Le green marketing et développement durable sont essentiels pour promouvoir les énergies renouvelables en Afrique subsaharienne. Cet article analyse l’application du green marketing dans le secteur de l’énergie solaire photovoltaïque, en se concentrant sur le cas de CANOPY CAMEROUN SARL et les défis liés à l’intégration du développement durable.
Cadre théorique
Selon Karl POPPER : « les théories sont des filets dont on se sert pour saisir la réalité ». Kenneth WALTZ étaye cette définition lorsqu’il affirme que : « la théorie sert à isoler un domaine de la réalité pour mieux l’étudier ». En effet, pour appréhender la réalité, il faut connaître la théorie. Et la théorie s’appuie sur l’ensemble des idées générales et scientifiques que l’on peut avoir sur une réalité. Qui plus est, la théorie est basée sur les approches paradigmatiques.
Par paradigme, l’on désigne un ensemble d’outils explicatifs dont le but est de rendre compte au mieux d’une réalité donnée dans un domaine précis (Thomas KHUN, La structure des révolutions scientifiques). Ces outils qui permettent de connaître sont au fondement de ce que l’on appelle l’épistémologie. Epistemo signifie connaissance et logos, discussion. L’épistémologie c’est donc le discours sur la connaissance.
De plus, ce sont les théories qui permettent d’expliquer et de comprendre les relations internationales. Ici, les relations internationales sont les relations qui partent d’un côté d’une frontière et se terminent de l’autre côté de cette frontière, et dont les acteurs sont majoritairement les Etats jouissant de la souveraineté, mais aussi les organisations internationales (gouvernementales, non-gouvernementales), la société civile internationale, et les individus.
Vous conviendrez avec nous que cette définition, issue du traité de Westphalie de 1648, prend en compte la totalité des acteurs pouvant intervenir dans le cadre de relations internationales, et les entités territoriales. Cela dit, pour cette étude, nous ferons appel aux théories classiques des relations internationales et à une approche théorique du marketing vert, en prenant soin de présenter leur contexte d’apparition, leur contenu, et leurs auteurs.
Il s’agit de l’approche néolibérale (A), de la théorie écologique (B), et du green marketing strategy matrix (C)
Approche néolibérale
Commençons par rappeler que lorsqu’on parle de néolibéralisme en relations internationales, cela ne renvoie pas à la théorie néolibérale en économie, encore moins à la théorie économique libérale. Le néolibéralisme en relations internationales est une reformulation du libéralisme après les attaques du néoréalisme. En effet, ce courant naît à l’orée des années 1970 après l’échec du fonctionnalisme de MITRANY qui affirmait dans son livre que, les organisations internationales prennent en charge les fonctions non politiques des États et, vont arriver par un système de toile d’araignée à intégrer toutes les activités humaines dans un ensemble qui finira par dépasser les États eux-mêmes.
Ensuite, il y a eu le néo fonctionnalisme d’ERNST HAAS avec l’idée de l’intégration par secteurs, par un phénomène de ruissèlement ou Spill over. Ce néo fonctionnalisme connaîtra également des limites qui n’ont pas pu construire en Europe, une intégration ébranlant complètement les souverainetés.
Ceci dit, pour le néolibéralisme l’idée clé est que « la coopération économique entre les Etats est possible en l’absence d’un hégémon mondial ». En d’autres termes, la coopération est possible sans puissance hégémonique et ceci, à l’aide des institutions internationales. De ce fait, ce courant de pensée propose la théorie des régimes internationaux comme moyen de dépassement des souverainetés par la coopération pour la paix.
Mais cette coopération dépend de la perception qu’ont les Etats de leur intérêt à coopérer ensemble en fonction des bénéfices qu’ils pourront en tirer ; parce que les Etats bien qu’égoïstes ont des intérêts communs mutuels, ce qui les emmènent donc à coopérer.
