Comment les modèles d’affaires innovants redéfinissent l’expertise comptable ?

Pour citer ce mémoire et accéder à toutes ses pages
🏫 Université de Sfax pour le Sud - Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Sfax - Commission d'Expertise Comptable
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de diplôme d'expertise comptable - 2002-2003
🎓 Auteur·trice·s
Sofiane GARGOURI
Sofiane GARGOURI

Les modèles d’affaires innovants transforment radicalement la profession d’expert-comptable, remettant en question les pratiques traditionnelles. Cette étude révèle comment les nouvelles technologies redéfinissent les missions et ouvrent la voie à des opportunités inédites, essentielles pour naviguer dans l’économie numérique.


Section 2 :

Les nouveaux modèles d’affaires

Comme nous l’avons souligné dans la section précédente, l’intégration des nouvelles technologies passe nécessairement par un changement d’attitude et de mentalité vers un modèle culturel gouverné par de nouveaux mécanismes : ceux de la société de l’information et de la nouvelle économie du savoir. Ce nouveau modèle culturel fait émerger de nouveaux modèles d’affaires (ou business models) comme le travail autonome (§1), l’externalisation et la sous-traitance (§2), la coopétition (§3) et les partenariats et les alliances (§4).

§1. Le travail autonome

Profitant de l’efficacité et de la souplesse des nouveaux moyens de communication, un nombre croissant de salariés franchissent le pas et « se mettent à leur compte ». Ils deviennent des travailleurs autonomes. Le travailleur autonome (self-employed worker) est son propre patron : il négocie sa rémunération avec ses clients et assure la pleine gestion de son cadre de travail.

Selon Louis-Jacques FILION1, cinq dimensions reviennent régulièrement lorsqu’il s’agit de définir le travailleur autonome :

  • Autonomie face aux clients : Le travailleur autonome est une personne qui choisit librement ses clients et qui en a généralement plus d’un.
  • Autonomie d’organisation : Le travailleur autonome possède généralement ses propres outils de travail, bien qu’il utilise de temps en temps les ressources des clients pour lesquels il travaille.
  • Solitude dans la pratique de son travail : Même s’il interagit avec plusieurs personnes dans l’exercice de son activité, le travailleur autonome travaille essentiellement seul. Certains professionnels free-lance2 confient en sous-traitance les surplus occasionnés lors des périodes de pointe. D’autres embauchent du personnel à temps plein ou à temps partiel.
  • Lieu de travail : Certains considèrent que, pour appartenir à la catégorie des travailleurs autonomes, il faut travailler à domicile. D’autres n’accordent pas d’importance à ce critère.

1 Louis-Jacques FILION. Travail autonome : des volontaires et des involontaires. Vers de nouvelles formes de pratiques entrepreneuriales. Gestion. Volume 24. Numéro 4. Hiver 2000.

2 A l’origine, ce terme désignait spécifiquement les travailleurs autonomes du secteur des communications.

  • Statut juridique : Certains travailleurs autonomes sont constitués en société, d’autres non. Les rapports statistiques font également la différence entre les travailleurs autonomes à temps plein et ceux à temps partiel.

On retrouve le travail autonome dans divers domaines d’activité, y compris celui de la comptabilité. Par exemple, le travail autonome peut être intéressant pour les collaborateurs ayant passé cinq ou six ans au sein du même cabinet et qui désirent démarrer leur propre carrière professionnelle. Grâce à cette formule, l’ex-patron résorbera une partie de ses frais fixes et améliorera ainsi l’efficience de sa gestion alors que le collaborateur aura minimisé le risque inhérent au démarrage de son activité. Son activité sera en effet assurée par un carnet de commandes garanties contractuellement par son ancien employeur. Progressivement, ce dernier ne sera plus le seul à pourvoir le nouveau travailleur autonome en commandes.

Le professionnel free-lance qui n’a qu’un seul client perd son autonomie face aux clients et parfois même son autonomie d’organisation. Il ne peut donc pas être traité de travailleur autonome. D’ailleurs, dans cette configuration, le professionnel ne peut pas développer les compétences de son choix puisque le client (généralement un ex-patron) lui impose les missions qu’il a toujours exercées et dans lesquelles il est le plus efficient. Toutefois, cette situation peut ne constituer qu’une étape vers une autonomie que le professionnel free-lance aura gagnée par sa persévérance et son sens du contact.

