Comment surmonter les défis de la communication interculturelle en RDC ?

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🏫 Institut Facultaire des Sciences de l'Information et de la Communication - Département du 3ème Cycle
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Diplôme d'Etudes Approfondies (DEA) - 2014
🎓 Auteur·trice·s
PATA KIANTWADI David
PATA KIANTWADI David

Les défis et solutions en communication interculturelle révèlent des mécanismes de défense insoupçonnés dans le contexte congolais. Cette recherche innovante, alliant psychologie et méthodologie mixte, offre des perspectives cruciales pour comprendre les dynamiques culturelles et leurs implications sur les interactions sociales.


CONCLUSION GENERALE

Nous voici au terme de notre recherche exploratoire ayant porté sur « La communication interculturelle dans le contexte congolais : Identification des mécanismes de défense à travers les communications généralisées processuelles ».

Cette étude est partie de l’évidence que « la culture est communication et la communication est culture ». Ainsi, pendant le processus de communication, la culture des acteurs sociaux est convoquée pour donner sens aux actions menées. Cette culture définit le contexte dans lequel les échanges sont effectués et détermine également les comportements des personnes impliquées dans la communication. Dans cette perspective, cette étude s’inscrit dans la catégorie des travaux scientifiques de Cultural studies visant à déterminer la part de la culture dans le processus de communication.

Cette évidence nous a amené à relever un fait d’ordre général : la communication interculturelle est au cœur des enjeux de nos sociétés qui sont, par essence, multi-ethniques et culturelles. La RDC en est un cas de figure, car c’est l’un des pays les plus multiethniques d’Afrique, avec une population composée à peu près de 250 ethnies réparties en deux grands groupes ethniques à travers les provinces du pays.

Le premier groupe est formé des peuples bantous (environ 80%), le second groupe est constitué d’ethnies non bantoues estimées à peu près à 20% qui se répartissent entre le groupe Soudanique central, le groupe Pygmée, le groupe Nilotique et le groupe Chamite (Hima-Tutsi). Ces deux derniers sont venus de la vallée du Nil suite aux migrations.

Les individus issus de ces ethnies sont appelés à vivre ensemble dans les différents milieux où ils se trouvent (ville, province, district, secteur, institution, entreprise, église, …). Ils sont donc porteurs de cultures de leurs origines et, lorsqu’ils se communiquent, ces cultures sont convoquées dans une situation chargée d’interculturalité. Pendant cette communication, les cultures ou les individus en présence subissent trois influences, à savoir l’assimilation (la culture dominante prend le dessus sur l’autre, considérée comme faible), la ségrégation culturelle (les groupes culturels coexistent avec un minimum de contacts. Cette situation évoque un développement séparé de chaque culture, selon ses caractéristiques propres) et le métissage culturel (les cultures en contact aboutissent à une nouvelle synthèse).

Ainsi, pour éviter la situation de domination ou d’assujettissement, les groupes sociaux produisent certains phénomènes psychiques spécifiques appelés « mécanismes de défense » à travers les communications généralisées processuelles.

A cet effet, notre question de recherche a été formulée comme suit : Quels sont les mécanismes de défense sociale que les individus d’origines culturelles et ethniques différentes produisent dans la communication interculturelle ? Quatre résultats ont été attendus à cette question, à savoir :

  • l’identification des communications généralisées véhiculées par les enquêtés (attitude, conduite, langage et rituel d’interaction) ;
  • la déduction des éléments significatifs de la contextualité situationnelle (norme, enjeu, positionnement et relation avec les autres) à partir des communications généralisées ;
  • la détermination du degré de l’influence des variables (physiques, sociales et psychologiques) sur la production des mécanismes de défense ;
  • la détermination du degré des oppositions entre les provinces à partir des éléments significatifs de la contextualité situationnelle des mécanismes de défense.

