Les défis de l’urbanisation à Louga révèlent une réalité surprenante : alors que la ville croît rapidement, l’habitat horizontal domine la périphérie, contrastant avec un centre urbain parfois vertical. Cette étude met en lumière les enjeux socio-économiques et environnementaux cruciaux pour une gestion urbaine durable.
4. La prédominance de l’habitat horizontal
L’observation de la configuration de l’espace urbain ainsi que l’étude du processus de l’extension spatiale dans la ville de Louga montrent clairement une différenciation spatiale remarquable entre les quartiers qui s’exprime par une prédominance de l’habitat horizontal dans la périphérie contrairement au centre où il est parfois vertical.
Ainsi, dans la périphérie de la ville, on a quasiment la majorité des maisons qui sont basses. Cette situation favorise de plus en plus l’extension de la ville qui ne cessent de grandir et de s’étaler sur son hinterland. Ainsi, dans ces lieux on a d’immenses maisons construites qui sont souvent la propriété des émigrés qui investissent de plus en plus dans l’immobilier ainsi que des maisons traditionnelles mal loties qui montrent la place de l’habitat spontané dans ces quartiers avec les « faak deuk ».
Dans la partie péricentrale, l’habitat demeure majoritairement bas avec une domination des maisons à terrasse qui comme à la périphérie a participé significativement à l’expansion de l’espace urbain. Néanmoins, l’observation du paysage à partir d’une certaine hauteur laisse voir une succession moins dense des maisons construites verticalement.
Au centre notamment dans le quartier de Thiokhna, malgré le fait que l’habitat est plus qu’horizontal que vertical si on fait la comparaison, on note une présence affirmée des maisons à étage. Cette situation reflète aussi le dynamisme économique de ces quartiers qui font l’objet d’investissement de plusieurs activités économiques, sanitaires, culturelles etc.
1.5. L’expansion spatiale rapide
En à croire Sar 19736, après l’an 1900, deux faits déterminants vont à jamais marquer le développement démographique et spatiale de la ville. Il s’agit d’une part la création d’un marché à bestiaux, le Marbat7, sur la route du bétail acheminé vers les gros centres de consommation du Sud (Dakar, Thiès, Kaolack, etc.…) et d’autre part la construction du chemin de fer qui a fait de Louga un centre régional d’évacuation de l’arachide et de distribution des produits importés. Avec ces deux facteurs, la ville connait désormais un dynamisme économique fort qui aura des conséquences remarquables sur la configuration de la désormais ville.
6 Dans sa thèse qui s’intitule : Louga : la ville et sa région : essai d’intégration des rapports ville-campagne dans la problématique du développement, thèse de doctorat ès lettres et sciences humaines de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, 274p. et annexes.
7 Mot wolof d’origine arabe qui désigne le marché à bétail
Carte 3 : étapes de la croissance de la ville de Louga
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Source : Sar, 1973
En 1905, avec la création du marché à bestiaux (marbat) dont les limites devraient dépasser le pays car continuant jusqu’à la Mauritanie et à la Gambie, cette petite localité eut soudain une grande notoriété et un développement économique et spatial sans précèdent.
Auparavant deux lotissements ont été effectués. Il s’agit d’abord du lotissement de 1894 dans les quartiers d’Artillerie centre et Ouest et de Santhiaba centre et Est qui a vu la ville de Louga se ressembler aux autres villes coloniales avec le développement d’infrastructures et d’équipements au centre. Ensuite celui de 1901 avec le lotissement de 201 lots connus sous le nom de « lotissement complémentaire ».
Il concerne les parties septentrionale, occidentale, orientale, et méridionale de Santhiaba, le Nord et l’Ouest d’Artillerie, et une partie de Thiokhna, (voir carte N°2). Il est important de noter que pendant cette période avec le développement économique figurant de la ville qui encourageait l’installation des migrants venus de l’intérieur du pays, les autorités ont toujours été pris de court par l’urbanisation rapide d’où les lotissements réalisés souvent après l’installation des populations.
En outre, l’année 1905 a été un tournant dans le développement spatiale et administrative de la ville de Louga et a marqué le début du développement urbain de la ville. En effet, étant une localité disposant des ressources nécessaires pour garder son équilibre économique et budgétaire, Louga fut érigée en commune mixte de premier degré par l’arrêté du 31 décembre 1904 du Gouverneur Général de l’AOF., en application au décret de décembre 1891.
