Cette étude révèle comment les meilleures pratiques de livraison peuvent renforcer la confiance des consommateurs dans les contrats électroniques au Bénin. Découvrez les mécanismes juridiques essentiels pour éviter les déséquilibres contractuels et garantir une exécution fiable des transactions.
Paragraphe II : Le renforcement du régime
La méfiance du consommateur dans la transaction commerciale électronique s’explique en partie par l’insuffisance des règles régissant de manière spécifique le régime de la livraison car celles existantes ne permettent au consommateur de s’assurer de la
crédibilité de ladite transaction (A). À cette insuffisance des règles spécifiques s’ajoute des sanctions qui en réalité n’ébranlent guère le professionnel (B).
A- L’insuffisance des règles spécifiques
La livraison bien qu’étant une phase déterminante dans l’exécution du contrat électronique ne bénéficie pas assez de règles spécifiques pouvant contraindre le professionnel en dehors des cas de limitation de responsabilité à honorer son engagement contractuel, celui de livrer le bien ou de fournir la prestation de services dans les conditions et modalités prévues au contrat.
Même si le régime instauré en matière d’exécution du contrat électronique et surtout en cas de livraison est un régime de pleine responsabilité, le problème du respect à temps des clauses contractuelles relatives à la livraison par le professionnel demeure en raison du caractère virtuel du commerce. Parmi les informations précontractuelles mises à la charge du professionnel figure celles relatives à la livraison du bien ou de la fourniture du service1.
Même si ces règles tentent de régler l’épineuse question de la livraison à temps de la commande, il n’en demeure pas moins que ces règles de par leur insuffisance ne permettent pas au consommateur de s’engager sans douter de la sincérité du professionnel. Par exemple, lorsque le consommateur passe la commande et le retard de livraison est dû à l’indisponibilité du bien ou du service, l’article 345 du code du numérique prévoit que « lorsqu’un bien ou service offert est indisponible, le fournisseur de biens ou services doit en informer l’acquéreur sans délai et au moins vingt-quatre (24) heures avant la date de livraison prévue au contrat. Le cas échéant, le fournisseur de biens ou services rembourse à l’acquéreur, l’intégralité des sommes perçues ». Une telle consécration même si elle mérite d’être louée n’est pas toujours respecter par certains professionnels qui abusent de la confiance du consommateur.
Etant donc dans une relation contractuelle purement virtuelle, le consommateur se sent pour la plupart du temps impuissant face à une telle injustice surtout lorsque le professionnel ne se trouve pas dans le même espace géographique que lui. Les moyens pour le consommateur de faire engager la responsabilité du professionnel se trouvent ainsi limités.
De plus, il convient de préciser que la dimension livraison et logistique est une difficulté majeure pour le développement du commerce électronique au Bénin2. L’absence de système d’adressage, les ressources limitées et le manque de suivi par la Poste des paquets et colis entre le bureau expéditeur et le bureau de destination sont les obstacles majeurs identifiés.
Les opérateurs privés sont largement majoritaires sur le marché des envois express. Les échanges postaux internationaux souffrent de l’absence de collaboration entre services postaux et douaniers. En termes de solutions, il est indispensable de faire un recensement des solutions existantes en matière d’adressage numérique et retenir la plus appropriée au cas béninois.
Si une solution d’adressage physique exhaustive est peu réaliste, compte tenu du coût d’une telle opération, il existe dans d’autres pays des solutions d’adressage numérique que le Bénin devrait analyser et dont il pourrait s’inspirer, comme au Ghana3 et en Mongolie4. Mettre en place des points relais dans les gares routières et/ou dans les localités les moins bien desservies.
Étudier les différents modèles (public, privé, PPP) de plateformes de commerce électronique mis en place dans d’autres pays (ex. au Rwanda)5. La parfaite confiance du consommateur dans la transaction commerciale électronique passe par un renforcement du régime de la livraison avec l’adoption des règles spécifiques pour mieux encadrer ledit régime et limiter les abus dont le consommateur est souvent victime. Ce renforcement des règles spécifiques doit être accompagné des sanctions pouvant véritablement dissuader le professionnel car celles existantes sont insuffisantes.
B- L’insuffisance de sanction
« Lorsque la date de livraison est clairement indiquée, le vendeur doit livrer à cette date. À défaut, l’acheteur peut demander en justice l’annulation de la vente et la condamnation du vendeur à lui payer des dommages- intérêts. Si le retard est dû au transporteur, le vendeur pourra se retourner contre lui pour obtenir sa garantie »6.
