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L’évolution du statut des femmes divorcées en Kabylie après l’indépendance

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🏫 Universite Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou - Faculte des Lettres et des langues - Departement langue et culture amazighes
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - Juin 2018
🎓 Auteur·trice·s
LOUNIS Lidia, NAAK Kahina
LOUNIS Lidia, NAAK Kahina

L’évolution du statut des femmes divorcées en Kabylie révèle des transformations significatives depuis l’indépendance, marquées par l’absence d’un code de la famille et l’influence du droit musulman. Cette étude met en lumière les conséquences sociales et juridiques du divorce sur les femmes de la commune de Makouda.


L’évolution du statut de la femme divorcée après l’indépendance

Après l’Indépendance de l’Algérie, de 1962 jusqu’à 1984 l’Algérie n’a pas de code de la famille et les litiges familiaux sont régis par le Code de l’Etat civil et le Code civil. Le droit musulman a aussi été introduit par les magistrats dans le traitement des affaires familiales. Ce droit musulman sur lequel s’appuie l’Algérie est hérité de l’époque coloniale qui l’avait modernisé en y introduisant notamment l’élévation de l’âge du mariage de la fille à 15 ans et l’encadrement des mariages par leur transcription à l’état civil et la suppression de la contrainte matrimoniale.

Depuis l’Indépendance, il a toujours été question de mettre en place une loi familiale. Plusieurs projets ont été proposés mais ils ont souvent été rejetés par la société civile et particulièrement par les femmes. Le législateur algérien a attendu plus de vingt ans pour adopter un Code de la famille (Loi n° 84-11 du 9/6/1984 portant Code de la famille). Il a encore attendu plus de vingt ans pour apporter les premières modifications à ce texte (en 2005).

En 2005, le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika, met en œuvre ses promesses de 2001 de revoir le Code de la famille. Le projet de loi est promulgué par ordonnance suite à un débat ouvert entre les conservateurs et les mouvements féminins. La révision de ce texte n’a pas porté sur l’ensemble de ses dispositions, mais, tout en se limitant à quelques-unes d’entre elles, elle concerne en fait les dispositions les plus débattues au sein de la société et pour lesquelles il est difficile d’obtenir un consensus. La réforme législative entreprise a porté donc essentiellement sur le mariage, sa dissolution et leurs effets.

Ce qui nous intéresse nous, ce sont les réformes et les modifications apportées à la répudiation ou la dissolution du mariage. Mais avant d’accéder aux modifications et aux nouvelles lois rajoutées au code de la famille, nous allons d’abord voir les types de divorce qui existaient à cette période.

Le législateur algérien a retenu trois formes de dissolution volontaire du mariage. L’article 48 du Code de la famille cite en effet le divorce par la volonté de l’époux, celui décidé par un consentement mutuel des deux conjoints et enfin le divorce à la demande de la femme. Quelle que soit la forme de divorce suivie, toute dissolution du mariage doit être établie par jugement.

Cette règle était déjà contenue dans l’article 49 du Code de la famille de 1984 et est confirmée par ce même article dont la teneur a été modifiée par l’ordonnance de février 2005. La procédure judiciaire est donc obligatoire et seul le juge est habilité à prononcer la fin du lien matrimonial.

Au niveau procédural, toute décision judiciaire dans ce domaine ne peut être rendue avant d’avoir été « précédée de plusieurs tentatives de conciliation au cours d’une période n’excédant pas trois mois à compter de la date d’introduction de l’instance »1.

La répudiation

Lorsque c’est le mari qui prend l’initiative de rompre le lien matrimonial par la répudiation (talâq), le juge, qui doit tenter une conciliation, ne peut pas refuser de prendre acte de la volonté du mari de rompre le lien conjugal. Même si ce dernier n’avance aucune raison et que l’épouse souhaite continuer la vie commune.

La décision rendue est donc un jugement déclaratif et l’on reste bien ainsi dans le cadre de la répudiation du droit musulman classique qui considère que le mari est le maître du lien matrimonial. Cette règle est même considérée comme étant implicitement contenue dans le contrat de mariage. La femme est donc censée accepter cette clause dès l’instant où elle consent au mariage2.

Mais si la répudiation du droit musulman est maintenue, le droit positif actuel y a introduit un certain nombre d’aménagements afin de mieux garantir les droits de la femme.

