Les instruments de la politique monétaire RDC sont analysés à travers l’évolution de leur cadre opérationnel entre 2013 et 2018. L’étude met en lumière les modifications apportées pour améliorer leur efficacité, tout en soulignant leur impact limité sur l’économie réelle.
SECTION III : EVOLUTION DES INSTRUMENTS DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE CONGOLAISE DE 2013 A 2018
1. CADRE OPÉRATIONNEL DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE
En 2013, quelques modifications ont été apportées au cadre opérationnel de la politique monétaire de la BCC en vue d’accroitre l’efficacité de ses instruments. En effet, la possibilité de souscription au billet de trésorerie a été restreinte aux seules banques commerciales, la discrimination dans la fixation du coefficient de la réserve obligatoire a été introduit et un reflux du taux directeur de la Banque Centrale a été noté au regard du niveau faible de l’inflation.
La modification du cadre opérationnel amorcée en 2013 s’est poursuivie en 2014. Il s’agit de l’élargissement de la maturité du Bon BCC, à travers l’introduction de celle de 84 jours ainsi que de l’application de la discrimination du coefficient de la réserve obligatoire en fonction de la monnaie des dépôts.
En ce qui concerne le Bon BCC, appelé billet de trésorerie « BTR » jusqu’au 14 mars 2014, l’introduction de la maturité de 84 jours, dont la première opération a été lancée le 02 avril 2014, a répondu à la nécessité de :
1°. Ponctionner la liquidité oisive en vue de réduire les pressions de très court terme sur le marché ;
2°. Promouvoir le développement du marché secondaire de ce titre.
En outre, cette nouvelle maturité devrait permettre aux banques de disposer d’un titre à utiliser comme collatéral pour un éventuel refinancement à la Banque Centrale, tout en s’assurant un certain niveau de rémunération pour toute la période, échappant ainsi aux éventuelles évolutions baissières des taux d’intérêt.
S’agissant du réaménagement de la réserve obligatoire, il a consisté en une discrimination du coefficient entre celui sur les dépôts en monnaie nationale et celui sur les dépôts en devises. Cette réforme visait à encourager les banques à mobiliser davantage de dépôt en monnaie nationale en vue de contribuer au processus de la dé-dollarisation de l’économie congolaise.
2. COMPORTEMENTS DES INSTRUMENTS DE LA POLITIQUE MONÉTAIRE
Adjudications du billet de trésorerie
Au cours de l’année 2013, la Banque Centrale du Congo a assouplie sa politique monétaire en procédant à deux reprises à la révision et à la baisse de son taux directeur, en raison d’une par semestre.
En date du 03 octobre, le coefficient de la réserve obligatoire a été revu à la hausse sur les dépôts à vue, passant de 7,0 à 8,0%. Cette situation, combinée à l’accroissement important de dépôt bancaire, à permis de ponctionner 61,1 milliards de CDF en 2013 contre 35,5 milliards une année plus tôt.
L’action du billet de trésorerie a été déterminante dans le maintien de la stabilité du marché de change ainsi que celui des biens et services au cours de l’année sous analyse. Cet instrument a ponctionné 69,3 milliards de CDF de liquidité bancaire.
Cette ponction globale occulte des injections qui ont caractérisé le début et la fin de l’année :
- La première, effectuée au premier trimestre, en vue de compenser les ponctions via les excédents du trésor public.
- La seconde, intervenue au mois de décembre afin de faire face aux importants retraits de la clientèle en raison des festivités de fin d’année.
Par contre, les ponctions réalisées, entre fin mars et novembre, sont expliquées par l’anticipation de l’accroissement de liquidité, impulsé notamment par le remboursement des arriérés 2012 de la TVA et la consommation accrue des ressources issues de l’allègement de la dette multilatérale.
S’agissant de la maturité des BTR, la volonté de favoriser les soumissions à 28 jours a été maintenue, induisant la prédominance de l’encours de cette maturité. Ainsi, à fin 2013, le BTR à 28 jours a représenté 63,0% de l’encours global.
En ce qui concerne le volume des soumissions reçues des banques, il a traduit la surliquidité ayant caractérisé celles-ci au cours de la période. En effet, leurs moyennes pour les BTR à 7 jours ce sont situées à 54,9 milliard de CDF contre 42,1 milliards pour le volume moyen d’appels d’offres.
Durant l’année 2014, le taux directeur a été maintenu 2,0%. Pour rappel, l’Institut d’Émission avait procédé, à deux reprises, à la révision dans le sens baissier du taux directeur, une année auparavant.
Par ailleurs, le maintien du taux de base pendant l’année 2014 a été justifié notamment par :
- La stabilité macroéconomique attestée, essentiellement, par le faible niveau de l’inflation de 1,03% en glissement annuel et la maîtrise du taux de change dégageant une appréciation de 0,11%, d’une année à l’autre.
