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Comment les stratégies de mise en œuvre révolutionnent la protection des consommateurs

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🏫 UNIVERSITÉ D’ABOMEY-CALAVI - CHAIR UNESCO DES DROITS DE LA PERSONNE HUMAINE ET DE LA DÉMOCRATIE
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de MASTER RECHERCHE - 2020-2021
🎓 Auteur·trice·s
DOSSOU Hippolyte Kuêmahô Sonagnon
DOSSOU Hippolyte Kuêmahô Sonagnon

Cette étude révèle comment les stratégies de mise en œuvre protègent les droits des consommateurs dans les contrats électroniques au Bénin. Découvrez les mécanismes juridiques clés qui garantissent une exécution équilibrée des contrats et évitent les déséquilibres contractuels.


82 Ibid, p.76.

CHAPITRE II : Le recours au droit d’annulation

Le droit d’annulation est un droit reconnu au consommateur lorsque le professionnel ne lui donne pas la possibilité de bénéficier du droit de rétractation. Le terme annulation est « l’anéantissement rétroactif d’un acte juridique, pour inobservation de ses conditions de formation, ayant pour effet soit de dispenser les parties de toute exécution, soit de les obliger à des restitutions réciproques » 83.

Considérant donc cette définition, le droit d’annulation n’est rien d’autre que le droit reconnu au consommateur de priver d’effet obligatoire, le contrat électronique auquel il a souscrit. Le recours au droit d’annulation par le consommateur est exercé dans des cas déterminés (Section I) et fait appel également à un régime de preuve (Section II).

Section I :

Les cas de figure du droit à l’annulation

L’évocation du droit à l’annulation par le consommateur n’est effective que lorsque son consentement lors de la conclusion du contrat a été vicié (Paragraphe I) ou lorsqu’il existe dans le contrat conclu des clauses abusives (Paragraphe II).

Paragraphe I : L’annulation pour vice de consentement

L’annulation du contrat électronique est conditionnée par la présence d’erreurs matérielles (B) laquelle met en jeu la responsabilité du professionnel (B).

A- L’existence d’erreurs matérielles

« Si le cocontractant vient à commettre quelques erreurs et ne bénéficie pas du droit de renonciation, il dispose, en dernier ressort, de la possibilité de demander en justice la nullité du contrat, pour cause d’erreur constitutive d’un vice de consentement. L’usage des réseaux pour la conclusion de contrats risque d’être à l’origine d’erreurs purement matérielles, liées à une manipulation inadéquate de l’outil technologique » 84.

« Des distinctions théoriques pourraient être établies, selon qu’il y a absence totale de volonté de contracter ou simple erreur dans la saisie des données. Il s’agira éventuellement, dans le premier cas, d’une erreur-obstacle, dans le second, d’une erreur vice du consentement, toutes deux pouvant justifier l’annulation du contrat »85.

C’est sans doute pour prévenir l’existence d’une telle erreur que la loi met à la charge du professionnel, l’obligation de donner au consommateur, la possibilité de corriger dès la conclusion du contrat les éventuelles erreurs qui pourraient subsister. En droit positif béninois, le législateur a prévu cette possibilité en employant l’expression « corrections nécessaires »86.

Il en est de même du législateur sénégalais et français même si ces deux législateurs 87 n’ont pas employé le même vocable que celui béninois. Malgré cette différence terminologique, les différentes législations évoquées ci-dessus migrent vers la même finalité. Si le professionnel arrivait a violé cette obligation légale, le consommateur peut évoquer le droit à l’annulation et solliciter la nullité du contrat.

D’ailleurs, la jurisprudence a abondé dans ce sens en déclarant nulle la vente conclue sur un site web88.

Toutefois, rappelons que toutes les erreurs ne sont pas susceptibles d’entraîner la nullité du contrat, loin s’en faut. Supposons que le client conclu involontairement le contrat, ou commette une erreur matérielle dans la commande, dans la sélection des biens ou services. Il aurait une chance d’emporter la conviction du juge en établissant que le site est mal présenté, que le processus de commande est obscur ou que le dispositif mis en place pour corriger les erreurs est inconsistant, voire inexistant, etc.

