Cet article explore les dysfonctionnements logistiques du Cameroun à l’OUA/UA, révélant les tensions entre la présidence et le MINREX ainsi que la coordination interministérielle. Diplomatie camerounaise et OUA/UA : enjeux et limites. Cet article explore l’implication de la diplomatie camerounaise dans les instances multilatérales africaines, notamment l’OUA et l’UA, révélant des enjeux et limites significatifs.
2.2 Les dysfonctionnements logistiques
Aborder la problématique du dysfonctionnement d’ordre logistique lié à la projection du Cameroun à l’OUA/UA laisse paraître d’une part le déséquilibre des rapports entre la présidence de la République et le MINREX et d’autre part le problème relatif à la coordination interministérielle.
Le déséquilibre des rapports entre la présidence de la République et le MINREX
De nombreuses discordances ont toujours été observées entre la présidence de la République ordonnateur de la politique extérieure du pays et le MINREX qui en est réduit à une simple tâche d’exécutant. A ce sujet, cette monopolisation de la présidence en matière diplomatique s’est fait ressentir par les circonstances de la sortie, en avril 1963, de Jean-Faustin Betayene, le deuxième ministre camerounais des affaires étrangères après Charles Okala.
L’un des témoins privilégiés de ces péripéties a rendu compte de la promptitude avec laquelle le président Ahidjo avait réprimandé et réprimé les velléités d’indépendance de son ministre. C’est certainement instruit de cet antécédent que le successeur de Jean-Faustin Betayene, Benoît Balla, insiste en septembre 1963 sur le fait ‘’le Cameroun a adopté le régime présidentiel dans lequel la politique extérieure du pays est définie et orientée par le chef de l’Etat’’.
Ajoutons que la tendance à la personnalisation présidentielle de la politique étrangère a été inaugurée au lendemain même de l’indépendance, par Ahmadou Ahidjo. Charles Okala, le tout premier ministre camerounais des affaires étrangères n’est resté que plus de 18 (dix-huit) mois à son poste.
D’après Jean-François Bayart, analyste avisé de la vie politique camerounaise, ce dernier avait mené personnellement plusieurs négociations capitales, dont l’établissement des premiers contacts avec le groupe de Casablanca et le recours à l’ONU après le refus du Cameroun septentrional de rejoindre la fédération. ‘’L’échec de cette dernière démarche, auquel s’ajoutent des raisons d’ordre intérieur, avait provoqué son renvoi du cabinet’’. Cet ordonnancement fortement centralisé du régime en matière de politique extérieure, donne très peu ou presque pas de pouvoirs décisionnels au Ministère des relations extérieures.
Cela entraîne donc comme conséquence un déséquilibre flagrant des rapports entre la présidence de la république et le MINREX. Ceci porte donc un heurt sur la capacité de ce département ministériel à pouvoir placer les ressortissants du Cameroun à l’UA, étant donné de sa marge de manœuvre fortement limitée.
Au-delà des rapports déséquilibrés entre la présidence de la république et le MINREX qui annihilent sa projection diplomatique, on peut ajouter aussi à cela le problème relatif à la coordination interministérielle.
Le problème relatif à la coordination interministérielle
En octobre 1973 a été créé le Comité interministériel pour la coordination de la politique du Cameroun. Régi par le décret n°78/026 du 16 janvier 1978, ce Comité est chargé, dans le cadre des orientations définies par le chef de l’Etat, de ‘’déterminer les objectifs de la République du Cameroun dans le domaine international ; de coordonner les actions des divers départements ministériels en vue d’atteindre ces objectifs et de procéder périodiquement à l’évaluation des relations extérieures’’.
Placé sous l’autorité du secrétariat général de la Présidence, il comprend, comme membre de droit, les ministres chargés des relations extérieures, de la Défense, du Développement industriel et commercial, du plan et de l’Aménagement du Territoire, ainsi que les responsables de la sécurité intérieure, présidentielle, du renseignement et, un responsable de la division des Affaires diplomatiques à la Présidence de la République.
