Les cadres de développement énergétique Cameroun jouent un rôle crucial dans l’encadrement des politiques et réglementations favorisant les énergies renouvelables. Cet article analyse l’évolution de ces cadres, en mettant en lumière les défis et opportunités pour l’intégration de l’énergie solaire photovoltaïque dans le pays.
CHAPITRE 2 : CADRES DE DEVELOPPEMENT DES SOURCES D’ENERGIES DURABLES AU CAMEROUN
[13_img_1]
Le déploiement des sources d’énergies renouvelables au Cameroun est encadré par un certains nombre de politiques sectorielles, de loi et décret, ainsi qu’un cadre réglementaire favorable. Dès lors, notre tâche dans cette sous-partie consiste à présenter un état des lieux sur l’évolution de ces politiques sectorielles (1) et de la réglementation en vigueur dans ce secteur de l’électricité verte (2).
[13_img_2]
Section 1 :
Politiques sectorielles ayant un impact sur les Energies Renouvelables au Cameroun
Pour comprendre le cadre de développement du secteur des énergies renouvelables au Cameroun, il est tout d’abord essentiel d’analyser les différentes politiques sectorielles ayant un impact direct ou indirect sur les énergies renouvelables. Il s’agit notamment des politiques énergétiques (1), économique (2), environnementale (3), et forestière (4).
Politique énergétique
Depuis le début des années 90, les pénuries d’électricité ont perturbé la vie des ménages et entraîné la baisse de la productivité, avec pour conséquence l’insécurité alimentaire, la pauvreté, le chômage élevé, et la crise énergétique. C’est de toute évidence dans un tel contexte que l’Etat du Cameroun a élaboré une politique énergétique portant sur trois défis majeurs à savoir : assurer une fourniture énergétique suffisante, efficace, fiable et propre ; développer et garantir l’accès aux services énergétiques modernes sur le long terme ; et faire de l’énergie un atout de l’industrie camerounaise dans la compétition industrielle mondiale1.
De plus, cette politique s’articule aussi autour de la relance et l’accélération du développement du patrimoine énergétique national, avec la diversification des sources d’approvisionnement et le respect de l’environnement. Les principaux documents qui sous-tendent cette stratégie nationale d’électrification sont entre autres la VISION 2035 et le Document de Stratégie pour la Croissance et l’Emploi (DSCE 2010-2020).
A ceux-ci s’ajoutent également les plans sectoriels tels que : le Plan de Développement du Secteur de l’Electricité à l’horizon 2035 (PDSE 2035), le Plan Directeur de l’Electrification Rurale (PDER), le Plan National Energie pour la Réduction de la Pauvreté (PANERP), etc. Des documents dont la mise en œuvre reste jusqu’alors mitigée d’où la mise en place d’un Plan d’Urgence Triennal (PUT 2015-2017) afin de rattraper les retards ainsi accusés2.
Vision de l’émergence à l’horizon 2035
Formulée en 2009, cette vision consiste à faire du Cameroun « un pays émergent, démocratique et uni dans sa diversité ». En effet, selon les prévisions de croissance, le taux de croissance de la population devra passer de 2,8 % à 2,1% entre 2010 et 2035 ; et consommation d’énergie par unité de PIB pour cette même période passera de 25,7% à 45,0%, comme on peut le voir sur le tableau suivant :
Tableau 4: Prévisions de consommation d’énergie par unité de PIB pour la période 2010-2035 (en tep/ F CFA) | |||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
Année Libellé | Moyenne 2005-2007 | 2010 | 2015 | 2020 | 2025 | 2030 | 2035 |
Consommation d’énergie par unité de PIB | 25,7 | 30,0 | 33,5 | 35,0 | 40,0 | 43,0 | 45,0 |
Source : MINEE (Cameroun vision 2035)
Ces indicateurs de croissance laissent à penser que l’économie camerounaise sera davantage gourmande en énergie, d’où la nécessité de moderniser, multiplier et diversifier les infrastructures de production d’énergie. A ce propos, un bilan à mi-parcours des réalisations programmées dans la vision d’émergence du Cameroun permet d’observer que les capacités énergétiques du pays se sont substantiellement accrues au cours des cinq dernières années.
DSCE dans le secteur de l’énergie
C’est le document de référence de l’action gouvernementale qui vise à implémenter la Vision 2035 pour la période 2010-2020. En effet, le défi à relever sur le plan énergétique à améliorer l’offre d’énergie, et à accroitre de manière significative la production d’énergie par une valorisation du potentiel hydraulique, gazier, des énergies alternatives et l’extension et la modernisation des réseaux de distribution.
