La sous-traitance locale en Algérie demeure limitée, avec une prédominance de grandes entreprises et un secteur privé composé majoritairement de PME/PMI. L’article met en lumière les défis structurels entravant le développement de cette pratique, tout en proposant des solutions inspirées de modèles internationaux.
Sous-traitance locale limitée et marginale
La sous-traitance locale, en Algérie, est encore limitée et marginale. En dehors de quelques grandes entreprises qui se comptent sur le bout des doigts, le secteur privé se caractérisait par des PME/PMI, dans l’agroalimentaire, les services et quelques secteurs. Leur
nombre ne s’élève en effet que de 309 578 PME en 2009(dont 2% de secteur public)1 pour passer à 957718 entités recensées, en 2014, avec prés de 90% versées dans le commerce, soit dans les services d’utilité discutables2. En effet, étant donné que la majorité de composantes entrantes (inputs) soit importés, les sociétés étrangères (LG, Sumsung3 et BYA electronics…) ne sollicitaient cependant la sous-traitance nationale qu’en matière d’assemblage et de commercialisation à forte demande de main d’œuvre, souvent moins qualifiée.
Ceci étant, la contribution des entreprises locales à l’économie, est très marginale4. Conséquences de leurs difficultés d’accès au financement (dans le cadre de la règle 51/49 dont on associe presque l’investisseur étranger à une entreprise publique algérienne), leur caractère le plus familial et le secret gardé sur la richesse, les circonstances et les conditions d’exercice et les risques qui leur sont associés sont peu connus, conduirait généralement à des évaluations peu réalistes, voire fausses. De fait, dans un secteur assez névralgique que celui des hydrocarbures, à faute de capacités d’absorption locales, son exploitation n’aurait pu toutefois se faire sans l’apport des compagnies étrangères. L’Algérie sera toujours tributaire de la rente pétrolière et par conséquent de l’apport des entreprises pétrolières étrangères.
Mais, il ne reste pas moins que le rôle des IDE demeurait encore déterminant dans la formation de produit national et ce, d’autant plus que notre pays ne dispose pas des capacités techniques et financières indispensables, pouvant lui assurer sa croissance et développement économiques, sa compétitivité industrielle et une relative, soi-disant, autonomie qui, faudrait- il le rappeler, longtemps louée5.
Vulnérabilité et risque pays
De façon globale, il importe toutefois de souligner qu’à l’image de beaucoup de PED, les déterminants des délocalisations (notamment industriels) ne se limitant pas uniquement aux coûts salariaux et de la production : le niveau de productivité du travail, l’accès aux marchés, les coûts de coordination et de transaction ainsi que des facteurs de risques géopolitiques et de change comptent également.
Les entreprises étrangères considèrent toujours le marché comme un facteur déterminant dans leur stratégie de croissance internationale, à même dans le cas des investissements verticaux6. En effet, à l’opposé de l’investissement dans les industries à faibles coûts qui garantissent la mobilité aux entreprises étrangères, l’investissement dans les industries capitalistiques qui nécessitent un investissement matériel très lourd en coût et en temps (comme l’automobile, électronique etc.) qui, en cas de changement défavorable de la situation, réglementaire, politique ou autres, compliquerait toute tentative de retrait de la firme implantée. C’est un autre facteur déterminant qui expliquerait indubitablement la faiblesse, excepté dans le secteur des hydrocarbures, des IDE dans des secteurs industriels importants en Algérie.
Toutes ces considérations expliquent somme toute pourquoi les entreprises étrangères préfèrent faire le commerce (importations et revente en l’état) avec l’Algérie, en installant de simples bureaux de représentation et de petites entités commerciales. Par ailleurs, même s’il (l’IDE) est dans les activités manufacturières qui, dans autant cas, assemblage souvent à faible taux d’intégration (l’exemple Renault-Algérie à 12%), les firmes étrangères sont loin, limitées aux déclarations, d’être prêtes à nouer des contrats ou effectuer des investissements lourds dans le pays.
Comme conséquence : des investissements limités à l’extraction des ressources et au commerce et service, conduisant à se persister dans la spécialisation traditionnelle, au détriment de toute autre NSI qui pourrait permettre de sortir de lourde dépendance envers le pétrole et les recettes pétrolières, de développer des secteurs créateurs de richesses7.
