La prévention des accidents de travail est essentielle pour garantir la sécurité au sein de la CIDT. Cet article propose une stratégie de communication visant à modifier les comportements, tout en abordant les enjeux politiques, économiques et sociaux associés à ces incidents.
PROBLEMATIQUE
Selon le dictionnaire le GRAND ROBERT de la Langue Française (1992), le travail est l’ensemble des activités manuelles ou intellectuelles exercées pour parvenir à un résultat déterminé; considéré le plus souvent comme une nécessité ou un devoir. Il est utile à situer raisonnablement l’individu dans la collectivité, le fait participer à la communion universelle, donne la vie au mot solidarité car c’est par le travail que l’homme prend conscience de l’interdépendance des hommes.
Ainsi, le travail occupe une place prépondérante dans l’existence de l’être humain dans la mesure où grâce à l’efficacité de sa source de revenus, le travailleur devient une solution aux besoins de sa famille, de son entourage et de tous ceux qui sont rattachés à lui. En effet, le travail est beau et noble. Il donne une fierté et une confiance en soi que ne peut donner la richesse héréditaire (DE VIGNY, 1867).
Ce sont des raisons valables pour que les hommes passent la plupart au moins un tiers de leur vie active sur le lieu de leur travail et pendant toute cette période, les conditions de travail peuvent avoir de profondes répercussions sur leur santé. C’est dire que le travail, même s’il présente de nombreux avantages en terme de prise en charge des besoins de l’individu, de sa famille et de la société en général, comporte aussi beaucoup de risques au nombre desquels se situent les accidents de travail.
Le Bureau International du Travail (BIT, 2004) déclare qu’environ 2,2 millions de travailleurs dans le monde meurent tous les ans dans le cadre de leur travail soit 6000 personnes par jour. Et l’on dénombre chaque année 250 millions de cas d’accidents de travail. Ce qui laisse savoir que la problématique des accidents au travail constitue jusqu’à présent une question d’ordre mondial à résoudre.
En outre, selon le Bureau international du Travail (BIT, 2019) les accidents et maladies du travail tuent quelque deux millions de personnes par an. Ainsi, la santé et la sécurité au travail devient une préoccupation tant pour les entreprises, les travailleurs que pour la collectivité sociale.
En Côte d’Ivoire, l’Union des Entreprises Agricoles et Forestière (Unemaf, 2019), au cours d’un atelier a déclaré que 7000 à 8000 accidents de travail et de maladies professionnelles sont enregistrés chaque année.
En ce qui concerne la CIDT, selon les statistiques de la Direction des Ressources Humaines (DRH, 2019) le nombre des accidents de travail est passé de 23 durant la période 2017-2018 à 33 en 2019.
L’analyse documentaire réalisée sur les 33 dossiers de 2019 a révélé que les accidents de travail les plus récurrents sont les accidents de motos des conseillers agricoles à savoir 19 cas. Les 14 autres accidents de travail se sont produits dans les usines de la CIDT à savoir Bouaké, Mankono et Séguéla. A cet effet, 12 des 14 AT proviennent de l’usine de Bouaké, 01 de Mankono et 01 de Séguéla.
Face à un pareil problème, il est juste de s’interroger sur les causes d’un tel phénomène.
Pour KOUACOU (2005), l’âge influence le processus accidentel au sein des entreprises du secteur privé en Côte d’Ivoire. Les individus qui ont entre 25 et 50 ans ont un risque d’accident plus faible que les travailleurs de moins de 25 ans. Cette dernière classe d’âge apparaît comme un groupe à risque. Par conséquent, l’appartenance aux deux premières classes citées est un facteur de protection. En somme, il y a une association entre l’âge et la fréquence de survenue des accidents. Les travailleurs les plus jeunes et les travailleurs les plus âgés sont les plus exposés aux accidents.
Selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT, 2017), une grande part des accidents de travail est imputable à l’insuffisance d’informations sur la sécurité et la santé au travail. A cela s’ajoutent la non qualification des travailleurs et l’ignorance des règles de sécurité. Ce constat est valable dans tous les pays quel que soit leur niveau de développement.
C’est aussi ce qui est ressorti de l’étude de WISNIEWSKI(1976) sur les accidents du travail mortels survenus en France. Il souligne que globalement, les apprentis, les manœuvres et les ouvriers spécialisés subissent 2 fois plus d’accidents mortels que les ouvriers qualifiés ou hautement qualifiés. Il observe que le premier groupe compte 24,1% des effectifs globaux, mais 44,3% des accidents mortels. WISNIEWSKI soutient que cette situation est attribuable à l’ignorance des travailleurs non qualifiés.
