Les perspectives futures de la privatisation révèlent une amélioration significative de la performance des entreprises publiques au Cameroun. Cette étude met en lumière des résultats surprenants qui pourraient transformer notre compréhension des effets économiques de la privatisation sur la rentabilité et la productivité.
CHAPITRE IV : APPROCHE METHODOLOGIQUE
Dans le présent chapitre de cette étude, nous allons exposer la méthodologie retenue dans le cadre de cette recherche et nous présenterons par la suite, les limites de notre étude.
4.1 Données et échantillons
Pour ce qui concerne la recherche, nous avons eu recours à des données secondaires. La liste des entreprises privatisées nous a été fournie non seulement par la commission technique de privatisation et de liquidation (CTPL) mais aussi, nous avons consulté divers papiers de recherches et études ainsi que des sites internet. Selon la définition de la privatisation, nous comptons actuellement 24 entreprises privatisées au Cameroun. Mais malheureusement, l’étude ne porte que sur 8 soit 1/3, pour deux causes essentielles : la première est due au manque de données sur les entreprises anciennement privatisées ; la deuxième cause est due au fait que certaines entreprises sont réticentes quant à l’accès à ces informations.
Ainsi, grâce à la collaboration de l’Agence de Régulation du Secteur d’Electricité (ARSEL), la Commission Technique de Réhabilitation des entreprises publiques (CTR), l’Institut Nationale de la Statistique (INS) et la Société Nationale d’Investissement (SNI), nous avons pu collecter les données qui seront analysées dans la suite. Et c’est par rapport à la disponibilité de ces informations que finalement notre étude ne portera que sur 8 entreprises mentionnées dans le tableau suivant :
Tableau 4: Les 8 entreprises privatisées de l’étude
Entreprises | Cessionnaire | % du secteur privé étranger |
CDC | BROBON FINEX LIMITED | 60 (Afrique du Sud) |
CHOCOCAM | TIGER BRANDS | 70,74 (France) |
HEVECAM | GMG Investment | 90 (USA) |
REGIFERCAM | BOLLORE-COMAZAR | 77 (France et Afrique du Sud) |
SEPBC | Investisseurs étrangers | 70 (France) |
SOCAMAC | GEODIS | 51 (France) |
SOCAPALM | PALCAM SOGEPART | 90 (France) |
SONEL | AES | 51 (USA) |
Source : Tsafack Nanfosso (2004), Nzomo et Nzongang (2007) et CTPL
Les données ont été prises annuellement pour chaque entreprise sur une période de neuf (9) ans c’est-à-dire trois (3) années avant la privatisation de l’entreprise et cinq (5) années après sa privatisation. L’année de la privatisation étant considérée comme l’année zéro. Elles concernent en l’occurrence les résultats nets (RN), le chiffre d’affaires (CA), l’actif total (AT), les fonds propres de l’entreprise (CP), le nombre d’employés (NE) et les ventes réelles (VR).
4.2 Le modèle d’analyse et ses spécifications
L’étude empirique s’est déroulée en deux étapes et évaluera la performance à la lumière de deux indicateurs regroupés sous une batterie de ratios que sont les ratios de rentabilité et de productivité.
La méthodologie utilisée dans la première étape est inspirée de celle utilisée par Megginson et al. (1994). Elle a permis principalement de tester l’efficacité statique, en évaluant l’incidence de la privatisation sur les deux variables de performance retenue dans cette étude (rentabilité et productivité). En effet, cette étape a consisté d’abord en un simple calcul à partir d’Office Excel 2010 des ratios de rentabilité et de productivité entreprise par entreprise et, en moyenne, sur des périodes de trois années, avant et cinq années après la
privatisation, l’année de privatisation étant considérée comme l’année d’origine et donc prenant la valeur O. Ensuite, nous avons comparé la moyenne des ratios avant la privatisation à ceux après la privatisation pour chaque entreprise. Une récapitulation des ratios d’analyse est présentée dans le tableau suivant :
Tableau 5: Présentation des ratios d’analyse
Indicateurs de performance | Outils de mesure des variables | Résultats prévisionnels | Indice d’appréciation |
Rentabilité | ROS = Résultat net/Chiffre d’affaires ROE = Résultat net/Fonds propres ROA = Résultat net/Actif total | ROSa > ROSb ROEa > ROEb ROAa> ROAb | + |
Productivité | SPE = Ventes réelles/Nombre d’employés IPE = Bénéfice net/Nombre d’employés | SPEa > SPEb IPEa > IPEb | + |
Source : l’auteur
Légende
ROS : Return On Sales ou taux de marge nette
ROA: Return On Assets ou rentabilité des actifs
ROE : Return On Equity ou rentabilité des capitaux propres
SPE : Sales Per Employee ou productivité commerciale
IPE : Income Per Employee ou bénéfice par employé
L’indice a signifie « after privatization» ou après privatisation
L’indice b signifie « before privatization» ou avant privatisation
Enfin, nous avons fais recours au test de différence de médiane (test de Wilcoxon), afin de mettre en exergue les éventuels changements qui ont prévalu dans la performance des entreprises publiques privatisées et de dire si ces changements sont significatifs.
