La prévalence des infections vaginales a été étudiée chez les femmes admises au CHU-MEL, révélant que 56% des participantes présentaient une perturbation de la flore vaginale, avec Candida albicans identifié comme le germe le plus fréquemment isolé. Cette étude met en lumière l’importance de la santé vaginale.
CHAPITRE II : COMPTE RENDU DE LA RECHERCHE ACTION
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2-1- PROBLEMATIQUE
Les vaginites et vaginoses sont des affections courantes qui touchent de nombreuses femmes à différents moments de leur vie. La prévalence de ces infections génitales est un sujet d’intérêt majeur dans le domaine de la santé reproductive. L’examen cytobactériologique des prélèvements de sécrétions cervico-vaginales est une procédure diagnostique utilisée pour évaluer la présence éventuelle de cellules anormales et de micro-organismes pathogènes telles que les bactéries, les levures, etc.
Comprendre la prévalence de ces affections et les facteurs qui y sont associés est essentiel pour développer des stratégies de prévention et de gestion efficaces. Cependant, pour mieux cerner ce problème de santé publique chez les femmes, il est important de se pencher sur l’étiologie de ces affections et d’identifier les facteurs de risques qui y sont associés.
Quelles sont les principales causes identifiées de ces affections ?
C’est cette problématique qui sera abordée lors de notre stage à travers le thème intitulé « Prévalence des vaginites et vaginoses chez les femmes admises au Centre Hospitalier Universitaire de la Mère et l’Enfant-Lagune (CHU-MEL) ». L’objectif général de ce travail est de déterminer la prévalence des vaginites et vaginoses des femmes admises au CHU-MEL entre janvier 2021 et mars 2023 afin de contribuer au diagnostic du profil cytobactériologique des prélèvements des secrétions cervico vaginales pour raisons de recherches d’étiologie d’infections génitales entre 2021 et 2023.
De façon spécifique, il s’est agi de :
- Rechercher à partir des examens cytologique et bactériologique l’étiologie des vaginites et des vaginoses ;
- Évaluer la flore vaginale des femmes par le score de Nugent.
- Etablir la relation entre la flore vaginale, les germes isolés, l’état physiologique des femmes et les motifs de consultation.
Le présent document a été rédigé en deux parties. La première partie aborde le déroulement de notre stage au laboratoire du Centre Hospitalier Universitaire de la Mère et de l’Enfant-Lagune (CHU-MEL) et la deuxième partie quant à elle présente les résultats de la problématique identifiée.
2-2- SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE
2-2-1- Généralités
2-2-1-1- Définition de quelques concepts
2-2-1-1-1- Vaginite
Un processus inflammatoire localisé au niveau de la cavité vaginale, peut être consécutif à la présence d’un ou de plusieurs agents infectieux associés : bactéries, parasites, virus. Ce processus peut être localisé à la muqueuse vaginale seule, on parle alors de vaginite simple ou au contraire s’étendre aux muqueuses voisines et il s’agira dans ce cas de vulvo-vaginite voire d’inflammation cervico-vaginale [1].
2-2-1-1-2- Vaginose
La vaginose bactérienne est une dysbiose se traduisant par un déséquilibre de la flore vaginale à la faveur d’un surcroît de micro-organismes pathogènes : G. vaginalis, Mobiluncus, Prevotella, Porphyromonas, Fusobacterium, Atopobium, cocci à Gram positif anaérobies et une déplétion de la flore lactobacillaire protectrice [2]. Ces bactéries pathogènes peuvent être retrouvées en faibles quantités dans la flore vaginale à l’état normal, en tant que commensales et en l’absence d’infection.
2-2-1-2- Anatomie et physiologie de l’appareil génital féminin
L’appareil génital féminin est constitué de deux types d’organes : les organes génitaux internes, situés à l’intérieur de la cavité pelvienne et les organes génitaux externes. Les organes génitaux internes sont représentés par les ovaires et les voies génitales qui comprennent l’utérus, les trompes de Fallope et le vagin [3]. Les organes génitaux externes sont représentés par la vulve (Figure 2).
Le tractus génital est ainsi constitué par une succession de cavités qui communiquent avec l’extérieur via la fente vulvaire. Cette structure permet l’évacuation des menstruations et le passage du fœtus à l’accouchement. Elle permet également les rapports sexuels mais aussi l’entrée de microorganismes potentiellement pathogènes.