Pour BALLOU (2006), « la formation permet de combler les lacunes individuelles, de mieux préparer les employés… ». En effet, la non qualification des travailleurs les exposent à des accidents de travail récurrents dans la mesure où la pratique professionnelle demande souvent un contact régulier avec des outils ou machines de technologies évolutives.
Le Bureau International du Travail (BIT, 2018) estime qu’après des études menées, les jeunes hommes ont environ deux fois plus de risque d’accidents de travail que les jeunes femmes. Le sexe serait donc un facteur explicatif de la survenue des accidents du travail ; les femmes étant plus prudentes que les hommes.
COULIBALY(2017) indique que l’absence ou l’insuffisance d’éclairage de certains magasins exposent aussi les travailleurs à des risques énormes d’accidents. En outre, le manque de vigilance du docker souvent liés aux problèmes d’endettement ou de famille, à l’effort excessif, à l’exposition ou au contact de certains produits nocifs, à la consommation abusive d’alcool ou de drogue, le conduit généralement vers les risques d’accidents graves ou à des situations souvent déplorables.
Selon YANDO (2003), les causes des accidents du travail (…) peuvent tenir de l’individu, de l’environnement ou du fait du travail. En effet, les conflits conjugaux, l’endettement, la mauvaise santé maintiennent les agents dans un état psychologique très altéré. Ainsi, la préoccupation du mauvais comportement d’un fils ou d’un prêt contracté chez un usurier a causé des accidents de travail.
Pour KATIENON (2002), la quasi-totalité des dockers de SEMPA n’a ni chaussures de sécurité ni gants et casques de protection encore moins des combinaisons. Aussi, l’absence ou l’insuffisance du matériel de protection expose ces derniers à des AT.
A la CIDT, les résultats des recherches menées au Service de l’Administration et des Ressources Humaines (SARH) de la CIDT ont montré que les victimes des accidents de travail en 2019 ont l’âge compris entre 25 et 40 ans. Les employés de 25 ans sont pour la plupart au début de leur carrière professionnelle.
La hargne et la volonté de prouver qu’ils méritent leurs postes et sont capables d’assumer les responsabilités qui leur sont assignés, se livrent à une compétition avec fougue et imprudence. Quant aux adultes de plus de 38 ans, confrontés aux défis de prendre en charge les enfants, la famille, à l’inadéquation entre leurs revenus et leurs obligations d’exister en société à travers les associations et amicales, sont amenés à être sous pression, pensifs et distraits sur le lieu de service.
De plus, les équipements de protection individuelle (chaussures, gants, cache-nez, lunettes…) sont mis à la disposition des travailleurs ; néanmoins, l’inadaptation de certains équipements (cache-nez, gants) à des secteurs de travail, le non-respect des mesures de protection et l’insuffisance de communication sont les facteurs favorisants des accidents de travail. En outre, certains employés, bien qu’équipés en matériels de protection (cache-nez, casque de protection, gants…) ne les utilisent pas car disent-ils être ralentis dans l’exécution de leurs tâches ou étouffer par la chaleur.
Par exemple, pour certains, les gants de travail ne leur permettent pas de bien saisir les balles de coton ensachées qui glissent de leurs mains. Aussi, décident-ils de les enlever pour être plus efficace dans leur travail. Pour d’autres, l’utilisation prolongée du casque de protection fatigue le cou de ceux qui doivent regarder en haut pour emmagasiner les balles de coton. D’où le fait qu’ils choisissent de l’ôter pour mieux voir et être à leur aise pendant leur travail. Autant de raisons et d’actions qui contribuent à la survenue des accidents.
L’étude de la BIT (1984) voit sa confirmation à la CIDT en ce sens que les 33 cas d’accidents de travail enregistrés par la Direction des Ressources Humaines durant l’année 2019 ne concernent que des hommes.
Après une vue non exhaustive des causes des accidents de travail, il serait judicieux de considérer les conséquences qui en découlent.
Selon l’OIT(2019), de nombreuses personnes meurent des suites d’accidents du travail ou de maladies professionnelles chaque jour pour un total de plus de 2,78 millions de décès par an. En outre, chaque année quelque 374 millions accidents de travail non mortels entraîne une absence du travail de plus de 4 jours. Et les conséquences humaines et sociales de ces accidents de travail sont dramatiques. Ce sont entre autres des souffrances physiques et psychiques, des préjudices esthétiques, une perturbation du déroulement de la carrière, des répercussions sur la famille. Par ailleurs, ils occasionnent des incidences économiques notables dont des pénalités de retard, des indemnisations complémentaires.
