Comment les garanties transforment-elles les prêts à la consommation ?

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🏫 Université Assane SECK de Ziguinchor - Sciences Economiques et Sociales - Economie-Gestion
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master
🎓 Auteur·trice·s
Khady Antoinette BARRY
Khady Antoinette BARRY

Les applications pratiques des garanties révèlent des différences surprenantes entre les banques classiques et islamiques au Sénégal. Cette étude met en lumière comment les théories des contrats éclairent ces disparités, offrant des perspectives essentielles pour comprendre les mécanismes de financement dans un contexte unique.


Section 2 :

Gestion des asymétries d’information

Dans cette section, nous allons aborder la question de la gestion des risques (provenant des asymétries d’information) par les garanties. Au regard des principales théories financières, nous allons essayer de mieux appréhender les enjeux de la question de recherche.

Notre travail sera centré sur deux points essentiels qui sont importants dans le cadre de notre revue de la littéraire. Le premier aborde l’étude des théories des contrats à savoir : la sélection adverse, l’aléa moral, le signal, les coûts d’agences, les coûts de transaction. Le second passe en revue les études empiriques qui ont porté sur les raisons de l’utilisation des garanties dans les prêts.

    1. Les asymétries d’information et leurs théories
Figure 3: La sélection adverse et l’aléa moral

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Source : George AKERLOF (2003)

Dans son essai personnel intitulé « Le marché du citron », AKERLOF (2003) explique que la relation entre le principal (banque) et l’agent (client) est marquée par une asymétrie informationnelle. Cela contredit l’hypothèse de transparence de l’information du modèle de concurrence pure et parfaite.

Les deux agents engagés dans une transaction, ne détiennent pas équitablement les mêmes informations au même moment. L’un détient plus d’information que l’autre. Parmi les situations de l’économie de marché, nous voyons des individus rationnels qui maximisent leur utilité, prêts à avoir des comportements opportunistes qui compromettent le fonctionnement efficace du marché. JENSEN et MECKLING (1976), explique les asymétries de l’information comme découlant :

  • soit du fait qu’un partenaire dispose plus d’information que l’autre
  • soit du fait du comportement humain caractérisé par la ruse et la tromperie

Williamson (1986) défini l’opportunisme comme une recherche d’intérêt personnel. L’emprunteur peut être motivé par la volonté de non remboursement total ou partiel du prêt ainsi que par la réaffectation des fonds à l’insu du préteur vers une utilisation plus risquée et différente de ce que le contrat prévoit. C’est un acte de mauvaise foi ou l’emprunteur dégage un profit individuel supérieur à celui prévu dans le contrat.

      1. Les théories des asymétries d’information

La théorie de la sélection adverse est liée à l’application par les banques de condition de crédits plus onéreuses. STIGLITZ et WEISS (1981) montrent que les garanties peuvent introduire un problème de sélection défavorable qui associe des niveaux de garanties plus élevés à un risque moyen plus élevé pour les emprunteurs.

Si les garanties et autres restrictions (covenants) restent constantes, le taux d’intérêt est le seul mécanisme de prix. Avec une demande de crédit croissante et une offre client donnée, les intérêts augmentent et inversement. EWERT et Al. (2000) pensent donc que plus le risque de défaillance de l’emprunteur est élevé, plus la prime d’intérêt est élevée.

Par conséquent, avec une demande croissante de crédit et une offre fixe de celui-ci, les taux d’intérêt devront augmenter. La théorie donne l’impression que la garantie n’a aucun effet sur le taux de prêt. Par exemple, lorsqu’un emprunteur au profil risqué souhaite faire face au même taux de prêt qu’un emprunteur au profil de risque moins faible, la banque lui demandera de donner plus de garanties pour abaisser son profil de risque.

Dans cette situation, la garantie à tendance à faire baisser la prime de risque (KARUMBA et WAFULA (2012)).