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Figure 2 : Les organes de reproduction dans le pelvis
La paroi du vagin est composée de trois couches : l’adventice, la musculeuse et la muqueuse. La muqueuse est lubrifiée par les glandes vestibulaires ou glandes de Bartholin. Sous l’influence des œstrogènes, les cellules épithéliales libèrent de grandes quantités de glycogène, qui est ensuite transformé en acide lactique par les bactéries résidentes du vagin au cours d’un métabolisme anaérobie [3]. Ce mécanisme est largement responsable de l’acidité présente au sein du vagin. En effet, le pH vaginal est normalement acide, entre 3,8 et 4,5 [4]. Cette acidité empêche ainsi les agents pathogènes de se développer dans la cavité vaginale et protège donc le vagin contre les infections.
Le pH vaginal varie considérablement au cours de la vie d’une femme : de 7 chez les jeunes filles, à 3,8-4,4 chez les femmes en âge de procréer, à 6,5-7 chez les femmes ménopausées sans traitement hormonal substitutif, et à 4,5-5 chez les femmes ménopausées sous hormonothérapie. Un pH de 3,8 à 4,4 est considéré comme équivalent à un vagin sain [5].
En effet, l’eubiose vaginale est caractérisée par un microbiote bénéfique à base de lactobacilles qui acidifient le vagin en produisant de l’acide lactique. En revanche, la dysbiose vaginale (par exemple, la vaginose bactérienne), caractérisée par une prolifération de plusieurs anaérobies, présente une forte baisse de l’acide lactique d’où une augmentation du pH [6].
Les variations du pH vaginal peuvent entraîner un déséquilibre de la flore microbienne et donc l’apparition d’infections vaginales telles que la vaginose bactérienne et les vaginites à Trichomonas vaginalis où le pH est généralement supérieur ou égal à 4,5. Inversement lors de mycoses à Candida albicans, le pH devient inférieur à 3,8 donc très acide [7].
2-2-2- Les pathologies des voies vaginales basses
2-2-1-1- La vaginose bactérienne
2-2-2-1-1- Epidémiologie
La vaginose bactérienne n’est pas considérée comme une IST mais les rapports sexuels, par l’action mécanique et le contact du sperme (qui a un pH très alcalin, autour de 8) avec la muqueuse vaginale, sont considérés comme des facteurs très aggravants. Le déséquilibre de la flore vaginale aboutit à une disparition quasi complète des lactobacilles au profit d’une flore anaérobie [8]. La prolifération de cette flore anaérobie est polymorphe même si Gardnerella vaginalis est très fréquemment retrouvée. La vaginose peut être asymptomatique et n’entraîner aucune gêne. S’ils existent, les principaux symptômes sont des leucorrhées grisâtres malodorantes.
2-2-2-1-2- Physiopathologie
Une des conséquences de ce déséquilibre micro-écologique est la diminution des lactobacilles producteurs de H2O2. Eschenbach et al. ont trouvé des lactobacilles producteurs de H2O2 (exemple : L. crispatus) chez 96 % des femmes saines et chez seulement 6 % des femmes présentant une vaginose bactérienne. Lactobacillus iners, à l’inverse des autres lactobacilles est toujours présent au cours des vaginoses bactériennes.
Plusieurs hypothèses ont été émises à ce sujet : il peut être le marqueur d’un changement de la flore, voire même, il peut être corrélé à l’apparition des bactéries associées à la vaginose. Ou encore, la persistance et la survie de L. iners seraient dus à sa capacité d’adaptation face au nouvel environnement (pH augmenté) par rapport aux autres lactobacilles [9].
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Tableau II : Prévalence des principales bactéries présentes dans la flore normale et au cours de la vaginose bactérienne
La flore lactobacillaire dans la vaginose bactérienne est donc remplacée quantitativement et qualitativement par une flore majoritairement anaérobie dont G. vaginalis, présente dans environ 90% des cas (Tableau II), serait la bactérie la plus virulente. En effet, à elle seule, elle est à la fois capable d’adhérer aux cellules de l’épithélium vaginal, de former un biofilm et de posséder une forte activité cytotoxique. Au cours de la grossesse, G. vaginalis est susceptible d’entraîner des complications obstétricales graves telles que : accouchement prématuré, rupture prématurée des membranes, chorioamniotite. Le second agent pathogène associé à la vaginose bactérienne est Atopobium vaginae, bactérie aéro-anaérobie facultative.
G. vaginalis et A. vaginae sont fréquemment résistantes au traitement classique de la vaginose, notamment le métronidazole, et peuvent donc être incriminées en cas d’échec et de récidive [10].
