Comment la méthodologie éducative influence le sexisme en Haïti ?

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🏫 Université d'État d'Haïti - Faculté des Sciences Humaines
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de licence
🎓 Auteur·trice·s
Chéry, Jeanne-Elsa
Chéry, Jeanne-Elsa

La méthodologie d’éducation en Haïti révèle des inégalités de genre marquées dans les écoles secondaires mixtes. Cette étude met en lumière comment les constructions sociales du féminin et du masculin influencent les rapports pédagogiques, désavantagent les filles et soulèvent des questions cruciales sur l’égalité en milieu scolaire.


Université d’État d’Haïti

Faculté des Sciences Humaines

Mémoire de licence

Project presentation

L’éducation différentielle des adolescent·es secondaire en Haïti : le cas de trois établissements scolaires mixtes de la région métropolitaine de Port-au-Prince

Méthodologie d'éducation en Haïti : Analyse essentielle

Chéry, Jeanne-Elsa

Supervised by: Prof. Name & Dr. Name

YEAR

Ce mémoire de licence porte sur l’éducation différentielle des adolescents et adolescentes opérée par l’école dans la société haïtienne. Des écoles secondaires mixtes de la région métropolitaine de Port-au-Prince ont servi de laboratoire d’observation du processus d’éducation différentielle parce qu’elles représentent des espaces où les rapports sociaux de sexe entre adolescent-e-s sont susceptibles de se manifester.

L’enquête de terrain est fondée sur l’observation directe et une trentaine d’entretiens réalisés, dans une école congréganiste, un lycée et une école privée laïque mixtes, au niveau du secondaire, avec des élèves, des professeurs et des directeurs d’écoles. Encadrée par une démarche qualitative déployée, cette recherche a permis de dégager un panorama de la situation inégalitaire des filles en Haïti, d’abord dans les secteurs d’activités, mais aussi au niveau de l’éducation où les femmes ne se retrouvent pas sur un pied d’égalité avec les hommes.

En effet, le sexisme est présent en milieu scolaire en se basant sur la verbalisation de cette réalité par les adolescent.e.s et quelques professeurs et directrices/directeurs d’école. Nos observations permettent de montrer comment l’éducation scolaire n’est pas exempte de valeurs genrées. La transmission culturelle à l’école ne se limite pas à des valeurs éducatives neutres.

Enfin, l’analyse montre comment les constructions sociales du féminin et du masculin impacte le rapport entre adolescentes et adolescents ainsi que les rapports pédagogiques et comment il en arrive à désavantager les filles par rapport aux garçons. Ensuite nous proposons une conclusion qui fait un résumé du travail, de la méthodologie utilisée, de ses limites et des perspectives dégagées.

Mots clés : Éducation différentielle, adolescence, mixité, rapports sociaux de sexe, Haïti

Introduction générale

Ce travail de recherche présente l’éducation différentielle des adolescents et adolescentes à l’école haïtienne. Notre échantillon d’étude dans le cadre de ce mémoire de sortie pour l’obtention du grade de licenciée en Travail Social à la Faculté des Sciences Humaines (FASCH) de l’Université d’État d’Haïti (UEH), est un lycée et une école privée laïque mixtes, au niveau du secondaire. Cette étude, certes limitée à cause du nombre restreint d’écoles choisies, nous l’espérons, pourra contribuer à la compréhension des rapports sociaux de sexe dans l’éducation des adolescent-e-s en Haïti.

Justification

Abordant la problématique du genre et de l’éducation en Haïti, ce travail représente un enjeu majeur pour la compréhension des rapports sociaux inégaux entre les sexes qui nous préoccupent depuis notre parcours académique. En effet, depuis notre adolescence, nous avons eu à faire face à des conceptions naturalistes sur les sexes qui ont pu aiguiser notre curiosité sur le sujet. En outre, au cours de certaines expériences professionnelles, nous avons eu l’opportunité de publier des textes sur des sujets de société, et à maintes reprises, nous nous sommes intéressée à la problématique du genre en Haïti. Ces deux situations ont guidé notre choix de travailler sur cette thématique et favorisent notre volonté de contribuer à l’approfondissement de ce sujet préoccupant.

