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Les conséquences du manque d’équipements médicaux en Côte d’Ivoire

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🏫 Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest-Unité Universitaire à Abidjan (UCAO-UUA) - Faculté de Droit Civil
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - Mars 2024
🎓 Auteur·trice·s
ADEOUMI Aboubakar-Sidik Akinlola
ADEOUMI Aboubakar-Sidik Akinlola

Le manque d’équipements médicaux constitue un obstacle majeur à l’efficacité de la médecine du travail en Côte d’Ivoire. Cet article analyse les défis structurels et fonctionnels rencontrés, tout en proposant des perspectives d’amélioration pour le cadre juridique et les services de santé au travail.


Paragraphe II :

Le manque de moyens matériels et financiers : un frein à l’action

La convention n°161 de l’OIT sur les services de santé au travail prévoit que tout employeur doit assurer un service de santé au travail au profit des travailleurs qu’il emploie. Cette obligation est reprise par le législateur ivoirien qui précise que ce service de santé doit être dirigé par un médecin agréé.

Cependant dans l’exercice de sa mission, le praticien se trouve confronter à des difficultés matérielles avec le manque d’équipements qui l’empêche de réaliser certains examens (A), mais, il doit également faire face au manque de moyens financiers (B).

A- Le défaut d’équipements : une impossibilité d’effectuer certains examens

Le médecin du travail doit assurer la surveillance médicale des salariés, notamment par des examens périodiques et des visites de reprise. Or, ces examens nécessitent des équipements adaptés, tels que des appareils de mesure de la tension, de l’audition, de la vision, ou encore des tests biologiques.

Il existe un défaut d’équipements dans les services de santé au travail en Côte d’Ivoire, qui empêche le médecin du travail de réaliser certains examens indispensables pour évaluer l’aptitude des salariés à leur poste de travail.

En effet, il manque souvent d’équipements adaptés pour effectuer certains examens médicaux ou pour mesurer certains paramètres physiques ou chimiques. Par exemple, il n’existe pas assez d’appareils pour réaliser des audiogrammes, des spiromètres ou des dosimètres. Ces équipements sont pourtant indispensables pour dépister les troubles auditifs, respiratoires ou liés à l’exposition aux rayonnements ionisants. Le manque d’équipements empêche donc les médecins du travail de réaliser un diagnostic précis et complet des salariés.

Cette situation peut s’expliquer par le contexte économique du pays qui est marqué par une forte dette publique et une pression fiscale importante, qui limitent les capacités de financement et d’investissement de l’État et des entreprises.

Suivant les chiffres de l’OMS, les services de santé de base pour prévenir les maladies professionnelles et liées au travail coûtent en moyenne 60 dollars1 environ 35.000 CFA, or, la Côte d’Ivoire consacre à peu près 6% de son budget à la santé2.

Ainsi, l’on constate un véritable gap entre les prévisions internationales et la volonté des dirigeants d’investir dans la santé. Ce qu’ils oublient ou font mine d’oublier, c’est que sans des travailleurs en pleine santé, il n’y a pas de productivité, chose qui a des conséquences néfastes sur l’économie du pays. Or, comme indiqué ci-dessus, l’économie de la Côte d’Ivoire est à mal avec une forte dette publique et un taux de croissance modéré.

Par conséquent, l’on a plus que besoin des travailleurs en pleine santé pour redresser l’économie du pays.

En conclusion, le défaut d’équipements de la médecine du travail freine non seulement le médecin du travail dans sa quête à la sauvegarde de la santé des travailleurs, mais aussi freine le développement économique de la Côte d’Ivoire qui subit des pertes de productivité. Outre ce défaut d’équipement matériel, la médecine du travail doit faire face à une autre difficulté, qui est celle du manque de moyens financiers mis à sa disposition.

B- Les contraintes budgétaires : une dépendance vis-à-vis des cotisations patronales

En Côte d’Ivoire, la législation impose à tout employeur d’assurer un service de santé au travail pour ses employés, pour ce faire, il doit mettre en place un service de santé et sécurité au travail fonctionnel et adapté, qu’il doit généralement financer et en supporter les frais3.

En effet, le service de santé et de sécurité au travail, à la tête duquel se trouve le médecin du travail, doit assurer la surveillance du milieu du travail, afin d’identifier les facteurs de risque et de proposer des améliorations des conditions du travail. Pourtant, cette mission implique des coûts importants, liés notamment aux déplacements du médecin du travail, à la réalisation d’études ergonomiques, ou encore à la formation du personnel.

