Les applications pratiques du silence révèlent des mécanismes psychologiques fascinants dans le roman Hizya de Maissa Bey. En explorant la condition féminine en Algérie, cette étude met en lumière comment le silence devient un outil de résistance face aux normes patriarcales, transformant la quête d’amour et de liberté.
Chapitre II:
La dimension sociale du roman
Après le deuxième chapitre où nous avons traité à travers Hizya, l’étude de sa personnalité, et sa quête d’amour silencieusement. Nous passons au troisième chapitre qui est consacré à l’étude de la société du roman. La société dans laquelle vit Hizya, une société qui est soumise au carcan patriarcal. Mais avant de passer à l’étude de cette société, on doit d’abord parler de l’inspiration de l’écrivaine pour produire ce roman.
Tout texte littéraire quelque soit sa nature doit être lié à d’autre texte, que ce soit des mythes, des légendes, ou encore des poèmes le cas de notre roman.
Maissa Bey du fait que son roman soit inspiré d’une manière directe du poème de Mohamed Ben Guitoune, nous trouvons qu’il y’a une insertion des passages du poème dans le roman, pour définir son personnage principal :
« La fille d’Ahmed Ben el Bey Éclipsait toutes ses compagnes, Semblable à un palmier
Qui, seul dans le jardin,
Se tient debout, grand et droit. »35
Pour parler de sa beauté :
« Sa joue, rose épanouie du matin, Ses yeux de gazelle,
Sa bouche étincelante, Sa poitrine de marbre,
Ses seins pareils à deux belles pommes Qu’on offre aux malades » 36
36Maïssa Bey ; op, cit.P.242. ↑
L’écrivaine trouve donc le poème comme un lieu d’inspiration pour parler de son héroïne : sa quête d’amour, de rêve et enfin de vivre et de concrétiser ses imaginations dans la réalité.
La narratrice explique même que le nom de son héroïne est inspiré de Hizya l’élégie du poète Ben Guitoune.
« Ce prénom est celui d’une femme qui fut follement, Éperdument aimée.
Fauchée par la mort dans la fleur de l’âge, précocement arrachée à l’homme dont elle avait ravi le cœur et l’esprit. Un homme dont la douleur fut si grande qu’il voulut l’inscrire pour l’éternité dans un chant élégiaque parvenu jusqu’à nous. Un chant qu’il fit écrire par un poète. »37
Hizya légendaire :
Avant de parler de Hizya l’héroïne du poète Algérienne Mohamed Ben Guitoune , nous avons obligé de parler de jeter un clin d’œil sur la biographie de ce poète.
La biographie de Mohamed Ben Guitoune :
Mohamed ibn (ou: ben) Seghir ibn (ou: ben) Guitoune de la tribu des Ouled Sidi Bouzid né, probablement, en 1843 à Sidi Khaled, une oasis connue pour ses poètes, à une centaine de kilomètres environ au sud-ouest de Biskra Algérie. Sidi Khaled fait partie du Zab el Gherbi (les Ziban ou Zab occidental) connu pour sa résistance à la pénétration coloniale française.
L’insurrection de l’oasis des Zâatcha en 1849 en est le meilleur exemple; celle de Ben Ayache (de la tribu du poète Benguitoune) en 1871 en est une autre et fut chantée d’ailleurs par ce même poète dans un merveilleux poème populaire. Les oasis de Sidi Khaled et Ouled Djellal furent conquises par les Français en 1847 après de violents combats et une âpre résistance.
Benguitoun étudia à la zaouia rahmania de Sidi Khaled dirigée à cette époque par le cheikh Sidi Ali el-Djirouniqui, vite, remarqua les qualités exceptionnelles de son jeune disciple et exigea de ses proches que Benguitoun dirigeât la zaouia après sa mort.
37 Maїsa Bey, Op, cit. P.11. ↑
Le jeune poète écrivit plusieurs poèmes louant son vieux maître et s’acquitta au mieux de la direction de la zaouia. BenGuiton était aussi paysan (certains disent de lui qu’il était ‘khetatri’ : travail rémunéré qui consiste à puiser l’eau d’un puits pour irriguer les jardins et les palmeraies) et poète à ses moments perdus.
Il vivait du fruit de son labeur ou du peu d’argent que lui procuraient ses poèmes dits en de grandes occasions. Il est à penser qu’il fut sollicité par Saïd, le cousin amoureux de Hizya, pour lui écrire un poème qui chante son deuil et son amour pour sa belle cousine.
Il n’existe pas de date exacte de la mort de notre poète mais, selon les dires des anciens et de ses proches, il serait décédé en 1907, à l’âge de soixante-quatre ans environ. D’autres illustres poètes sont également natifs de Sidi Khaled, tels : cheikh Benyoussef (1822-1902), cheikh Benazouz el khaldi (1897-1944).
Hizya est l’un des rares poèmes d’amour qu’il ait écrit et le seul qui l’ait fait entrer dans la postérité ! D’après Ahmed el Amin (dans « Hizya : l’épopée algérienne ») il serait mort vers la fin du 19ème siècle.38
Hizya la bédouine d’après le poème :
Hizya la bédouine et l’héroïne de Ben Guitoune , est le nom d’une jeune femme issue de la famille dominante des Bouakkaz de la puissante tribu des Dhouaouda (descendants, selon certains dires, des tribus des Ben Hilal qui avaient envahi le Maghreb vers le XIe siècle av. J. C. venant d’Arabie) qui régnait en ce 19éme siècle sur toute la région du Zab et dont les terres de parcours et de transhumance s’étendaient des riches plaines de Sétif en Algérie au Nord jusqu’à l’oasis de
Ouled Djellal au Sud algérien, et bien plus loin encore si l’on jugeait par l’influence de son Cheikh el Arab (titre donné à son chef qui signifie littéralement : Chef des Arabes) à l’époque. Hizya, fille d’Ahmed ben el Bey, était amoureuse de son cousin Saïd, orphelin recueilli dès sa tendre enfance par son oncle, puissant notable de la tribu et père de Hizya.
