Cette étude révèle les perspectives futures des contrats électroniques au Bénin, en analysant les défis liés à l’administration de la preuve. Comment ces mécanismes juridiques peuvent-ils renforcer la protection des droits des consommateurs face aux déséquilibres contractuels ?
Paragraphe II : Les difficultés liées à l’administration de la preuve
L’administration de la preuve en matière de contrat électronique soulève des difficultés qui sont non seulement matérielles (A) mais aussi techniques (B).
A- Les difficultés d’ordre matériel
Victime d’une pratique commise sur internet, le plaideur qui cherche à en obtenir la cessation ou la réparation se heurte souvent, pour en rapporter la preuve, à des exigences anachroniques à l’heure de la télématique. Consciente des nécessités du commerce électronique, une tendance doctrinale actuelle considère que la notion d’écrit ne fait pas référence à un support particulier et pourrait ainsi recouvrir un document informatique.
De la même manière, la signature, ne devant pas légalement être manuscrite, pourrait être de nature informatique, par exemple cryptée. Même si elle ne consacre pas cette thèse, la jurisprudence devra, dans un avenir proche, appliquer à la télématique les importantes exceptions que connaît l’exigence d’un écrit.
Les tribunaux devront ainsi dire si une impression d’e-mail ou celle d’une page Web peut constituer un commencement de preuve par écrit. Devra aussi être tranchée la question de savoir si l’exploitant d’un système informatique dont la conception crée l’impossibilité de se procurer un écrit peut s’en prévaloir. L’aveu que constitue l’exécution contractuelle antérieure pose moins de difficultés d’adaptation aux réseaux informatiques.
Cependant, même recevable, quel que soit le système juridique concerné, la preuve devra emporter la conviction du juge, ce qu’elle ne réussira que si elle est crédible, et ce d’autant plus qu’un élément de preuve en sens contraire lui est opposé.
Bénéficiera à cet égard d’une présomption particulièrement solide le rapport d’un expert judiciaire, attestant sans réserve d’une communication et indiquant qu’il a pu en vérifier de manière certaine l’origine grâce au procédé de cryptage utilisé pour la signature du document informatique sur lequel elle est enregistrée, d’une part, et l’authenticité en raison du caractère inaltérable du support, d’autre part.
Or la preuve des évènements qui se déroulent sur internet peut être d’autant plus difficile à préserver qu’ils sont éphémères, voire instantanés et non reproductibles et que leur simple enregistrement peut présenter des difficultés d’authentification.
Statuant sur une affaire, le juge des référés a estimé qu’il ne pouvait apprécier la légalité d’une preuve, contestée faute d’autorisation préalable, sur le fondement d’une « violation illicite de domicile virtuel » et d’une « atteinte au secret de pages privées ». Ces questions devront donc faire l’objet d’un débat de fond1.
En plus des difficultés d’ordre matériel qui surviennent lors de l’administration de la preuve en matière de contrat électronique, il y a aussi celles d’ordre technique.
B- Les difficultés d’ordre technique
Il arrive que des dysfonctionnements surviennent et que des informations soient mal enregistrées, perdues ou non accessibles. Les applications numériques peuvent également souffrir d’indisponibilité parce qu’un dispositif tombe en panne ou que la transmission d’informations via un réseau de télécommunication ne fonctionne pas.
Ici des difficultés techniques apparaissent. D’abord, il est difficile de prévoir à l’avance quelle information sera nécessaire pour résoudre un litige et le système numérique n’enregistre pas nécessairement toutes les informations parmi la multitude qu’il pourrait avoir à enregistrer. Il est donc possible que la preuve n’existe tout simplement pas.
Ensuite, « pour qu’une information numérique devienne une preuve numérique, il est nécessaire qu’elle respecte trois critères que sont l’authenticité, l’intégrité et la traçabilité. En effet, l’authenticité garantit l’origine de l’information, l’intégrité garantit son contenu et la traçabilité garantit la façon dont cette preuve a été copiée.
A supposer qu’une preuve soit accessible et puisse être utilisée, il faut s’interroger sur sa valeur et sur la possibilité dont pourrait disposer les parties de contester cette preuve. Or, il existe une véritable distorsion entre la valeur théorique d’une preuve et son impact réel sur l’issue d’un litige.
En effet, théoriquement, cette trace numérique correspond à un code, qui est nécessairement intelligible soit directement, soit indirectement parce qu’elle a été chiffrée, mais dans cette hypothèse il est toujours possible de la déchiffrer grâce à la clé numérique adéquate. La valeur probante de ces présomptions est alors laissée à la libre appréciation du juge et il est en principe possible de les renverser.
En réalité, pour être fiable, une trace numérique doit être signée numériquement (c’est-à-dire chiffrée) pour garantir qu’elle n’est pas volontairement modifiée. En outre, le système n’est, quoi qu’il arrive, pas à l’abri d’un bug qu’il pourra être extrêmement difficile de prouver.
Résoudre ces difficultés probatoires impliquerait de pouvoir recourir à une expertise capable de démontrer qu’un bug existe et d’en préciser la portée. Il est alors envisageable de demander au juge d’avoir copie des traces d’usages ou de mandater un expert afin que ce dernier accède aux traces d’usage.
Or un prestataire ne peut garder trace de tous les traitements d’information effectivement réalisés car la quantité d’informations serait pléthorique. Il doit donc forcément effectuer une sélection en décidant de la nature des traces conservées et de la durée de leur conservation.
La solution la plus pertinente serait donc de permettre à l’usager de détenir à priori des éléments pour prouver sa bonne foi. En d’autres termes, il faut rétablir la symétrie de l’accès à la preuve2.
La protection du consommateur en cas d’exécution du contrat électronique n’est pas seulement limitée à la renonciation par le consommateur à un engagement préétabli mais cette protection s’étant également à l’exécution du contrat.
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1 Consulté sur le site https://www.lesechos.fr/1997/01/internet-ladministration-de-la-preuve-806498, le 25 octobre 2021 à 13h 12min. ↑
2 DANET (A.), ENGUEHARD (C.), « De la preuve et de l’utilisation des Systèmes Inéquitables Numériques (SIN), « Les convergences du droit et du numérique » », Bordeaux sept 2017. Consulté sur le site https://hal.inria.fr/hal-01730375/document, le 25 octobre 2021 à 15h 25min. ↑