Caractéristiques physicochimiques de la salive
4.1- Débit salivaire :
Chaque jour, l’ensemble des glandes salivaires sécrète en moyenne 750mL de salive. Ce volume varie selon la stimulation, l’état de vigilance du sujet, et son rythme circadien. (B. VIDAILHET, O. ROBIN, A. POLO et al. 2008).
Quelques exemples de sécrétions (Pellat B. 2010):
- période de repos : 0,5ml /min
- stimulation : 1 à 2ml/min
- sommeil profond : 0,05ml/min.
4.2- pH :
Le pH salivaire varie à l’état physiologique et en l’absence de toute stimulation entre 5,75 et 6,15. (Pellat B. 2010). Ces valeurs sont susceptibles de fluctuer selon les paramètres suivants (MARET, Delphine. 2005):
- L’âge : pH diminue avec l’âge
- Le sexe : pH plus acide chez la femme
- Le lieu de prélèvement buccal
- L’alimentation : pH acide avec les sucres
- La flore bactérienne
- La stimulation
De plus, un pH acide favorise la déminéralisation de l’émail, et ainsi la carie ; alors qu’un pH basique favorisera la formation du tartre.
4.3- Composition de la salive :
La salive est un liquide composé de plus de 99% d’eau. Le reste est constitué d’une partie organique et d’une partie minérale. (Pellat B. 2010).
4.3.1- Substances inorganiques :
Ce sont les ions sodium, potassium, calcium, hydrogène (responsables du pH salivaire et tamponnés par les bicarbonates), chlorure, phosphates, bicarbonates, thiocyanates ; on retrouve également de l’iode, du fluor, et des métaux (cuivre, fer) à l’état de traces. (B. VIDAILHET, O. ROBIN, A. POLO et al. 2008).
Tableau 1 : Concentrations ioniques (en mol/l) dans la salive secretee, le fluide oral, et par comparaison dans le plasma. | ||||
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Paramètre | Salives sécrétées non stimulées | Salives sécrétées stimulées | Fluide oral (valeurs moyennes) | Plasma |
Na+ | 2,7 | 50 | 13 | 143,3 |
K+ | 46 | 18 | 20 | 4,1 |
Cl– | 31 | 36 | 100,9 | |
Ca++ total | 1,6 | 1,5 | 2,5 | |
HCO3¯ | 0,6 | 29 | 27,5 | |
F– | 0,8 × [F] pl | 0,8 × [F] pl | 0,8 × [F] pl | Selon apports |
4.3.2- Constituants organiques :
Ils sont essentiellement représentés par des protéines synthétisées par la glande salivaire. La concentration en protéines augmente en général avec le débit salivaire. Ces protéines sont classées, en fonction de leur origine, en :
- Protéines extrinsèques (issues du sérum) : elles sont représentées par des albumines d’origine sérique (5 % à 10 % des protéines totales), des IgA, IgG, IgM, des a- et b-globulines, des calprotectines ou d’autres protéines du système immunitaire (système du complément, secretory leukoprotease inhibitor (SLPI), etc. Leur concentration (20 % des protéines totales) décroît lorsque le débit salivaire augmente.
- Protéines intrinsèques (synthétisées par les glandes salivaires elles-mêmes).
4.3.3- Enzymes salivaires (DEVALS, Anne. 2003, Pellat B. 2010) :
- Amylase salivaire : enzyme salivaire la mieux représentée, elle est surtout sécrétée par les glandes parotides. Elle agit à pH neutre et hydrolyse les liaisons α 1-4 de l’amidon, produisant entre autres du glucose et du maltose. Elle participe ainsi à la digestion des glucides (MARET, Delphine. 2005, Pellat B. 2010)
- Lysozyme : il a une action antiseptique en lisant les parois bactériennes. D’après B. Pellat en 2010, cette activité pourrait être due à la présence d’une séquence particulière de 4 acides aminés.
- Autres enzymes : kallicréine, peroxydase, lactoferrine, … Elles dégradent graisses, protéines, etc. Certaines ont aussi des propriétés antibactériennes.
4.3.4- Mucines :
Ce sont des glycoprotéines, c’est-à-dire qu’elles sont formées par l’association d’une chaine glucidique qui s’associe à une chaine polypeptidique. Elles confèrent à la salive sa viscosité et son pouvoir lubrifiant.
4.3.5- Immunoglobulines :
La salive contient à la fois des Immunoglobulines (Ig) plasmatiques de type Ig A, Ig G et Ig M (passées par diffusion depuis le plasma), et des Ig A sécrétoires synthétisées au niveau des glandes salivaires.
4.3.6- Autres constituants
- Hormones : stéroïdes, insuline, …
- Facteurs de croissance: EGF (epithelial growth factor), NGF (nerve growth factor)
- Molécules azotées : Urée, acide urique, …
- Substances excrétées : iode, graisses, certains médicaments, …
Selon les individus la composition ne sera pas la même. (ALBERT, Olivier.1994, MARET, Delphine. 2005, Pellat B. 2010).
