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Améliorer l’analytique des données en Guinée-Bissau: Découvrez comment l’analytique des données en Guinée-Bissau souffre de défis structurels et conjoncturels, entravant le développement malgré les financements conséquents et le besoin de compétences techniques.
Recrutement international pour l’analytique des données : Cet article explore comment le recrutement de jeunes professionnels internationaux dans le domaine de l’analytique des données peut atténuer la pénurie de main-d’œuvre nationale tout en favorisant des pratiques basées sur des données probantes.

Résultats et discussions

Ce chapitre revêt une importance cruciale en ce sens qu’il expose les principales conclusions tirées de nos investigations. Il vise à mettre en évidence les tendances, les thèmes prédominants, les perspectives des participants et les enseignements clés issus de l’analyse des données recueillies.

Il est structuré en deux parties principales. D’une part, la présentation des résultats des explorations qualitatives en relation avec la revue de littérature a été effectuée, et d’autre part, des recommandations ont été formulées pour orienter les futures actions visant à maximiser les avantages de l’utilisation de l’analytique des données dans les projets de développement en Afrique.

Présentation des résultats et des analyses

Comme prévu, sept (7) entretiens ont été réalisés auprès de sept (7) professionnels distincts travaillant dans le domaine du développement en Guinée-Bissau. Ces professionnels dont deux assistants au Programme, deux coordonnateurs de programme et trois officiers respectivement de communication, de partenariat et de programme sont issus de cinq (5) parmi les sept (7) agences des NU sélectionnées à cet effet (voir annexe 2).

Les projets sur lesquels ils travaillent s’inscrivent dans les domaines prioritaires des Nations Unies en Guinée- Bissau44 dont la protection sociale, la résilience, le Droit de l’homme, la santé maternelle et reproductive, la violence basée sur le genre et la consolidation de la paix.

Les insights tirés des analyses effectuées peuvent être regroupées en trois grandes thématiques dont la culture des données, les pratiques d’analytique des données et les difficultés statistiques d’ordre national.

Une culture des données peu satisfaisante

La culture des données au niveau des agences des NU en Guinée-Bissau ne constitue guère une surprise. En effet, il suffit juste de consulter le document de l’UNSDCF45 pour constater comment les données probantes participent au processus d’élaboration des programmes et projets de développement. C’est également dans un cadre de culture des données que notre observation a eu lieu, comme indiqué dans la section 3.4.3, en travaillant en étroite collaboration avec le responsable de la gestion des données et du suivi des résultats du RCO46.

Cependant, avoir la culture des données ne constitue pas une condition suffisante, quoique nécessaire, pour parler d’utilisation efficace des données dans la prise de décision.

UNSDG. (novembre 2021). UN Sustainable Development Cooperation Framework for Guinea Bissau 2022 to 2026. https://unsdg.un.org/fr/resources/un-sustainable-development-cooperation-framework-guinea-bissau-2022-2026
Idem
Le titre de la fonction étant Data Management and Results Monitoring/Reporting officer en Anglais.

En effet, les insights tirés des données collectées lors des entretiens montrent que les agences ont effectivement toutes la culture des données. Le même constat a été fait pendant l’observation participante.

Néanmoins, des points de questionnement ont été soulevés, lesquels peuvent être synthétisés comme suit. Au niveau des agences des Nations Unies en Guinée-Bissau :

  • les données sont surtout utilisées dans un cadre de suivi-évaluation et non dans une
  • perspective de planification stratégique, de plaidoyer ou d’allocation de ressources ;
  • les données ne sont pas utilisées pour orienter les décisions à venir du management mais sont plutôt utilisées pour évaluer les décisions déjà prises ;
  • les données ne sont pas utilisées dans un cadre de leçons apprises (lessons learned) ou de pratiques fondées sur les données probantes (evidence-based practices) mais sont surtout utilisées dans un cadre traditionnel de rédaction de rapport de suivi.

Ces points d’ombre ont élucidé un problème de compétences techniques, lequel a été explicité en analysant les pratiques d’analytique des données au sein de ses agences.