A ce propos, le Bureau International du Travail (BIT, 2015) révèle que la plupart des 317 millions d’accidents qui se produisent chaque année sont à l’origine d’absences prolongées au travail, souvent d’incapacités et d’infirmités permanents. Les coûts directs qu’impliquent les accidents de travail sont généralement connus. Ils correspondent aux cotisations payées par l’entreprise à l’organisme de sécurité sociale en charge des accidents de travail. Quant aux coûts indirects, ils sont constitués de frais médicaux de premiers soins, des frais de transport…
En Côte d’Ivoire, d’après les statistiques de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS, 2017), le coût moyen direct de la prise en charge des sinistres sur la période 2015-2017 s’élève à près de huit(08) milliards de francs CFA. Et les coûts indirects représentent quatre à cinq fois les coûts directs, soit près de 40 milliards de francs CFA pris en charge par les entreprises.
Selon GNAKPA(2011), les conséquences des accidents du travail sont multiples, néfastes et se ressentent tant au niveau du travailleur que sa famille, de l’entreprise qu’au niveau des structures de sécurités sociales et du pays.
Pour COULIBALY (2017), l’accident lorsqu’il survient provoque chez la victime une incapacité temporaire de travail, un amaigrissement de salaire ou la suspension du salaire, et même le surendettement. Au niveau de l’entreprise, l’on constate la baisse de rendement due à l’absentéisme, au changement de poste et à l’augmentation d’autres charges (aides, prêts) sollicités par les accidentés.
En ce qui concerne la CIDT, en 2019, le rapport de la Direction des Finances et de la Comptabilité (DFC,2019) estime le coût indirect de la prise en charge des accidents de travail à cent vingt et un mille trois vingt-cinq francs CFA (121325F) de frais d’ordonnance pour 13 accidentés ayant préfinancé leurs premiers soins.
De plus, au niveau de l’entreprise, l’absence du travailleur accidenté engendre une insuffisance de main d’œuvre dans le secteur d’activité. Ce qui affecte considérablement le rendement de l’équipe de production. En termes de conséquences physiques, les accidents du travail à la CIDT occasionnent des fractures et des entorses des membres (bras, pieds), des élongations lombaires, des coupures de doigts, des brulures. Ce qui entraine des incapacités temporaires souvent permanentes de service.
Au plan financier, même si la CIDT paye à l’accidenté son salaire du mois de l’accident, la victime est financièrement affecté en ce sens que l’accident réduit ses mouvements. Cette situation qui ne lui permet pas soit temporairement ou permanemment de mettre à profit ses heures hors de l’entreprise en vaquant à d’autres activités susceptibles de produire de revenus, restreint ses ressources financières. Aussi, l’insuffisance de revenus pour répondre à ses charges individuelles, familiales et sociétales devient-elle un sujet de déséquilibre psychosocial.
Toutes ces situations impactant le physique, les finances et la vie sociale tant du travailleur que de l’entreprise, ont convaincu les uns et les autres à rechercher des solutions à ce phénomène.
Face à ce problème de portée mondiale, le Bureau International du Travail et l’Organisation Mondiale de la Santé ont décidé de marquer la Journée Internationale de la Sécurité et de la Santé au Travail par un appel conjoint pour le développement d’une culture de sécurité préventive.
Selon le BIT(2017), afin d’être fiable et efficace, un système national d’enregistrement et de déclaration doit couvrir toutes les branches d’activité économique, toutes les entreprises et tous les travailleurs, indépendamment de leur statut dans la profession, et à l’échelle du pays. POLASKI (OIT, 2015) rappelle la nécessité de garantir des lieux de travail sûrs et sains dans le monde entier.
Selon elle, « en dépit des efforts constants déployés par l’Organisation Internationale du Travail et par bon nombre de nos mandants gouvernementaux, employeurs et travailleurs, le défi de créer des lieux de travail sûrs et sains pour tous demeure immense ». Pour bien fonctionner, un système de gestion de la Santé et Sécurité au Travail (SST) suppose que la direction s’engage en faveur d’une culture de prévention, y compris par l’allocation de ressources suffisantes.
Mais tout aussi importante est la participation des travailleurs qui jouent un rôle déterminant pour reconnaître et identifier les dangers; contribuer à une évaluation des risques bien documentée et adaptée au contexte; planifier des mesures préventives efficaces; et appliquer des mesures de prévention et de réduction des risques.
Quant à RYDER (BIT, 2015), il prône une « culture de la prévention » pour lutter contre les conditions de travail dangereuses et de promouvoir un travail sûr, salubre et décent et sensibiliser l’opinion publique sur la nécessité de renforcer les politiques de prévention des risques professionnels. M. RYDER a lancé un appel « pressant », au nom de l’OIT, en faveur de la construction d’une culture de la prévention dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail. Cette culture, a-t-il ajouté, doit être fondée sur le respect à tous les niveaux du droit à un milieu de travail sûr et salubre ; la participation active de tous les acteurs concernés à la création d’un milieu de travail sûr et salubre par la mise en place d’un système de droits, de responsabilités et d’obligations bien défini ; et l’importance prioritaire accordée au principe de prévention.
