Le stress oxydatif et parodontite est analysé à travers les marqueurs oxydatifs de la salive chez des patients atteints de parodontite agressive. L’étude met en lumière l’impact des niveaux de catalase et des protéines carbonylées sur l’évolution de cette maladie parodontale.
Chapitre Ⅲ Le Stress Oxydatif
Le stress oxydatif :
1.1- Définition :
Le stress oxydatif, parfois appelé stress oxydant, se définit comme étant un déséquilibre de la balance oxydants-antioxydants en faveur des oxydant. (Atamer et al., 2008). Il se développe lorsque les radicaux libres, des molécules oxydantes, sont produits plus rapidement qu’ils ne peuvent être neutralisés par l’organisme. Un radical libre est une molécule très réactive contenant un ou plusieurs électrons non pariés dans ses orbitales. Il retrouvera sa stabilité en participant à des réactions chimiques dont la conséquence est l’oxydation des lipides membranaires, l’oxydation des acides aminés composant les protéines et l’oxydation des glucides composant les acides nucléiques (Tremellen, 2008).
De façon générale, les radicaux libres contribuent au stress oxydatif par une série de réactions en chaîne.
Les radicaux libres impliquant un ou des atomes d’oxygène se nomment espèces réactives de l’oxygène (ERO). L’anion superoxyde (02-) est la forme primaire des ERO et est formée par l’addition d’un électron à l’oxygène moléculaire (02). L’anion superoxyde peut ensuite être converti en ERO secondaires telles que le radical hydroxyle (OH), le radical peroxyde (ROO·) ou le peroxyde d’hydrogène (H2O2), ce dernier n’étant toutefois pas un radical libre puisqu’il ne contient pas d’électrons non pariés. Les radicaux libres impliquant plutôt un atome d’azote se nomment espèces réactives de l’azote, le monoxyde d’azote (NO) et le péroxynitrite (ONOO) étant deux espèces bien connues (Tremellen, 2008).
Les espèces oxygénées actives (EOA) incluent les RL et des composés réactifs oxydants non radicalaires (sans électrons libres dans leur couche externe) comme le peroxyde d’hydrogène (H2O2), l’acide hypochloreux (HOCl), le singlet d’oxygène, et l’ozone (O3).
Alors que les espèces réactives de l’oxygène induisent un stress oxydatif, les espèces réactives de l’azote induisent pour leur part un stress azoté.
Dans des conditions physiologiques, la production des ERO est parfaitement maîtrisée par les systèmes de défense de notre organisme : la balance oxydants-antioxydants est en équilibre.
Le stress oxydant résultera d’une situation où l’organisme ne contrôle plus la présence excessive de radicaux oxygénés toxiques. Il est potentiellement impliqué dans le développement du vieillissement ou de pathologies associées au vieillissement (maladies cardio-vasculaires et neurodégénératives, cancer, diabète, dégénérescence maculaire, asthme, …).
1.2. Marqueurs de stress oxydatif :
1.2.1. Potentiel antioxydant :
Bien que mesurer directement les quantités de dommages oxydatifs aux macromolécules soit la méthode la plus efficace pour déterminer l’impact du stress oxydatif chez un individu, il est aussi possible de mesurer le potentiel antioxydant de l’organisme.
Entre autres, la capacité antioxydante totale, utilisant comme biomarqueur pour mesuré l’action cumulative de tous les antioxydants présents dans le plasma et les liquides corporels. Le glutathion et le ratio glutathion réduit / glutathion oxydé sont également des paramètres populaires (Romieu et al., 2008). Une technique relativement nouvelle, l’analyse du condensat exhalé, consiste à recueillir des biomarqueurs de l’oxydation provenant des voies respiratoires (Rahman & Biswas, 2004). Cette technique présente l’avantage considérable d’être non invasive.
1.2.2. Dommages oxydatifs à l’ADN :
Les espèces réactives de l’oxygène constituent la plus importante source endogène de dommages à l’ADN. Elles peuvent lui induire de nombreuses modifications covalentes telles des lésions aux bases nucléotidiques (purines et pyrimidines), des cassures de brins, des pontages (cross-links) inter et intra brin et des pontages protéine-ADN (Wang, 2008). Une des lésions les plus étudiées est le 8-0xo-7,8-dihydroguanine (8-oxoGua) et son équivalent désoxyribonucléoside, le (8-oxodG) (Loft et al., 2008).