Là-dessus, Robert KEOHANE (1941) conforte ce postulat quand il affirme : « la coopération a lieu quand les politiques effectivement poursuivies par un gouvernement sont considérées par ses partenaires comme un moyen de faciliter la réalisation de leurs propres objectifs, comme résultat d’un processus de coordination entre politiques ». C’est d’ailleurs ce qu’on a pu constater dans les faits quand, à l’initiative de la France, les principaux acteurs des RI se sont réunis entre 2015 et 2018 (respectivement à Paris, à Marrakech, et à Bonn) pour décider ensemble de l’avenir de la planète.
Par exemple, Des engagements inédits y ont été pris en faveur des EnR par des collectivités régionales, étatiques et locales, ainsi que par des entreprises privées.
Dans le même ordre d’idée, le point 1 de l’acte final de la conférence d’Helsinki (Finlande) sur les principes régissant les relations mutuelles entre Etats participants, affirme que : « Dans le cadre du droit international, tous les Etats participants ont des droits et des devoirs égaux. Ils respectent le droit de chacun d’entre eux de définir et de conduire à son gré ses relations avec les autres Etats conformément au droit international […] Ils ont aussi le droit d’appartenir ou de ne pas appartenir à des organisations internationales, d’être parties ou non à des traités bilatéraux ou multilatéraux, y compris le droit d’être partie ou non à des traités d’alliance. Ils ont également le droit à la neutralité »1.
Cette déclaration légitime d’une certaine manière le retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le Climat, le 01 juin 2017, pourtant deuxième pays émetteur de GES dans le monde après la Chine.
Ainsi donc, l’isolationnisme ne signifie pas absence d’action sur la scène internationale, mais priorité accordée à la politique intérieure (Doctrine de Monro). Une fois de plus, le cas des Etats-Unis l’illustre fort bien.
Théorie écologique
La théorie écologique des relations internationales est aussi acceptée par les néolibéraux. En effet, selon les experts de la théorie écologique puisque la crise environnementale est commune, la solution élaborée devra elle aussi être une responsabilité commune (TRAINER, 1985).
Elle suggère également que, à travers la gouvernance environnementale dans tout le globe, nous pourrons avoir pour objectif de respecter toutes les formes de vie, et pas seulement l’homme actuel de la société, mais aussi les autres formes de vie qui sont indispensables pour maintenir l’équilibre de la biodiversité qui, à son tour, est uniquement essentielle à la survie des humains.
Ainsi, un des objectifs basiques de la théorie écologique est de réduire les risques écologiques dans le monde entier en s’assurant du partage équitable de l’environnement, et en vérifiant que les ressources soient données à toutes les communautés pour prévoir la distribution inéquitable des ressources aux petites communautés (GOODWIN, 1992).
Car, selon cette théorie, il existe des injustices environnementales fréquentes dans le monde. On remarque par exemple qu’une minorité de communautés, sociétés ou nations privilégiées tentent de s’emparer de la plus grande part des ressources et les exploitent pleinement pour leurs avancés technologiques, et essaient de justifier cette disproportion pour les autres qui sont sous-développés ou qui sont des nations moins privilégiées.
Et selon HAJER (1995), les progrès technologiques, l’innovation et la croissance économique devraient être mis en place en utilisant des étapes qui consomment moins d’énergie et de ressources, et aussi qui conservent les produits gaspillés/par unité du PIB au minimum. Chaque pays devrait avoir un programme de gouvernance environnemental qui pourrait assurer la mondialisation de l’économie tout en réduisant l’exploitation des ressources.
Certaines autres théories comme le libéralisme et le Marxisme orthodoxe exposent le fait que les ressources naturelles de la terre pourraient soutenir la croissance économique non contrôlée. Ils proclament que, les ressources de la terre pourraient être utilisé indéfiniment de manière à augmenter la croissance des humains et les progrès techniques de l’humanité ; ce qui serait d’un grand intérêt (BEITZ, 1999).
Green marketing strategy matrix
C’est une approche théorique du marketing écologique développée par GINSBERG et BLOOM en 2004. Cette matrice se construit autour de deux axes2 qui sont :
- Le potentiel du marché vert (axe vertical) : L’entreprise peut-elle augmenter son chiffre d’affaires en augmentant la perception verte qu’en ont les clients ? Ou alors, il y a-t-il un grand nombre de consommateurs qui restent indifférents aux sujets environnementaux abordés par l’entreprise ?