BenGuiton, dans son poème, fixe la date de la mort de Hizya à 1295 de l’Hégire, soit
38 http://hayat525.skyrock.com/3051338985-Le-poete-Benguitoun-pleure-Hiziya.html ↑
1878 de l’ère chrétienne. Elle avait alors 23 ans, nous dit-il. Hizya serait donc née en 1855.
La cause de son décès fut et reste encore une énigme. Le poème ne nous révèle rien sinon qu’elle fut subite : un mal soudain entre deux haltes, à Oued Tell (une localité à 50km au sud de Sidi Khaled) au retour de la tribu de son séjour saisonnier dans le Nord.
La vérité, bien sûr, on ne la saura jamais ! Saïd eut recours, trois jours après la mort de Hizya, aux services du poète Benguitoun pour écrire un poème à la mémoire de sa bien-aimée. Plus tard, d’après certains dires, le malheureux cousin s’exilera loin de sa tribu et vivra en solitaire dans l’immensité du désert des Ziban jusqu’à sa mort.
Quoiqu’il en soit, le poème est là pour témoigner de cet amour fou qu’avait porté un jeune homme pour une jeune femme qui valait, à ses yeux, tout ce qu’il y avait de précieux en ce monde et que le poète a chanté avec les paroles du bédouin, langue pure du vécu, langue vivante de tous les jours.
A travers les yeux de Saïd, le poète Ben Guiton a chanté la beauté de cette femme et décrit les merveilles de son corps, osant lever le voile sur des jardins secrets et nous offrir, à travers les âges, un hymne à l’Amour, un hymne à la Beauté, un hymne à la Femme.
De Hizya légendaire de Mohamed Ben Guitoune à l’héroïne romanesque Hizya de Maissa Bey :
Maissa Bey , dès la première page de son roman annonce qu’elle est influencée par l’élégie du poète algérien Mohamed Ben Guitoune écrite au 19éme siècle , la magie de cette poème pousse Hizya à la recherche d’un amour idéal comme celle de Hizya et Saïd , notre Hizya est donc influencée par ce texte poétique dans lequel Hizya la légendaire est comme le modèle pour elle.
Notre corpus raconte l’histoire d’une jeune fille de 23 ans qui s’appelle Hizya un prénom qui parait :
« Aujourd’hui vieillot et passé de mode ».39
C’est le prénom que portait sa grand-mère paternelle, ce prénom est exigé par les traditions familiales :
« Je m’appelle Hizya tout simplement parce que c’est le prénom que portait ma grand- mère paternelle».40
« Mesparents n’avaient pas le choix, les traditions familiales l’exigent ».41
Elle vit dans une famille modeste et traditionnelle :
« Ma mère n’a pas encore réussi à obtenir de mon père qu’il lui achète une machine à laverd’occasion »42
Père sévère et modeste qui traite la femme comme un objet exécutant des tâches ménagères :
« Sinon à quoi pourrait bien servir une femme ? ».43
Qui vit dans la nostalgie du passé, sa mère une femme très traditionnelle avec son destin Maketoub, et qui ne s’intéresse pas à l’amour. Elle a réussi à faire des études universitaires, mais le besoin et la pauvreté l’oblige à travailler dans un salon de coiffure :
« J’ai placé dans une grande boite à chaussures mon diplôme de traduction et tous mes cours ».44
Malgré qu’elle sort et qu’elle travaille mais elle demeure toujours sous une liberté surveillée :
« Ma mère qui tient à me rappeler presque chaque jour, avec obstination exaspérante,que je ne suis qu’en liberté surveillée. ».45 .
44 Maïssa Bey ; op, cit,p.25 ↑
Cette jeune fille qui est influencée par l’histoire d’amour légendaire Hizya ou bien comme les paroles de BenGuitton :
« La fille d’Ahmed Benel Bey ».46
« La princesse des sables, l’antilope du désert ».47
Mais aussi par la chanson interprétée par Abdelhamid Abbabsa puis par Khalifa Ahmed, qui raconte l’histoire d’amour entre Hizya et son amant Sayed et qui font l’éloge de l’amour. Tout ça donne et pousse Hizya la jeune fille à rêver de vivre une histoire d’amour exceptionnelle qui ne se conforme pas à la société à laquelle elle appartienne, elle imagine qu’elle va se marier tout simplement et avoir trois enfants.
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36Maïssa Bey ; op, cit.P.242. ↑
37 Maїsa Bey, Op, cit. P.11. ↑
38 http://hayat525.skyrock.com/3051338985-Le-poete-Benguitoun-pleure-Hiziya.html ↑
44 Maïssa Bey ; op, cit,p.25 ↑
Questions Fréquemment Posées
Comment le silence influence-t-il les aspirations de l’héroïne Hizya ?
L’analyse explore comment le personnage principal vit dans une société partagée entre traditions et modernité, utilisant le silence comme manifestation de ses désirs et rêves refoulés.
Quelle est l’inspiration littéraire derrière le personnage de Hizya ?
Maissa Bey s’inspire directement du poème de Mohamed Ben Guitoune, intégrant des passages du poème pour définir le personnage principal et sa quête d’amour.
Quel est le contexte socioculturel dans lequel évolue Hizya ?
Hizya évolue dans une société soumise au carcan patriarcal, où elle négocie ses aspirations amoureuses et sa quête de liberté face à des structures sociales et familiales contraignantes.