Le 8-hydroxy-2′-désoxyguanosineb (8-OHdG) constitue également une lésion à l’ADN, causée par les ERO, très utilisée et sa grande stabilité en fait un bon marqueur de stress oxydatif (Matsumoto et al., 2008).
Le 5-hydroxyméthyl-2′-désoxyuridine (HmdU) et le Cornet assay sont aussi deux biomarqueurs sensibles et spécifiques couramment utilisés (Romieu et al., 2008).
1.2.3. Dommages oxydatifs aux lipides :
Alors que l’oxydation des lipides représente l’utilisation du substrat énergétique, la peroxydation des lipides est la dégradation des acides gras membranaires. Elle constitue par conséquent un indice de dommages oxydatifs effectués aux lipides.
La peroxydation lipidique génère une variété de produits de décomposition relativement stables, principalement des aldéhydes α, β-insaturés tels le malondialdéhyde, le 4-hydroxy-2-nonénal, le 2-propénal et les isoprostanes qui peuvent être mesurés dans le plasma et l’urine comme marqueurs indirects de stress oxydatif. Le dosage des F2- isoprostanes est actuellement considéré comme l’approche la plus rigoureuse pour évaluer les niveaux de peroxydation lipidique causée par les radicaux libres in vivo. Les données disponibles indiquent que la quantification des F2 -isoprostanes dans le plasma ou dans l’urine donne un indice de stress oxydatif hautement précis et approprié (Dalle-Donne et al. , 2006).
Également, les hydroperoxydes lipidiques, les substances réagissant avec l’acide thiobarbiturique ainsi que les diènes conjugués sont largement utilisés comme marqueurs de peroxydation lipidique pouvant être mesurés dans le plasma (Kadiiska et al., 2005 ; Vincent & Taylor, 2006).
1.2.4. Dommages oxydatifs aux protéines
Lorsque des radicaux libres réagissent avec des protéines saines, plus précisément avec le groupement radical (chaîne latérale) des acides aminés, il en résulte la formation de groupement carbonyles.
Les protéines dénaturées perdent leurs propriétés biologiques et deviennent incapables de se fixer correctement sur un récepteur ou fixer spécifiquement un ligand, altérant ainsi la signalisation cellulaire. Elles deviennent hydrophobes, et forment des amas anormaux dans ou autour des cellules. Ces amas, associés aux lipides, forment les dépôts de lipofuscines caractéristiques des tissus âgés (Favier, 2003).
Le dosage des protéines carbonylées est actuellement le marqueur d’oxydation avancée des protéines le plus utilisé, pour mesurer les dommages oxydatifs effectués aux protéines (Dalle- Donne et al, 2006, Chevion et al, 2000).
La grande stabilité chimique des protéines carbonylées en fait une cible intéressante pour les mesures en laboratoire. De plus, leur stabilité suite à un entreposage au froid de 10 ans a été démontrée (Dalle-Donne et al., 2006).
La quantification des protéines carbonylées est aussi un test sensible et spécifique (Romieu et al. , 2008). Pour ce qui est de la possibilité de mesurer l’oxydation des protéines en examen de santé routinier, le dosage des produits de l’oxydation avancée des protéines serait une des rares méthodes à être à la fois simple et peu dispendieuse (Selmeci et al., 2008).
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FIGURE 8: SCHEMA RECAPITULATIF DE L’EFFET DES ESPECES REACTIVES DE L’OXYGENE SUR LEURS CIBLES. (D GENEVIEVE, ET ; J L BEAUDEUX, 2011).
Systèmes Antioxydants :
Les radicaux libres sont produits spontanément et de manière continue au sein de notre organisme. Le maintien d’un niveau non cytotoxique d’ERO est assuré par des systèmes antioxydants. Un déficit ou un dysfonctionnement de ces systèmes engendre une augmentation des dommages tissulaires. (Dröge, 2002 ; Mates et al, 1999 ; Packer et al, 1997 ; Powers & Lennon, 1999).