Des pratiques d’analytique des données peu adaptées

S’il est vrai que chacune de ces agences effectue régulièrement la collecte de données et dispose d’un professionnel responsable de l’analytique des données, il n’est pas immédiat de dire que la mise en place des méthodes d’analytique des données soit concluante. En effet, il a été constaté dans les données recueillies que :

les agences confondent le rôle de l’officier suivi-évaluation avec celui de l’analyste de

  • données comme indiqué dans la section 2.2.1-d ;
  • les potentiels de l’analytique des données ne sont pas bien exploités tenant compte
  • du fait qu’aucune analyse diagnostique, prédictive ou prescriptive n’est réalisée47.

Ces informations ont été jugées très pertinentes après que nous ayons découvert que :

  • les données socio-économiques sont les types de données les plus utilisés ;
  • les sources de données utilisées pour produire les analyses sont essentiellement des sources secondaires et des sources indirectes avec très peu de considération pour les données provenant des sources directes et des sources primaires.

Sachant que ces types de données (les données secondaires) ont déjà été modélisés et ne peuvent être utilisés qu’à des fins de description48, nous pouvons comprendre l’ampleur des difficultés décisionnelles sans les analyses diagnostiques, prédictives et prescriptives49.

Ce résultat est d’autant plus parlant quand nous constatons que les logiciels d’analyse de données utilisés sont essentiellement Excel et SPSS, lesquels sont principalement adaptés aux analyses descriptives, au détriment des logiciels Stata et R qui sont plutôt adaptés à tous les types d’analyse décrit en 2.2.2-b.

Voir la section 2.2.2-b sur les types d’analytique des données.

Voir les sections 2.1.1-b et 2.1.1-c sur les sources et typologies de données.

Cote, C. (9 novembre 2021). What is Descriptive Analytics? 5 Examples. HBS Business Insights. https://online.hbs.edu/blog/post/descriptive-analytics

Enfin, nous avons constaté que les analyses réalisées par les agences concernent surtout la réalisation des activités et l’utilisation des budgets alloués, laissant de côté les analyses sur l’allocation des ressources, l’optimisation des délais et la simulation de risques.

Dans un tel contexte, des analyses approfondies ont dû être réalisées pour déceler la relation entre ces pratiques d’analytique des données peu concluantes et les défis statistiques nationaux.

Des défis statistiques d’ordre national

Des révélations un peu plus loin au cours des entretiens nous ont permis de découvrir que les acteurs du développement en Guinée-Bissau sont confrontés à de graves difficultés pour réaliser des enquêtes de terrain. En effet, il leur est quasi-impossible d’établir une base de sondage, compte tenu de l’obsolescence des données du dernier recensement et de l’absence de données de base issues d’enquêtes nationales.

Il n’est pas nécessaire de mentionner les limitations dans le financement des activités statistiques en Guinée-Bissau quand nous savons que ce pays figure au premier rang dans la liste des huit (8) pays de l’Afrique de l’Ouest qui auront à bénéficier du financement de 460 millions de dollars de la Banque mondiale dans le but de supporter la mise en place d’un système statistique fiable50. Il est à noter également qu’il existe, selon les répondants, un manque considérable de professionnels nationaux ayant des compétences en Statistique ou Science de données.

Cette situation pousse les organismes œuvrant dans le domaine du développement en Guinée-Bissau à avoir recours aux officiers suivi-évaluation locaux ou à des démographes, compte tenu du coût élevé de la main-d’œuvre international dans le domaine de l’analytique des données.

Nous comprenons ainsi que le problème de la sous-utilisation des données dans les projets de développement en Afrique, notamment en Guinée-Bissau, est causé par autant de facteurs structurels que conjoncturels. L’absence de compétences techniques sur le territoire national en matière d’analytique des données semble être au cœur de tous les défis révélés.