Au cours de la vaginose, d’autres micro-organismes pathogènes sont présents notamment les bactéries anaérobies à Gram négatif dont les bacilles appartenant aux genres Bacteroides, Fusobacterium, Prevotella et Porphyromonas ainsi que des cocci à Gram négatif du genre Veillonella. Les bactéries du genre Mobiluncus font également partie des bactéries anaérobies mais elles sont inconstamment présentes et retrouvées en moyenne dans 50 % des cas [10]. Leur mise en évidence ne peut donc être un moyen spécifique de diagnostic de la vaginose.
2-2-2-2- Les vaginites
2-2-2-2-1- Epidémiologie/ Physiopathologie
Les vaginites peuvent être primaires ou secondaires. Dans la vaginite primaire, l’agent pathogène est, dans la majorité des cas, d’origine exogène. Son implantation et son développement dans la cavité vaginale nécessitent des conditions très particulières, qui peuvent varier selon l’agent en cause et provoquent en règle générale une réaction inflammatoire [11]. Elle se traduit par un écoulement purulent (leucorrhée) où l’on mettra en évidence le « pathogène » responsable. Il s’agit le plus souvent de Trichomonas vaginalis ou de Candida albicans qui sont en cause mais bien d’autres micro-organismes, même de commensaux habituels peuvent, dans certains circonstances (cofacteurs), entraîner le même type de pathologie [5].
La vaginite secondaire est plutôt la conséquence d’une infection urétrale ou cervicale due le plus souvent à un pathogène sexuellement transmissible (Neisseria gonorrhoeae, Chlamydia trachomatis, mycoplasmes uro-génitaux).
De même, les viroses génitales (Herpès virus, Papillomavirus, Parvovirus…) peuvent se compliquer souvent de vaginites parfois très intenses.
2-2-2-2-2- Les vaginites bactériennes
Les vaginites bactériennes qui sont dues à des bactéries généralement d’origine exogène, mais parfois liées à la flore locale, se manifestent cliniquement par des brûlures vulvo-vaginales accompagnées de leucorrhées jaune verdâtre plus ou moins purulentes. L’état inflammatoire local confirme l’infection [4].
Streptocoque B, Staphylocoques, Escherichia coli, Proteus mirabilis ou autres Entérobactéries, représentent la majorité des germes incriminés. En effet, dans certaines circonstances, des bactéries commensales du tube digestif peuvent exceptionnellement adhérer aux cellules vaginales et provoquer des vaginites. Il s’agit rarement de vulvo-vaginites mais elles sont caractérisées par la présence d’un écoulement contenant de nombreux polynucléaires (photo 1).
Elles sont rares pendant la grossesse et peuvent entrainer des infections urinaires récidivantes, des avortements, la mortalité, la conjonctivite (Listeria monocytegenes), des méningo-encéphalites et des septicémies [4].
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Photo 1 : Vaginite à bactéries Gram négatif. [4]
2-2-2-2-3- Les vaginites parasitaires
Trichomonas vaginalis est un protozoaire flagellé, mobile, extracellulaire, anaérobie. Un parasite strictement humain. Le développement de Trichomonas vaginalis est encouragé par le déséquilibre en œstrogènes qui favorise l’atrophie épithéliale vaginale, le développement d’un milieu alcalin et la disparition de la flore de Döderlein. Il est fréquemment associé aux vaginoses bactériennes [12]. L’infection à Trichomonas vaginalis, qui est une IST, se caractérise également par des leucorrhées abondantes, verdâtres. Un prélèvement vaginal met en évidence à l’examen direct le parasite, en déposant une goutte de sécrétion entre lame et lamelle [13].
2-2-2-2-4- Les vaginites mycosiques
La candidose vaginale est une mycose superficielle due au genre Candida. Cette espèce est une levure. L’agent pathogène de la vulvo-vaginite candidosique dans 90% des cas est Candida albicans, saprophyte exclusif des muqueuses digestives et espèce commensale de la flore vaginale qui devient pathogène au cours d’une prolifération importante favorisée par l’acidification du milieu vaginal.
Elle est très fréquente en gynécologie infectieuse, elle occupe le second rang après la vaginose bactérienne : 75% des femmes présenteront au moins un épisode de candidose vaginale dans leur vie, 45% des femmes auront un épisode dans les douze derniers mois et près de 10% des patientes souffrent de candidoses récidivantes avec minimum quatre épisodes dans les douze derniers mois.
La récurrence d’un épisode symptomatique peut survenir 20 jours à trois mois après la fin du traitement chez 50 % des femmes [12].