- Le potentiel de différentiation à travers un produit vert (axe horizontal). L’entreprise peut- elle se différencier sur son caractère environnemental ? A-t-elle les ressources nécessaires pour comprendre ce que signifie être « vert »? Ses concurrents peuvent-ils être battus sur ce terrain ?
De là, quatre profils peuvent être comparés en fonction des comportements et des actions mises en œuvre par les entreprises. Ceci permet d’identifier et d’analyser les processus utilisés par les entreprises afin d’intégrer pleinement ou partiellement la notion de Développement Durable dans leur fonctionnement (Ginsberg & Bloom, 2004).
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Figure 3: The Green Marketing Strategy Matrix.
Source: Ginsberg & Bloom, 2004
Lean Greens (Econo-Ecolo) : Ces entreprises s’efforcent d’être de bonnes figures citoyennes, mais ne concentrent pas leurs efforts sur la promotion de leurs activités vertes. Elles préfèrent s’en servir pour réduire leurs coûts de production plutôt que d’en faire un attribut pro-environnemental. Ces entités ne perçoivent pas forcément le gain possible sur le marché du vert.
Defensive Greens (Verts Défensifs) : Utilisant le marketing vert avec précaution, ces entreprises voient cet axe de développement comme une réponse à une crise ou à une action pour contrer la concurrence. Bien que leurs premières intentions environnementales puissent être sincères, leurs efforts pour les promouvoir et les publier restent irréguliers et temporaires puisqu’ils n’ont pas d’éléments de différentiations sur le marché vert. Sur-communiquer sur l’aspect vert serait donc une perte de temps et d’argent, d’autant plus que les produits ne pourraient répondre aux attentes des clients. Ces entreprises sont plus à même d’effectuer des actions comme le sponsoring d’évènements et programmes en faveur de l’environnement.
Shaded Greens (Verts Nuancés) Ce genre d’entreprises investit à long terme dans des process pour l’environnement. Ces actions requièrent d’importantes sommes d’argent et nécessitent un engagement total envers la protection de l’environnement. Les Shaded Greens voient ce marché comme une opportunité de développer des produits et technologies innovantes qui résultent en un avantage compétitif. Elles ont les capacités de vraiment se différencier sur leur aspect vert, mais ne le font pas automatiquement car elles ne peuvent pas dégager assez de gains en intégrant le vert dans leurs offres. Le bénéfice environnemental vient en second ordre après le bénéfice économique (exemple : les débuts de la Toyota Prius).
Extreme Greens (Verts Extrêmes) Valeurs et philosophie holistiques donnent forme à ces entreprises. Les préoccupations environnementales sont pleinement intégrées dans le fonctionnement de l’entreprise, dans son offre et dans le cycle de vie de chacun de ses produits. Habituellement, cet état d’esprit est présent chez les Extreme Greens depuis le premier jour d’existence de l’entreprise. On retrouve comme pratique : l’approche du prix en cycle de vie, management environnemental et de qualité, production respectueuse de l’environnement. Ces entreprises occupent pour la majorité des marchés de niche (exemples : Patagonia, The Body Shop). Cf. Figure 7.
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Figure 4: Marketing Mix in Green Marketing Strategies.
Après avoir examiné quelques théories classiques en relations internationales et en marketing écologique, qui s’appuient sur un ensemble d’idées générales et scientifiques que l’on peut avoir sur une réalité, il convient à présent de présenter la démarche méthodologique adoptée pour cette étude.
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1 “Conférence Sur La Sécurité et La Coopération En Europe,” Pub. L. No. Acte final, § sec. Egalité souveraine, respect des droits inhérents à la souveraineté, 68 p. Helsinki (1975), sec. Egalité souveraine, respect des droits inhérents à la souveraineté, https://www.cvce.eu/content/publication/2006/1/11/ccd2eb20-f5dd-44cb-97b2-48bc63c6e0e0/publishable_fr.pdf. ↑
2 Ginsberg J.M and Bloom P.N., “Choosing the Right Green Marketing Strategy,” MIT Sloan Management Review vol.1, no. 46 (2004): pp.79-84. ↑