La mobilité des métaux dans le sol est influencée par leur spéciation et leur persistance, rendant leur traitement complexe. Cette étude explore l’extraction du ZnO par acide citrique, mettant en avant des méthodes hydrométallurgiques écologiques pour minimiser l’impact environnemental.
Spécificités de la pollution par les métaux
Comparés aux polluants organiques, comme les hydrocarbures par exemple, les métaux lourds ont l’inconvénient majeur de n’être pas dégradables par des processus chimiques ou biologiques dans le sol — on parle de persistance des métaux. Ils ne sont susceptibles que de changer de forme chimique — dont la répartition dans le sol est désignée sous le nom de
spéciation — et de passer d’un compartiment du sol à un autre au gré de ces transformations. S’ils ne sont pas présents à l’état métallique, ils peuvent se fixer aux argiles ou aux matières organiques par liaison ionique, ou bien former des complexes en solution, ou des composés inorganiques, ou encore se fixer à la surface de particules par adsorption. De cette façon, ils s’accumulent dans le sol, ou ils sont lessivés par les eaux de ruissellement et peuvent éventuellement migrer jusqu’aux nappes phréatiques. Pour décrire l’origine, le devenir et la toxicologie des métaux dans les sols, on a recours à deux notions 1 :
- La mobilité d’un élément caractérise son aptitude à passer d’un compartiment du sol où il est retenu avec une certaine énergie à un autre, où il est retenu avec une moindre énergie. Plus une substance se déplace dans le sol, plus elle sera susceptible d’être absorbée par un organisme vivant.
- La biodisponibilité, qui est l’aptitude d’un élément à passer d’un compartiment quelconque du sol dans un être vivant, (bactérie, végétal, animal ou homme), le plus souvent via la solution du sol.
Certains éléments, comme le cadmium, le thallium ou le zinc, sont réputés très mobiles alors que d’autres, tels que le plomb, le mercure ou le chrome, le sont beaucoup moins. Le zinc et le thallium ont des ions très solubles, donc très mobiles et biodisponibles. En particulier, l’ion Tl+ a un comportement analogue à celui de l’ion K+ qui lui permet de se substituer facilement à ce dernier et d’être absorbé par les plantes.
D’autre part, la mobilité des métaux dépend également de leur origine, naturelle ou anthropique. Par exemple, le cadmium naturel est souvent immobilisé sous des formes relativement inertes 2, ce qui est a priori moins le cas du cadmium anthropique, et qui aggrave donc les risques liés à une pollution industrielle. Ou réciproquement, la donnée de la mobilité d’un élément peut permettre de déterminer si une contamination est d’origine naturelle ou anthropique.
Toxicologie des métaux lourds
Quand ils ne contaminent pas les eaux souterraines par lessivage, les ions métalliques, non dégradables dans le sol, s’y accumulent puis pénètrent dans les plantes que les animaux consomment ensuite, l’homme y compris. On estime ainsi que les végétaux récoltés stockent environ 1 % des métaux présents dans le sol 2. Pour l’homme, l’inhalation de poussières et d’aérosols reste la principale source d’intoxication, mais les risques liés à l’absorption de métaux lourds par ingestion d’eau ou de nourriture ne sont toutefois pas négligeables. Des exemples historiques montrent qu’une contamination accidentelle massive par ingestion peut
avoir des conséquences dramatiques à l’échelle de toute une population. C’est ce qui s’est produit lors de la catastrophe tristement célèbre de la baie de Minamata, au Japon, dans les années 50 3 : une usine de produits chimiques déversait dans la mer le mercure alors employé comme catalyseur. Les coquillages et les poissons, largement consommés par la population locale, furent fortement contaminés et des teneurs en mercure furent mesurées jusqu’à deux ordres de grandeur au-dessus des normes de l’OMS. Près de 2000 personnes furent contaminées, et la pêche fut interdite pendant 40 ans dans la baie.
Il existe une troisième voie d’introduction des polluants dans l’organisme, la voie dermique, qui intervient en cas de contact direct avec les substances. Cependant, quel que soit le mode de contamination, les éléments s’accumulent dans l’organisme —sang, foie, cerveau, reins…
— et ne sont éliminés que très lentement. Le Tableau II.2 montre, par ordre croissant, la demi-vie biologique des métaux 4, au bout de laquelle l’organisme a éliminé la moitié de la quantité absorbée. Celle-ci s’étale de quelques jours pour le molybdène à plusieurs années pour le chrome, le zinc ou le cadmium. On note que certains éléments (plomb, mercure, cadmium) ont des demi-vies biologiques très différentes selon leur cible dans l’organisme.