§2. L’externalisation et la sous-traitance

Aujourd’hui, la focalisation sur le (ou les) métier(s) de base est un souci majeur de toutes les entreprises y compris les cabinets d’expertise comptable. Selon l’évaluation de l’apport d’un processus à la stratégie de l’entreprise, celui-ci sera ou non candidat à une externalisation, partielle ou totale. Par exemple, tant qu’il jugera insuffisant le nombre ou l’importance des missions de gestion de la paie qu’il assure, l’expert-comptable peut externaliser la préparation des fiches et états de paie chez un comptable indépendant ou une société de service informatique. Entre autres gains, cette démarche lui permet de remplacer un coût fixe (amortissement du logiciel de gestion de la paie) par un coût variable (honoraires du prestataire externe).

D’ailleurs, le biais technologique et les moyens de communication puissants donnent à l’externalisation une dimension internationale. Grâce à Internet, certains cabinets tunisiens effectuent la saisie comptable pour le compte de cabinets ou d’entreprises françaises.

Comparée à l’externalisation, la sous-traitance est un concept plus ancien qui consiste à externaliser non pas des fonctions ou des processus entiers mais simplement un surplus de travail que l’on sait conjoncturel et qui ne peut être assuré par les moyens propres de l’entreprise. Au sein de la profession comptable, la sous-traitance est déjà largement utilisée. Le contexte actuel contribuera vraisemblablement à banaliser et rationaliser le recours à ce mode de collaboration.

§3. La coopétition1

Le client a besoin de disposer d’une vision claire du professionnel auquel il fait appel, de son métier de base, de ses points forts, etc. A l’avenir, il ne faudra plus vendre à tout prix, mais se positionner correctement et prendre le risque, mesuré certes, de rediriger certains clients potentiels vers des confrères mieux armés pour les servir. Ce faisant, le professionnel gagne tant la confiance du client que l’estime du confrère. Il aura également maximisé les chances d’être contacté par le client en question à la première occasion que celui-ci aura un besoin dans son domaine de compétence.

Le néologisme « coopétition » désigne le mélange constant entre coopération et compétition. Le concept est né de l’observation des pratiques commerciales des principaux prestataires de services informatiques : Microsoft, IBM, Apple, Oracle, Sony, etc. Ainsi par exemple, IBM affirme sur son site Web qu’il est « le meilleur intégrateur de Windows NT », l’un des produits phares de Microsoft. Il en va de même pour Oracle qui intègre des bases de données sous Windows NT.

Mais la mise en œuvre d’un tel concept nécessite certains préalables et conditions. D’abord, la coopétition présuppose un changement considérable des mentalités. Chaque opérateur doit avoir l’honnêteté intellectuelle et la lucidité nécessaires pour avoir conscience de ses atouts et de ses faiblesses. Focalisant à souhait sur le client et sur sa perception de la valeur ajoutée produite par une profession ou un secteur, le concept de coopétition fait fi des barrières culturelles à la communication entre les concurrents.

Ensuite, il faut dégager un consensus autour du choix de la spécialisation, garant incontournable d’un service de qualité. Enfin, il est nécessaire de créer et d’entretenir des réseaux de prestataires complémentaires destinés à faire corps unique face à une clientèle aux besoins de plus en plus complexes.

§4. Partenariats et alliances

Toutes les professions libérales doivent aujourd’hui faire face aux évolutions de la donne économique et technologique et des attentes de leurs clients. Pour des raisons de disponibilité, de confidentialité, voire de faculté contributive, ces derniers préféreraient nettement recourir à un professionnel unique. Mais on s’est rendu compte qu’un homme seul ne peut pas sérieusement prétendre répondre à toutes leurs attentes. La diversité des besoins et la complexité croissante de l’environnement impliquent nécessairement la spécialisation et l’assistance d’autres professionnels.

Au niveau de la profession d’expert-comptable, le nombre de disciplines mises en œuvre s’élargit à mesure de la complexification des problèmes à traiter. Dans l’audit par exemple, la mise en œuvre simultanée de plusieurs disciplines renforce la crédibilité de l’auditeur et le fondement de son opinion. La pluridisciplinarité est en train de devenir une nécessité incontournable.

Pendant plusieurs années, la pluridisciplinarité a été l’apanage des grandes structures et plus particulièrement des grands cabinets internationaux. Toutefois, l’impératif d’indépendance et la séparation audit/ conseil qui s’en suit joue en défaveur du développement de la pluridisciplinarité. D’ailleurs, le mouvement de scissions des branches audit et conseil des grands cabinets internationaux illustre parfaitement la nécessaire évolution de la pluridisciplinarité vers l’interprofessionnalité.

