Limites et Discussion sur l’Étude
La Professionnalisation des Associations
Le paysage associatif est en constante évolution, et il est de plus en plus évident que les associations adoptent des pratiques professionnelles pour répondre aux défis de notre époque. Cette transformation est le fruit d’une nécessité croissante de développement et de structuration des associations afin d’assurer leur pérennité et d’accomplir leur mission sociale. Au cours de cette évolution, on peut observer que les associations intègrent des éléments de langage et des codes similaires à ceux du monde de l’entreprise. Des termes tels que « recruter des bénévoles », « engager les adhérents » et « se faire connaître » deviennent monnaie courante dans leur vocabulaire.
Cependant, cette adaptation ne s’arrête pas là. Les associations empruntent également des pratiques de gestion et de structuration de l’entreprise. Un exemple concret est celui de l’association « Chez Daddy ». Au sein de cette organisation, les bénévoles ont des rôles clairement définis, tels que les « tisseurs de liens » qui favorisent la connexion avec les visiteurs du café, le « cafetier » qui gère la restauration et la caisse, et les « serveurs » qui veillent à la qualité de l’accueil en termes d’hygiène et de service. Cette structuration d’équipes rappelle les divisions fonctionnelles d’une entreprise, mais aussi les rôles des employés au sein d’un café Starbuck.
Un autre aspect important de cette professionnalisation est l’accent mis sur la formation des bénévoles. Les associations mettent en place des cadres pour protéger leurs bénévoles et affirmer leur sérieux dans leur démarche. Cette démarche vise à garantir que les activités associatives soient menées de manière responsable et professionnelle.
Cette intégration des codes du monde professionnel n’est pas le fruit du hasard. Elle résulte en grande partie de la nécessité pour les associations de diversifier leurs sources de financement, notamment en raison de la réduction des subventions publiques. Les principales sources de financement deviennent les cotisations des adhérents, les dons de particuliers et le mécénat d’entreprise.
Pour attirer ces financements, les associations doivent travailler leur image et rendre leur action visible, sensibilisant ainsi le public à leur mission. Cette communication adopte souvent les stratégies marketing en créant un message distinctif, une image de marque et une identité visuelle reconnaissable. Cette professionnalisation est donc un levier essentiel pour le développement des associations et leur permet de se positionner comme des partenaires sérieux et attractifs pour les financements, les collaborations et les projets de mécénat avec les entreprises.
Cependant, il est important de noter que cette professionnalisation peut également entraîner un éloignement par rapport à la mission principale des associations. Les activités liées à la gestion et à la communication peuvent prendre le pas sur la mission sociale première. Ce phénomène peut représenter une menace pour la capacité des associations à maintenir des protocoles garantissant une image positive et une réputation irréprochable.
Les Associations offrent un service de meilleur qualité
Une autre limite relevée lors des entretiens est la qualité des services fournis par les associations est une question cruciale soulevée lors des entretiens. Un exemple frappant de cette problématique est l’expérience de l’association « Chez Daddy ». En moins de trois ans, cette organisation a réussi à inaugurer deux cafés, avec 13 autres en phase de développement.
L’engagement des bénévoles au sein de cette association est extraordinaire, et il convient de noter que certains de ces bénévoles sont également des adhérents. Pour ces derniers, leur qualité de vie s’est améliorée grâce à ces lieux propices aux rencontres et à la création de liens durables. En tout état de cause, cette expansion et ces résultats sont le signe d’une initiative judicieuse, bien accueillie et efficace.
Toutefois, cette réussite met en lumière une lacune persistante dans les prestations offertes par les secteurs public et privé : l’attention portée aux bénéficiaires et aux clients. Les modèles d’association ne sont pas aisément transposables en entreprise, car ils sont peu compatibles avec les impératifs de rentabilité, qui peuvent entrer en conflit avec le temps et l’accompagnement nécessaires pour prendre soin des adhérents.