De la même façon que le comportement des métaux dans l’environnement dépend de leur forme chimique, il faut souligner que leur toxicité varie énormément en fonction de leur spéciation. Ainsi le mercure, par exemple, dont la forme élémentaire (Hg) est quasi- inoffensive par ingestion (mais pas par inhalation), mais dont les formes organométalliques telles que le méthylmercure (à l’origine de la tragédie de Minamata) sont beaucoup plus toxiques. Il en va de même pour le chrome VI, beaucoup plus dangereux que le chrome III.
Tableau II.2 : Temps de demi-vie biologique de quelques éléments 45
Tableau II.2 : Temps de demi-vie biologique de quelques éléments | |
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Élément | Temps de demi-vie biologique |
Mo Cu Mn Pb | 5 jours 13-33 jours 15-20 jours 20-30 jours dans le sang, 40-60 jours dans les reins, la moelle, le foie, le cerveau et 2-10 ans dans les os. |
Hg Cr Co Zn Cd | 30-60 jours, et 1 an dans le cerveau. 1-2 ans 2-15 ans 2-3 ans 30 jours dans le sang, 20-30 ans dans les reins |
Deux oxydes métalliques ont été étudiés dans ce travail, aussi la présentation de quelques caractéristiques générales de ces deux éléments s’avère être nécessaire.
Le zinc
Caractéristiques générales
Le zinc est un solide blanc, cassant à froid, malléable et ductile entre 100 °C et 150 °C. C’est un métal réducteur amphotère. Assez électropositif, il est facilement attaqué par les acides. Il déplace de leurs solutions salines les métaux moins électropositifs (cuivre, plomb, argent). À l’air humide, il se couvre d’une couche protectrice d’hydrocarbonate. L’oxyde ZnO est une poudre blanche, employée sous le nom de blanc de zinc (peintures, industrie du verre, etc.). Oxyde amphotère, il se combine aux acides pour donner des sels de zinc et aux alcalis pour donner des zincates.
Le chlorure ZnCl2 est utilisé contre la putréfaction du bois ; le sulfure ZnS, blanc, existe dans la nature sous forme de blende ; le sulfate ZnSO4 est employé pour le traitement des eaux industrielles et dans l’industrie pharmaceutique.
Jusqu’au 18ème siècle le zinc était, en Europe, importé des Indes et de la Chine, sous le nom d’étain des Indes. Paracelse l’étudia et lui donna son nom, dérivé d’un mot allemand signifiant étain 6. Le zinc a été isolé pour la première fois en 1776 par le chimiste allemand Andreas Sigismund Marggraf (1709-1782).
Dans le sol, le zinc est présent le plus souvent sous forme de sulfure (Blende =ZnS) dans les filons hydrothermaux imprégnant les roches sédimentaires où il se trouve associé au Pb, au Cu et au Fe. Il peut également remplacer Mg2+ au sein du réseau cristallin des silicates. La teneur totale moyenne est de l’ordre de 50ppm 7.
Le zinc est lié dans le sol aux oxydes de fer hydratés et aluminium (14 à 38% de Zn total) et aux argiles (24 à 63%) 7. Le sol peut être également enrichi par les apports anthropogènes: activités minières et industrielles, épandage agricole, activités urbaines et trafic routier. A peu près toutes les surfaces contenant des quantités importantes de zinc sont les résultats d’activités humaines. Les apports par voie atmosphérique sont aussi attestés par de nombreux travaux 87.
Spéciation et mobilité du zinc
Le cation Zn2+ est considéré comme très mobile 9. Les formes les plus mobiles seraient facilement sorbées par les constituants organiques et minéraux du sol, de sorte que le cation tendrait à s’accumuler dans les sols 7. Les minéraux argileux et les substances humiques
sont capables de fixer le zinc très fortement de sorte que la solubilité de Zn2+ dans les sols apparaît moindre que celle de Zn(OH)2, Zn(CO3), Zn(PO4). La fraction mobile du métal représente 1 à 20% et ses complexes avec la matière organique 1,5 à 2,3% 10. Selon Goulding et al. 9 en moyenne 65% du zinc soluble dans les sols se trouvent associés aux amines et aux acides fulviques, tandis que les complexes insolubles sont associés aux acides humiques.
Toxicité
Le zinc est un élément qui est essentiel pour la santé de l’homme. Une carence peut provoquer une perte de l’appétit, une diminution des sensations de goût et d’odeur, les blessures cicatrisent lentement.