Pour LEETH et SCOTT (1989) dans des conditions de parfaite information, la protection de sécurité (garantie) abaisse le taux d’intérêt. En raison d’informations incomplètes, certains créanciers chirographaires ne réagissent pas à cette diminution de la protection juridique, leurs clients peuvent alors exproprier leur richesse en offrant des garanties aux prêteurs.

La théorie de l’aléa moral telle que stipulée par INDERST et MUELLER (2007) explique pourquoi les prêts seraient sécurisés avec des garanties en raison de l’hétérogénéité des prêteurs sur le même marché du crédit. L’aléa moral est dû au fait que l’emprunteur peut changer de comportement une fois qu’il est en possession du prêt.

Pour faire face au risque qui est caractérisé par l’incertitude (opportunisme), souvent les banques renchérissent le prix des services rendus. Ce qui se traduit par une augmentation du taux d’intérêt. Lorsque les emprunteurs n’arrivent plus à supporter cette hausse, ils n’arriveront plus à rembourser le crédit. Ainsi en demandant une garantie à leur client, les banques peuvent réduire le risque d’aléa moral et le montant des pertes potentielles.

En cas de non remboursement du prêt, la garantie est mise en liquidation pour allouer les ressources aux créanciers.

Pour la théorie du signal, la garantie permet de transmettre indirectement des informations entre la banque et son client. Par conséquent, elle contribue à réduire l’anti-sélection en signalant (STIGLITZ et WEISS (1981) ; BESTER (1987) ; CHAN et KANATAS (1985) ; BESANKO et THAKOR (1987)). L’argument de la signalisation indique que les bons clients devraient fournir plus de garanties, afin qu’ils puissent signaler aux banques leur profil. Ils sont appelés « emprunteurs de type moins risqué ».

Pendant ce temps, EWERT et SCHENK (1998) argumentent la signalisation inverse en indiquant que les banques exigent des garanties (et/ou des clauses restrictives) pour les emprunteurs au profil risqué qui paient également des taux d’intérêt plus élevés que les emprunteurs au profil risqué.

      1. Les théories des couts de transaction et d’agence

Ces théories interviennent dans la résolution des conflits d’intérêt et des relations d’agence. Elles mettent en exergue des frais supplémentaires que le client doit payer en dehors du montant principal qu’il a emprunté. Il existe deux types de couts transaction : ceux qui interviennent avant la signature du contrat de crédit et ceux qui interviennent après la signature du contrat (WILLIAMSON (1985)).

Les couts qui interviennent avant la signature du contrat sont des frais liés à la rédaction des contrats, la négociation et la garantie contractuelle. Ils sont encore appelés les coûts de transactions. Ces garanties contractuelles interviennent dans la résolution de conflit d’intérêt après signature de contrat. Afin de veiller au respect de ces clauses contractuelles, des couts d’agence sont engagés. Il s’agit de cout d’administration, de surveillance et de contrôle.

DEGRYSE et VAN CAYSEELE (2000) montrent que la gestion des comptes d’un client est une source continue d’information pour les banques. Ainsi à travers la relation bancaire, les prêteurs ont la possibilité de minimiser le risque d’asymétrie en collectant des informations privées. A cet effet les couts de monitoring (cout de surveillance) supportés par les banques seront réduits.

– Revue empirique sur les suretés

Les déterminants des sûretés commerciales sont modélisés empiriquement en fonction des caractéristiques des emprunteurs qui reflètent leur propension relative à substituer les sûretés à un filtrage approfondi, comme la qualité du crédit et les caractéristiques des prêts.

      1. Garantie et risque de crédit

BERGER et UDELL (1990) étudient la relation entre les garanties et le risque de crédit sur un échantillon d’un million de prêts accordés par des banques américaines. Dans une première partie, ces auteurs testent l’hypothèse selon laquelle l’anti-sélection (sélection adverse) est importante pour l’utilisation des garanties en régressant la prime de risque sur un ensemble de caractéristiques de prêt, y compris une variable muette, en déterminant si le prêt est garanti ou non. La conclusion ne corrobore pas l’argument de l’anti sélection, car une relation positive et significative est observée entre la garantie et la prime de risque. Ce résultat peut s’expliquer par le fait que les banques exigent davantage de garanties lorsque l’emprunteur a un profil risqué.