- Description du test de différence de médiane
Ce test non paramétrique nous permet de cerner l’effet statique de la privatisation sur la performance des huit entreprises publiques camerounaises. De manière plus explicite, quatre étapes permettent de parcourir le test dans le cas où N, le nombre de paire d’observations non nulles est inférieur ou égal à 30.
– Etape 1 : on détermine les différences DI et on les classe dans l’ordre croissant de leur valeur absolue en écartant les différences nulles.
Si nous revenons à notre étude, DI = MOYai – MOYbi
Avec : MOYai, la moyenne du sous échantillon après la privatisation pour l’entreprise i
MOYbi, la moyenne du sous échantillon avant la privatisation pour l’entreprise i
– Etape 2 : on fait la somme des rangs des différences positives qu’on note T+, et celle des différences négatives en valeur absolue notée T-.
– Etape 3 : pour la suite du test, nous prenons la valeur minimale entre T+ et T-. Cette valeur notée T sera utilisée pour prendre notre décision.
– Etape 4 : on décide. On lit dans la table de Wilcoxon, la valeur critique de T correspondant à N et à un seuil de significativité.
Si T est inférieur ou égal à la valeur critique lue sur la table, on rejette l’hypothèse nulle.
En prenant l’exemple de notre première hypothèse : « la privatisation améliorerait la rentabilité des entreprises publiques camerounaises », nous aurons :
HO : pas de différence entre les situations avant ou après la privatisation. (Dans ce cas notre hypothèse n’est pas vérifiée).
H1 : il y a une différence entre les deux situations. Et particulièrement dans notre étude, cette différence doit être positive pour signifier un accroissement. Il faudrait ainsi que T+ soit supérieur à T-.
Ainsi après lecture dans la table de la valeur critique de T, nous pouvons nous prononcer de la manière suivante :
T > valeur critique lue sur la table | On accepte HO |
T ≤ valeur critique lue sur la table | On accepte H1 |
De façon à mieux rendre compte de la dynamique temporelle, des tests complémentaires (test de Wilcoxon) ont été conduits sur la valeur des mêmes indicateurs (rentabilité et productivité) en opposant successivement les années extrêmes – 3/+ 5, puis – 3/0 (période de pré-privatisation) et, enfin, 0/+ 5 (période de post-privatisation). Cette deuxième variante de la procédure de Megginson et al. (1994) présente deux avantages :
Premièrement, l’effet éventuel de la privatisation risque d’être plus accentué et plus apparent, s’il est évalué en opposant les données des années – 3 et + 5, plutôt qu’à partir des moyennes avant et après privatisation. Les changements de niveaux de performance mettent habituellement un certain temps à apparaître de façon significative à travers les données comptables.
Deuxièmement, cette variante permet de savoir si l’incidence s’est produite avant la privatisation, après la privatisation ou, progressivement, au cours des neuf années d’observation. De cette façon, on peut mettre en évidence, au moins de façon grossière, la dynamique du processus de privatisation. Toujours dans le même objectif, nous avons mesuré ensuite, pour les deux méthodes, le pourcentage d’entreprises pour lequel la variation de l’indicateur a été conforme aux prédictions théoriques, et nous avons testé (test non paramétrique du signe) la significativité de cette proportion. Ce test permet d’échapper aux biais qui entachent les tests effectués sur les moyennes. Cependant, quelque soit la méthode retenue, l’effet dynamique de la privatisation n’est mesuré que très imparfaitement.