L’éducation scolaire ne cesse d’accroitre en légitimité et en importance dans toutes les sociétés, et ce, depuis le moyen-âge. Elle s’impose comme un droit fondamental dans les sociétés contemporaines. Prenant tantôt la forme d’une obligation, tantôt se postulant comme un droit, elle est consacrée dans des documents tant nationaux qu’internationaux et réglementée par le pouvoir politique. La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme établit dans son article 26 que « toute personne a droit à l’éducation. L’éducation doit être

gratuite, au moins en ce qui concerne l’enseignement élémentaire et fondamental »1. En Haïti, la constitution haïtienne de 1987, amendée le 9 mai 2011 reconnait dans son article 32-2 que

« la première charge de l’État et des collectivités territoriales est la scolarisation massive, seule capable de permettre le développement du pays (…) »2. L’éducation est importante parce qu’elle est perçue comme une valeur ajoutée au statut social des individus et comme un facteur de mobilité sociale.

Revue de littérature

L’éducation est un objet sociologique privilégié dont le sens et la portée diffèrent selon les auteurs. Tenant compte des approches sociologiques, on comprend que l’éducation revêt plusieurs dimensions. Elle est un processus qui permet à l’individu de développer des aptitudes qui l’habilitent à vivre en conformité avec la société à laquelle elle appartient. Elle contribue à véhiculer certaines valeurs ayant pour fonction de préparer des individus homogènes. Émile Durkheim, considéré comme l’un des premiers théoriciens à l’avoir systématisée dans un travail sociologique, à savoir son texte titré « Éducation et Sociologie » (1997), la définit comme suit :

« L’éducation est l’action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l’enfant un certain nombre d’états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui la société politique et le milieu social auquel il est particulièrement destiné » (Durkheim, 1997 : 51).

Pour Durkheim, la mission de l’éducation est alors éminemment sociale puisque qu’elle vise le formatage de l’individu en fonction de la société dans laquelle il évolue. L’école en tant qu’institution fondamentale qui assure cette mission devient alors un laboratoire de préparation d’êtres sociaux qu’il distingue des êtres individuels, caractérisés uniquement par des éléments de la vie personnelle. L’école devient, en ce sens, si l’on en croit Durkheim, l’institution par excellence chargée d’assurer l’éducation que l’ancienne génération inculque à la nouvelle génération.

1 Article 26 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, www.fr.humanrights,com, consulté le 16 mai 2019.

2 Version amendée de la Constitution haïtienne de 1987.

Abordant la problématique de l’école dans la société française de la fin des années 1960, Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron (1970), dans le deuxième ouvrage qu’ils ont co-écrit à savoir « La Reproduction. Eléments pour une théorie du Système d’enseignement » (1970), ont soutenu que l’école est un instrument de reproduction sociale, un canal permettant aux classes dominantes de légitimer leur culture et d’exclure les savoir-faire des classes dominées en prétextant et en proclamant la neutralité de l’enseignement.

C’est un instrument caché de domination qui ne saurait être neutre car il met en place tout un système méritocratique qui valorise une culture sélective, débouchant sur une violence symbolique (Bourdieu et Passeron, 1970) qui en même temps transforme les « inégalités sociales en inégalités de compétences » (Bourdieu et Passeron, 1970 :136).

C’est le socle de l’idéologie du don qui attribue la réussite scolaire à des aptitudes innées.

Charles E. Couette dans ses travaux scientifiques sur la société québécoise soutient de son côté que l’école effectue un tri de certaines valeurs précises dans la transmission des savoirs. L’éducation serait en ce sens un moule pour l’homogénéisation des individus. Couette avance,

« Qu’il ne faut pas se leurrer : l’école n’est pas là pour l’enfant. L’école est une institution sociale au service de la société qui, comme toute autre organisation, cherche à se maintenir. Or la société dans laquelle nous vivons présentement est une société industrielle. Cette société a des valeurs précises, un mode d’organisation et de fonctionnement, des critères d’évaluation spécifique » (Couette, 1992 : 69).

L’école est en ce sens un espace traversé par les inégalités sociales qui ont tendance à se reproduire d’une génération à une autre. Le dictionnaire Robert de poche définit l’école comme « un établissement dans lequel est donné un enseignement collectif ou spécialisé » (Robert, 2017 : 243). Cependant, le modèle dominant de la structure scolaire telle que nous le connaissons aujourd’hui n’a pas toujours été ainsi, le fonctionnement actuel puise ses origines de la Rome antique.

L’enseignement romain se répartit alors en école primaire magister ludi, école secondaire, gramaticus et enseignement supérieur rethor. Réservée aux jeunes gens de familles riches, deux modèles d’enseignement prédominent, soit l’éducation se transmet au moyen d’un précepteur à la maison soit avec un maitre dans un établissement scolaire. Cependant, il faudra attendre la Révolution française de 1789, pour que l’éducation s’étende aux couches moins favorisées et soit plébiscitée.

