Comment l’éducation secondaire en Haïti révèle des inégalités de genre ?

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🏫 Université d'État d'Haïti - Faculté des Sciences Humaines
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de licence
🎓 Auteur·trice·s
Chéry, Jeanne-Elsa
Chéry, Jeanne-Elsa

L’éducation secondaire en Haïti révèle des inégalités surprenantes : malgré des idéaux d’universalité, les établissements scolaires perpétuent des valeurs genrées qui désavantagent les filles. Cette étude met en lumière comment le sexisme s’infiltre dans les rapports pédagogiques, transformant l’expérience éducative des adolescents et adolescentes.


Chapitre VI : L’école secondaire haïtienne, un espace de différentiation sexuelle

Dans ce chapitre, nous allons produire des réflexions sur l’institution scolaire représentée toujours comme porteuse de valeurs universelles, neutres, susceptibles d’assurer des générations homogènes et voir comment elle induit une différenciation sexuelle, qui va à l’encontre des valeurs d’universalité qu’elle prône.

Dans un premier moment, nous allons parler de l’école secondaire en Haïti comme un agent de différenciation sexuelle. Et dans un second moment, nous allons produire une analyse, en évaluant la teneur de nos hypothèses, sur l’institutionnalisation des inégalités et la configuration des rapports sociaux de pouvoir pour ensuite présenter les influences, les injonctions et l’altérisation dans le système scolaire.

L’éducation, un facteur de reproduction sociale

6.1- L’école secondaire en Haïti, un espace d’expression de la hiérarchie entre les sexes

6.1.1- L’égalité, un concept flou chez les adolescent-e-s scolarisé-e-s

Comme nous l’avons montré dans notre problématique, la transmission culturelle à l’école ne se limite pas à des valeurs éducatives, neutres. Des modèles d’hommes et de femmes y sont présentés suivant des stéréotypes de genre qui les enferment dans des rôles traditionnels qui ne sont pas en concordance avec l’évolution actuelle de la société en matière d’égalité de sexe.

Les professeurs, les relations dans la classe que nouent les filles et les garçons reproduisent l’éducation qu’ils/elles ont reçue au cours de leur socialisation primaire et secondaire. Or, à l’adolescence, ces derniers/ères ne sont guère épargné.e.s, car ce moment dans la vie les expose à des valeurs qu’ils/elles devront choisir.

Durant notre enquête de terrain, nous avons pu comprendre que le concept d’égalité entre les sexes est flou de manière générale chez les adolescent-e-s. Il peut être compris comme une façon d’avoir de bons rapports avec les filles en ne se démarquant pas d’une certaine différenciation dans les comportements et dans les pratiques.

Or, en dépit des discours, une approche naturaliste des rôles de chacun peut être remarquée. Concernant le type de rapports qu’entretiennent les filles et les garçons, les élèves interrogés ont pour la plupart répondu, que « Les filles sont des êtres différents qui de fait impliquent un type de traitement différent » (Extrait d’entretien, enquête de terrain de l’étudiante) en dépit de la tenue d’un discours empreint de différenciation sexuée.

Mario du Collège Cours Prives Edmé déclare en ce sens :

« On est vraiment tous égaux à l’école. On a un rapport qui est sans complexe et je pense que c’est positif ; il y a un certain lien qui s’établit entre les filles et les garçons et qui est favorable pour la vie à venir. Il y a une manière d’agir avec les filles, savoir qu’elle n’est pas comme un garçon. En fait, savoir qu’il y a une certaine différence vous habilite à savoir comment la traiter » (Extrait d’entretien, enquête de terrain de l’étudiante).

On peut remarquer que les adolescent.e.s rencontrent certaines difficultés à se représenter justement la nature sexiste des rapports qu’ils/elles nouent entre eux. Ceci peut facilement s’expliquer par le fait qu’ils/elles ne sont pas sensibilisé.e.s à la problématique de genre ou n’en ont que de vagues idées.

De ce fait, l’égalité peut être perçue comme le respect de certaines différences perçues comme naturelles ; sans une remise en question des avantages et des désavantages que confèrent leurs positions respectives. En outre, les garçons en affichant leur prétendue supériorité face aux filles ont la conviction d’être dans la normalité.