Tout d’abord, il y a l’obligation de recourir au juge ce qui permet une procédure contradictoire. La femme est donc entendue et peut présenter ses demandes si le mari persiste dans sa volonté de la répudier. En outre, si ce dernier ne motive pas sérieusement sa décision, le juge peut considérer que le mari a abusivement usé de son droit de répudier et le condamner à réparer le préjudice causé de ce fait à l’épouse.

Le principe était déjà posé par le décret du 17 septembre 1959 pris pour l’application de l’ordonnance du 4 février 1959, appliqué par les tribunaux algériens après 1962 puis consacré par le Code de la famille de 1984 et confirmé par le nouvel article 52 de ce même Code. Si donc le mari a le droit de dissoudre unilatéralement le mariage sans qu’il ait à présenter les raisons de sa décision, il engage inévitablement sa responsabilité, mais en contrepartie, le juge ne peut accorder une réparation à la femme s’il n’est pas établi que le mari a abusivement usé de son droit de répudier ou qu’il ait maltraité son épouse.

Le divorce à la demande de l’épouse

De son côté, la femme a le droit de demander la dissolution du mariage. La règle est prévue par le droit musulman classique notamment dans sa version malékite. Mais le nouvel article 53 du Code de la famille offre plus de possibilités que celles prévues par le fiqh ou que ne le faisait ce même article dans sa version de 1984. Le nouveau texte énumère en effet les causes qui permettent à l’épouse de demander le divorce. Toutes trouvent leur source dans un comportement fautif ou irresponsable du mari qui entraîne un préjudice moral ou matériel pour la femme et parfois même pour les enfants.

L’examen de la jurisprudence permet d’avoir une idée sur les faits qui peuvent être invoqués et qui donnent le droit à la femme de demander et d’obtenir le divorce. C’est ainsi que le fait pour un mari polygame, de vivre avec sa seconde épouse en un lieu éloigné de plusieurs centaines de kilomètres de celui où réside sa première épouse enfreint l’obligation d’équité qu’il leur doit et donne ainsi le droit à cette dernière de demander la dissolution du mariage3.

Il en est de même si le mari ne peut offrir à sa femme un logement distinct de celui où vit sa belle-famille, même si elle a accepté pendant un moment la vie commune avec les parents du mari qui ne peut être exempté de cette obligation en raison de la crise du logement.

L’épouse est également en droit de demander le divorce lorsque le mari est stérile ou impuissant4.

La demanderesse doit, dans toutes ces hypothèses, apporter les éléments de preuve pour justifier le bien fondé de sa requête et le juge a un pouvoir d’appréciation. Lorsque la demande de divorce est fondée sur un comportement du mari préjudiciable à la femme, la Cour suprême a admis qu’il est permis au juge qui prononce la dissolution du mariage d’accorder à cette dernière des réparations5.

Le divorce par compensation

Il y a enfin le divorce par compensation (khul’) que le droit algérien réserve à la seule épouse contrairement au fiqh qui le permettait aussi bien à la femme, à son tuteur légal qu’au mari. Cette forme de dissolution du mariage a pendant longtemps été confondue par les auteurs contemporains avec le divorce par consentement mutuel parce qu’une partie de la doctrine musulmane classique exigeait l’accord du mari pour qu’il ait lieu.

Or même subordonnée à l’acceptation de l’époux, une telle dissolution se rapprocherait plutôt d’une répudiation sur demande acceptée et c’est ce qui apparaît d’ailleurs indirectement à travers le débat théorique des anciens fuqahâ autour de la question de savoir si le khul’ est un talâq ou un tatlîq. En effet, une partie de cette doctrine enseignait que le khul’ est une répudiation du mari (talâq) moyennant le versement d’une compensation (‘awdh) par l’épouse, prononcée après qu’il a donné son accord.

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1 Nouvel article 49 du Code de la famille.

2 Al-Zahîlî Wahba, al-Fiqh al-islâmî wa adillatuhu, Damas, Dâr al-fikr, 1re éd., 1984, t. VII, p. 36.

3 Cour suprême, al-Ijtihâd al-qadâ’î, numéro spécial, 2001.

4 Ibid.

5 Article 52, modifié par l’ordonnance n°05 -02 du 27 février2005, p.19.

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