Les défis de l’approvisionnement légal bois en Côte d’Ivoire révèlent une réalité alarmante : seulement 16% du bois provient de sources légales. Cette étude met en lumière les causes profondes de ce dysfonctionnement et propose des solutions cruciales pour une gestion durable des ressources forestières.
ANALYSE DU DYSFONCTIONNEMENT DE L’APPROVISIONNEMENT DU MARCHÉ LOCAL
Le marché local est confronté à plusieurs difficultés. Elles sont perçues par les résultats de l’enquête à travers le vote pondéré entrepris.
Elles sont codifiées par les lettres alphabétiques allant de A à K. Ainsi, il est retenu :
- le prix élevé et inaccessible du bois usiné, en qualité et quantité, d’origine légale (A) ;
- le vide juridique sur le volume du bois légal à céder au marché local (B) ;
- la clandestinité du sciage à façon ou artisanal (C) ;
- les dégâts importants de l’exploitation forestière légale sur les cultures (D) ;
- la mauvaise surveillance des périmètres d’exploitation forestière (E) ;
- le faible rendement des outils de scierie (F) ;
- les pratiques agricoles par la coupe rase des arbres (G) ;
- la non-immatriculation des « terres sans maître » (H) ;
- le prix d’achat dérisoire de l’arbre à l’exploitation (I) ;
- la non-valorisation de la sciure et des déchets (J) ;
- et l’absence de scierie au-dessus du 8ème parallèle (K).
Au plan économique
Prix élevé et inaccessible du bois usiné, en qualité et quantité, d’origine légale (A)
Les prix d’achat des sciages industriels sont entre 12 % et 56 % plus élevés que ceux pratiqués sur le marché local dominé par le bois d’origine illégale. Cependant, l’Iroko illégal est vendu plus chère ( 4%). Les commandes effectuées par les commerçants ne sont pas toujours satisfaites.
Quelques rares fois, les livraisons sont faites mais, pas à temps. Le bois disponible n’est pas toujours de bonne qualité. Les résidus de sciage industriel sont régulièrement vendus aux commerçants (Figure 38). Le bois de meilleur qualité est exporté.
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Figure 38 : Résidus de bois usinés, vendus sur le marché local.
Source : FAO, 2020
Prix d’achat dérisoire de l’arbre à l’exploitation (I)
Lors de l’exploitation forestière, les arbres sont acquis à un coût dérisoire par apport à la valeur du m3 pratiquée sur les marchés. Un arbre dont le volume varie entre 3 m3 et 20 m3 est négocié auprès du paysan à 15 000 f CFA en moyenne.
Alors que, le commerçant achète en moyenne le m3 à 142 500 f CFA (le bois légal) et 116 319 f CFA (le bois illégal).
Au plan réglementaire
Vide juridique sur le volume du bois légal à céder au marché local (B) ;
Le décret n°73-490 du 11 octobre 1973 oblige les industries de première transformation à commercialiser un pourcentage de leur production sur le marché local. Toutefois, il a été très peu suivi d’effet dans la mesure où l’arrêté qui doit préciser ce pourcentage n’a pas été pris.
En plus, la demande nationale en bois débité (1 460 896 m3 en 2021) est supérieure à la production nationale légale (1 044 869 m3 en 2021).
Clandestinité du sciage à façon ou artisanal (C)
La réglementation de l’exploitation forestière induit l’abandon des coursons et houppiers une fois les grumes récupérées. Or, la rareté de la ressource implique que ces rebuts de l’exploitation forestière sont susceptibles d’être valorisés afin d’accroître l’offre actuelle de bois.
Le cadre juridique n’offre pas suffisamment de clarté quant à la possibilité ou non de valoriser cette ressource. Ce volume non négligeable de bois abandonné peut être récupéré par le sciage artisanal.
Au plan technologique
Dégâts importants de l’exploitation forestière légale sur les cultures (D)
Dans les plantations, les exploitants doivent améliorer leur technique d’abattage et de récolte de bois en vue de réduire considérablement les dégâts occasionnés sur les cultures.