Pour répondre à cette critique, nous avons dans une deuxième étape, eu recours à l’aide du logiciel EVIEWS 7 à la procédure proposée par Villalonga (2000) : le modèle économétrique SUR
- le modèle économétrique SUR (Seemingly Unrelated Regressions)
Il s’agit de mesurer, dans un modèle de régression, les taux d’accroissement de la performance après la privatisation. Pour cela, les principaux indicateurs de performance ont été régressés sur trois variables :
- une première variable, le temps T (les valeurs 1 à 9 désignant les neuf années) ;
- une seconde variable muette P traduisant la privatisation valant 0 quand l’entreprise est publique et 1 lorsqu’elle est privatisée ;
- une troisième et dernière variable, dénommée TP, égale au produit de la variable temps et de la variable muette « privatisation ».
Compte tenu de la double dimension des données, transversale et temporelle, la régression a porté sur 72 observations (8 entreprises sur 9 ans) et se présente sous la forme générale suivante :
PERFit = αi + β1i Tit + β2iPit + β3iTPit + β4 tailleit+ β5 cycleit +εit (1)
Avec:
PERFit : la variable mesurant la performance de l’entreprise i à l’année t
Tit : le temps t pour la firme i (valeurs allant de 1 à 9 pour les neuf ans considérés pour chaque entreprise).
Pit : une variable muette de privatisation qui prend la valeur 1 lorsque l’entreprise i est devenue privatisée et 0 avant la privatisation.
TPit : une variable exprimant l’interaction des deux variables précédentes ;
tailleit : la taille de l’entreprise (mesurée par le chiffre d’affaires) de l’entreprise i à l’année t.
cycleit : le taux de croissance du PIB (Produit Intérieur Brut), l’année t pour la firme i.
En effet, dans son étude, Villalonga (2000) teste dans l’équation (1), l’effet du temps T, de la privatisation P et TP (le produit de la variable temps et de la variable P et qui nous donne la période post privatisation) sur l’efficacité. Il est à noter que le temps T couvre les années d’observation (neuf années) ; la variable P est une variable indicatrice qui prend la valeur 0 lorsque l’entreprise est encore publique et la valeur 1 lorsqu’elle est privatisée.
La variable TP est une variable qui traduit l’horizon de temps dans lequel l’entreprise est privatisée. Le coefficient de la variable TP permet de mesurer et de tester l’effet sur l’accroissement de la performance au cours de la privatisation c’est-à-dire sur six années, l’année de privatisation et les cinq années qui suivent pour chacune des entreprises.
Les coefficients de la variable P permettent de mesurer et de tester, pour chaque entreprise l’effet seuil de la privatisation.
L’équation (1) suppose que la performance de l’entreprise (exprimée par le ROS, le ROE, le ROA, le SPE et l’IPE) est expliquée par la variable temps (T), la privatisation (P), la période post privatisation (TP), la taille (mesurée par le chiffre d’affaires) et la croissance du produit intérieur brut (cycle).
A l’instar des travaux de Villalonga et Charreaux, l’équation (1) suppose que les effets de la taille et du cycle économique sur la performance sont identiques quelle que soit la firme. A la suite de Villalonga (2000) et de Charreaux (2004), nous faisons ainsi l’hypothèse implicite que les facteurs communs : taille et cycle[9] échappent au contrôle des firmes et qu’il n’y a pas de lien direct entre l’incidence de la privatisation sur la performance (rentabilité et productivité) et la taille. Les effets des variables T, P et TP sont, en revanche, spécifiques à chaque entreprise et sont supposés fixes.
4.3 Limites de l’étude
Notre étude a été effectuée sur une période de neuf ans et porte sur (8) huit entreprises parmi les (24) vingt-quatre privatisées actuellement au Cameroun. Pourtant, au départ nous avions prévu de travailler avec un échantillon composé d’au moins quinze (15) entreprises dont le choix était régi par un souci de représentativité des trois secteurs de l’économie camerounaise (secteur primaire, secondaire et tertiaire) et aussi sur une période plus longue. Malheureusement, nous n’avons pas pu le réaliser.