Pour arriver à des fins escomptées, nous avons développé deux parties dans notre travail. La première a porté sur le « cadre conceptuel et théorique de la communication interculturelle ». Le second sur le « cadre méthodologique et empirique de l’étude ».

La première partie, nous a permis de constituer une boîte à outils comportant sept concepts spécifiques tirés de notre macro-concept « communication interculturelle ». Il s’agit de :

  • la communication interpersonnelle ou intergroupale incarne la communication verbale, la communocation non verbale et l’interaction ;
  • la communication généralisée exprimée en termes d’attitude, de conduite, de langage et de rituel d’interaction ;
  • la contextualité situationnelle traitée en termes de norme, enjeu, positionnement et relation avec les autres ;
  • le multiculturalisme exprimé en termes de diversité culturelle ;
  • la dynamique interculturelle comprise par trois processus, l’assimilation, la ségragatipon et le syncrétisme ou le métissage culturel ;
  • l’acteur social caractérisé par trois groupes de facteurs explicatifs (démographiques, psychologiques et sociologiques) ;
  • le mécanisme de défense catégorisé en quatre facteurs, à savoir les mécanismes psychiques de base, les mécanismes situationnels, les mécanismes discriminatoires et les mécanismes ethniques.

La psychologie interculturelle a été choisie comme cadre théorique de l’étude pour expliquer la manière dont les individus construisent le sens par des processus psychiques (primaires) et communicationnels (secondaires). Ainsi, le constructivisme est venu en appui pour construire le cadre d’interprétation des émergences prévues (modèle de recherche ou cadre de référence théorique).

Dans la deuxième partie, nous avons d’abord élaboré une méthodologie générale qui nous a servi dans la construction des outils de collecte des données, le dépouillement et l’analyse des données. Cette méthodologie est basée sur la triangulation de deux approches complémentaires (qualitative et quantitative). Grâce à l’ESDC, nous avons pu recueillir des données auprès d’un échantillon composé de 22 étudiants de première année de graduat de l’IFASIC de la RDC, dont deux personnes (un homme et une femme) originaires de chacune de onze provinces. Les informations recueillies ont été soumises à la validation auprès d’un groupe contrôle composé de onze étudiants d’autres promotions.

Ensuite, nous avons décrit les données empiriques relatives aux discours des sujets par rapport à chaque mécanisme. Ces données ont été analysées qualitativement à l’aide des tableaux panoramiques. Ces analyses nous ont permis de relever les « communications généralisées significatives », à partir desquelles nous avons déduit les éléments de la contextualité situationnelle.

Il a été constaté que les sujets congolais enquêtés produisent des mécanismes psychiques de base, situationnels, discriminatoires et ethniques.

Pour consolider ces résultats qualitatifs, nous avons quantifié le premier groupe d’éléments (communications généralisées) à partir de leurs fréquences d’apparition par province et le deuxième (contextualité situationnelle) à partir de leurs valeurs significatives dans les relations inter-humaines. Les données quantitatives ont été analysées grâce aux techniques statistiques appropriées. Les résultats tirés de ces analyses peuvent être résumés en ces termes :

  • les quatre facteurs de l’étude (psychique de base, situationnel, discriminatoire et ethnique) s’observent effectivement dans le contexte congolais (validité de l’instrument de recherche) ;
  • il y a une consistance interne de l’instrument de recherche, c’est-à-dire les construits relatifs aux vingt mécanismes de défense sont des aspects d’une même réalité (fiabilité de l’instrument de recherche) ;
  • les sujets de différentes provinces examinés produisent différemment les vingt mécanismes examinés à travers les communications généralisées. Les éléments de la contextualité situationnelle ont également été révélateurs ;

A la lumière de ces résultats (constats), notre hypothèse générale a été finalement validée. Ainsi, en communication interculturelle, les individus d’origines culturelles et ethniques différentes produisent des mécanismes de défense psychiques de base, situationnels, discriminatoires et ethniques à travers les communications généralisées et les contextualités situationnelles.