Plan Energétique National (PEN)
Publié en Janvier 1990, ce document de référence présente une vision globale de la politique énergétique au Cameroun. Il s’articule autour de cinq axes majeurs : la préservation de l’indépendance énergétique et le développement des échanges extérieurs ; la promotion de l’accès à l’énergie à des prix rationnels et compétitifs ; l’utilisation de l’énergie pour stimuler la croissance économique et l’emploi ; la maîtrise de l’énergie, la préservation de l’environnement et la promotion de la sécurité ; l’amélioration de l’efficacité du cadre juridique et règlementaire, institutionnel et des mécanismes de financement du secteur de l’énergie. Une large place y est donnée aux énergies renouvelables et à sa lecture, il ressort que les données permettaient déjà dans les années 1990, d’encadrer et d’orienter une réelle politique de développement des énergies renouvelables à travers des mesures incitatives.
Plan Directeur d’Electrification Rurale (PDER)
Crée en 2001 par le gouvernement camerounais, ce document définit la stratégie de mise en œuvre de la politique nationale d’énergie en zone rurale, qui consiste à approvisionner en électricité les régions rurales isolées via le raccordement au réseau interconnecté ou encore le développement de micro et mini-centrales hydroélectriques : Mbangmbéré, Gandoua et Mayo Djinga pour la région de l’Adamaoua ; Ndokayo pour la région de l’Est (frontière avec la RCA), Idenau et Baï pour la région ouest du Mont Cameroun, et site de Deuk Ngoro pour la région isolée du grand Mbam. Enfin, le PDER porte sur :
- l’état de l’accès aux différentes formes d’énergie moderne dans les zones rurales ;
- le découpage du pays en Zones d’énergie rurale (ZER) ;
- l’identification des programmes prioritaires d’énergie rurale basés sur la demande à satisfaire dans chacune des ZER ;
- l’estimation des investissements nécessaires pour réaliser ces programmes ;
- la fixation des priorités d’approvisionnement en énergie à moindre coût ;
- la demande d’énergie électrique.
Plan National Energie pour la Réduction de la Pauvreté (PNERP)
Crée en 2005, le PNERP se focalise sur un accès communautaire à l’énergie en ambitionnant de fournir des services énergétiques modernes dans des secteurs identifiés comme prioritaires (éducation, santé et approvisionnement en eau) et de contribuer à la réduction de la pauvreté, notamment en milieu rural. Ainsi le PNERP prévoit l’approvisionnement en services énergétiques de 1 153 structures éducatives (écoles primaires, lycées et collèges), 110 collèges et lycées d’enseignement technique, 923 centres de santé et 191 adductions d’eau potable. Le PNERP intègre dans ses activités la fourniture de foyers améliorés et la multiplication de l’éclairage public basé sur le développement de la petite hydraulique et des panneaux solaires.
Plan de Développement du Secteur de l’Électricité (PDSCE) à l’horizon 2030
Ce document a été élaboré en juillet 2006, pour planifier une série d’investissements dans de grands projets d’infrastructures, afin de renforcer la capacité de production d’électricité du Cameroun. Le tableau ci-après donne la liste des projets à réaliser sur le court, moyen et long terme :
Tableau 5: Liste des projets énergétiques à réaliser à long et moyen terme, Source : MINEE (Cameroun vision 2035) | ||
---|---|---|
Libellé Infrastructures | Puissance installée (en MW) | Réseau de raccordement |
Infrastructures à court terme | ||
centrale à fuel lourd Yassa (Douala) | 86 | RIS |
centrale à gaz naturel de Kribi | 216 | RIS |
barrage réservoir à Lom Pangar | 30 MW sans le RE + ajouts à Edéa et à Song | RE |
Infrastructures à moyen et long terme | ||
centrale hydroélectrique de Nachtigal | 330 | RIS |
centrale hydroélectrique de Song Mbengue | 950 | RIS |
centrale hydroélectrique Memve’ele | 120-201 | RIS |
centrale hydroélectrique de Kikot | 350-550 | RIS |
centrale hydroélectrique de Njock | 270 | RIS |
centrale hydroélectrique de Ngodi | 475 | RIS |
centrale hydroélectrique de Song Ndong | 250-300 | RIS |
centrale hydroélectrique de Nyanzom | 375 | RIS |
centrale hydroélectrique de Bayomen | 470 | RIS |
centrale hydroélectrique de Mouila Mogue | 350 | RIS |
centrale hydroélectrique de Bangangté | 90 | RIS |
centrale hydroélectrique de Warak | 50 | RIN |
centrale hydroélectrique de Colomine | 12 | RE |
Fonds d’Energie Rurale (FER)
Le Décret N° 2009/409 du 10 décembre 2009 portant création, organisation et fonctionnement du Fonds d’Energie Rurale (FER), apportait un instrument nouveau dans le développement de l’accès à l’énergie dans les zones rurales grâce au mécanisme de subvention, des financements des programmes et projets de développement des infrastructures de transport et fourniture d’énergie aux populations vivant en milieu rural.