4.4- Fonctions de la salive :
On en distingue cinq :
4.4.1-Fonction digestive (DEVALS, Anne. 2003, MARET, Delphine. 2005, B. VIDAILHET, O. ROBIN, A. POLO et al. 2008) :
La salive a un rôle au cours de la mastication, de la déglutition et de la gustation :
Comme nous l’avons vu précédemment, la salive contient des enzymes digestives telles que l’alpha amylase, les protéases ou les lipases. Celles-ci permettent d’initier la digestion.
Les mucines salivaires lubrifient les muqueuses de la cavité buccale, et les aliments. Cela favorise la mastication, puis la déglutition du bol alimentaire par son insalivation.
Enfin, la salive solubilise les composés sapides, et contribue ainsi à la gustation lorsque ces composés se fixent aux récepteurs gustatifs.
4.4.2- Fonction protectrice (DEVALS, Anne. 2003, MARET, Delphine. 2005, Pellat B. 2010) :
Par son rôle de lubrifiant des surfaces de la cavité buccale la salive participe non seulement à la mastication et à la déglutition, mais aussi à l’élocution, et à la protection des muqueuses et des dents.
La protection contre la dessiccation, les lésions et les agressions bactériennes est assurée par la barrière visqueuse formée à la surface des muqueuses par les mucines. (Pellat B. 2010).
La présence d’EGF dans la salive, lui confère un pouvoir de cicatrisation et de réparation des tissus mous.
Avec des surfaces molles (muqueuses) et dures (dents), la cavité buccale abrite une flore bactérienne. La salive participe à l’équilibre fragile qui s’établit entre l’hôte et les bactéries, en modulant la flore :
- L’effet de chasse : grâce à la déglutition, le flux salivaire élimine mécaniquement les pathogènes des surfaces buccales Les mouvements de langue et de lèvres en améliorent l’élimination.
- Ce phénomène est amplifié par l’inhibition ou la diminution de l’adhérence des bactéries grâce :
- Aux mucines ;
- Aux Ig A qui inhibent le métabolisme bactérien ;
- Au lysozyme, aux ions calcium et aux agglutinines qui agrègent les bactéries, favorisant ainsi leur élimination par déglutition.
En dehors des immunoglobulines et de leur mécanisme immunologique, diverses protéines et divers peptides de la salive ont des propriétés antibactériennes, antifongiques ou antivirales. Parmi eux, les mucines, les peroxydases, les histatines, les défensines ; mais également le lysozyme, la lactoferrine qui rend la paroi bactérienne poreuse.
Par son pouvoir tampon, la salive régule le pH buccal, notamment lorsque celui-ci est acide du fait de la production acide des bactéries suite au métabolisme des sucres. Le pouvoir tampon régule aussi le pH de la plaque : s’il est trop acide il va favoriser le processus carieux, alors qu’un pH trop basique conditionnera la formation de tartre. Ce pouvoir tampon dépend de la présence dans la salive d’ions bicarbonates, d’ions phosphates, d’urée et de peptides riches en histidine. Il varie en fonction du débit salivaire et de la fréquence des phases acides.
Grâce aux ions minéraux qu’elle contient (calcium, phosphate, fluorure), la salive influence également les phénomènes de minéralisation de l’émail. Elle limite sa déminéralisation (par le pouvoir tampon notamment), et participe à sa reminéralisation par précipitation des ions qu’elle contient à la surface de l’émail.
4.4.3- Fonction d’excrétion :
Comme la sueur ou les urines, la salive est une voie d’élimination naturelle. Ainsi, des substances variées telles que les hormones stéroïdes, les anticorps, l’iode, ou encore certains médicaments (antibiotiques par exemple) peuvent y être excrétés. Ils seront, dans la plupart des cas réabsorbés ou catabolisés. Leur concentration dans les sécrétions salivaires sera fonction du débit salivaire mais également de leur concentration plasmatique, à laquelle elle est proportionnelle (MARET, Delphine. 2005, Pellat B. 2010).
4.4.4- Fonction hormonale :
La salive contient des hormones, et des composés hormone-like qui proviendraient de la circulation sanguine, mais il se pourrait qu’il y ait une synthèse au niveau des glandes salivaires. La protéine, initialement isolée à partir des glandes parotines, et qui joue un rôle dans les métabolismes ostéocalcique, glucidique et lipidique, en est un exemple. (B. VIDAILHET, O. ROBIN, A. POLO et al. 2008).
Lorsque la sécrétion salivaire est modifiée (baisse de sécrétion ou hyposialie ; absence de sécrétion ou asialie ; modification physico chimique), surviennent des pathologies des dents ou des gencives. Cela peut être du, par exemple au vieillissement, et à certains médicaments qui réduisent la production de salive (neuroleptiques, anticholinergiques, …).
Conclusion :
L’utilisation de la salive comme fluide de diagnostic a été entravée, principalement en raison de notre manque de compréhension des biomolécules présents dans la salive et leur pertinence pour l’étiologie de la maladie parodontale. Actuellement, avec l’amélioration de l’efficacité et de la précision de la technologie, le diagnostic salivaire a été transformé en une réalité clinique et commerciale. De plus, la collecte de la salive est sûre, non invasive et simple, et peut être recueillie à plusieurs reprises avec un minimum d’inconfort pour le patient.