1.3.1. Classification des antioxydants :
A- Classification des antioxydants par rapport à leur mécanisme d’action :
Indépendamment de leur localisation, les antioxydants peuvent agir à deux niveaux : en prévenant la formation de radicaux libres oxygénés (groupe 1) ou en épurant les radicaux libres oxygénés formés (groupe 2). En complément de cette double ligne de défense, l’organisme est en outre capable de réparer ou d’éliminer les molécules endommagées par l’attaque radicalaire (Gardès- Albert, 2003).
B- Classification des antioxydants suivant la nature chimique :
B.1- Les antioxydants naturels :
Plusieurs substances peuvent agir en tant qu’antioxydants in vivo. Elles incluent le bêta-carotène, l’albumine, l’acide urique, les œstrogènes, les polyamines, les flavonoïdes, l’acide ascorbique, les composés phénoliques, la vitamine E…etc. (Koechlin-Ramonatxo, 2006). Elles peuvent stabiliser les membranes en diminuant leur perméabilité et elles ont également une capacité de lier les acides gras libres.
B.2- Les antioxydants enzymatiques :
Les antioxydants enzymatiques s’agissent principalement de trois enzymes : le superoxyde dismutase (SOD), la catalase (CAT) et la glutathion peroxydase (GPX). Ces enzymes ont une action complémentaire sur la cascade radicalaire au niveau du O2●- et du H2O2, conduisant finalement à la formation de l’eau et de l’oxygène moléculaire (Lehucher-Michel et al ., 2001).
1. Superoxyde dismutase (SOD) :
La famille des superoxyde-dismutases comporte trois isoformes (SOD1, SOD2, SOD3) dont le rôle est la dismutation de deux anions superoxyde en espèces oxygénées moins réactives que sont H2O2 et O2 (Antwerpen, 2006).
L’activité des SOD est dépendante des apports nutritionnels en cuivre et à un moindre degré en zinc (Goudable et Favier, 1997).
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2. Catalase :
Essentiellement présente dans les peroxysomes et dans les érythrocytes, est capable de transformer le peroxyde d’hydrogène en eau et en oxygène moléculaire (Delattre et al., 2005), mais leur rôle est très important surtout en présence d’ions ferreux (Lindau-Sehpard et Shaffer, 1993). Une molécule de catalase peut convertir des millions des molécules de peroxyde d’hydrogène en eau et oxygène moléculaire par seconde. Chez les mammifères la structure de la catalase est très complexe. Formée de quatre sous-unités identiques dont chacune a un poids d’environ 60 KDa, elle est prépondérante dans le foie, les reins, les érythrocytes (Deisseroth et Dounce, 1970).
3. Glutathions peroxydase et réductase (GSHPX) :
Les glutathions peroxydases et réductases sont localisées dans le cytosol et dans les mitochondries. Le rôle de la glutathion peroxydase (GPx) est de réduire d’une part le peroxyde d’hydrogène en molécule d’eau, et d’autre part les hydro-peroxydes organiques (ROOH) en alcools. Lors de cette réaction, qui demande l’intervention de deux molécules de glutathion (GSH), celles-ci se transforment en glutathion-disulfure (GSSG) (Marfak, 2003).
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FIGURE 9 : PRINCIPALES ETAPES DE LA DEFENSE ENZYMATIQUE CONTRE LES ESPECES REACTIVES DE L’OXYGENE.
D’autres enzymes jouent un rôle non négligeable dans la lutte antioxydant, l’ensemble formant un système complexe : glutathion réductase, thioredoxine réductases, glutathion transférase.
B.3- Les antioxydants non enzymatiques
Contrairement aux enzymes antioxydantes, la plupart de leurs composants ne sont pas synthétisés par l’organisme et doivent être apportés par l’alimentation. Dans cette catégorie d’antioxydant nous retrouvons les oligoéléments, la glutathion réduit (GSH), les vitamines E et C et les polyphénols (KANOUN, 2011)
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TABLEAU 3: MECANISME D’ACTION DE QUELQUES ANTIOXYDANTS.