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Quelles sont les perspectives futures de la photographie documentaire en Haïti ?

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🏫 Université d'Etat d'Haïti - Institut d'Etudes et de Recherches Africaines d'Haïti IERAH/ISERSS
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Licence - 2015
🎓 Auteur·trice·s
Assédius BELIZAIRE
Assédius BELIZAIRE

Quelles sont les perspectives futures de la photographie face à son rôle historique ? Cette étude révèle comment les images documentaires de l’occupation américaine d’Haïti (1915-1920) transcendent leur fonction initiale, redéfinissant ainsi notre compréhension des représentations sociopolitiques de cette époque cruciale.


4 – 2-2 Prisonniers (« gavilleros ») dominicains (1919)

Des prisonniers « gavilleros » dominicains

Photo de quelques prisonniers

« gavilleros » dominicains qui sont venu donner main-forte à la résistance haïtienne, 1919

Il s’agit d’une photo en noir et blanc de presse sur numérique de presse utilisé dans le document de Roger Gaillard, Charlemagne

Peralte le caco, il n’en a pas donné de références et il n’a pas mentionné l’identité du photographe, le livre fut publié par l’Edition Roger Gaillard, Port-au-Prince, 1981, Haiti; Le titre de l’image est Des prisonniers « gavilleros » dominicains.

Cette image, ainsi que les travaux de l’historien Roger Gaillard sur la période, ont été publié dans l’ouvrage mais pas diffusés sur des pages web, dans l’ouvrage le chapitre en rapport avec la photo est intitulée: Cosmopolitisme et internationalisme (Avril – Juin 1919).

Prisonniers débout, pieds et poings n’ont pas de liaison, ayant de chapeaux, en « tenue de ville », des Marines ayant des chapeaux en tête, certains d’entre eux portant de pistolets en main, chemise manche longue et pantalon longue en toile, ils se conforment c’est-à-dire chemises dedans les pantalons, ils forment un demi-cercle, les prisonniers se trouvent au milieu. Le thème est toujours domination ; rapports dominé/dominant.

L’image de ces prisonniers debout pieds et poings libre, chapeaux en tête, tenue de ville c’est-à-dire pantalon longue en toile et chemise manche longue tout en se conformant (chemise dedans le pantalon), l’un d’entre eux en costume, peut-être dans l’attente de leur sentence pour ne pas dire exécution sommaire, pourrait soulever une vague d’indignation à travers le monde. Le Département d’Etat…

L’image est choquante par différents procédés: la couleur kaki des uniformes accroche tout d’abord notre œil ; les accessoires qui caractérisent l’état d’asservissement des prisonniers et le dépouillement du décor accentuent l’effet de malaise, d’injustice.

L’image est réaliste, riche en significations mais polysémique. La légende qui accompagne l’image aide à réduire cette polysémie de la photo et la contextualise. Sans la légende, nous ne pouvons pas savoir où l’action se passe, à quelle époque et la problématique soulevée. L’ancrage linguistique complète l’information transmise par la photo et donne des repères sur certains éléments narratifs dans l’image: les sujets impliqués et le contexte des hold-up. Le taux d’iconicité du sujet de l’information est élevé, car l’image permet aux lecteurs de reconnaître, d’identifier puis de comprendre ce qui se passe pour ces prisonniers « gavilleros » dominicains et le rapport de force inéquitable.

Dans le document où s’est trouvé la photo, il n’y a pas un respect strict des méthodes de lecture d’image photographique, c’est-à-dire pas de parcours en Z dans la lecture de la photo parce que on l’utilise comme seul support documentaire. Dans le chapitre, il y a en premier lieu les arguments de l’auteur, ensuite vienne la photo, puis le titre. Donc, il y a argumentation (qu’on parait en parler de légende), la photo et le titre.

L’image est cadrée à l’horizontal et les éléments qui la composent sont organisés en deux paliers: les prisonniers « gavilleros » dominicains accompagnés des Marines en avant-plan, hors foyer, une porte ayant de grille au second plan et peu de décor visible (géographie des lieux et du temps). Le photographe est placé à gauche par rapport à la scène photographiée; la photo est de plan moyen, cadrage resserré sur le sujet principal en apparaissant en entier sur la photo.

Dans ce genre de plan, on s’intéresse beaucoup moins au décor. L’angle de prise de vue est en légère contre-plongée, ce qui produit un certain effet de puissance des sujets, surtout ceux en état de supériorité, bien armés.

La photo est réaliste et objective, elle a une fonction notionnelle et c’est une photo de reportage. L’image permet de faire une première référence à des Marines américains à cause de leur uniforme typique (couleur kaki). Les prisonniers et les marines renvoient à la réalité offensive des Marines contre les cacos et gavilleros.

Ces images des prisonniers « gavilleros » dominicains mobilisés et débout, avec les pieds et les poings libre, portant de chapeaux, de chemises manches longues, de costumes, suggèrent à la fois le choc et l’humiliation. La photo étonne le spectateur et l’émeut par la mise en situation inattendue et le rapport de force démesuré.

Le cadrage en plan moyen avec les « gavilleros » se trouvant dans un demi-cercle entouré de Marines crée l’effet d’une netteté à travers laquelle le spectateur/lecteur regarde, examine, découvre une réalité… La photo joue le rôle ici de preuve, elle est descriptive: elle montre d’abord un environnement un peu ouvert, les « gavilleros » sont sous la stricte surveillance des Marines, près d’une maison habitable où il y a une porte en grille à l’arrière-plan; elle va aussi témoigner de conditions de vie de sujets prisonniers « gavilleros » dominicains par des Marines.