En effet, la non disposition d’une base de données sur les privatisations par l’Etat camerounais, le caractère confidentiel des informations comptables et financières, l’indisponibilité des données dans les structures censées les détenir, la forte réticence de la part des détenteurs des dites informations, malgré les multiples démarches entreprises et la présentation de la lettre de recommandation, ne nous ont pas rendu la tâche facile. Au niveau de certaines institutions nous avons même été considérés comme des journalistes à la recherche d’informations sensibles et il nous a été interdit de revenir chercher quoi que ce soit. C’est la raison pour laquelle nous avons travaillé avec le peu d’information que nous avons pu obtenir, nous ramenant ainsi à huit (8) entreprises privatisées.
Les approches utilisées pour évaluer la performance des entreprises privatisées sont multiples et cette diversité explique habituellement les diverses discordances entre les résultats des études sur la question. Il importe à cet égard de préciser que le parti pris que nous avons fait de recourir à des mesures comptables comporte des limites et les indicateurs retenus ne sont pas non plus exempts de critique, ne serait-ce qu’en raison des biais qui peuvent se situer dans la fiabilité des informations comptables obtenues.
L’analyse des performances des entreprises avant et après privatisation est une opération complexe et délicate, pour deux raisons : la première est que la notion même de performance n’est pas clairement définie par la théorie économique et que sa mesure reste sujette à diverses démarches et à des vives polémiques. La seconde raison tient au fait que l’entreprise privatisée a un passé d’entreprise publique, ce qui rend réducteurs certains instruments d’appréciation des performances ex ante et ex post.
Par ailleurs, la problématique de la fiabilité des données recueillies peut contrevenir à la rigueur des résultats de notre analyse. Il est donc important à ce stade-ci, d’examiner ces résultats avec une certaine prudence. En outre, les relations bidirectionnelles entre la privatisation et son impact sur la performance des entreprises pour être judicieusement vérifiées, supposent une étude longitudinale et transversale sur un échantillon plus grand, et sur une durée plus longue afin de ne pas perdre de vue les effets temporels éventuels des privatisations.
De plus nous n’avons pas pu prolonger cette analyse en intégrant les variables de nature organisationnelle et des variables de gouvernance susceptibles d’influencer les performances des entreprises privatisées.
Cependant, malgré les insuffisances que peut contenir cette étude, les traits dominants et les résultats de notre recherche impliquent clairement certaines déductions, qui, nonobstant les biais méthodologiques, sont trop fortes pour être négligées, en raison même de leur cohérence. De plus, l’analyse statique et dynamique effectuée nous permet de conférer à nos résultats, une plus grande robustesse. Par conséquent, nos conclusions (mais non l’argumentation et la démarche) ne diffèrent pas de celles auxquelles sont parvenus bien avant nous, des recherches similaires sur l’impact des privatisations en Afrique de façon générale (Campbell et Bhatia 1998 ; Jones et al. 1999).
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Questions Fréquemment Posées
Quelles entreprises ont été étudiées dans l’analyse de la privatisation au Cameroun?
L’étude porte sur 8 entreprises privatisées au Cameroun, sélectionnées en raison de la disponibilité des données.
Comment la performance des entreprises a-t-elle été mesurée après la privatisation?
La performance a été mesurée à l’aide de deux indicateurs regroupés sous des ratios de rentabilité et de productivité, calculés avant et après la privatisation.
Quels sont les résultats de l’étude sur la privatisation au Cameroun?
Les résultats montrent une amélioration significative de la rentabilité et de la productivité pour la majorité des entreprises étudiées après leur privatisation.
9. .Le chiffre de la première ligne est le coefficient et celui de la seconde ligne, le t de Student. * : coefficient significativement différent de zéro à 10% ** : coefficient significativement différent de zéro à 5% *** : coefficient significativement différent de zéro à 1% En outre, l’examen du tableau 5 impose de tenir compte d’un certain nombre de réalités : – premièrement, lorsque le coefficient lié à la variable T est positif, cela traduit le fait que globalement, l’on observe une hausse de l’indice de productivité sur l’ensemble des 9 années considérées pour l’entreprise ; – deuxièmement, un coefficient de la variable P positif, indique une hausse de l’indice de productivité lors de la privatisation (effet de seuil) ; – troisièmement, un coefficient de la variable TP positif signifie un redressement de la productivité plus rapide en moyenne, après la privatisation (de l’année 0 à l’année + 5), c’est-à-dire une augmentation de l’efficacité dynamique de la privatisation sur l’indice de productivité de l’entreprise considérée. ↑