La Conférence des bâtonniers de France, au cours de son audition1, a mis en exergue l’intérêt de la constitution de réseaux interdisciplinaires (notamment avec les experts-comptables…) afin d’enrichir l’activité de conseil aux entreprises et de rechercher une plus grande compétitivité. Publié en 1998, le rapport Nallet2 soulignait l’importance des réseaux interdisciplinaires. Ce rapport a pointé les avantages de l’interdisciplinarité qui offre une mutualisation des compétences et des spécialités susceptible d’améliorer la qualité de la prestation juridique et permet aux cabinets (français) de lutter à armes égales avec leurs véritables compétiteurs que sont les cabinets anglo-saxons plus encore que les grands réseaux.

La profession comptable devrait, elle aussi, adopter clairement l’interprofessionnalité. Toujours afin de mieux servir leurs clients, les experts-comptables doivent coopérer, non seulement entre eux (concept de coopétition exposé au paragraphe précédent), mais également avec d’autres professions réglementées et non réglementées (avocats, ingénieurs, etc.).

Tant au niveau des cabinets qu’au niveau de toute la profession, il faut cultiver d’un côté les dominantes de spécialité et d’un autre côté les réseaux de compétences. Pour ce faire, il faut notamment :

  • Optimiser la communication,
  • Développer les compétences en rapport avec les besoins exprimés,
  • Renforcer l’utilité des prestations rendues,
  • S’imposer en premier ce qui paraît constituer la demande future des clients (exemples : démarches qualité, gestion de projets, management de la compétence et du savoir, investissement de formation).

Plus généralement, les stratégies d’alliance débordent le cadre de l’interprofessionnalité pour inclure tous genres de partenariats, associations et coopérations. L’intérêt majeur de l’alliance est qu’elle permet de partager sur deux ou plusieurs entités ou organismes (dans la durée), les coûts de développement et les coûts liés au changement. Elle donne également accès aux ressources des partenaires sur le court et le long terme, via des mécanismes de coordination et d’échange convenus.

Au niveau des professionnels, l’exemple type de cette stratégie est le développement des réseaux de cabinets internationaux qui mettent en commun la dénomination et les ressources et profitent des synergies en vue de s’adresser à une clientèle mondiale. L’affiliation à des réseaux internationaux est à la fois très recherchée et très utilisée en Tunisie.

Au niveau de la profession, la stratégie d’alliance figure parmi les éléments à prendre en compte dans la mise en œuvre des « axes stratégiques du développement de notre profession »3. Evoquant d’abord les alliances avec les autres professions, cette étude ne manque pas d’insister sur l’alliance avec l’université et d’autres organismes. Selon les auteurs

1 Quels métiers pour quelle justice ? Document disponible à l’adresse http://www.senat.fr

2 Ministre de La Justice français à l’époque.

3 Etude élaborée par la Commission de Développement de la Profession relevant du Conseil de l’OECT. Voir ci-après l’introduction de la section 3.

de ce document, « il nous faudrait renforcer les initiatives de la profession dans des domaines nouveaux ou de pointe, grâce à des entreprises conjointes menées avec d’autres organisations qui effectuent des travaux similaires. »

En conclusion, il faut souligner que malgré la bonne volonté des instances professionnelles, le rapprochement entre les professions demeure entravé par les textes légaux et réglementaires en vigueur. A ce jour, les MDP (MultiDisciplinary Practice), entreprises regroupant plusieurs professions réglementées, ne sont pas autorisées, même aux Etats-Unis.

________________________

1 Louis-Jacques FILION. Travail autonome : des volontaires et des involontaires. Vers de nouvelles formes de pratiques entrepreneuriales. Gestion. Volume 24. Numéro 4. Hiver 2000.

2 Publié en 1998, le rapport Nallet soulignait l’importance des réseaux interdisciplinaires.

3 Etude élaborée par la Commission de Développement de la Profession relevant du Conseil de l’OECT.


Questions Fréquemment Posées

Quels sont les nouveaux modèles d’affaires dans le domaine de l’expertise comptable ?

Les nouveaux modèles d’affaires incluent le travail autonome, l’externalisation et la sous-traitance, la coopétition, ainsi que les partenariats et les alliances.

Qu’est-ce que le travail autonome pour un expert-comptable ?

Le travail autonome désigne un professionnel qui est son propre patron, choisit librement ses clients et gère son cadre de travail, tout en ayant souvent plusieurs clients.

Comment les nouvelles technologies impactent-elles le métier d’expert-comptable ?

Les nouvelles technologies remodèlent les missions traditionnelles des experts-comptables, créent de nouvelles opportunités de service et génèrent une concurrence accrue.

Rechercher
Télécharger ce mémoire en ligne PDF (gratuit)

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Scroll to Top