Il nous semble que le contrat conclu dans de telles circonstances pourrait être annulé. « Le client pourrait faire valoir que son consentement a été vicié par une erreur à la suite d’un manquement du prestataire au devoir de bonne foi et à ses corollaires »89. S’il s’avère, au contraire, que le prestataire a correctement informé son cocontractant, soigneusement découpé le processus contractuel et mis à disposition les moyens appropriés d’identification et de correction des erreurs, la méprise du cocontractant pourrait être considérée par le juge comme inexcusable.

Le caractère excusable de l’erreur s’apprécie selon le critère abstrait du bonus pater familias, en tenant compte de l’âge de l’errans, de sa profession, et des connaissances que l’on peut normalement en attendre. Ainsi, le juge pourrait considérer que l’on ne peut attendre une maîtrise suffisante de l’informatique et des réseaux de la part d’une personne d’un certain âge ou d’une certaine classe sociale.

« L’on peut se demander s’il n’est pas inexcusable, dans ces circonstances, de se lancer dans la conclusion d’un contrat sur les réseaux sans s’adjoindre les conseils ou l’assistance d’une personne expérimentée »90. « Le juge pourrait refuser l’annulation du contrat en se fondant sur la théorie de l’apparence ou de la confiance légitime »91.

« Le contrat sera maintenu si l’autre partie pouvait légitimement croire, au vu des circonstances, que la volonté exprimée par voie électronique était la volonté réelle du cocontractant » 92. Si l’existence d’erreurs matérielles est susceptible d’entrainer la nullité du contrat, elle implique sans doute la responsabilité du professionnel.

B- La mise en œuvre de la responsabilité

Le professionnel verra sa responsabilité engagée s’il manque à son devoir de donner la possibilité au consommateur de corriger les éventuelles erreurs matérielles lors de la conclusion du contrat. Ainsi, un processus contractuel qui n’offre pas la possibilité au consommateur d’exprimer convenablement son droit de rétractation peut être déclaré nul et de nul effet. Le consommateur peut donc engager la responsabilité du professionnel en se fondant sur le fait qu’il n’a pas bénéficié du droit de rétractation.

Il revient au professionnel de démontrer à son tour qu’il a informé le consommateur sur le bénéfice de son droit de rétractation. Le recours au droit à l’annulation apparait donc comme une seconde chance qui est offerte au consommateur pour revenir sur son engagement.

Le professionnel peut se voir donc condamner du fait qu’il a manqué d’informer le consommateur de l’existence du droit de rétractation. Mais il y a une sanction fondamentale qui frappe le contrat en de pareille circonstance, il s’agit de la nullité93. Il existe un lien étroit entre la nullité du contrat pour manquement au devoir d’information de l’existence du droit de rétractation et la mise en œuvre de la responsabilité du professionnel.

D’ailleurs, le premier est la conséquence logique du second. Pour que le contrat soit déclaré nul et que la responsabilité du professionnel soit engagée, il faut que le consommateur soit en mesure de prouver qu’il n’a pas été informé par le professionnel de l’existence du droit de rétractation. Même si l’article 338 du code du numérique met l’accent sur la nullité d’un contrat lorsque le consommateur n’a pas été informé de l’existence ou non du droit de rétractation, cet article n’a pas précisé la manière dont l’on peut engager la responsabilité du professionnel dans un tel cas de figure.

En l’absence d’une telle précision, l’on peut se référer aux règles du droit commun en matière de responsabilité. En espèce, l’on peut se demander s’il s’agit d’une responsabilité civile contractuelle ou délictuelle. L’on peut tenter d’aller dans les deux sens.

Si l’on s’en tient à la responsabilité civile contractuelle, on peut émettre comme argument qu’il existe déjà un contrat entre le professionnel et le consommateur et que c’est le manque d’information sur le droit de rétractation qui a entrainé la nullité du contrat. Donc le professionnel a manqué à une obligation contractuelle et sa responsabilité contractuelle peut être engager par le consommateur.

Mais si l’on se met sur le terrain de la responsabilité civile délictuelle, l’on peut retenir qu’il n’a jamais existé de contrat entre les parties si on se base sur la conséquence logique du manque d’information de l’existence ou non du droit de rétractation (la nullité). Partant donc des effets de la nullité du contrat, on peut dire que les contractants n’ont pas été liés par un contrat car ledit contrat est inexistant et ne peut donc produire aucun effet juridique.