Autrement dit, le contrat de vente doit préciser un délai pour délivrer le produit ou exécuter la prestation. « Le professionnel doit livrer immédiatement le bien, ou préciser la date ou le délai dans lequel il s’engage à le faire. Le défaut d’indication de ce délai n’engendre pas nécessairement la nullité du contrat, mais des sanctions financières peuvent être appliquées au vendeur si l’acheteur est insatisfait.
Le consommateur doit d’abord enjoindre le professionnel par courrier recommandé avec accusé de réception ou par un autre écrit sur support durable (mail par exemple) d’effectuer la livraison ou de fournir le service dans un délai supplémentaire raisonnable. Si le professionnel ne s’exécute pas, le consommateur peut, selon les mêmes modalités, mettre fin au contrat.
Il peut le faire si la date ou le délai constituent pour lui une condition essentielle du contrat. Celle-ci résulte des circonstances qui entourent la conclusion du contrat ou d’une demande expresse du consommateur »7.
Une lecture minutieuse des dispositions de l’article 338-12 à 17 du code du numérique ci-dessus citées permet de se rendre compte que la sanction prévue par le législateur en cas de manquement par le professionnel de son devoir d’informations précontractuelles est la nullité du contrat électronique. Si cette sanction parait fonder, elle est insuffisante au regard de la mauvaise foi du professionnel lorsque ce dernier n’exécute pas de manière convenable son obligation fondamentale, celui de livrer le bien au consommateur dans les termes et conditions prévus au contrat. Le renforcement de cette sanction pourrait contraindre le professionnel à prendre toutes les mesures nécessaires pour répondre de ses obligations contractuelles.
Au regard de l’importance de la livraison dans le processus d’exécution du contrat électronique et surtout pour renforcer la confiance du consommateur dans la transaction numérique, il est important de prévoir des sanctions complémentaires en guise de répression contre les professionnels qui s’aventureraient à porter un coup à la confiance du consommateur.
En termes de sanctions complémentaires, l’on peut mettre l’accent sur le retrait de l’agrément ou de l’autorisation en vertu duquel le professionnel exerce en destination du territoire béninois. Ou encore enjoindre au professionnel, le paiement d’une somme donnée indépendamment des dommages-intérêts qu’il serait amené à payer au consommateur à l’issu de la procédure en annulation du contrat que ce dernier initierait à son encontre.
Ces mesures complémentaires permettaient d’apporter des garanties nécessaires au consommateur et donneront un coup d’accélérateur au commerce électronique en général. En plus des garanties liées à la livraison, le consommateur bénéficie lors de l’exécution du contrat électronique, d’autres types de garanties dites garanties légales.
________________________
1 V. l’art 338 tirets 12 à 17 du C. num. ↑
2 La complexité des livraisons en raison de l’absence d’adressage est un frein supplémentaire au développement du commerce électronique. À l’instar de la plupart des pays en développement et des autres pays de l’UEMOA en particulier, le Bénin souffre d’un déficit d’adressage postal, très problématique dans le cadre du commerce électronique, tant dans la perspective d’un utilisateur consommateur que d’un producteur qui veut proposer sa marchandise en ligne. ↑
3 Au Ghana, le système est basé sur la cartographie complète du territoire ghanéen. Une adresse numérique est associée à chaque emplacement. Le code numérique correspondant contient deux lettres et deux séries de quatre chiffres renseignant respectivement sur la région, le district, le code postal et un identifiant unique interne à chaque code postal. Le système a été conçu par un partenaire privé pour un coût de 2,5 millions de dollars. L’application correspondante est disponible sur téléphone mobile pour les utilisateurs. ↑
4 En Mongolie, le système de géolocalisation permettant un adressage universel basé sur un quadrillage de trois mètres par trois. Une adresse unique de « trois mots fixes » est associée à chacun des milliards de carrés qui couvrent la Mongolie. What3words (w3w) est intégré à l’application mobile de la Poste de Mongolie afin que chaque utilisateur puisse identifier n’importe quelle adresse par la combinaison de 3 mots. L’application gratuite de la Poste de Mongolie permet aux utilisateurs de trouver la correspondance entre la combinaison de mots et la géolocalisation. ↑
5 Bénin Evaluation rapide de l’état de préparation au commerce électronique, op. cit. ↑
6 Consulté sur le site https://lentreprise.lexpress.fr/gestion-fiscalite/droit-des-affaires/la-livraison-et-la-reception-de-la-marchandise_1523240.html, le 22 novembre 2021 à 15h 02min. ↑
7 Consulté sur le site https://www.capital.fr/conso/que-faire-en-cas-de-retard-de-livraison-1393355, le 22 novembre 2021 à 16h 10 min. ↑