Ces constats confirment partiellement notre cadre de référence théorique, car les origines culturelles et ethniques, incarnées ici par par les « provinces d’origines », ont permis aux acteurs sociaux de construire des cadres d’interprétation différents devant les situations ou problèmes auxquels ils sont confrontés sous forme de mécanismes de défense. Ces mécanismes sont produits à travers les « communications généralisées » et les « contextualités situationnelles » permettant, de ce fait, aux acteurs sociaux de sauvegarder consciemment ou inconsciemment leur patrimoine culturel.

Il s’agit donc là du « processus communicationnel de contextualisation » ou de « communication généralisée processuelle ». Ceci vient une fois de plus de réconforter notre positionnement par rapport au cadre théorique psychologique qui est à la fois interculturel et constructiviste, car les acteurs sociaux enquêtés construisent la réalité à partir du sens psychologique qu’ils lui attribuent en fonction de leur grille culturelle. Il faut donc signaler que ces constats rejoignent les préoccupations déjà avancées par de nombreux chercheurs de Cultural Studies.

Malgré les explications scientifiques avancées pour soutenir la validation de notre hypothèse de recherche, quatre principales limites peuvent être signalées (validité externe de la recherche) à l’endroit de cette étude.

Primo, il faut savoir que les phénomènes faisant l’objet de la présente étude s’inscrivent dans la catégorie des structures complexes et dynamiques de la société, c’est-à-dire des réalités psychologiques dans les communications généralisées processuelles. Une telle étude nécessite, en principe, un nombre important de sujets à évaluer pour avoir une « vision panoramique » par rapport aux problématiques abordées, comme postule l’un des principes de la méthode choisie, laquelle vision serait issue de visions individuelles.

Ceci répond donc au principe sacro-saint de statistique : « plus on augmente le nombre de sujets à enquêter, plus les résultats sont fiables ». Malheureusement, pour une raison bien évidente, c’est-à-dire mener une étude exploratoire dans le cadre de notre recherche de troisième cycle, nous nous sommes limité à trois personnes par provinces.

Cette façon de faire rend fragile les constats (résultats) des analyses.

Secundo, la revue de la littérature sur les facteurs explicatifs de la communication interculturelle a relevé que la province d’origine n’est pas le seul détéreminant du comportement des acteurs sociaux impliqués dans un processus de communication. Car, les individus sont comme des synthèses socioculturelles et linguistiques à la croisée de différents conditionnements et que chaque individu tire en effet son identité d’appartenance culturelle multiple, qui dépend des groupes auxquels il se rattache en fonction de ses origines ethniques, sociales, de son âge, de sa situation familiale, de sa personnalité, de son sexe, etc.

Notre cadre théorique de référence, modèle construit dans cette étude, avait distingué deux autres catégories de variables intermédiaires (modératrices et médiatrices) qui viennent soit modérer (modération), soit renforcer (médiation) la relation entre la province d’origine et la production des mécanismes à travers les éléments communicationnels.

Malheureusement, elles n’ont pas été contrôlées vu que l’étude est exploratoire.

Tertio, la revue de la littérature a relevé que le nombre des mécanismes de défense existant est très variable selon les auteurs. Il ne peut y avoir de listes «exactes» ou « complètes » de mécanismes de défense, mais seulement des listes variant dans leur exhaustivité, dans leur consistance théorique interne et dans leur utilité pour ordonner l’observation clinique et les données de la recherche.

Etant donné que le champ de la psychologie est particulièrement étendu, nous avons retenu dans le cadre de cette étude une liste référentielle de vingt mécanismes les plus connus qui se produisent verbalement ou non verbalement lors des échanges des individus appartenant à des cultures différentes.

Pour des raisons d’ordre, nous les avons regroupés autour de quatre facteurs : psychique de base, situationnel, discriminatoire et ethnique. Cette classification n’est jusque là que conceptuelle, il se pourrait que dans la réalité existe d’autres facteurs. Une telle découverte nécessite le recours à des techniques statistiques mieux élaborées comme l’AFE ou l’ACP.

