Quels sont les facteurs de performance scolaire en Côte d’Ivoire qui influencent réellement la réussite des filles ? Cette étude révèle des résultats surprenants sur l’impact des enseignantes et des conditions régionales, offrant des pistes essentielles pour améliorer l’éducation féminine dans le pays.
PARTIE I. PRESENTATION DU SYSTEME EDUCATIF IVOIRIEN ET REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA PERFORMANCE SCOLAIRE
L’analyse des variables explicatives de la performance scolaire a suscité beaucoup d’intérêt dans la littérature économique tant sur le plan théorique qu’empirique. D’ailleurs, la problématique des déterminants de la performance scolaire demeure encore d’actualité en Côte d’Ivoire où d’énormes défis restent encore à relever. Ainsi, il est question pour nous dans cette première partie de passer en revue les développements théoriques et empiriques se rapportant aux variables explicatives de la performance scolaire afin de mieux appréhender la notion des variables explicatives de la performance scolaire et les méthodes analyses déjà existantes.
Par ailleurs, des faits stylisés nous permettent d’avoir un état des lieux du secteur éducation/formation du système éducatif ivoirien ainsi que les initiatives déjà entreprises dans le secteur de l’éducation depuis quelques années.
CHAPITRE I. SYSTEME EDUCATIF ET PERFORMANCE SCOLAIRE
FAITS STYLISES
État des lieux du secteur Éducation/Formation
- Accès au système éducatif
L’analyse diagnostique fait état de ce que les effectifs scolarisés se sont accrus à tous les niveaux d’enseignement sur la période 2005-2014, contribuant à une augmentation des niveaux de couverture jusqu’en 2016.
En effet, l’accroissement annuel moyen des effectifs est de 13,6% pour le préscolaire, 7,5% pour le primaire, 8,5% pour le premier cycle du secondaire général, 6,7% pour le deuxième cycle du secondaire général, 11,7% pour l’Enseignement Technique et la Formation Professionnelle (ETFP) et 2,1% pour le supérieur.
Les effectifs du préscolaire ont augmenté de façon importante, notamment depuis 2011, avec le secteur public comme moteur principal des évolutions constatées. Entre 2009 et 2014, environ 70 % des places additionnelles dans le préscolaire sont dues au secteur public (68 % des effectifs scolarisés en 2014 contre 50 % en 2005). L’offre communautaire se développe peu à peu depuis 2011 avec le soutien de certains partenaires dont l’UNICEF et les structures crées au sein des écoles primaires sont progressivement intégrées dans le système public à travers leur reconnaissance et l’affectation d’au moins un enseignant pris en charge par le MEN1.
Toutefois, la couverture reste encore faible (6 % en 2013 et 8% en 2016) et essentiellement concentrée en milieu urbain. En termes de comparaison internationale, la Côte d’Ivoire se situe approximativement à la moitié de la moyenne des pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre (14 % au Sénégal et 30 % au Cameroun).
De plus, l’on déplore l’absence d’une politique nationale de développement intégré du jeune enfant devant permettre une meilleure prise en charge de l’enfant à travers une intégration des interventions en faveur de son développement holistique. Or, de nombreux travaux de recherche montrent qu’une prise en charge appropriée des enfants dès le plus jeune âge (de 0 à 6 ans, voire 8 ans) peut avoir des impacts ultérieurs significatifs sur leur vie, à la fois sur leur développement physique, cognitif, social et émotionnel, leur scolarité primaire et même au-delà.
Une étude récente réalisée par le MEN fait ressortir que les enfants ayant bénéficié du préscolaire progressent mieux au niveau du primaire. En effet, ceux-ci gagnent 3,9 points en plus sur une échelle de 100 par rapport aux enfants n’ayant pas fréquenté le préscolaire2. Dans le temps, ces retards cumulés deviennent difficilement récupérables, sinon par des interventions plus coûteuses (actions curatives, jugements supplétifs, cours de rattrapage, redoublements etc.).
Au niveau du cycle primaire, l’analyse indique également l’accroissement du taux brut de scolarisation, passant de 70% en 2007 à 94% en 2014 puis à 101% en 2016 après plus de vingt années de stagnation3. Le taux brut d’accès en première année s’est amélioré de 30 points, passant de 64 à 94% entre 2007 et 2014 puis à 113% en 2016. En effet, le Gouvernement et certains partenaires se sont engagés à soutenir le secteur éducation après une décennie de crise socio-politique ayant perturbé le fonctionnement du système éducatif ivoirien.