En Côte d’Ivoire, la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS, 2019) a annoncé le lancement d’une campagne dénommée « Vision Zéro ».Le concept repose sur la conviction que tous les accidents, maladies et préjudices liés au travail sont évitables et sur l’engagement des entreprises et partenaires. Cette initiative revêt la forme de sept règles d’or, le leadership et l’exemplarité en matière de SST, l’analyse systématique de tous les risques et dangers, la mise en place d’un programme d’amélioration continue doté d’objectifs mesurables, la mise en place d’une organisation prenant en compte tous les aspects touchant à la SST ; l’utilisation exclusive d’une technologie garante de SST ; la qualification et le développement des compétences des salariés et la promotion de la participation active et la responsabilisation des salariés.
Pour SAARI (2015), la démarche classique, en matière de prévention, consiste à tirer des enseignements des accidents et des quasi-accidents (accidents évités de peu) observés. En enquêtant sur chaque incident, on en comprend mieux les causes et on peut alors intervenir pour les atténuer ou pour les supprimer. Une enquête peut donner un tableau assez juste des causes, mais en général, il n’est valable que pour l’accident analysé. Il se peut que des conditions objectives et certains facteurs aient joué un rôle, mais que les experts ne perçoivent pas ou ne comprennent pas leur lien avec l’accident. Il est quelque peu aléatoire, à partir d’un accident particulier, d’extrapoler à d’autres situations.
ALLEPO (2005) pense que l’intégration d’un système de sécurité plus performant dans les différentes unités de production, l’instauration du port de chaussures à tous les travailleurs, des tenues appropriées au métier d’usine sont leur arme de lutte contre les risques professionnels.
Selon SORO (2003), la mise en place de mesures de prévention tant au niveau organisationnel qu’au niveau purement technique, serait un des moyens de lutte contre les accidents de travail dans les entreprises.
Tous ces écrits et recherches sur les accidents du travail démontrent l’intérêt de ce phénomène tant pour les entreprises, les organismes internationaux et les nations. La protection des travailleurs contre les accidents du travail fait appel à l’implication des employeurs, des travailleurs eux-mêmes, des institutions de prévoyance sociale et de tous les pouvoirs publics et privés. Et ce, en vue de prévenir la survenue des accidents par l’information, l’éducation et la prise en charge des cas avérés.
Le comportement du travailleur en entreprise occupant une place prépondérante dans la survenue d’un accident de travail, il s’agit pour nous de nous inscrire dans le sens de la communication avec les responsables en charge de l’encadrement des employés de la CIDT pour mener à bien notre projet d’intervention intitulé « Communication pour le changement de comportement, stratégie de lutte contre accidents de travail : cas de la CIDT ».
Ce projet repose sur trois intérêts à savoir social, scientifique et professionnel.
Au niveau social, il faut dire que les accidents du travail ont un impact considérable sur les conditions de vie de la victime, de sa famille et de son entourage. Aussi, notre intervention permettrait-elle d’amener les travailleurs à éviter ces situations qui les diminuent physiquement, financièrement ou socialement. L’appropriation des mesures de sécurité et la tenue de comportement responsables sur le lieu du travail pourront favoriser la réduction des situations fâcheuses liées aux accidents du travail.
Concernant le niveau professionnel, notre initiative aidera à lutter contre l’absentéisme des travailleurs en rapport avec les accidents de travail, et par ricochet, contribuera au maintien voire à l’amélioration de la production des entreprises dans la mesure où les hommes sont la principale ressource de production. Par ailleurs, l’utilisation d’une des méthodes d’interventions en travail social au sein d’une entreprise, nous permettra de démonter notre aptitude à exercer le métier d’assistant social.
Scientifiquement, les conclusions de notre projet pourront servir de support d’actions aux responsables de la CIDT dans la pérennisation des activités de sensibilisation et dans la mise en œuvre des politiques de protection des travailleurs. Il constituera en outre un apport d’informations sur l’étude et la réflexion relative à ce phénomène qu’est l’accident de travail.
Personnellement, la mise en œuvre de ce projet sera pour nous l’opportunité d’apporter notre contribution à la lutte contre ces accidents du travail qui ne distillent que souffrances et désolation dans les familles.
Ainsi, l’objectif de notre intervention sera de réduire le nombre des accidents du travail à la CIDT.