Cependant, les services de santé au travail en Côte d’Ivoire sont confrontés à des contraintes budgétaires, qui limitent leurs moyens d’action. En effet, le financement de ces services de santé repose essentiellement sur les cotisations patronales. Il s’avère que ces cotisations sont souvent insuffisantes pour assurer le fonctionnement et le développement des services de santé au travail, notamment en termes de recrutement, de formation ou d’investissement.

Cela s’explique par un recouvrement des cotisations d’autant plus difficile en raison de la faiblesse du contrôle et des sanctions, et de la précarité de l’emploi.

De plus, ces cotisations sont soumises aux aléas économiques et peuvent varier selon la conjoncture, la performance économique de l’entreprise. En réalité, en période de prospérité économique, les entreprises génèrent plus de revenus et les employeurs sont plus enclins à investir dans le financement des services de santé au travail. À l’inverse, en période de récession, les employeurs peuvent réduire cet investissement pour faire face à des difficultés financières, ce qui diminue leurs contributions, mettant en péril le bon fonctionnement des services de santé au travail.

Ainsi, les services de santé au travail sont dépendants des employeurs, qui peuvent être réticents à financer des actions de prévention qui ne leur rapportent pas directement. Par ailleurs, cette dépendance financière peut affecter l’indépendance du médecin du travail, qui peut être soumis à des pressions ou à des conflits d’intérêts puisqu’il est rémunéré par l’employeur.

En conclusion, le manque de moyens matériels et financiers constitue un frein à l’action de la médecine du travail en Côte d’Ivoire, qui ne peut pas remplir pleinement ses missions de prévention et de protection de la santé des travailleurs. Il conviendrait donc de renforcer les moyens des services de santé au travail, en augmentant les cotisations patronales, en améliorant le recouvrement, et en diversifiant les sources de financement. Il faudrait également doter les services de santé au travail d’équipements adaptés, en tenant compte des spécificités des secteurs d’activité et des risques professionnels. Enfin, il faudrait garantir l’indépendance du médecin du travail, en renforçant son statut et ses garanties déontologiques.

DEUXIÈME PARTIE:

LA MÉDECINE DU TRAVAIL, UNE INSTITUTION À L’EFFICACITÉ PERFECTIBLE

Dans la première partie, nous avons vu que la médecine du travail est une institution relativement efficace, qui repose sur l’engagement des pouvoirs publics et sur une organisation optimale des services de santé au travail. Toutefois, cette institution n’est pas sans failles et doit faire face à de nombreux défis pour améliorer son efficacité et sa performance.

Ainsi, dans cette deuxième partie, nous verrons que la médecine du travail est une institution à l’efficacité perfectible, qui nécessite une transformation juridique et organisationnelle et un renforcement des moyens humains, matériels et financiers. En effet, la médecine du travail doit concilier les droits des travailleurs et les impératifs de sécurité, en respectant la vie privée des salariés, en prévenant les discriminations, en tenant compte des situations particulières et en assurant la dignité des travailleurs (chapitre I).

Par ailleurs, la médecine du travail doit réformer son statut et son cadre juridique, en adaptant la législation aux évolutions du monde du travail et aux normes internationales, en définissant des règles claires et précises, en dissipant l’ambiguïté autour du certificat d’aptitude et en garantissant l’indépendance du médecin du travail. De plus, la médecine du travail doit optimiser son organisation, en créant un cadre harmonisé, en élargissant la protection aux travailleurs de l’économie informelle, en renforçant le contrôle de la qualité des services et le suivi médical des salariés. Enfin, la médecine du travail doit renforcer ses moyens, en développant l’attractivité du métier, en favorisant le travail en équipe et la pluridisciplinarité, en accroissant les ressources financières et matérielles (chapitre II).

________________________

1 Organisation Mondiale de la Santé, Protection de la santé des travailleurs, disponible en ligne : https://www.who.int (consulté le 30/12/2023 à 22 h 42 min)

2 Ministère de la Santé et de l’hygiène publique, Politique nationale d’amélioration de la qualité des soins et des services de santé en Côte d’Ivoire, République de Côte d’Ivoire, juin 2016, p.30

3 Article 43.1 de la loi n° 2015-532 du 20 juillet 2015 portant Code du travail de la République de Côte d’Ivoire, JO n°74 du 14/09/2015

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