Cette action du comité interministériel qui intervient directement comme structure consultative et de l’orientation de la politique extérieure du Cameroun limite un peu plus l’action du MINREX qui est contraint à n’exercer que des fonctions marginales.
Avec un régime présidentiel fortement centralisé, la prédominance d’organes ou de personnalités en charge de politique extérieure, participe à rendre stérile toute politique de placement des ressortissants camerounais à l’UA du fait des attributions restreintes du MINREX.
CONCLUSION GENERALE
En conclusion de ce dernier chapitre, nous pouvons retenir que le Cameroun après une quarantaine d’année de rapports avec l’OUA/UA a laissé plusieurs empreintes positives au sein desdites instances. Celles-ci sont d’ordre géopolitique, politico-diplomatique et socio-économique.
De son côté, l’institution continentale a aussi contribué à façonner l’Etat du Cameroun à la fois du point de vue institutionnel et socio-économique. Toutefois, plusieurs limites sont venues entacher la participation du Cameroun au fonctionnement des instances et porter atteinte à sa projection. Ces barrières sont d’ordre humain, stratégique, suivies de nombreux dysfonctionnements logistiques.
Ce travail s’est appesanti à étudier le côté déploiement de la diplomatie camerounaise au sein des institutions continentales africaines à caractère multilatéral. Pour y arriver, nous avons structuré notre cadre d’analyse sur quatre principaux axes. En prémices, l’organisation et les enjeux de la diplomatie camerounaise nous a permis d’entrer en plein dans le vif du sujet.
Parlant de l’organisation de la diplomatie camerounaise, elle se structure jusqu’ici sous la forme triangulaire avec à sa tête le président de la République qui en est le principal maître d’œuvre.
Celui-ci est assisté par le MINREX qui joue un rôle secondaire, celui de metteur en scène de cette diplomatie. Le parlement quant à lui qui est le troisième organe, en est du point de vue constitutionnel le principal législateur. Pour ce qui est des enjeux de la diplomatie camerounaise à l’OUA-UA, ceux-ci sont d’ordre politico-diplomatique, économique et stratégique. Ces derniers apparaissent comme les principaux modules de sa projection sur l’échiquier régional africain.
Le second axe analytique de cet objet de recherche nous plonge en plein dans ce qu’on pourrait appeler l’apport scientifique proprement dit de notre étude. Ainsi, les stratégies de positionnement des ressortissants du Cameroun à l’OUA-UA ont constitué le second chapitre de ce travail.
A ce sujet, deux principales stratégies ont été esquissées. La première qui tourne autour des fonctions électives laisse entrevoir d’une part le respect de la procédure de l’OUA-UA et d’autre part les stratégies nationales de placement des camerounais. La seconde stratégie de positionnement des ressortissants camerounais dans les instances africaines concerne les fonctions non-électives.
Ce levier de placement qui est très peu connu soutend respectivement le détachement et la mise en disponibilité. Ces multiples leviers aussi nombreux sont-ils, avaient permis à l’Etat du Cameroun d’être représenté dans tous les organes de l’OUA notamment à son siège à Addis-Abeba et dans ses représentations extérieures et institutions spécialisées.
Le troisième axe de notre travail nous a conduit à mettre en lumière l’implication de la diplomatie camerounaise dans le fonctionnement de l’OUA/UA. En ce qui concerne la défunte OUA, l’implication du Cameroun au sein de cette institution avait connue deux séquences opposées de la magistrature d’Ahidjo en passant par celle de Biya. Sous le règne du premier cité, la participation du Cameroun dans la dynamique constructive de l’OUA (1963-1982) a été permanente.
