L’égalité des sexes en éducation est mise à mal dans les écoles secondaires mixtes de Port-au-Prince, où le sexisme persiste. Cette étude révèle comment les stéréotypes de genre influencent les dynamiques pédagogiques, désavantageant les filles et soulignant l’urgence d’une culture de l’égalité.
Conclusion générale : Développer une culture de l’égalité
Conclusion générale : Développer une culture de l’égalité
Nous avons étudié dans ce mémoire de licence la problématique de l’éducation différentielle des adolescent-e-s à l’école secondaire mixte de la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Les travaux de recherche abordant la problématique de genre que nous avons consultés soulèvent surtout des préoccupations liées au sexisme à l’école maternelle, et aux représentations sociales genrées dans les manuels didactiques.
Des clichés véhiculant l’inégalité entre les sexes, en dépit de l’évolution des rapports sociaux de sexe, dans la société haïtienne contemporaine, nous ont poussé à aborder les rapports sociaux de sexe chez les adolescent.e.s scolarisés. Nous avons donc jugé opportun dans ce travail, d’étudier l’éducation au niveau du secondaire et par la même tenter de saisir et d’interpréter l’agencement qui se fait entre les sexes à ce moment crucial dans la vie de l’individu qu’est l’adolescence.
Partant d’une revue de la littérature scientifique existant sur les thèmes centraux de notre sujet et des observations que nous avons effectuées, nous avons pu formuler deux hypothèses, tout d’abord « le processus d’éducation différentielle des adolescent-e-s à l’école secondaire mixte de la région métropolitaine de Port-au-Prince contribue à la reproduction des rapports sociaux de genre dans la mesure où celui-ci active des mécanismes sociaux qui différencient et hiérarchisent les individus selon leur catégorie de sexe en Haïti » ; ensuite,
« le processus d’éducation différentielle des élèves des écoles secondaires mixtes en Haïti s’explique par la reproduction des normes et valeurs de genre qui génère une distribution de pouvoir inégal entre adolescents et adolescentes scolarisés ». En vue de la vérification de nos hypothèses, nous nous sommes évertuée à camper les rapports sociaux de sexe dans le cadre éducatif où évoluent les adolescents de trois types (3) d’établissements scolaires mixtes à Port-au-Prince. Nous avons aussi profité pour étudier les rôles et attitudes des catégories sexuées dans ce même environnement.
Notre hypothèse s’est révélée appropriée au cadre d’étude dans la mesure où les pratiques d’enseignement et les interactions entre les adolescent.e.s attestent de la reproduction des pratiques liées au genre. Quand ce ne sont pas des conceptions naturalistes des sexes qui ont la voix au chapitre, ce sont des attitudes de neutralité qui ne veulent pas rendre compte de la gravité de ces rapports ou ils sont tout simplement ignorés. Notre mémoire de licence, certes limité quant à l’échantillon d’étude, permet de comprendre non seulement la tenue d’une séparation entre les sexes en dépit de la mixité, mais aussi une ségrégation dans les pratiques qui conduisent à l’évitement de l’autre ou un repli sur soi.
Nous avons vu que l’adolescent.e subit sa première socialisation ou « socialisation primaire » à la famille mais aussi à l’école qui lui inculque les outils pour s’intégrer socialement en le dotant de normes, de conduites et en lui fixant des limites. Nous avons montré que l’école est un agent socialisateur et nous avons découvert qu’elle couvre des pratiques genrées en dépit de son apparente neutralité en nous basant sur les discours et les pratiques des enseignant.e.s. Nous avons pu comprendre que le discours de la neutralité prime sur la dimension genre qui est peu prise en compte dans l’enseignement.
La société haïtienne est traversée par l’idéologie de la différence des sexes qui imprègne les mentalités de représentations sociales toutes faites des hommes et des femmes. Les rapports sociaux de sexe pénètrent tous les interstices sociaux en reproduisant la domination et la hiérarchisation entre les sexes. Et ce, en dépit des progrès considérables réalisés au niveau des études consacrées au genre et aux efforts effectués dans la mise en place d’un système éducatif plus égalitaire.
