PARAGRAPHE 2 :
LA PROTECTION DES DROITS DU BANQUIER PAR LES SURETÉS LORS DES PROCÉDURES COLLECTIVES
L’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du débiteur bancaire limite le banquier dans l’exercice de son droit de recouvrement. Mais le banquier titulaire de sureté se voit accorder certains avantages inconnus des créanciers chirographaires (A), Ces avantages sont accrus lorsqu’il est un créancier revendiquant (B).
A – LA PROTECTION DU BANQUIER TITULAIRE D’UN PRIVILḔGE GÉNÉRAL
Les titulaires de suretés réelles spéciales et désormais ceux bénéficiaires de privilèges généraux, bénéficient d’un avantage sur le plan procédural112. Ils doivent être personnellement avertis de produire leurs créances et ils doivent répondre à l’avertissement par tous moyens.
Sur le plan substantiel 113, l’article 121 du nouvel acte uniforme prévoit que les créanciers titulaires d’une sureté réelle spéciale ou d’un privilège général conservent le bénéfice de leur sureté, qu’ils aient ou non souscrit à la déclaration des créances et quelle que soit la teneur de cette déclaration, sauf disposition contraire de l’acte uniforme ou sauf s’ils renoncent expressément à leur sureté.
Cette possibilité qui était jadis réservé aux seuls titulaires de suretés réelle spéciales est étendue par le nouvel acte uniforme aux titulaires d’un privilège général. Il convient aussi de préciser que ces suretés réelles spéciales doivent être entendues de manière extensive et s’étendre outre le gage, le nantissement et l’hypothèque aux nouvelles suretés telles que la clause de réserve de propriété, le transfert fiduciaire de somme d’argent.
Les créanciers munis de privilèges généraux pour leur part prennent part au vote dans les mêmes conditions que les créanciers chirographaires mais sans perdre le bénéfice de leurs privilèges.
Des protections spécifiques sont accordées à certains titulaires de suretés en cas de vente de certains biens du débiteur. Ainsi, lorsqu’un bien du débiteur est gagé, nanti hypothéqué ou affecté d’un droit de rétention conventionnel, il ne peut être retiré par le syndic qui envisage la vente que contre paiement de ce qui est dû au créancier.
De plus, si la vente de ce bien n’est pas entreprise dans les 3 mois suivant le jugement d’ouverture, le créancier nanti ou gagiste peut exercer ou reprendre les poursuites en vue de la vente du bien faisant l’objet de la sureté. Par contre lorsque le bien est en la possession du débiteur le créancier a une protection en tant que créancier revendiquant.
B – LA PROTECTION DU BANQUIER REVENDIQUANT
L’action en revendication permet au propriétaire d’un bien se trouvant en possession du débiteur au moment de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens de reprendre ce bien sans devoir au préalable demander la résolution du contrat. C’est le cas des biens vendus avec une clause de réserve de propriété.
La revendication porte en général sur les marchandises mais elle porte aussi sur les effets de commerce remis à l’encaissement et autres titres non payés remis par le propriétaire114.
L’acte uniforme révisé modifie substantiellement le régime de la revendication des meubles115 tant en ce qui concerne ses conditions que pour ce qui est de la procédure116. S’agissant des conditions, la revendication des meubles n’est plus soumise à la condition préalable de production des créances du revendiquant.
Elle doit intervenir dans un délai de quatre-vingt-dix jours suivants la deuxième insertion de la décision d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens dans le journal d’annonce légale de l’Etat partie concerné.
Pour ce qui est de la procédure, la demande en revendication est adressée au syndic par lettre au porteur contre récépissé, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite. Le syndic peut autoriser ou non la revendication, le défaut de réponse dans le délai de 30 jours suivant la réception de la demande valant refus.
Dans ce cas, de même qu’en cas de refus, le juge-commissaire peut être saisi à la diligence du revendiquant dans un délai de 30 jours à compter de l’expiration du premier délai ou du refus. Il statue par voie d’ordonnance dans un délai de 08 jours à compter de la saisine. L’ordonnance rendue est communiquée au syndic et au ministère public à la demande de celui-ci et notifié aux parties.
L’ordonnance du juge commissaire peut faire l’objet d’un recours devant le juridiction compétente dans les huit jours suivants sa notification ou sa communication. Le recours est également ouvert en l’absence de réponse dans les huit jours suivants la saisine.
Par exception au principe de la revendication, l’article 103-3 prévoit que le propriétaire d’un bien est dispensé de faire reconnaitre son droit de propriété lorsque le contrat portant sur ce bien a fait l’objet d’une publicité. Dans ce cas, il peut réclamer la restitution par lettre au porteur contre récépissé ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout moyen laissant trace écrite adressée au syndic qui peut acquiescer à cette demande.
A défaut d’accord dans le délai de trente jours à compter de la réception de la demande ou en cas de contestation, le juge commissaire peut être saisi à la diligence du propriétaire afin qu’il soit statué sur ses droits. Même en l’absence de demande préalable en restitution, le juge- commissaire peut également être saisi à cette même fin par le syndic.
Les suretés sont une grande protection du banquier contre la perte des créances en souffrance, et leur présence peut décider le débiteur à adhérer promptement à l’arrangement amiable proposé par le banquier.
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112 KALIEU ELONGO (Y.R.), le droit des procédures collectives de l’OHADA, Presses Universitaires d’Afrique, 2016, p.129.
113 Idem.
114 Article 102 AUPCAP.
115 Sur le régime antérieur à la réforme, lire SWADOGO (F.M.), Droit des entreprises en difficulté, collection droit uniforme africain, p.128 et s.
116 KALIEU ELONGO (Y.R.), op.cit., p.125.