Bien que l’homme puisse proportionnellement ingérer des quantités importantes de zinc, son excès peut provoquer des problèmes de santé importants, comme des crampes d’estomac; des irritations de la peau, des vomissements, des nausées, de l’anémie. De très hauts niveaux de zinc peuvent endommager le pancréas et perturber le métabolisme des protéines et provoquer de l’artériosclérose. Une exposition intensive au chlorure de zinc peut provoquer des désordres respiratoires. Sur le lieu de travail la contamination au zinc peut mener à un état comparable à la grippe, que l’on appelle la fièvre du fondeur. Cet état disparaît après deux jours 11.
Le cadmium
Caractéristiques générales
Le cadmium est un métal argenté qui a une grande résistance à la corrosion ; son point de fusion est bas ; il a une bonne conductivité de l’électricité ; ses produits dérivés ont une bonne résistance aux fortes températures ; il présente des caractéristiques chimiques proches de celles du calcium, facilitant ainsi sa pénétration dans les organismes.
Ses principaux composés sont : chlorure de cadmium (CdCl2), oxyde de cadmium (CdO), sulfate de cadmium (CdSO4) et sulfure de cadmium (CdS). Il est obtenu comme sous produit de raffinage du plomb, du zinc et du cuivre. Le cadmium est utilisé dans la fabrication des accumulateurs électriques, dans l’industrie électronique et chimique, la photographie et dans la métallisation des surfaces 12.
Ses teneurs moyennes dans le sol se situent entre 0,06 et 1,1ppm 13. Ces teneurs naturelles sont sujettes à des augmentations suite à différents types d’apports anthropogènes:
- les retombées atmosphériques lointaines ;
- contamination agricole résultant des épandages et amendements agricoles (le Cd peut être assez abondant dans les engrais phosphatés);
- les sources industrielles: le Cd est un sous produit du raffinage du Zn. Il peut être libéré dans l’atmosphère lors de la métallurgie du fer et de l’acier;
- Enfin de nombreuses activités urbaines et le trafic routier libèrent le Cd dans l’environnement: incinération des déchets domestiques, combustion des carburants fossiles (pétrole, charbons, tourbes), boues des stations d’épuration, etc.
Spéciation et mobilité du cadmium
Le cadmium est fortement adsorbé par les argiles, les matières organiques, les boues et les acides humiques avec lesquels il forme des complexes. Sa rétention par la phase solide croît exponentiellement avec le pH croissant 14. Le Cadmium est rapidement libéré des roches par altération. Il donne en solution Cd2+ mais aussi des ions complexes comme CdCl+, CdOH+, CdHCO3+, CdCl3-, Cd(OH)3-, CdOH+ de même que les chélates organiques 13.
En conditions de forte oxydation, le cadmium forme des oxydes ou des carbonates (CdO, CdCO3). Il peut également s’accumuler dans des phosphates ou des phytocytes 15. Le Cd est plus mobile dans le sol que le Cu et le Pb, donc plus disponible pour les plantes, de plus l’absorption du Cd peut être inhibée par le Cu et le Pb.
Toxicité
Contrairement à de nombreux métaux, le cadmium n’a aucun rôle métabolique connu et ne semble pas biologiquement essentiel ou bénéfique au métabolisme des êtres vivants. Considéré comme assez mobile et assez facilement biodisponible, il risquerait soit de passer dans la chaîne alimentaire par l’intermédiaire des végétaux, soit de migrer pour aller contaminer les nappes phréatiques. Les aliments (légumes, viande, lait) et le tabac constitueraient la principale source d’absorption du cadmium pour l’homme. Le plus grand danger reste cependant l’ingestion directe de poussières contaminées dans certaines zones de loisirs comme les terrains de jeux ou les terrains de sport.
Dans les régions fortement exposées (à proximité d’industries métallurgiques) on constate dans les populations des lésions rénales très importantes. Le cadmium est stocké dans le foie, les os, mais le rein est l’organe le plus sensible au métal. La dose journalière admissible (DJA) est de 0,0057 mg/j selon les auteurs. Les symptômes de toxicité se manifestent par des troubles respiratoires, atteinte hépato digestives avec vomissement, douleurs abdominales et diarrhées 13.
Conclusion
L’industrie minière contribue de manière significative au développement socioéconomique de beaucoup de pays. Cependant, Les impacts environnementaux dus à ces industries sont de plus en plus importants et progressent d’une façon inquiétante dans le monde entier. Cette situation combinée avec le passif hérité des longues années d’exploitation minière se traduit par des dégradations environnementales dont les trois conséquences les plus visibles sont : la déforestation, la perte de la biodiversité et la pollution.
Cette situation est aggravée par l’insuffisance des capacités des institutions étatiques en charge du suivi environnemental ainsi que l’absence de l’industrie du recyclage. Les quantités de minéraux jetées dans la nature et non recyclés sont aujourd’hui tellement énormes qu’elles mettent en péril la capacité de la biosphère à se régénérer.
Références
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