Cette réalité suscite des interrogations quant à la possibilité que les associations soient mieux placées pour fournir des services répondant pleinement aux besoins humains, plaçant l’aspect humain au cœur de leur mission.
Les récents scandales impliquant des entreprises de services à la personne, tels que les crèches, les EHPAD et les hôpitaux, ont soulevé des doutes sur la capacité du secteur privé et public à offrir des services de qualité tout en demeurant rentables. Jusqu’à présent, la seule réponse à ce problème a été d’encourager ces entreprises à adopter le statut de « société à mission ».
Cependant, cette solution semble encore insuffisante pour répondre de manière adéquate à l’impératif pressant de créer des services à la personne à la fois de haute qualité et économiquement performants. Face à cette situation, une question légitime se pose : les associations pourraient-elles représenter une alternative viable pour la prestation de services à la personne, afin d’éviter les abus ?
Cependant, il est essentiel de se demander si cette possibilité est réaliste ou si elle est trop simpliste pour résoudre un problème complexe et multifacette.
Le filet social délégué aux associations
L’efficacité remarquable de ces associations met en évidence leur aptitude à jouer un rôle de filet de sécurité complémentaire au sein du paysage de la couverture sociale. Elles parviennent souvent à combler les lacunes qui subsistent dans les services publics, offrant ainsi un soutien vital à ceux qui en ont besoin. Toutefois, il convient de souligner que les services offerts par ces associations peuvent parfois se substituer à ceux prévus par la couverture sociale elle-même.
Cette situation soulève des interrogations fondamentales concernant la nature et l’efficacité de l’État providence ainsi que de son système de couverture sociale. Bien que cette couverture puisse être de qualité, elle est souvent orientée vers des mesures curatives, n’intervenant qu’une fois que les problèmes sociaux ont déjà émergé. Ce mode d’intervention peut suggérer une carence en stratégies préventives efficaces visant à anticiper les enjeux sociaux dès leur genèse.
En laissant les acteurs privés, notamment les entreprises, financer les associations comblant ces lacunes, se pose la question d’un possible désengagement progressif de l’État dans son rôle social. Ce modèle de financement privé peut être considéré comme un palliatif au manque de ressources publiques, mais il suscite également des inquiétudes quant à sa pérennité et à sa fiabilité, étant donné qu’il repose sur des décisions d’arbitrage prises par les entreprises. Cela peut soulever la question de savoir si les entreprises actives dans le secteur du Grand Âge doivent nécessairement s’impliquer dans le soutien des associations œuvrant dans ce domaine, compte tenu de leur expertise partagée, afin de créer une dynamique pérenne.
Il est impératif de trouver un équilibre judicieux entre le rôle des associations en tant que complément à la couverture sociale et la responsabilité de l’État dans la prévention et la résolution des problèmes sociaux. Une approche plus collaborative, où acteurs publics et privés travaillent main dans la main de manière efficiente, pourrait représenter la clé pour garantir une couverture sociale de qualité tout en minimisant les failles et les doublons. Cette démarche requiert une réflexion approfondie sur les politiques sociales et une détermination commune à améliorer la qualité de vie de tous les citoyens, en particulier ceux qui se trouvent dans des situations de vulnérabilité.
Conclusion
Ce mémoire nous prouvé qu’à travers la revue de littérature l’importance cruciale des associations dédiées au Grand Âge dans notre société. Elles abordent diverses problématiques liées au vieillissement de la population, renforcent le lien social et stimulent l’économie solidaire. Leur développement repose sur un héritage culturel et historique remontant au Moyen-âge et aux siècles des Lumières.
Les associations ont su évoluer pour faire face aux défis contemporains, notamment la professionnalisation tout en préservant leur mission sociale malgré la concurrence pour les financements et la diminution des subventions. La philanthropie et le mécénat sont cruciaux pour les soutenir, mais un cadre approprié est nécessaire pour éviter que des considérations purement économiques ne relèguent des causes essentielles.