C’est durant son règne que la diplomatie camerounaise sur l’échiquier régional a connu ses années glorieuses surtout durant toute la décennie des années 1970 quelques temps après avoir évincé la menace upéciste de la première décennie qui a précédé l’indépendance du pays.
Une baisse d’intensité est observée de 1983-1997 avec son prédécesseur. Au regard du fait que de nombreux facteurs ont émaillé sa projection, n’empêche que malgré la tenue du 32ème sommet de l’OUA à Yaoundé en 1996, le président Paul Biya a pris contre tout attente le contrecoup diplomatique de son prédécesseur. Pour ce qui est de l’UA, de 1998 à 2003, le Cameroun s’est impliqué très activement dans les travaux préparatoires qui ont conduit à la genèse de ladite institution, bien que n’ayant pas signé l’Acte constitutif.
Quoique dans l’ensemble, l’implication de la diplomatie camerounaise dans le processus de mise en place de l’UA soit plutôt juste, le constat flagrant qui se dégage réside dans la régression du point de vue quantitatif du nombre de ses ressortissants présents dans son architecture fonctionnelle contrairement à la défunte OUA.
La dernière articulation de notre étude s’est axée sur l’impact et les limites du déploiement diplomatique du Cameroun dans les instances multilatérales africaines. Pour ce qui est de l’impact, nous retenons en filigrane que le Cameroun tout comme l’OUA/UA se sont influencés mutuellement durant près de quatre décennies de rapports diplomatiques.
Les marques laissées par Yaoundé dans cette institution peuvent être perceptible aussi bien du point de vue géopolitique, économique et politique. Quant à l’OUA/UA, ses empreintes au Cameroun sont beaucoup plus visibles au niveau institutionnel et dans une moindre mesure du point de vue socio-économique.
Toutefois, plusieurs limites sont venues empiéter le déploiement diplomatique du Cameroun.
Nous pouvons mentionner à ce sujet les limites d’ordre humain qui ont un peu plus porter atteinte à l’image du Cameroun au sein de l’institution panafricaine alors que celle-ci a été déjà mise à mal par de nombreuses absentéismes du chef de l’Etat Paul Biya aux différents sommets de ladite organisation. Les limites d’ordre stratégique viennent également se greffer à la première puisqu’elles sont à l’origine de la faible représentativité du Cameroun à l’UA au tout début des années 2000.
Après le développement de ces chapitres, nous pouvons ainsi affirmer que la diplomatie camerounaise dans les instances multilatérales africaines (OUA/UA) s’est déployée à travers le placement de ses ressortissants dans les différentes fonctions dirigeantes de ladite institution.
La singularité de notre mémoire de fin de second cycle universitaire peut se percevoir tant du point de vue épistémologique que méthodologique. Vue sur l’angle épistémologique, nous pouvons affirmer que notre démarche singulière est basée sur la diplomatie du Cameroun au sein de l’OUA/UA. C’est à ce titre que ce travail met un accent particulier non pas sur du déjà vécu mais sur une pratique commune à tout Etat, notamment comment est-ce que l’Etat du Cameroun pour sa part se déploie quant-il le faut au sein des instances à vocation multilatérale telles-que l’UA.
De ce fait, les mécanismes électifs et non-électifs font partir des principaux leviers de déploiement diplomatique du Cameroun à l’échelle extranationale.
Au niveau méthodologique, compte tenu de la diversité de nos sources d’informations, l’approche comparative, entrecroisée et critique de ces données nous a permis de parvenir à la vérité historique. L’analyse de ce sujet s’est donc fait de manière descriptive, narrative et explicative avec à chaque fois les grandes séquences et ruptures mis en lumière.
Notons que ce sujet ne conclut pas le débat. A cet effet, d’autres perspectives d’études futures peuvent être envisageables. La thématique portant sur la diplomatie camerounaise dans les instances internationales à caractère multilatéral (cas de l’ONU) ouvre là une nouvelle piste de recherche qui n’est pas jusqu’ici explorée.