Il est possible de constater une emprise du genre, source d’inégalité, dans tout l’appareillage social. Judith Butler (2006) a fait mention de la répétitivité des normes sociales hétérosexuées qui formatent les gens, parfois sans même qu’on s’en rende compte. Or, cette orchestration sociale du genre rend subtile l’inégalité. Il faut rappeler que le genre postule une conception binaire des sexes qui reproduit des inégalités qu’on a tendance à ignorer ou parce qu’elles arrangent un groupe d’individus privilégiés qui détiennent les espaces de pouvoir et de décision et c’est ce que nous avons observé avec les adolescent.e.s évoluant dans les écoles étudiées.
L’éducation participe à un travail de valorisation des hommes en même temps qu’elle confine les femmes dans des positions subalternes. D’une part, ce travail conforte les hommes en leur permettant de croire en une virilité et une supériorité construite tellement depuis longtemps que les mentalités peinent à suivre les évolutions ; d’autre part, il construit les femmes comme des êtres fragiles, de moindre capacité intellectuelle, destinées à remplir « des taches qui allègent l’existence des hommes », pour répéter une expression chère à Colette Guillaumin (1976). Or, ces différences d’attributs ne détiennent pas la même valeur sociale selon le schéma tracé par l’ordre social inégalitaire.
Si certaines recherches soulignent comment l’école favorise l’apprentissage de la différenciation dès le plus jeune âge, les valeurs traditionnelles qui accompagnent les représentations sociales ne changent pas à l’adolescence considérée comme une période de remise en question ; elle révèle de préférence le durcissement ou la continuation de ces rapports inégalitaires qui affectent le comportement des jeunes. Toute leur éducation débouche sur des normes et des valeurs différentielles qui posent des limites non interchangeables.
Notre travail permet de comprendre que la mixité scolaire, qui est une avancée dans les façons de concevoir les rapports entre les sexes dans l’éducation, ne permet pas d’établir de réels rapports égalitaires à l’école secondaire en Haïti. Notre travail de terrain met en lumière des rapports de compétition et de dévalorisation des filles, de ségrégation et de hiérarchisation des adolescentes.
C’est un sombre tableau du sexisme qui s’affiche dans les interactions des élèves étudiés. Si les garçons s’affichent en sexe fort, supérieur, les filles développent des rapports de passivité et de mise à l’écart. Toutefois, ce tableau bien que récurrent n’est pas absolu ; il s’ensuit des rapports pro-égalitaires quand les conditions économiques de vie des parents des élèves sont plus élevées.
En raison du nombre restreint d’école et d’élèves étudiés, nous ne pouvons pas nous permettre de généraliser les résultats obtenus, toutefois ces derniers sont susceptibles de révéler une différence de traitement « du genre » en fonction de la classe sociale.
Nous avons réalisé que des conceptions sur les comportements pro ou inégalitaires sont considérés comme allant de soi, car ils ne relèvent d’injonction ni de conception bi-catégorielle. Toutefois, ils instaurent des rôles sexuels différents dans les différentes structures étudiées et nous avons pu comprendre que le genre scolaire, qui est le fait de développer des habitus de schémas genrés s’appuyant sur une culture de genre, se poursuit.
La culture de genre défavorise les filles en les projetant comme des personnes de seconde zone. La distribution de pouvoir est si inégale entre les adolescent.e.s qu’elle reconduit des stéréotypes vieux de plusieurs siècles qui affectent les représentations qui sont susceptibles d’impacter négativement les capacités intellectuelles des filles. Nous avons observé également combien les rapports sociaux de genre peuvent être défavorables pour les trajectoires scolaires des filles.
Par ailleurs, les enseignant.e.s ne sont pas moins épargnés par la reproduction d’idées conservatrices des rapports entre hommes et femmes en dépit des discours critiques tenus sur le fonctionnement de l’école en Haïti. L’école, en dépit de sa fonction d’émancipation des individus, est un espace d’inégalités entre les sexes. Par ailleurs, la vie éducative est dominée par des rapports inégalitaires qui interviennent dans la construction des identités sexuelles différenciées. Les rôles sexuels y sont distribués inégalement suivant une conception naturaliste avec des impacts sur les relations entre pairs.
