que si l’auditeur fiscal a simulé des situations juridiques ou participé à des montages juridiques afin d’éluder l’impôt.
La sanction fiscale est instituée par l’article 99 du CDPF qui dispose : « Sont punis d’un emprisonnement de seize jours à trois ans et d’une amende de 1.000 dinars à 50.000 dinars, en sus du retrait de l’autorisation d’exercer, les agents d’affaires, conseils fiscaux, experts et toutes autres personnes qui font profession indépendante de tenir ou d’aider à la tenue de comptabilité et qui ont sciemment établi ou aidé à établir de faux comptes ou de faux documents comptables dans le but de minorer l’assiette de l’impôt ou l’impôt lui-même. Ces personnes sont, en outre, tenues solidairement avec leurs clients du paiement du principal de l’impôt et des pénalités y afférentes éludés par leurs agissements.
La même peine est applicable aux personnes chargées de réaliser ou de mettre en place les systèmes ou applications informatiques relatifs à la tenue de comptabilité ou à l’établissement des déclarations fiscales au cas où elles accomplissent les faits prévus au paragraphe premier du présent article ».
- Responsabilité disciplinaire de l’expert-comptable
La responsabilité disciplinaire de l’expert comptable a pour fondement le code des devoirs professionnels, le règlement intérieur de l’ordre, les normes professionnelles en vigueur et en
115 M.H.Pinard-Fabro, Audit fiscal, Editions Francis Lefebvre, 2008, p.14.
général la réglementation professionnelle relative à la profession d’expert comptable qui définit les obligations ainsi que les usages de la profession.
La responsabilité disciplinaire de l’expert comptable peut être mise en cause à la suite de toute réclamation ou toute plainte, relative à des faits susceptibles d’entraîner des poursuites disciplinaires ou bien à la suite de toutes infractions à la réglementation professionnelle et au règlement intérieur de l’ordre.
Les dites plaintes devraient être déposées au président de la chambre de discipline.
La chambre de discipline, instituée par l’article 27 de la loi n°88-108 du 18 août 1988 portant refonte de la législation relative à la profession d’expert comptable peut prononcer à l’encontre de l’expert comptable des peines disciplinaires qui varient en fonction de la gravité de la faute.
La peine peut être l’avertissement comme il peut être un blâme écrit, une suspension de l’ordre de un à cinq ans, voire même la radiation du tableau de l’ordre.
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109 L’article 21 du CDP dispose : « tout professionnel doit faire preuve de la plus grande discrétion dans l’exercice de la profession pour préserver la dignité et l’honneur de celle-ci ». ↑
110 Article 32 du Règlement de déontologie des experts comptables (Belgique). ↑
111 P.Bourhis, Le devoir de conseil en matière fiscale, Revue: Economie et Comptabilité n°168, Octobre 1989. ↑
113 P.Bourhis, Le devoir de conseil en matière fiscale, Revue: Economie et Comptabilité n°168, Octobre 1989. ↑
114 P. Bourhis, dommages d’origine fiscales et responsabilité civile professionnelle dans le cadre des missions d’établissement des comptes , RFC n°201, Mai 1989, p.77-80. ↑
115 M.H.Pinard-Fabro, Audit fiscal, Editions Francis Lefebvre, 2008, p.14. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quelle est la responsabilité de l’expert-comptable dans l’audit fiscal ?
L’expert-comptable assume la responsabilité de ses travaux conformément à l’article 6 de la loi n°88-108 du 18 août 1988, qui stipule que les personnes inscrites au tableau de l’ordre assument la responsabilité de leurs travaux.
Quels sont les risques encourus par l’expert-comptable lors d’une mission d’audit fiscal ?
L’expert-comptable peut commettre des manquements aux règles de conduite de ses missions, ce qui risque d’engager sa responsabilité sur le plan civil, pénal et disciplinaire.
Comment l’audit fiscal aide-t-il à gérer les risques fiscaux dans les PME ?
La mission d’audit fiscal intervient pour détecter les risques fiscaux et améliorer la gestion des risques par des mesures correctrices que l’expert-comptable peut suggérer.