Patrick, un élève en classe terminale du Lycée Carrefour Feuilles nous confie :

« Tu peux avoir ta copine que tu es en train d’aider. Cela peut être une source de motivation à l’école également. Par exemple, quand j’ai ma copine dans la salle, je constate qu’elle obtient 7 comme moyenne, en tant qu’homme, elle suscite en moi l’envie d’obtenir une plus grande moyenne qu’elle. Parce que je me dis si une fille peut obtenir une plus grande moyenne que moi, je me sentirai rabaissé. Je ne voudrais pas qu’elle m’égale. Je serai toujours porté à faire davantage d’efforts » (Extrait d’entretien, enquête de terrain de l’étudiante).

Les attitudes des adolescents sont sexistes. Le sexisme concentre cette caractéristique traditionnelle qui transcende les sociétés et révèle le déséquilibre social, politique et historique entre les sexes : que ce soit au niveau des possessions ou autres.

La société haïtienne n’échappe pas à cet état de fait qui établit des différences de statut entre les hommes et les femmes se basant sur une conception traditionnelle.

Le sexisme possède deux caractéristiques fondamentales qui assurent sa survie dans des contextes différents. Le sexisme hostile et le sexisme bienveillant, bien qu’en apparence opposés, ils sont étroitement corrélés.

Tout d’abord, le sexisme hostile s’il s’appuie sur une infériorisation de la femme en lui manifestant une opposition farouche, reproduisant un machisme rudimentaire qui ne laisse aucune place à l’épanouissement des femmes ; ensuite, le sexisme bienveillant n’est pas moins nocif parce qu’il opère le même travail.

Cela s’explique par une idéalisation de la femme, une déférence de son rôle de mère, une protection comme si elle était un être fragile, en besoin de protection. Nous l’avons vu avec les adolescents scolarisés qui estiment qu’ils doivent accompagner les filles, les soutenir dans leurs travaux scolaires alors qu’ils/elles reçoivent les mêmes cours et partagent la même salle de classe.

Le sexisme bienveillant des adolescents est d’autant plus subtil qu’il est généralement perçu comme une sorte d’attention normale, faisant fi de tous les stéréotypes de genre qu’il charrie. L’adolescent ne conçoit pas la possibilité d’être sur un pied d’égalité avec sa camarade parce que c’est une fille.

En effet, ces marques d’attention participent à leur infantilisation en confinant les filles dans des rôles spécifiques et subalternes.

Les garçons intériorisent des conceptions naturalistes qui investissent bien les mentalités de façon ostentatoire. C’est le même constat au Collège Saint- Pierre. Ginette, une élève en classe terminale déclare :

« De toutes les façons les filles et les garçons ont toujours de l’attirance l’un pour l’autre. Les filles peuvent entretenir des rapports amoureux avec les garçons, comme cela se fait sur mon quartier. Mais, il arrive aussi que les garçons marginalisent les filles ; ils disent : tu es une fille, ceci n’est pas fait pour toi. Cela peut poser problème qu’une fille devienne la présidente de la salle. Ils préfèrent aussi que c’est un garçon qui soit le premier de la salle. Quand c’est une fille qui est la première de la salle, cela les dérange » (Extrait d’entretien, enquête de terrain de l’étudiante).


Questions Fréquemment Posées

Comment l’éducation secondaire en Haïti contribue-t-elle à la différenciation sexuelle?

L’école secondaire en Haïti est présentée comme un agent de différenciation sexuelle, induisant des rôles traditionnels qui ne correspondent pas à l’évolution actuelle de la société en matière d’égalité de sexe.

Pourquoi le concept d’égalité entre les sexes est-il flou chez les adolescents en Haïti?

Le concept d’égalité entre les sexes est flou chez les adolescent-e-s car ils/elles ne sont pas sensibilisé.e.s à la problématique de genre ou n’en ont que de vagues idées, percevant l’égalité comme le respect de différences naturelles.

Quels stéréotypes de genre sont présents dans les écoles secondaires mixtes en Haïti?

Les stéréotypes de genre présentés dans les écoles secondaires mixtes enferment les élèves dans des rôles traditionnels, où les garçons se perçoivent souvent comme supérieurs aux filles, renforçant ainsi les inégalités de genre.

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