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Les enjeux du droit de garde en Kabylie pour les femmes divorcées

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🏫 Universite Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou - Faculte des Lettres et des langues - Departement langue et culture amazighes
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master - Juin 2018
🎓 Auteur·trice·s
LOUNIS Lidia, NAAK Kahina
LOUNIS Lidia, NAAK Kahina

Le droit de garde en Kabylie est influencé par les principes du droit musulman et les réformes législatives récentes. Cette étude se concentre sur le statut des femmes divorcées à Makouda, en explorant les impacts du divorce sur leur vie et leur prise en charge.


Les effets de la dissolution du lien matrimonial

Les effets de la dissolution du mariage restent gérés par les principes et les règles du droit musulman mais le législateur a introduit un certain nombre de modifications plus ou moins importantes.

L’obligation alimentaire et la prise en charge du logement au bénéfice du titulaire du droit de garde

Tant durant le mariage qu’après sa dissolution, le père est tenu de subvenir aux besoins de ses enfants1. L’alinéa 2 de l’article 75 qui pose ce principe ajoute que cette prise en charge cesse pour le garçon dès sa majorité mais continue pour la jeune fille jusqu’à son mariage.

Après le prononcé du divorce, le mari, en tant que père, « doit assurer à la personne à qui est confié le droit de garde, un logement décent ou à défaut son loyer. » Si c’est l’épouse qui est chargée de cette garde, « elle est maintenue dans le domicile conjugal jusqu’à l’exécution par le père de la décision judiciaire relative au logement2.

Cette disposition met fin à la procédure prévue par les alinéas 2 et 3 de l’ancien article 52 aujourd’hui abrogés et qui aboutissait à n’accorder le droit au logement à la femme divorcée et qui a la garde des enfants que si elle n’a pas de tuteur qui accepte de l’héberger et selon les possibilités du mari tout en excluant le domicile conjugal s’il est unique ce qui est toujours le cas par définition. En outre la décision qui lui permet de bénéficier du maintien dans le logement peut toujours être remise en cause non pas seulement si elle se remarie mais aussi s’il est établi qu’elle a commis « une faute immorale ».

Le droit de garde

Contrairement au droit musulman classique dont l’essentiel avait été repris par le législateur de 1984, le nouvel article 64 du Code de la famille modifie l’ordre de dévolution et ne favorise plus la lignée maternelle au détriment de la lignée paternelle. Certes, la mère reste toujours la première bénéficiaire de ce droit mais le père vient immédiatement après elle. La grand-mère maternelle autrefois dévolutaire juste après la mère vient maintenant en troisième position.

Il en est de même pour la grand-mère paternelle qui vient avant la tante maternelle qui précède la tante paternelle dans l’ordre de dévolution3. Un équilibre est ainsi établi entre les deux lignées et ce n’est qu’en l’absence de toutes ces personnes que la dévolution se fera parmi les parents au degré le plus rapproché au mieux de l’intérêt de l’enfant dont « il sera tenu compte dans tous les cas »

La tutelle

Sous l’empire du Code de 1984, le père est détenteur de la puissance paternelle en cas de dissolution du lien matrimonial et la tutelle légale n’est transférée à la mère qu’à son décès éventuel4. Toute décision importante concernant l’enfant devait donc être approuvée par le père en tant que tuteur de ses enfants mineurs5, et ce n’est qu’en cas d’abandon de famille par le père ou en cas de disparition de celui-ci que le juge peut, avant le prononcé du jugement6, autoriser la mère sur simple requête, à signer tout document administratif à caractère scolaire ou social ayant trait à la situation de l’enfant sur le territoire national.

Ainsi même lorsque le père n’est pas en mesure d’exercer la tutelle, les pouvoirs de la mère sont limités à la gestion de la scolarité ou aux questions à caractère social de l’enfant et dans la mesure où il y a urgence et que tout se passe sur le territoire algérien.

Depuis la promulgation de l’ordonnance du 27 février 2005, ces dispositions n’ont plus cours. La nouvelle loi permet en effet à la mère de « suppléer le père dans l’accomplissement des actes à caractère urgent concernant les enfants en cas d’absence ou d’empêchement de celui-ci »7. Contrairement donc à l’ancien article 63, l’intervention de la mère est possible dès que le père est absent ou empêché et même si les actes qu’elle accomplit dans ces circonstances doivent revêtir le caractère de l’urgence, le nouveau texte ne les limite pas dans l’espace et à certains domaines précis comme le faisait le Code de 1984.