Nous avons compris, comme susmentionné, après la réalisation de notre travail de terrain, que les rapports sociaux de sexe entre adolescents à l’école secondaire se manifestent différemment en fonction de l’origine sociale des élèves. Cet aspect bien que pas approfondi est susceptible être révélateur pour les études de genre en Haïti.
Les cultures sont différentes selon qu’on considère l’origine sociale des adolescent-e-s. En fait, la perspective intersectionnelle initiée par Danièle Kergoat a déjà abordé l’interrelation des rapports de domination entre le genre, la classe et le sexe et cette perspective s’est révélée profitable pour comprendre l’imbrication de ces rapports. Le travail de Kergoat peut aider à la compréhension de la reproduction des schémas de genre en fonction de la classe sociale en Haïti.
Si la mixité en milieu scolaire n’empêche pas la persistance des représentations sexuées toutefois elle demeure un terrain de conflit des identités de genre. Il importe maintenant de combattre les caractéristiques essentielles qui campent les adolescents en êtres supérieurs et les adolescentes en êtres inferieurs.
Notre travail offre des perspectives intéressantes pour notre champ disciplinaire qui est le travail social. Surtout que l’existence d’une intervention féministe est chère à la discipline et permet d’appréhender des réalités imbriquées ainsi que les discriminations croisées. Michèle Bourgon (1987) a proposé un modèle d’intervention féministe en termes de rapports sociaux en Travail social.
Dans son approche qui se fonde sur trois prémisses ; les comportements et actions des gens sont étroitement liés aux ressources auxquelles ils ont accès ; la deuxième prémisse s’attaque aux idées selon lesquelles l’individu est maitre de son destin et responsable de ce qui lui arrive, soit en bien ou en mal ; et enfin une troisième prémisse, qui vient des deux premières proposant « une profonde transformation des rapports sociaux dominants et des structures actuelles » (Bourgon, 1987 : 251).
L’approche féministe en Travail social soutient qu’une éducation à l’égalité s’impose comme une perspective nécessaire afin que les enseignant.e.s et les élèves puissent s’affranchir du carcan du genre. Cette éducation à l’égalité doit être porteuse d’idées neuves et progressistes, elle doit déconstruire les idées reçues, toutes faites, figées qui composent la socialisation dans les différentes sphères d’intégration de l’individu qu’elles soient familiales, religieuses ou scolaires.
Il faut un travail méthodique de déconstruction des clichés sexistes qui entravent les progrès en termes de rapports sociaux de sexe. Les luttes féministes et les institutions d’enseignement doivent contribuer à accoucher ce progrès. Pour les enseignant.e.s, ils/elles doivent encourager les filles et les garçons à s’investir dans des activités similaires, que ce soit pour les matières, mais aussi en classe, une égalité dans le temps de parole, ce qui concerne l’accompagnement, les remarques en salle de classe, pour ne citer que ceux-là.
Il faut donner place à une mixité effective qui prend en compte l’empreinte du sexisme dans tous les domaines y compris l’éducation et la formation des professeur.e.s. En résumé, il faut encourager, développer une politique éducative qui va au-delà de la mixité numérique ou d’une simple cohabitation entre les sexes pour rendre effective une éducation non sexiste et réellement inclusive.
Questions Fréquemment Posées
Comment l’éducation différentielle affecte-t-elle les adolescents en Haïti ?
Le processus d’éducation différentielle des adolescent-e-s à l’école secondaire mixte de la région métropolitaine de Port-au-Prince contribue à la reproduction des rapports sociaux de genre en activant des mécanismes sociaux qui différencient et hiérarchisent les individus selon leur catégorie de sexe.
Quels sont les impacts du sexisme dans les écoles secondaires mixtes en Haïti ?
L’analyse révèle la présence du sexisme en milieu scolaire et montre comment l’éducation n’est pas exempte de valeurs genrées, désavantageant ainsi les filles par rapport aux garçons.
Pourquoi est-il important de développer une culture de l’égalité dans l’éducation ?
Développer une culture de l’égalité est crucial pour contrer les pratiques genrées en milieu scolaire et pour promouvoir un système éducatif plus égalitaire, en dépit des progrès réalisés dans ce domaine.