En 2014, le coefficient de la réserve obligatoire a permis de ponctionner 16,1 milliards de CDF contre un niveau programmé de 26,7 milliards. Il sied de révéler que le niveau réalisé demeure inférieur à celui de 2013 située à 61,1 milliards.
L’évolution de la réserve obligatoire en 2014 révèle deux périodes marquées par une ponction de CDF de 22,2 milliards de CDF au premier semestre et une injection de 6,1 milliards au deuxième semestre, liée à un ajustement à la baisse des coefficients de réserve en monnaie nationale. En effet, à partir du mois de juillet, le coefficient sur les dépôts en monnaie nationale est passé de 7,0% à 5,0% pour les dépôts à vue et de 3,0% à 0% pour ceux à terme.
Au cours de l’année 2014, l’évolution de l’encours du Bon BCC révèle deux phases majeures :
- La première, couvrant les trois premiers trimestres, a été caractérisée par des injections de 104,3 milliards de CDF dans le but de compenser les retraits de liquidité induits par les excédents budgétaires ;
- La seconde, se rapportant au dernier trimestre , à été marquée par des ponctions de 47,4 milliards de CDF afin de préserver la stabilité du cadre macroéconomique dans un contexte d’expansion de la liquidité pendant les fêtes de fin d’année.
Il sied d’indiquer que la maturité à 7 jours a été suspendue de juin à octobre 2014, à la suite de la remarquable stabilité observée au cours de cette période. L’encours, établi à 164,3 milliards de CDF à fin 2013, s’est situé à 107,4 milliards à fin 2014.
A partir du 28 octobre 2015, jusqu’en juin 2018 l’encours Bons BCC s’est situé à 65,0 milliards de CDF, dégageant des injections mensuelle et annuelle respectivement de 12,5 milliards et 94,7 milliards. Cet encours est reparti de la manière suivant : 9,0 milliards pour la maturité à 7 jours, 19,0 milliards pour la maturité à 28 jours et 16,0 milliards pour celle à 84 jours.
Les taux moyens pondérés des Bons BCC à 7,28 et 84 jours se sont situés respectivement à 0,25%, 0,58% et 0,63% au 28 octobre 2015, soit des niveaux identiques à ceux réalisés un mois plutôt pour les 7 et 84 jours alors que celui à 28 jours s’était situé à 0,36%. S’agissant des marges de positivité, le taux directeur réel s’est chiffré à 1,28 point contre 0,77 point à fin décembre 2014. Quant aux taux moyens pondérés réels des Bons BCC à 7, 28 et 84 jours, ils ont été négatif pour les trois maturités soit -0,47 point pour celui à 7 jours, -0,14 pour celui à 28 jours et -0,09 point pour celui à 84 jours.
Le coût financier mensuel des opérations Bons BCC au 28 octobre 2015 s’est élevé à 7,78 millions de CDF contre 7,58 millions en septembre et 30,38 millions à la période correspondante de 2014.
Du 31 octobre 2015 au 28 novembre 2018, le compte courant des banques a connu une hausse de 439,55 milliards de CDF, se situant à 811,67 milliards de CDF contre 272,12 milliards au 31 décembre 2014 et 290,8 milliards de CDF pour l’année 2013. La moyenne de la réserve obligatoire notifiée pour la période du 15 octobre au 14 novembre 2018 étant de 640,25 milliards de CDF, il se dégage des avoirs excédentaires des banques de 571,41 milliards de CDF contre 109,66 milliards à la période correspondante de l’année 2014.
3. COMPORTEMENT DES FACTEURS DE LIQUIDITÉ BANCAIRE
En 2013, les facteurs autonomes ont induit un accroissement de liquidité de 209,3 milliards de CDF, soit un dépassement de 14,3 milliards par rapport à la programmation.
Ce dépassement est expliqué par l’augmentation des avoir intérieurs nets de 30,0 milliards en deçà de leur cible.
L’évolution des facteurs autonomes laisse entrevoir deux périodes distinctes. La première, caractérisée par des reprises de la liquidité et, la seconde, marquée par des injections, mais à des rythmes variés. En effet, de fin décembre 2012 à fin juin 2013, les facteurs autonomes de la liquidité ont induit une ponction de la liquidité de 57,2 milliards de CDF. Au cours de cette période, les avoirs intérieurs net hors billets de trésorerie ont induit la liquidité bancaire de 17,3 milliards localisé aux niveaux du crédit du Trésor réalisés à la grande échéance du mois de mars entrainant également une hausse des avoirs extérieurs net de 28,4 milliards.
