Les limites de l’agroécologie sont essentielles pour comprendre ses défis, notamment sa dépendance à la main-d’œuvre et aux connaissances. Cette étude met en lumière ces contraintes tout en soulignant l’importance de l’agroécologie pour une agriculture durable et respectueuse de l’environnement.
CHAPITRE 3. LES LIMITES DE L’AGROECOLOGIE ET L’AGRICULTURE DURABLE
LIMITES DE L’AGROECOLOGIE
L’agroécologie s’oppose ainsi à l’idée que le progrès signifie nécessairement l’augmentation de la productivité de la main-d’œuvre, c’est-à-dire produire plus avec moins de travail et plus de capital. Mais il y a autre chose encore.
Intensive en main-d’œuvre, l’agroécologie l’est aussi en connaissances : elle suppose des transferts de savoirs, elle repose sur les échanges entre paysans, elle les érige en experts au lieu que la bonne pratique vienne des laboratoires, elle a sa source dans ces lieux d’expérimentation qui sont les champs que l’on cultive (De Shutter, 2010).
Malgré de nombreuses réussites à l’échelle de projets, les pratiques agroécologiques ont du mal à se maintenir dans la durée ou à se diffuser à grande échelle.
Enfin, certaines pratiques agroécologiques sont intensives en main-d’œuvre : elles sont plus aisées à pratiquer sur des plus petites parcelles, où le travailleur agricole est lié à la terre, sur laquelle il investit pour le long terme (Dugué, 2014).
Après s’être documentés, nous avons remarqué que l’agroécologie est un système de production agricole qui présente des limites suivantes :
Limites liées à la transition
L’agroécologie engendre des coûts de transition (apprentissages, baisse de rendements les premières années…). Afin d’ajouter de la valeur aux produits issus de l’agroécologie, il faudrait donner les moyens aux paysans d’assumer davantage des tâches liées à l’emballage, au traitement et à la commercialisation par exemple au sein de coopératives. L’accès aux marchés pour les paysans est essentiel au développement et à la survie de leurs exploitations (JAGRO, 2016)
Olivier De Schutter (2014) dénombre quatre verrous à cette transition agroécologiques : « Le premier est d’ordre technologique : la modernisation de l’agriculture mondiale s’est faite uniquement selon un modèle productiviste. Le deuxième est socio- économique : de grands acteurs dominent le marché, aussi bien au niveau des producteurs d’intrants que des industries de transformation. La possibilité pour de petits acteurs ou même des acteurs de taille moyenne de créer des alternatives est donc très limitée. Le troisième obstacle est culturel : nos modes de vie pressés dépendent d’une alimentation transformée et facile à préparer. Enfin, l’obstacle politique : les gouvernements sont sensibles aux intérêts
de leurs grandes entreprises agroalimentaires, qui se trouvent de fait disposer d’un droit de veto sur les transformations d’ensemble ».
Limites écologiques
Sur le plan écologique :
- L’on remarque que les effets de certains traitements phytosanitaires naturels sont moins immédiats comparativement aux produits chimiques de synthèse mais sont en même temps avantageux à moyen et long termes ;
- Il y a un besoin éventuel d’espaces complémentaires, pour intégrer les pratiques agroécologiques (embocagement, plantes de couverture…) ;
- Maîtrise des prédateurs et pathogènes ;
- La lutte biologique nécessite une connaissance des plantes et des minéraux, et de leurs vertus ; elle demande en général de nombreuses applications successives et s’avère parfois moins efficace que les traitements phytosanitaires de synthèse. De fois elle représente un risque de pollution lié à la toxicité de certaines matières actives (nicotine du tabac) (Agrisud International, 2010) ;
- Certaines plantes de couverture telles que le Pueraria phaseloides ou le Mucuna cochinchinensis peuvent étouffer des cultures en absence de contrôle (Agrisud International, 2010).