Malgré l’augmentation de l’espérance de vie, de nombreux préjugés et obstacles persistent pour les personnes âgées actives. Il est urgent de changer la perception de la vieillesse, vu que les plus de 80 ans vivent désormais 20 ans de plus. Ces associations sont essentielles pour répondre aux besoins des personnes âgées et plaident pour une vision plus juste du vieillissement, tout en soulignant les limites de notre système de couverture sociale en tant que filet de sécurité supplémentaire.
Nous avons aussi remarqué une dérive, celle du triptyque “État – Monde Associatif – Entreprise”. La philanthropie en France repose sur une contribution des acteurs privés et publics. Ce déséquilibre est marqué par la réduction des subventions au profit des dons des particuliers et du mécénat. Cette dérive marque le risque d’une logique de solidarité stratégique à une logique de charité ou sauvetage avec des financements ponctuels liés à la signalisation d’une situation critique.
Cette dérive témoigne de la professionnalisation accrue des associations pour se présenter comme des collaborateurs idéaux avec lesquels les entreprises sont prêtes à s’associer pour renforcer leur image de marque auprès du grand public. Elle souligne aussi l’importance d’encadrer la philanthropie, mais aussi de créer un cadre stratégique afin d’assurer une bonne répartition des financements pour ne pas fragiliser le monde associatif.
Par ailleurs le développement, la diversité et pérennité inspire le secteur privé en montrant un besoin existant soit une opportunité de marché et création d’offres tangibles comme nous l’avons vu dans le cas du Colette Club qui s’inspire des associations du réseaux associatif et intergénérationnel Cohabilis. Le cas du café Chez Daddy nous a montré la force d’une offre repensant et recréant une société un attribut de la culture française : le café. Cette association a répondu de manière approfondie à la solitude recréant un lieu favorisant la rencontre et la création d’un entourage solidaire. En moins de trois ans, ce dispositif, intégré dans lesrez-de- chaussée des résidences autonomes et inclusives, a clairement démontré son efficacité et son impact bénéfique sur la santé et l’épanouissement de ses membres. La réussite de dispositifs tels que ceux de Tim & Colette et de Paris en Compagnie repose sur l’élaboration d’une approche préventive qui intègre davantage ses membres dans la société, ce qui s’avère mieux adapté à leurs besoins.
Ces associations répondent aux problèmes du vieillissement en s’intéressant à toutes les problématiques entourant cet enjeu tels que la solitude, l’isolement, la mobilité, la dépendance. Ces associations sont indéniablement un filet supplémentaire de la couverture sociale notamment prévue pour les personnes âgées. Leur approche préventive et non- médicalisée est plus adaptée permettant d’atténuer ou de ralentir les situations les plus délicates.Leurs modèles représentent une expertise importante tant pour le secteur privé que public. Leur activité est aussi un baromètre voire un observatoire permettant de représenter une réalité socio-géographique et ses problématiques.
Le développement, la diversité et la pérennisation des associations opérant dans le Grand Âge révèlent une capacité à traiter un enjeu de manière préventive et inclusive. Leur diversité permet la constitution d’un arsenal de solutions permettant au public destiné un choix adapté à leurs besoins et leurs envies. Leur développement signe une prise en charge tardive et trop médicale par les pouvoirs public et le secteur privé et le besoin de créer des solutions et de stratégie de prévention.
Leur pérénisation relève d’une compréhension globale et approfondie d’un besoin, d’une légitimité sur ce secteur, mais aussi l’enjeu de créer une stratégie de financement durable ne reposant pas par le soutien des subventions publiques qui s’amenuisent. Cette pérennité pose aussi la question d’une éventuelle délégation du service public assuré par les associations.
Ainsi on peut s’interroger sur l’efficacité d’un partage d’une politique sociale entre les pouvoirs publics et les associations.