Dans une deuxième partie, plusieurs mesures ex post du risque, y compris les imputations nettes sur prêts et les remboursements de prêts en souffrance, sont régressés sur un ensemble de caractéristiques de l’emprunteur regroupant les informations par prêt, afin que cette régression soit effectuée au niveau des emprunteurs.

Ils observent que la garantie est associée au risque de crédit. Ces travaux se concluent en faveur d’une relation positive entre les garanties et le risque de crédit. Ce qui incite les banques à demander plus de garanties et à facturer un taux d’emprunt plus élevés aux clients qui ont un profil risqué.

      1. Garantie et défaut de remboursement

JIMENEZ et SAURINA (2004) se focalisent sur les déterminants de la probabilité de défaut d’un éventail de 3 millions de prêts accordés par les banques espagnoles. La probabilité de défaut est considérée comme une mesure de crédit ex post. Par conséquent, ils testent si la présence de garanties réduit la probabilité de défaut.

La probabilité de défaut est expliquée par un ensemble de caractéristiques du prêt comprenant certaines informations sur la garantie. Les trois variables muettes en fonction de la part garantie du prêt sont prises en compte conjointement dans le modèle. Ils trouvent une plus grande probabilité de défaut pour les prêts garantis.

      1. Garantie et qualité du crédit

JIMENEZ et al. (2006) adoptent une perspective plus large en analysant un large éventail des déterminants de la présence de garanties dans les prêts. Les déterminants testés comprennent les caractéristiques de l’emprunteur avec la qualité du crédit, mais aussi les caractéristiques du prêteur, la concurrence sur le marché des prêts et les conditions macroéconomiques.

La qualité du crédit est liée aux théories de l’utilisation des garanties par les banques. Elle est représentée par une variable fictive tenant compte du fait que l’emprunteur avait récemment un prêt en souffrance. Les auteurs observent ensuite que la qualité de crédit de l’emprunteur est le principal déterminant de l’utilisation des garanties. Il apparaît que les preuves empiriques sont plutôt en faveur de l’hypothèse du risque observé selon laquelle les emprunteurs au profil plus risqués sont tenus de fournir plus souvent des garanties, conformément à l’avis des banquiers.

Conclusion du Chapitre 1

L’approche conceptuelle concentre l’ensemble des concepts théoriques qui sont propres à la finance classique d’une part et à la finance islamique d’autre part. Après avoir défini les notions de banque commerciales classique et islamique dans la première section, nous nous sommes intéressés aux différentes garanties que chaque type de banque demande à ses clients lors des contrats prêts à la consommation.

Nous avons retracé dans la deuxième section les écrits qui ont traité la question de la gestion des asymétries d’information par la garantie. En effet, il s’agit des théories d’asymétries d’information, des coûts de transaction et d’agence. Nous avons également rappelé les études empiriques qui ont traité les questions suivantes : garantie et risque de crédit, garantie et défaut de remboursement et garantie et qualité du crédit.

Ces études nous ont influencées dans le choix du modèle économétrique qui nous permettra d’atteindre nos objectifs de recherche.


Questions Fréquemment Posées

Quels sont les déterminants des garanties de prêts à la consommation dans les banques classiques et islamiques?

Les deux types de banques ne s’appuient pas sur les mêmes déterminants pour exiger des garanties, comme l’explique l’étude.

Comment les asymétries d’information affectent-elles les prêts à la consommation?

Les asymétries d’information peuvent conduire à des comportements opportunistes de la part des emprunteurs, compromettant ainsi le fonctionnement efficace du marché.

Pourquoi les banques demandent-elles des garanties pour les prêts?

Les garanties sont demandées pour gérer les risques liés aux asymétries d’information, comme la sélection adverse et l’aléa moral.

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