Faible rendement des outils de scierie (F)
Une part importante (55 m3) du bois en grumes est perdue lors du sciage. Les nouvelles techniques et machines doivent être employées pour optimiser la production et récupérer les déchets.
Pratiques agricoles par la coupe rase des arbres (G)
Les pratiques agricoles actuelles se font par un déboisement total des terres. Car les arbres sont considérés comme des concurrents aux plants cultivés. Or en réalité, les arbres sont les véritables alliés de l’agriculteur.
Ce dernier devra adopter les bonnes pratiques agricoles, intégrant l’usage des arbres.
Non-valorisation de la sciure (J)
La sciure et les autres déchets sont abandonnés ou brûlés dans les scieries. Leur valorisation est plus que nécessaire dans cet environnement de raréfaction de la ressource (Figures 39 à 41).
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Figure 39 : Sciure de bois déversée pour incinération.
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a : Amas de sciure. b : Déchets de déroulage.
Figure 40 : Scierie encombrée par la sciure de bois et les déchets de déroulage.
Source : Auteur, 2022 ; à partir des données d’enquêtes
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Figure 41 : Rebuts de billes de déroulage.
Source : Auteur, 2022 ; à partir des données d’enquêtes
Absence de scieries au-dessus du 8ème parallèle (K)
Les scieries sont inégalement reparties sur l’ensemble du territoire national. Toutes les régions au-dessus du 8ème parallèle ne bénéficient pas de scieries.
Ce fait y favorise l’exploitation frauduleuse des rares ressources difficilement constituées.
Au plan organisationnel
Mauvaise surveillance des périmètres d’exploitation forestière (E) ;
Les propriétaires de périmètre d’exploitation forestière (PEF) ne surveillent pas suffisamment leur domaine. Ainsi, les clandestins y opèrent aisément.
Non-immatriculation des terres sans maître (H) ;
Les terres sans maître sont exposées au sciage clandestin. Leur immatriculation ou classement est susceptible de dissuader les scieurs clandestins.
Évaluation des causes par le « vote pondéré »
Afin de cerner l’ampleur de ces problèmes, ceux-ci sont évalués par un vote pondéré. Les difficultés recensées sont classées par urgence dans le Tableau XXII, en fonction de la moyenne de points obtenue.
Tableau XXII : Difficultés identifiées par les enquêtés au moyen du vote pondéré.
Tableau XXII : Difficultés identifiées par les enquêtés au moyen du vote pondéré | |
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Paramètre/Critère | Description/Valeur |
Prix élevé du bois usiné (A) | Difficulté majeure identifiée |
Vide juridique (B) | Problème réglementaire |
Clandestinité du sciage (C) | Problème d’exploitation illégale |
Dégâts sur cultures (D) | Impact environnemental |
Mauvaise surveillance (E) | Problème organisationnel |
Faible rendement (F) | Problème technologique |
Pratiques agricoles (G) | Problème cultural |
Non-immatriculation (H) | Problème foncier |
Prix dérisoire (I) | Problème économique |
Non-valorisation (J) | Problème de gestion des déchets |
Absence de scieries (K) | Problème d’infrastructure |
Source : Auteur, 2022 ; à partir des données d’enquêtes
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les principaux défis de l’approvisionnement légal en bois à Abidjan ?
Les principaux défis incluent le prix élevé et inaccessible du bois usiné d’origine légale, le vide juridique sur le volume de bois légal à céder, et la clandestinité du sciage artisanal.
Pourquoi le bois d’origine légale est-il plus cher que le bois illégal ?
Les prix d’achat des sciages industriels d’origine légale sont entre 12 % et 56 % plus élevés que ceux du bois d’origine illégale, ce qui rend le bois légal moins accessible sur le marché local.
Comment améliorer l’approvisionnement légal en bois en Côte d’Ivoire ?
Pour améliorer l’approvisionnement légal, il est nécessaire d’adopter de nouvelles techniques de sciage, de valoriser les déchets de l’exploitation forestière, et de clarifier le cadre juridique concernant la commercialisation du bois.