Au second semestre, les facteurs autonomes ont connu une forte montée atteignant 193,5 milliards de CDF contre une programmation de 121,9 milliards. Cet accroissement est expliqué par le rachat des recettes publiques en devises entrainant une expansion des avoirs extérieurs nets.
De 2014 à 2018, l’expansion de la liquidité via les facteurs autonomes n’a été que de 26,6 milliards de CDF contre un volume attendu de 144,6 milliards. Le gap ainsi observé est principalement occasionné par le comportement des avoirs extérieurs nets qui ont asséché la liquidité bancaire de 28,4 milliards alors qu’ils devaient injecter 207,4 milliards de CDF.
L’analyse, sous les périodes des années 2014-2018, relève que :
- De 2014-2016 les facteurs autonomes ont ponctionné 103,8 milliards de CDF contre une injection prévue de 71,7 milliards. Cet assèchement de la liquidité bancaire a été essentiellement occasionné par le comportement des avoir intérieurs nets à travers le crédit net à l’Etat.
- De 2016-2018 bien qu’en deçà du niveau programmé, les facteurs autonomes ont pu réaliser une injection de liquidité de l’ordre de 96,3 milliards de CDF. L’afflux de la liquidité aux six derniers mois de l’année est du ressort des avoirs intérieurs nets où toutes ses composantes renseignent des niveaux de réalisation bien supérieurs à ceux programmés.
- A fin octobre 2018, les facteurs autonomes ont contribué à une ponction de la liquidité de 12,1 milliards de CDF contre une injection programmée de 158,1 milliards. Cette évolution est intérieur nets ont injecté 135,0 milliards de CDF.
Facteurs institutionnels de la liquidité bancaire
Au cours des années 2013-2018 et en réaction au dépassement observé au niveau des facteurs autonomes et en égard à la nécessité d’en endiguer les effets sur le marché, les facteurs institutionnels ne pouvaient que ponctionner plus que prévu. Dans ces conditions, ils ont ponctionné 430,4 milliards de CDF sur une programmation de 300,4 milliards.
4. MULTIPLICATEUR MONÉTAIRE
A partir de l’année 2013 jusqu’à novembre 2018, le multiplicateur monétaire a été globalement stable, évoluant autour d’une moyenne de 6,7. Cet agrégat, mesurant la création monétaire supplémentaire générée par une augmentation de la base monétaire, a connu un pic et un niveau bas respectivement en mars 2013 et en décembre 2018.
CONCLUSION PARTIELLE
Les interventions de la BCC connaissent une remarquable avancée mais leurs effets sur les différents secteurs d’actions ne sont pas visibles. Les taux de change fluctuent au gré des chocs transitoires habituels, qui renforcent les convictions des opérateurs économiques sur la confiance octroyée à la monnaie nationale. Cela entraîne une surliquidité de la monnaie nationale impliquant une augmentation de la demande des devises qui entraîne l’inflation1.
Une absence de la politique budgétaire restrictive étouffe les effets d’une bonne politique monétaire2. L’avantage d’assurer son indépendance en ne subordonnant pas son action à la réaction de la politique budgétaire permet d’agir en prévention contre les chocs qui peuvent venir d’elle3. Elle présente aussi l’avantage de donner des signaux aux marchés en rassurant les agents économiques sur la capacité et la volonté de l’autorité monétaire à redresser la situation. Elle permet par ailleurs d’établir les responsabilités en dissociant les initiatives monétaires de celles budgétaires4. De ce fait, la politique monétaire peut être mise en œuvre, du moins à court terme, dans n’importe quel dérapage budgétaire à partir du moment où l’autorité monétaire a le libre choix de ses instruments.
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1 BALLIER. Et Mc MAHON P., le marché des change. Ed. ESKA, Paris, 1997, pg 21. ↑
2 KABUYA KALALA F. et MATATA PONYO M., op.cit., p. 43. ↑
3 BETOINE A., BASSONI M., problèmes monétaires internationaux ; Ed. ArrmandCollin, Paris, 1997 et CHAINEAU., Mécanismes et politiques monétaires, Collection « Quadrige », PUF, 2000. ↑
4 CARARE A., STONE M., « pourquoi cibler l’inflation ? », in Finances et développement, juin 2004, pg 22. ↑
5 HERON E. et MOUTOT Philippe, les banques centrales doivent-elles être indépendantes ? Prométhée, collection pour ou contre ?, Bordeaux, 2008 ; CUKIERMAN e. a.,Measuring the independance of central bankanditseffect ou policyoutcomesin Word BANK Economie Review 6, 1992; PATAT JP, « quelques questions sur l’indépendance de la banque centrale » in revue d’économie financière, n° 22, 1992. ↑
6 CHAINEAU A., mécanismes et politiques monétaires, collection « Quadrige », PUF, 2000, pg 36. ↑