Au-delà cet enjeu-clé pour l’économie algérienne, qui découle des observations où l’IDE et le développement de l’investissement n’est qu’au sens des ressources et ce, en défaveur des secteurs productifs et exportateurs8, il nous semble cependant encourageant que l’Algérie, d’après les résultats de tant d’analyses sectorielles sur l’industrie, réunit tous les conditions et les atouts pour faire la différence dans plusieurs secteurs représentant un fort levier de croissance et dynamisant pour l’ensemble de l’économie, dans de NSI à savoir : l’industrie mécanique et les High Tech (l’électronique et l’informatique, les TIC) etc.
Qui plus est, comme d’ailleurs annoncé dans le livre blanc publié par le gouvernement en 20079, l’IDE peut être un puissant facteur de mise à niveau et de restructuration de l’industrie nationale. Le gouvernement entend ainsi se doter d’une stratégie industrielle nouvelle. Celle-ci, se déclinant en effet sous deux aspects : Continuer dans l’encouragement des ISI, avec en parallèle le développement d’une industrie vers l’exportation.
Mais ne serait-ce possible qu’en mettant en valeur les branches qui disposent des potentiels de production requis et de sérieuses prédispositions à améliorer leurs avantages compétitifs.
C’est dans ce contexte socio-politico-économique et dans une volonté de rattrapage que notre recherche s’inscrit. Qu’en est-il alors de ces perspectives de nouvelles spécialisations industrielles(NSI) de l’Algérie ? Qu’elle va être la pertinence de l’IDE dans le cadre de ces potentielles NSI ? Et quels sont les enseignements à tirer des expériences internationales, en particulier celles des pays asiatiques ? C’est l’objet des points suivants.
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1 Voir, BENBAYER.H et MEDJAOUI.H, « le développement des sources de financement des PME en Algérie : émergence de la finance islamique », revue d’économie et de management, N° 09, 2009. ↑
2 L’Office national des statistiques (ONS 2015). ↑
3 Il convient de noter que ces mêmes firmes, dans les années 50 et 60 en Corée du sud, produisaient surtout des babioles et de simple sous-traitance pour l’industrie américaine et japonaise, et qui sont devenues aujourd’hui de grands géants internationaux, dans l’électronique, la construction navale etc. ↑
4 En 2009, la contribution des PME était de 1.3% au PIB. BENBAYER.H et MEDJAOUI.H, ibidem. ↑
5Une telle expérience a été déjà vécue, dans le cadre des plans ; triennal (1967-1969), quadriennaux (1970-73, 1974-77) et les deux plans quinquennaux (1980-1989), visant à répondre aux impératifs d’un développement autonome et introverti. Néanmoins, faute de compétences et de moyens, cette attitude s’est immédiatement accompagnée par l’encouragement des operateurs économiques, à faire davantage appel au capital étranger pour l’accomplissement de leurs programmes d’investissements, et de s’en remettre aux bureaux d’étude étrangers pour l’assistance dans le choix des techniques et les négociations des contrats. Tenant à, l’inexistence d’une plate-forme économique adéquate et des choix économiques irréfléchis et intuitifs. ↑
6Michalet. C.A(1997) cité par, REDJALA.K, « le développement des pays d’Afrique du nord face au partenariat Euro-Med », Séminaire SEI Doctorants, 12-18 janvier 2015, P04. Ce que nous voir dans le cas asiatique, en section suivante. ↑
7C’est dire, une forte dépendance à l’égard des IDE peut être aussi à l’origine d’une spécialisation néfaste à LT. Les exportations traditionnelles ont été souvent favorisées au détriment des autres secteurs de l’économie qui, à la baisse des prix ou de la demande de cette matière, le pays parait se voir dans l’impasse, comme l’atteste l’actuelle conjoncture pétrolière où les cours du pétrole ont atteint leur plus bas niveau, au dessous des 50$ baril. ↑
8En guise de remarque, il convient d’admettre que la localisation des IDE dans telles activités (pétrole, services) sont de nature à renforcer les logiques d’accumulation basées sur l’extraversion, qui consolide du coup ce type de spécialisations à faible VA, notamment avant réexportation. Caractéristique propre aux PED. ↑
9 MIPI, 2007, Op.cit. ↑