L’effet d’opposition est bien mis en évidence par les divers couleurs des habits des « gavilleros » par des chapeaux, des pantalons, des chemises, des souliers, des positionnements208 différents, entre l’avant-plan et l’arrière-plan pas de contraste entre clarté et obscurité. Les différentes couleurs des vêtements des prisonniers sont en contraste avec celle des Marines. Un procédé stylistique d’antithèse met en valeur ce rapport de force entre occupés / occupants, dominés / dominants (les gens armés VS les gens sans armes. Le grillage à l’arrière-plan à une valeur métonymique, suggérant la prison, la caserne (la partie pour le tout).

Le photographe a dû faire cette photo avec un téléobjectif : le foyer s’est fait sur l’avant et l’arrière- plan, donnant ainsi une bonne profondeur de champ à l’image tout en créant une netteté en avant-

208 Parler ici de positionnement c’est parler d’un ensemble de principes militaires qu’on doit garder quand ils sont debout, c’est-à-dire épaules carrées, mains descendent droites à côté des genoux et pieds respectent un angle 90 degré approximativement.

plan. Beaucoup d’effets sont observables car le but de la photo est de témoigner d’une réalité et non d’être esthétique.

L’accroissement de la guérilla durant le premier semestre de 1919 allait ouvrir les yeux des

« marines » occupant les deux états, ainsi que la hardiesse des Dominicains venus ouvertement sur notre sol épouser la cause caco. L’historiographie de là-bas mentionne la présence des

« gavilleros » que dans la partie orientale de cette Ile, bien loin donc de chez nous. Pourtant, en Haïti, ils participent à maintes attaques, confondant la lutte armée anti américaine de Péralte et de Batraville avec la leur, se mêlant à nos insurgés. Le 22 mai, Catlin en parle pour la première fois : « une bande a attaqué à Thomonde durant la nuit du 20 le détachement des « marines ».

Plusieurs fusils ont été capturés. Le nombre des victimes n’a pas pu être fixé, car les assaillants ont emportés leurs morts et leurs blessés. L’un d’eux a crié : « nous sommes dominicains…»». Le 6 juin, le même officier écrit : « des rapports reçu de Belladère indiquent que beaucoup de Dominicains bien armés ont récemment rejoint les bandits dans cette section.

Le lieutenant McMeen a attaqué un camp le 31 mai, et s’est abattu pendant 4h. Cette bande comptait 50 dominicains armés. Elle a finalement été dispersée avec de lourdes pertes ». Le 6 juin, «on rapporte que 50 Dominicains, sous les ordres du chef Tabo, tous armés et possédant des munitions en abondance, a rejoint Charlemagne Péralte ».

Le 9 juin, «on signale que le bandit dominicain Gregorio est la tête de 700 bandits haïtiens et dominicains dans la région de Belladère, et qu’il opère sous les ordres de Charlemagne Péralte… ». Le 16 juin, une note du « brigade commander » à Port-au-Prince : « Benoit et deux cent hommes, avec 50 dominicains bien armés, sont signalé dans les parades de Fond-des-Orangers.

La garnison de Saut-d’Eau a été augmenté d’un officier et de dix soldats

209.

A la lumière des considérations, la photo ici est à la fois descriptive (informe sur une situation) et symbolique (joue sur les codes gestuels, chromatique et rhétorique entre militaires et prisonniers dominicains). L’action photographiée semble avoir été saisie sur le vif, pas de trucages techniques et veut attester ainsi de l’authenticité de l’événement. Le public haïtien, des organisations progressistes, des pays alliés d’Haïti pouvant faire des pressions sur l’occupant soit dans le domaine des droits humains, soit dans des structures organisationnelles au niveau international, le

209 (Gaillard Roger 1981, p 178 – 180)

peuple dominicain sont les destinataires qu’on pourrait viser. Enfin, l’image, par sa sobriété et sa légende, montre sans artifices une situation d’humiliation inacceptable, de répression sanglante, de tuerie. Ce qui vient confirmer le rôle émotif que peut jouer une image qui informe certes, mais qui cherche aussi à faire réagir, à susciter la réflexion et éventuellement ou continuer l’engagement d’un mouvement révolutionnaire contre l’impérialisme américain.


Questions Fréquemment Posées

Quelles sont les caractéristiques des prisonniers « gavilleros » dominicains dans la photographie de 1919?

Les prisonniers « gavilleros » dominicains sont représentés debout, pieds et poings libres, portant des chapeaux et en tenue de ville, avec certains d’entre eux en costume, ce qui pourrait soulever une vague d’indignation à travers le monde.

Comment la photographie documentaire de l’occupation américaine d’Haïti représente-t-elle les rapports de force?

L’image des prisonniers et des Marines met en avant le thème de la domination, illustrant les rapports dominé/dominant, avec un effet de puissance des sujets armés en légère contre-plongée.

Quel est le rôle de la légende dans la compréhension des photographies documentaires?

La légende qui accompagne l’image aide à réduire la polysémie de la photo et la contextualise, fournissant des repères sur les sujets impliqués et le contexte des événements.

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