Conclusion

Le divorce est un phénomène qui existe depuis longtemps. Il a toujours fragilisé l’institution familiale. Ses causes sont nombreuses, certaines sont économiques, d’autres sociales. De ce fait, il est considéré comme un échec du couple et comme un préjudice pour les familles et surtout pour la femme. Il s’accompagne toujours de grandes souffrances pour elle et les enfants.

Dans la société kabyle traditionnelle, l’homme célibataire ou marié, demeure lié au groupe agnatique et soumis à la même autorité paternelle. La femme, elle, est considérée comme moyen d’accroître la famille et d’en resserrer les liens8. Elle est soumise à l’autorité de l’homme.

En ce qui concerne le divorce, le mari avait la liberté de mettre fin au mariage, il lui suffisait de prononcer la formule de répudiation devant les amis, un marabout9 et la dissolution du lien conjugale se réalise. On conclue par cela, que la condition faite à la femme, dans la société kabyle traditionnelle, est en fait une conséquence du primat absolu du groupe,10 elle est soumise à l’autorité et aux décisions des hommes et n’a jamais le droit de défendre ses droits.

Dans la société actuelle, et en se basant sur la comparaison des cas sur lesquels nous avons enquêtés sur le terrain et sur les différences entre générations récentes et générations anciennes, nous constatons que le statut social de la femme divorcée a relativement changé sans que celle-ci jouisse de droits égaux à ceux des hommes.

Elle est toujours reléguée au rang d’étrangère par sa propre famille qui la ressent comme un fardeau et lui reproche son divorce même si elle a tout fait pour l’éviter. Ainsi, tous les hommes qui la croisent et qui savent son état de divorcée, ne voient en elle qu’un être déclassé ou pire un objet sexuel. Elle est considérée comme porteuse de danger par les autres femmes. Ce qui l’expose à une marginalité et à des stigmatisations de toute sorte.

Il y a aussi la question du remariage. Il est difficile pour une femme divorcée dans la société algérienne, notamment kabyle, de fonder une famille à nouveau. Elle n’aura pas de bonnes chances au mariage, si elle se remariera c’est avec un vieux ou un veuf.

Généralement, le divorce marque la fin de sa vie affective et amoureuse, contrairement à l’homme qui peut se remarier facilement.

Il est à noter aussi que la perception du divorce diffère également selon qu’une femme soit issue d’une famille aisée ou pauvre, ou bien selon son niveau d’instruction, ou alors si elle exerce une profession ou non. Le statut de la femme divorcée est donc défavorable surtout sur le plan social, même s’il a beaucoup évolué sur le plan juridique. Malgré les insuffisances du droit, celui-ci demeure en avance par rapport à la tradition. En effet, beaucoup d’amendements sont faits ces dernières années dans le code de la famille notamment sur le divorce.

A la fin, nous concluons que le divorce reste un phénomène tabou dans notre société. Le regard envers la femme divorcée est toujours influencé par les structures sociales encore dominées par le patriarcat. Néanmoins, la femme divorcée dans les temps présents, jouit d’un meilleur statut relativement à celui du passé. Les améliorations dans les lois, notamment le code de la famille ainsi que les changements sociaux ont permis à la femme divorcée de sortir quelque peu de la marginalité dans laquelle elle était enfermée.

Pour finir nous espérons avoir atteint nos objectifs, saisi les points essentiels du divorce et démontré le statut social et juridique de la femme divorcée ainsi que son évolution. Nous souhaitons avoir réussi à ouvrir des pistes de recherche dans ce sens, vue l’importance du sujet traité et cela afin de contribuer à changer le regard jeté par la société sur ces femmes qui vivent des expériences de déchirement.

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1 Alinéa 1er de l’article 75 du Code de la famille.

2 Nouvel article 72 du Code de la famille.

3 Dans le Code de 1984, article 64.

4 Alinéa 1er de l’article 87.

5 Article 87 du Code de la famille.

6 Article 63 du Code de la famille.

7 Article 87, alinéa 2.

8 BALANDIER Georges, Anthropologie politique, PUF, Paris, 1967, p.186.

9 BOURDIEU Pierre, Sociologie de l’Algérie, PUF, Paris, 1958, p.12.

10 Ibid.

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