Avec la révolution française et les différentes remises en question des privilèges du clergé et de la noblesse, l’école deviendra une affaire

d’État, l’exigence d’avoir des établissements scolaires est consacrée dans la loi Guizot du 28 juin 1833. La loi Luc Ferry proclamée en France le 16 juin 1881 rend l’enseignement primaire obligatoire en France.

L’éducation en Haïti

En Haïti, le système scolaire dispose de curriculum, de programmes nationaux qui attestent la réussite scolaire par les différents examens officiels obligatoires qu’organisent les écoles et le Ministère de l’Éducation Nationale et de la Formation professionnelle (MENFP). Dans le même temps, l’éducation a longtemps été très discriminatoire par rapport aux classes sociales et aux identités de genre des individus.

Kénise Phanord dans son mémoire de licence en sociologie titré : « La domination masculine dans les matériels didactiques au préscolaire haïtien » (2007), informe que « de 1804 à 1899, l’éducation des filles en Haïti n’atteignait que le brevet et constituait un privilège réservé aux plus aisés » (Phanord, 2007 : 3).

Myrtho Célestin-Saurel dans son livre : « Les stéréotypes sexuels dans les livres scolaires haïtiens » (2000) a de son côté identifié une différence de traitement des sujets masculins et féminins dans les textes destinés aux enfants de l’école primaire en Haïti. Elle retient que les rôles des personnages féminin et masculin sont stéréotypés, affichant une prévalence des personnages masculins dans des rôles plus valorisants et plus importants.

Cette représentation qu’elle qualifie d’archaïque et de sexiste ne reflète nullement l’évolution dans les mentalités et dans les faits dans la société haïtienne et notamment à l’école grâce à la mixité qui représente un moyen d’atténuation de cette hypersexualisation des rôles. Myrtho Célestin-Saurel écrit :

« L’éducation civique comme enseignement et comme pratique joue un rôle déterminant dans l’apprentissage d’une citoyenneté active certes, mais c’est tout l’environnement éducatif qui doit être construit dans cette perspective d’équité. Ainsi la mixité bien comprise dès l’école favorisera les relations harmonieuses entre des hommes et des femmes adultes qui se respectent et qui croient en leurs possibilités réciproques » (Célestin-Saurel, 2000 : 45).

Les travaux de recherche susmentionnés reconnaissent que l’éducation au préscolaire et au primaire dans les livres représentent une source d’exposition au sexisme pour les jeunes élèves. De ce fait, n’y a-t-il pas moyen de se questionner sur la reproduction des modèles proposés dans les manuels qui leur ont servi de cadre référentiel pendant leurs études, au secondaire ? Une rareté subsiste quant aux travaux scientifiques autour des adolescents scolarisés à l’école secondaire en Haïti. Des textes d’auteurs haïtiens à notre connaissance ne

font pas état de cette période de bouleversements internes et de choc pour le/la jeune en formation et les rapports qu’ils/elles sont susceptibles de développer face à cette même réalité. Qu’en-est-il de la mixité ? Offre-t-elle vraiment un terrain propice à l’égalité entre les sexes ? De ce fait, notre travail de recherche entend aborder plusieurs facettes de l’éducation, notamment en rapport avec la réalité de genre. Dans ce travail, elle est perçue comme un processus qui façonne l’adolescent.e de façon à lui permettre d’assimiler un ensemble de valeurs et d’attitudes générées dans l’environnement scolaire qu’il-elle est susceptible de reproduire dans ses comportements et relations entre pairs et les rapports pédagogiques.


Questions Fréquemment Posées

Qu’est-ce que l’éducation différentielle en Haïti?

L’éducation différentielle des adolescents et adolescentes opérée par l’école dans la société haïtienne se manifeste par des rapports sociaux de sexe qui désavantagent les filles par rapport aux garçons.

Comment le sexisme se manifeste-t-il dans les écoles secondaires en Haïti?

Le sexisme est présent en milieu scolaire, comme le montre la verbalisation de cette réalité par les adolescent.e.s et quelques professeurs et directrices/directeurs d’école.

Quelle méthodologie a été utilisée dans l’étude sur l’éducation en Haïti?

L’enquête de terrain est fondée sur l’observation directe et une trentaine d’entretiens réalisés dans trois établissements scolaires mixtes de la région métropolitaine de Port-au-Prince.

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