Rappelons que la mise en œuvre de la responsabilité est conditionnée par trois (03) éléments commutatifs que sont : l’existence d’une faute, l’existence d’un préjudice et le lien de causalité entre la faute et le préjudice. Si l’on s’en tient aux effets de la nullité d’un contrat, il nous parait judicieux d’affirmer que la responsabilité que l’on peut évoquer en l’espèce est une responsabilité délictuelle.

Qu’on soit dans le cas de la responsabilité civile contractuelle ou celui de la responsabilité civile délictuelle, la mise en œuvre de la responsabilité du professionnel par le consommateur appelle réparation des dommages causés à ce dernier. Si l’annulation du contrat est prononcée pour vice de consentement, il l’est aussi en cas de présence de clauses abusives.

________________________

83 Lexique des termes juridiques, 21ème éd, D., 2014, p. 63.

84 MONTERO (E.), « Les contrats de l’informatique et de l’internet », éd LARCIER, 2005, p. 237.

85 DEMOULIN (M.) & MONTERO (E.), op. cit,. p. 586.

86 Cf. art 343 du C. num.

87 En droit positif sénégalais comme français c’est l’expression « correction d’éventuelles erreurs » que le législateur a employé. Cette expression parait plus explicite que celui utilisée par le législateur béninois.

88 Trib. Inst. Strasbourg, 24 juillet 2002, D., 2003, p. 2434, Obs. MANARA (C.). Dans cette affaire, un consommateur a acheté un vidéo-projecteur sur un site web d’une entreprise pour un prix dix fois inférieur au prix normal, proposé par les concurrents. Le tribunal voit dans cette erreur purement matérielle d’étiquetage relative au prix une erreur- obstacle de nature à vicier le consentement du vendeur en l’occurrence et à empêcher la conclusion du contrat.

89 FAGNART (J.-L.), « L’exécution de bonne foi des conventions : un principe en expansion », note sous Cass. (3e ch.), 19 septembre 1983, R.C.J.B., 1986, pp. 285 et s. in DEMOULIN (M.) & MONTERO (E.), op. cit., pp. 586 et 587.

90 MONTERO (E.), op. cit., p. 238.

91 On sait que la théorie de l’apparence ou de la confiance légitime a été marquée par un revirement dans la jurisprudence de la Cour de cassation à la suite de son arrêt du 20 juin 1988. Des controverses subsistent concernant le fondement de l’obligation issue de la croyance légitime, d’une part, et la portée de cet arrêt, d’autre part. Selon la doctrine majoritaire, il ne fait pas de doute que, depuis cet arrêt de principe, la Cour de cassation considère la confiance légitime en une situation apparente comme une source autonome d’obligations, même en l’absence de faute. Par ailleurs, cette décision, rendue en matière de mandat, reconnaît une force obligatoire à la confiance légitime des tiers. On peut se demander s’il y a lieu de protéger pareillement la confiance légitime entre cocontractants. Si la croyance légitime des tiers est reconnue comme une source autonome d’obligations, ne doit-il pas en être de même, a fortiori, entre parties contractantes ? in DEMOULIN (M.) & MONTERO (E.), ibid. p. 587.

92 Des réserves comparables sont exprimées par BIQUET-MATHIEU (C.) et DECHARNEUX (J.), « Aspects de la conclusion du contrat par voie électronique », in « Le commerce électronique : un nouveau mode de contracter ? » p. 164. In DEMOULIN (M.) & MONTERO (E.), ibid. p. 588.

93 Il faut entendre par nullité, la sanction prononcée par le juge et consistant dans la disparition rétroactive de l’acte juridique qui ne remplit pas les conditions requises pour sa formation. La nullité est absolue lorsque les conditions imposées par la loi sont essentielles et tendent à protéger l’intérêt général, ou l’ordre public, ou les bonnes mœurs. La nullité est dite relative lorsqu’elle sanctionne une règle destinée à protéger une partie à l’acte. Les régimes respectifs des nullités absolue et relative sont différents. (Cf. lexique des termes juridiques, 23ème éd, D., 2015-2016, p. 709.

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