Cette amélioration s’est traduite concrètement par la réalisation des actions qui ont favorisé l’augmentation de l’offre (constructions de salles de classe, recrutement d’enseignants, campagne de retour à l’école primaire aussitôt après la crise) et l’allègement du coût supporté par les familles à travers la distribution gratuite de fournitures scolaires aux enfants inscrits dans les écoles primaires publiques depuis 2013.
L’accès en première année du premier cycle du secondaire général s’est également amélioré, passant de 33% à 58% de 2007 à 2014 puis à 61% en 2016. Cette amélioration est beaucoup plus soutenue depuis la mise en œuvre, en 2011-2012, de la mesure de réduction du seuil d’admission en 6ème (12 % par an contre 8 % avant 2011). Au niveau du second cycle, seulement 1 élève sur 5 atteint la classe de seconde sur la période.
Toutefois, l’analyse du taux net d’accès aux différents cycles met en lumière les efforts qui restent à faire pour un accès plus équitable au système éducatif. En effet, les statistiques du Ministère de l’Éducation Nationale de 2015-2016 donnent les résultats suivants : 71,4% pour le primaire (69.8% pour les filles contre 72.9% pour les garçons), 32% pour le secondaire général premier cycle (28% pour les filles contre 35% pour les garçons). En plus des disparités liées au genre, il a été noté des écarts importants en matière d’accès à l’éducation entre régions.
Au niveau de l’ETFP, les effectifs scolarisés ont presque triplé depuis 2005, s’établissant à 105 353 apprenants en 2016 dont 49% de filles. Cette évolution est imputable à l’accroissement des effectifs dans l’enseignement technique tertiaire qui représente 72,5%. La quasi égalité observée entre l’effectif des filles et celui des garçons masque toutefois une faible présence des filles dans les secteurs agricole et industriel, soit respectivement 8,6% et 18,3% des effectifs au contraire des filières tertiaires où elles constituent la majeure partie des effectifs avec une proportion de 60,7%.
En plus du maintien du différentiel important par genre au sein des filières, la forte croissance des effectifs de l’ETFP ne suffit pas à résoudre la question de la pertinence de l’offre actuelle de formation au regard des besoins de l’économie ivoirienne. En effet, les données du Ministère chargé de l’Enseignement Technique et de la formation professionnelle montrent que les filières agricoles sont quasiment inexistantes avec un taux de 0.2% des apprenants, tandis que les filières tertiaires sont fortement représentées soit 72,5% des apprenants loin devant les filières industrielles qui accueillent seulement 27,3% des effectifs.
Pour ce qui est de la répartition géographique, la quasi-totalité des établissements de formations techniques et professionnelles se trouve dans les centres urbains et le secteur privé contrôle la majorité, limitant ainsi l’accès aux jeunes issus des familles démunies.
Le sous-secteur de l’Enseignement Supérieur est confronté à la massification de la population estudiantine qui se traduit par une insuffisance d’infrastructures et de ressources humaines.
En effet, l’effectif d’étudiants connaît une forte augmentation. Il est passé de 169 946 en 2013 à 192 842 en 2015, avec un taux moyen d’accroissement de 6,5%. En 2015, 34 809 filles sont inscrites dans l’enseignement supérieur public soit 35,6% des effectifs. Parmi elles, seulement 26,9% sont dans les filières scientifiques.
En 2015, l’on comptait 3 849 enseignants-chercheurs pour 78 047 étudiants dans les universités et grandes écoles publiques, soit un enseignant-chercheur pour 20 étudiants avec toutefois d’importantes disparités selon les Unités de Formation et de Recherche (UFR). Par exemple au niveau de l’UFR de Droit ce ratio remonte à 1 enseignant-chercheur pour 69 étudiants4.
Le déficit global en enseignants, tous grades confondus, en 2013 était estimé, par la Direction des Ressources Humaines, à 2 989 enseignants-chercheurs. Ce déficit est porté à 4 687 dans la perspective d’accueillir la grande majorité des nouveaux bacheliers dans les universités publiques5. En ce qui concerne l’offre éducative privée, elle a largement contribué à l’accroissement général de l’accès.
On observe en effet ces dix dernières années un développement de l’offre éducative privée dont la part a progressé sur la période, passant de 22% en 2005 à près de 25% en 2014-2015. Si cette offre stagne au niveau du primaire (entre 12% et 13% des effectifs) durant la décennie, elle représente près de la moitié des effectifs du secondaire 1 (49%) et est majoritaire dans le secondaire 2 (55%) en 2014.
Dans l’ETFP, l’offre privée reste dominante pour l’enseignement technique (95%)6. Enfin, pour l’enseignement supérieur, l’offre privée est largement présente (44,5% en 2014).