Malheureusement pour notre cas, elles ne peuvent pas être utilisées parce qu’elles nécessitent, dans leur application, un nombre important de données à mesurer, ce qui n’était pas disponible dans notre enquête vu son caractère exploratoire.

Quarto, les mécanismes véhiculés à travers les communications généralisées sont des aspects manifestes du comportement humain. Dans la vie courante, il a été constaté que ces mécanismes sont à la base de nombreux malaises dans la société (tribalisme, népotisme, clientélisme, contre-performance, séparatisme, …) ; ils s’observent par des pratiques communicatives (actes de communication).

Cela nécessite la mise en place d’un « plan d’actions correctives » comme indiqué dans une des étapes de la méthode de contextualisation situationnelle panoramique. Mais, un tel plan ne peut pas être proposé parce qu’il risquerait d’être un « traitement symptomatique » n’entrainant pas d’effets réels sur la problématique soulevée », parce que les aspects profonds (latents) ne sont pas connus.

Il faudrait donc passer à la découverte de la structure latente qui fait émerger ces aspects manifestes (mécanismes de défense).

Ces limites nécessitent donc suggérer des suites à notre recherche, afin de contribuer à l’enrichissement des connaissances du thème choisi. Ainsi, deux pistes de recherche peuvent être poursuivies dans notre pays ou ailleurs dans le domaine de la communication interculturelle.

La première piste, concerne une étude des pratiques communicatives des individus d’origines culturelles et ethniques différentes vivant au sein d’une entreprise en vue de déceler le degré et le mode de transmission des cultures de leurs origines au sein des organisations. Elle s’appuiera également sur le deuxième chantier de recherche des SIC visant à comprendre les phénomènes contemporains de brassage par la recomposition des cultures engendrés par l’essor de communication.

La seconde piste porte sur une étude visant la découverte de la « structure latente » d’où émergent ces mécanismes, c’est donc de l’enfoui archéologique de savoirs. Les résultats de cette étude vont déboucher sur l’élaboration d’un « plan d’actions correctives ». Comme ce fut les cas des expériences anglo-saxonne et européenne, ce plan contiendrait des stratégies et des approches d’usage dans les différents domaines de la vie sociale (pédagogique, politique, médiatique, management, …) pour rendre la population congolaise à être efficace dans la résolution des problèmes et dans la gestion de la diversité culturelle.

Nous pouvons donc conclure que l’exploration vient d’être faite sur la nature de la « communication » du point de vue de la « psychologie interculturelle ». Au cours de cette investigation, nous avons fait ressortir une méthodologie générale, un cadre de référence théorique et un modèle global de mesure (Path diagram) adaptés à ce type de recherche. Il nous reste des études de type confirmatoire dans les domaines pratiques de la vie sociale. C’est ce qui fera l’objet de notre recherche doctorale.


Questions Fréquemment Posées

Quels sont les défis de la communication interculturelle en RDC ?

La communication interculturelle est au cœur des enjeux de nos sociétés multi-ethniques et culturelles, comme en RDC, où coexistent environ 250 ethnies.

Comment les mécanismes de défense influencent-ils la communication interculturelle ?

Les groupes sociaux produisent des phénomènes psychiques spécifiques appelés « mécanismes de défense » pour éviter la domination ou l’assujettissement lors de la communication interculturelle.

Quels types d’influences subissent les cultures lors de la communication interculturelle ?

Les cultures ou les individus en présence subissent trois influences : l’assimilation, la ségrégation culturelle et le métissage culturel.

Quelle approche méthodologique a été utilisée dans l’étude de la communication interculturelle ?

L’étude combine des méthodologies qualitative et quantitative pour analyser les phénomènes psychologiques de la communication interculturelle.

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