Limites socio-culturelles
Sur le plan socio-culturel :
- Il est constaté que l’évolution nécessaire des pratiques traditionnelles ou conventionnelles nécessite une volonté et une motivation pour les communautés paysannes ;
- L’agroécologie nécessite un temps de travail élevé. Ces pratiques sont pour la plupart coûteuses en travail. La transformation de biomasses végétales en fumier et compost en est un exemple. Même pour les exploitations équipées en charrette, elle implique du travail de collecte de résidus de cultures, de transport, de mise en tas et parfois d’arrosage pour un résultat à court terme considéré par les agriculteurs comme limité si on le compare à celui obtenu par l’apport de 100 kg/ha d’engrais minéral (Dugué, 2014) ;
- Les difficultés de sortir des systèmes habituels ;
- Des innovations peu compatibles avec certaines évolutions récentes. Ensuite, les stratégies d’amélioration de la productivité du travail mises en place par les agriculteurs ces 20 dernières années sont peu ou pas compatibles avec l’adoption de certaines innovations agroécologiques. La culture attelée bien maitrisée et toujours demandée par les agriculteurs permet de réduire la pénibilité du travail surtout pour l’entretien des cultures (sarclages et buttages mécaniques). La culture associée recommandée par les promoteurs de l’agroécologie est difficilement compatible avec la mécanisation des sarclages et des buttages. Les agriculteurs n’ont pas envie de revenir aux travaux d’entretien manuels, longs et fastidieux. L’association céréale- légumineuse devient incompatible avec l’épandage d’herbicides, très utilisés dans l’ensemble des zones cotonnières, car il n’existe à ce jour aucun herbicide sélectif pour ce type d’association. Plus globalement, l’usage des herbicides totaux ou sélectifs est considéré par les agriculteurs de ces zones comme un progrès majeur même s’ils sont mal informés des dangers et des limites de leur usage (Dugué, 2014) ;
- La rapide croissance démographique et la pauvreté accrue de la population mondiale, conjuguées à une vulnérabilité des milieux, font peser de fortes menaces sur la préservation des ressources naturelles et la pérennité des formes d’agriculture qui les exploitent ;
- Évolution nécessaire des pratiques traditionnelles ou conventionnelles nécessitant une volonté et une motivation (Agrisud international, 2010).
Limites économiques
Sur le plan économique :
- L’agroécologie est à la base dans certains cas des faibles rendements, compensés par la réduction des charges et la meilleure gestion à terme de la fertilité ;
- L’agroécologie favorise les besoins éventuellement plus importants en main d’œuvre pour certaines opérations ;
- L’on remarque que la valorisation de la qualité des certains produits issus de l’agroécologie est parfois limitée au pouvoir d’achat des consommateurs ;
- Un retour sur investissement différé. Ce type de contrainte est lié au temps nécessaire pour que l’agriculteur bénéficie des effets de son investissement dans des innovations agroécologiques. Certaines innovations d’amélioration de la fertilité des sols nécessitent plusieurs années pour être rentabilisées, ce qui pose une difficulté économique difficilement surmontable pour les exploitations disposant d’une épargne limitée, sans accès au crédit de moyen terme et ne recevant pas de subventions pour l’amélioration foncière ;
- Certaines pratiques (tels que le greffage, l’entretien de verger etc.) demandent une quantité importante de matière organique et une mobilisation d’une main d’œuvre importante (Dugué, 2014).
En plus de ces limites, on observe un certain nombre de contraintes :
- Connaissances techniques insuffisantes couplées à un manque de diffusion de celles déjà connues : les savoirs traditionnels sont réels et importants mais loin d’être suffisants ; il y a un potentiel et un besoin de recherche et d’expérimentation considérable. Malheureusement, le sujet est encore peu documenté car l’agroécologie, tout en reposant sur des échanges de pratiques traditionnelles, nécessite une forte intensité de connaissances. Très peu de programmes scientifiques sont développés sur ce sujet, principalement par manque d’intérêt et donc de subside et lorsqu’ils existent, ce sont les programmes de vulgarisation qui sont inexistants (Nanda, 1990) ;
- Absence ou inaccessibilité (coût) de petit matériel et outillage (indispensable pour limiter quelque peu la main-d’œuvre et pratiquer certaines opérations correctement : bœuf ou âne pour la traction animale, sécateur, pulvérisateur …) ;
- Teneur initiale du sol en matière organique (plus elle est faible, plus c’est lent et difficile) et
- Déséquilibre des écosystèmes (faible biodiversité, disparition des ennemis naturels…) (JAGRO, 2016).