Une mauvaise compréhension du rôle de l’analyste des données

L’observation participante nous a permis d’étudier de plus près les officiers suivi-évaluation, ce qui nous a permis d’identifier plusieurs caractéristiques qui ne font pas d’eux des analystes de données idéaux pour les projets de développement dans le cadre bissau-guinéen51.

Faible maîtrise des outils et des techniques d’analytique des données

Le premier constat effectué a été le fait que les officiers suivi-évaluation en Guinée-Bissau partagent très peu de caractéristiques et de compétences semblables à celles d’un analyste de données. En effet, ces professionnels, pour la plupart, maîtrisent très peu les méthodes et les techniques de collecte de données.

The World Bank. (11 mai 2023). Afrique de l’Ouest : 460 millions de dollars pour des données de qualité. https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2023/05/11/world-bank-approves-460-million-for- regional-harmonization-and-improvement-of-statistics-in-western-and-central-africa

Ces déductions se fondent sur nos expériences en tant qu’analyste de données et officier suivi-évaluation.

Pour la collecte électronique de données, rares sont ceux qui maîtrisent les outils ODK ou Kobo collect, lesquels sont généralement recommandés pour la collecte de données dans un contexte humanitaire. En matière d’analyse de données, ils ont généralement des compétences de base en production de tableaux croisés dynamiques et de graphiques avec Microsoft Excel, l’unique outil d’analyse de données utilisé dans presque tous les cas.

Cependant, leur capacité d’analyse se limite uniquement aux analyses descriptives, rendant leurs rapports peu pertinents. Ils ne sont donc pas en mesure de faire parler les données (data storytelling) pour influencer la prise de décision.

Non maîtrise de la gestion de données

Les informations qu’ils détiennent sont le plus souvent stockées dans un classeur Excel ou dans un fichier Word, sous un format très peu structuré. Cette situation est l’une des principales sources de difficultés pour le rapportage inter-agence au sein des NU en Guinée-Bissau.

Surcharge de travail et autres priorités

Enfin, les officiers suivi-évaluation sont très peu engagés quand il s’agit de l’analytique des données. Ils sont le plus souvent très intégrés dans l’implémentation des activités de projets, laissant ainsi de côté les activités de traitement et d’analyse des données. Ce comportement est parfois interprété comme un manque de compréhension de leur fonction analytique.

Des pratiques exemplaires qui peuvent servir de modèle

L’observation participante nous a également permis d’explorer un certain nombre de bonnes pratiques qui ont été mises en œuvre au niveau du RCO en Guinée-Bissau pour faire face à certains des défis mentionnés. Parmi ces bonnes pratiques, nous avons retenu les suivantes.

La gestion centralisée des données

Un élément important permettant de jouir du potentiel de l’analytique des données est une bonne gestion des données collectées. En effet, si la collecte de données est une phase cruciale de l’analytique des données, elle ne servira pas à grand-chose si les données collectées sont stockées de part et d’autre sur différents appareils. Comprenant cela, le RCO en Guinée-Bissau a mis en place un mécanisme de gestion centralisée des données permettant de les avoir à un même lieu de stockage. Cela facilite donc leur traitement et les rend plus puissantes pour produire des insights servant à supporter les prises de décision.

Le recrutement de professionnels junior ou de volontaires

Compte tenu de la pénurie de main-d’œuvre nationale dans le domaine de l’analytique des données et du coût élevé de la main-d’œuvre internationale dans ce domaine, la stratégie est de recruter des professionnels internationaux juniors ou des volontaires internationaux désireux d’acquérir plus d’expériences professionnelles tout en mettant à profit leurs compétences. Les jeunes VNU52 ou les VNU en général jouent un grand rôle en ce sens, et l’expérience qui a conduit à notre observation participante en est la preuve.

La pratique fondée sur les données probantes

La pratique fondée sur les données probantes (evidence-based practice) est la transformation des données en insights pour supporter les activités de tous les jours (Chien, 2019). Une telle habitude contribue non seulement à renforcer la prise de décision fondée sur les preuves (voir section 2.3.2) mais également à orienter les stratégies du top management de l’organisation indépendamment de sa volonté.

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