Avec une population estimée à 1800 habitants en 1914, il est nécessaire de prendre les devants et d’apprendre les leçons des impacts des lotissements tardifs déjà réalisés (1894 et 1901) d’où le troisième lotissement intervenu en 1910 pour répondre à l’augmentation rapide de la population de la ville. C’est ce lotissement de 74 lots qui est à l’origine de la création du quartier du quartier de montagne, à l’Est de la ville (voir carte N° 2)
Par ailleurs, avec la construction des infrastructures routières et industrielles, notamment la construction de la ligne de chemin de fer Louga-Linguère (1930-1931) d’une part et d’autre part la mise en place d’une usine électrique (1928) et l’huilerie de Gomis (1929), on note une reprise de l’augmentation de la population. Ce regain démographique peut être expliqué par
« un apport de main d’œuvre dont avait eu besoin l’huilerie, et un afflux de population rurale » (Sar 1973).
La deuxième guerre mondiale a également marqué l’évolution spatiale et démographique de la ville de Louga qui est passée de 5700 habitants en 1938, à 12 000 en 1945 et à 17200 en 1950. En effet, dès le début de la guerre, les populations rurales qui avaient subi les conséquences désastreuses de la famine lors de 14-18 ont vite migré vers la ville dès le début des hostilités en 1945 ; ce qui explique le développement spatial très rapide de la ville de Louga pendant cette période. La guerre a influencé la dynamique spatiale des villes en favorisant de plus en plus l’exode des ruraux comme en témoigne les propos de Richard Molard « la crise a provoqué une poussée urbaine sans précédent et qui ne semble pas devoir s’arrêter ». En plus, cette période correspond aussi à une période de grande activité de la ville, favorisée par un accroissement de la production arachidière.
Ainsi face au besoin d’espace, en 1954 le lotissement complémentaire de Montagne a été effectué, de même que celui de la partie Sud de Santhiaba et de Marbat (voir carte N° 2).
A partir de 1955, les périodes de sécheresse et de baisse momentanée de la production arachidière en 1956-1957 et en 1958-1959 (Sar 1973) entrainent à nouveau l’exode rural, ce qui justifie l’accroissement de la population et l’extension du périmètre urbain. Ainsi, pour faire face au besoin d’espace qui devient de plus en plus crucial, le village périphérique de N’Diang est loti et incorporé au périmètre communal en 1959 suivi plus tard du village de Keur Thierno DIOP en 1963 avant la régularisation du quartier d’Artillerie en 1973.
Il est aussi important que l’accession à l’indépendance et la prise de responsabilités des élus a favorisé l’extension rapide de la ville avec la reprise des lotissements sur des périodes records.
En effet, la ville de Louga qui connaissait auparavant certes un développement spatial mais modéré fait face après les années 1975 à une extension sans précèdent de son territoire qui s’étend même sur les limites des autres entités spatiales (voir carte N°2). Ainsi cette ville qui était constituée de quelques quartiers seulement : Artillerie, Santhiaba, Thiokhna, Montagne, Thiokhna, et Keur Serigne Louga continue à attirer les populations et à s’installer encore dans les limites des territoires voisins.
Sous la force de cette pression, ces quartiers cités ont connu une forte extension spatiale qui a abouti à la création des sous quartiers comme N’Diang Bambodj, Voile d’Or, Artillerie 2 et Keur Serigne Louga Est, Keur Serigne Bara et Montagne extension qui constituent les prolongements des premiers quartiers (Ba 2015).
Carte 4: évolution spatiale de Louga de 1975 à 2004
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Source : ONG AQUADEV
De nos jours, sous l’impulsion des facteurs déjà cités et surtout de l’émigration, la ville continue toujours à s’étendre et à repousser ces limites sur d’autres entités (Nguidile, Ndame, Diellerou, Keur Meibe, Mbarome etc..) dont certaines sont devenues des communes suite à l’acte 3 de la décentralisation ; ce qui rend parfois très difficile l’acquisition d’espace qui feront désormais l’objet de plusieurs procédures et de stratégies.
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6 Définition donnée par l’article 62 de la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) du 15 mai 2001. ↑
7 Auchan Les 4 Temps, La Défense. ↑
Questions Fréquemment Posées
Quels sont les défis de l’urbanisation à Louga ?
L’étude met en lumière les défis liés à l’urbanisation rapide, notamment les impacts socio-économiques et environnementaux de cette croissance désordonnée.
Comment l’habitat horizontal influence-t-il l’extension spatiale de Louga ?
La prédominance de l’habitat horizontal dans la périphérie de Louga favorise l’extension de la ville qui ne cesse de grandir et de s’étaler sur son hinterland.
Quels facteurs ont marqué le développement spatial de Louga après 1900 ?
Deux faits déterminants sont la création d’un marché à bestiaux et la construction du chemin de fer, qui ont fait de Louga un centre régional d’évacuation de l’arachide et de distribution des produits importés.