La présence de cette offre privée prépondérante et largement tributaire de la subvention de l’État doit être questionnée sur sa complémentarité par rapport à l’offre publique d’une part, mais aussi sur son efficacité et sa pertinence en particulier pour les niveaux élevés du système d’autre part.
L’analyse du profil de scolarisation dans les différents ordres d’enseignement révèle d’importantes déperditions indiquant une faible rétention des enfants jusqu’à l’achèvement de la scolarisation obligatoire.
Pour le cycle primaire, on observe qu’en 2014, le taux d’accès baisse rapidement, de dix points entre la première (94%) et la deuxième année (81%) jusqu’à atteindre 58% en fin de cycle primaire. La rétention au primaire, chiffrée à près de 80 % en 2007, n’est plus que de 75 % en 2014. Les abandons en cours de cycle concernent désormais un enfant sur quatre, contre un enfant sur cinq en 2007.
Dans le secondaire, cette statistique est passée de 86% en 2007 à 80% en 2014 et de 89% à 75% dans le premier cycle et le second cycle respectivement. Ces chiffres montrent qu’en dépit des progrès réalisés dans l’accès aux différents ordres d’enseignement, un nombre important d’enfants demeurent hors du système scolaire. Les résultats du RGPH 2014 indiquent que 1 265 310 enfants de 6-11 ans et 801 710 enfants de 12-15 ans sont hors du système scolaire. Parmi eux, 78% n’ont jamais été scolarisés.
Une étude du Ministère de l’Éducation Nationale sur la situation des Enfants Hors du Système Scolaire (EHSS) menée par l’ENSEA avec l’appui de l’UNICEF, montre que si la dimension du genre doit bien être considérée (52% des EHSS de 6-16 ans sont des filles), les véritables défis de l’accès universel à l’éducation de base pour la Côte d’Ivoire, se situent aussi dans sa capacité à cibler et à toucher davantage les enfants des milieux ruraux (plus de 70% des EHSS de 6-16 ans), de certaines zones géolinguistiques comme le Nord, le Nord-Ouest, le Nord-Est et le Centre-Ouest, et les familles les plus pauvres.
Selon les données issues de différentes études notamment l’Enquête Nationale sur la Situation de l’Emploi et du Travail des Enfants (ENSETE 2013), les principales causes identifiées de non accès et d’abandon à l’école sont les suivantes : (i) du point de vue de la demande d’éducation, les contraintes financières, les activités ménagères, le handicap, les maladies, l’absence d’extrait d’acte de naissance, le travail des enfants, le décès des parents et l’abandon volontaire ; il est également possible que l’école ait des caractéristiques qui ne conviennent pas aux parents même quand elle existe et assure la continuité éducative sur tout le cycle ; (ii) du point de vue de l’offre d’éducation, l’échec scolaire conduisant à des redoublements et à des abandons trop fréquents, la discontinuité éducative (dans le primaire, le risque de discontinuité de l’offre éducative touche en 2014 environ 10% des enfants scolarisés et concerne 25% des écoles dans le pays) et la faible capacité d’accueil, le manque de matériels et de manuels scolaires favorisant l’apprentissage, le suivi pédagogique limité des enseignants, le manque de soutien des enfants en difficulté d’apprentissage, l’absence de dialogue entre enseignants et famille pour le suivi de la performance scolaire des enfants.
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1 Depuis le 11 janvier 2017, le Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle et un secrétaire d’Etat en charge de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle ont été créés. ↑
2 Bilan de compétences des nouveaux entrants au cycle Primaire en Côte d’Ivoire (2015), RESEN (2015) ↑
3 Entre 1985 et 2007, le taux Brut de Scolarisation (TBS) du Primaire reste compris entre 73% et 75% sans progression notable (Source RESEN 2005 et 2009) ↑
4 Annuaire Statistique 2014-2015 ↑
5 Plan Stratégique MESRS 2015 ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les facteurs qui influencent la performance scolaire des filles en Côte d’Ivoire ?
Les résultats démontrent que le nombre d’enseignantes, d’éducatrices, la proportion de filles et certaines régions affectent positivement les résultats scolaires.
Comment le système éducatif ivoirien affecte-t-il la réussite scolaire des filles ?
L’analyse diagnostique fait état de l’accroissement des effectifs scolarisés à tous les niveaux d’enseignement, contribuant à une augmentation des niveaux de couverture jusqu’en 2016.
Pourquoi est-il important de prendre en charge les enfants dès le plus jeune âge en Côte d’Ivoire ?
De nombreux travaux de recherche montrent qu’une prise en charge appropriée des enfants dès le plus jeune âge peut avoir des impacts ultérieurs significatifs sur leur vie, notamment sur leur développement et leur scolarité.