Plan Directeur d’Industrialisation (PDI)
C’est la boussole de l’action gouvernementale qui vise à reformuler le périmètre industriel Camerounais pour tenir compte des évolutions et enjeux actuels. Ce plan vise aussi à assurer de manière méthodique et rationnelle, son industrialisation et son ambition d’émergence en faisant du Cameroun « l’Usine de la Nouvelle Afrique Industrielle à l’horizon 2050 ». Une ambition en phase avec l’Agenda 2063 de l’Union Africaine, qui met en priorité la transformation des ressources naturelles africaines en Afrique. Ainsi, pour concrétiser cette vision, l’Etat du Cameroun via le Ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement Technologique (MINMIDT), organise sa stratégie autour de 03 sanctuaires industriels nationaux (agro-industrie, énergie, numérique), de 05 piliers industriels structurants (chimie/pharmacie, forêt-bois, hydrocarbures/raffinage, mines/métallurgie/sidérurgie, textiles/confection/cuir), de 02 socles à l’émergence (infrastructures, financement), et d’01 voile industriel stratégique (veille stratégique, intelligence économique)3. On l’aura compris, la véritable restructuration du paysage industriel camerounais ne saurait se faire sans la mise en œuvre d’une transition énergétique fiable, efficace et pérenne.
[13_img_3]
Figure 8: Ossature du Plan Directeur d’Industrialisation.
Source : MINMIDT
Politique économique
Cette politique vise à faire du Cameroun un pays « émergent » à l’horizon 2035, en réduisant la pauvreté à moins de 10 %, et en favorisant le passage du Cameroun de pays à revenus intermédiaires à pays industrialisé. Elle envisage alors d’importants investissements infrastructurels pour stimuler la croissance, notamment l’injection de forts financements dans les routes, les infrastructures portuaires et aéroportuaires, les voies ferrées, l’approvisionnement en eau, les technologies de l’information et surtout l’énergie (mise en œuvre du PDSE 2030). L’augmentation de la production dans l’agriculture et l’élevage, les mines (notamment l’exploitation de la bauxite, du fer et du cobalt), et certaines filières clés (bois, tourisme), et l’amélioration du climat des affaires,
Politique environnementale
Cette politique ressort clairement sur le Plan National de Gestion de l’Environnement (PNGE) élaboré en 1996. En effet, elle vise en plus de la protection et la gestion rationnelle des ressources environnementales, l’obligation de réduire les émissions de GES. A l’article 11 de ladite loi-cadre, il est institué un Fonds National de l’Environnement et du Développement Durable (créé par le Décret N° 2008/064 du 04 février 2008) dont l’un des objets à savoir « appuyer les programmes de promotion des technologies propres ».
Politique forestière
Publiée en 1996, cette politique vise « la pérennisation et le développement des fonctions économiques, écologiques et sociales des forêts, dans le cadre d’une gestion intégrée, assurant de façon soutenue et durable la conservation et l’utilisation des ressources et des écosystèmes forestiers ». Elle porte sur les aspects ci-après : la gestion durable des forêts ; la contribution à la croissance économique et à la lutte contre la pauvreté ; la gestion participative ; la conservation de la biodiversité à travers un réseau national d’aires protégées ; le renforcement du secteur public sur ses fonctions essentielles ; la mise en place d’un cadre réglementaire favorable au développement du secteur privé ; la mise en cohérence du système d’aménagement du territoire grâce à un plan de zonage ; et l’amélioration de la gouvernance.
Nous venons d’examiner l’ensemble des politiques sectorielles ayant un impact direct et/ou indirect sur la mise en œuvre des énergies renouvelables au Cameroun. Mais, ces politiques ne peuvent s’implémenter qu’à travers un cadre juridique et institutionnel adéquat qui met en avant la libéralisation des différents secteurs : C’est l’objet de la section suivante.
________________________
1 GVC, « Etat des lieux du cadre réglementaire du secteur des énergies renouvelables au Cameroun, » Rapport d’analyse (Yaoundé: Global Village Cameroon, 2012), pp.38-49, www.glovilcam.org. ↑
2 MINEE, « Situation Énergétique Du Cameroun, » Rapport statistique (Yaoundé: Ministère de l’Eau et de l’Energie, 2015), pp.24-25. ↑
3 MINMIDT, « Plan Directeur d’Industrialisation Du Cameroun, » Rapport final (Yaoundé: Basics International, 2018), pp.49-123, www.minmidt.cm/mise-en-oeuvre-du-plan-directeur-d’industrialisation. ↑