La part des qualifié(e)s :
Aujourd’hui, la migration des travailleurs qualifié pour un but de favoriser le développement, il constitue un problème mondial qui concerne les pays riches tant que les pays pauvres38, les travailleurs immigrés ont été longtemps en grande majorité des ouvriers peu qualifiés venus travailler en plusieurs pays d’accueil, la France comme exemple, pour répondre aux pénuries de main-d’œuvre.
La croissance des emplois tertiaires a entraîné de manière générale une diminution des emplois d’ouvriers et une progression des emplois d’employés et d’encadrement dans l’économie, française à titre d’illustration.
Ces mutations ont eu des conséquences sur l’emploi des travailleurs immigrés plus fortes que pour l’ensemble de la population active entre 1992 et 2002, la part des ouvriers a diminué de 13,5 points pour les immigrés ayant un emploi contre 1,8 point pour les non-immigrés. Mêmement les professions intermédiaires ont accru d’une manière soutenue pour les immigrés, 3,5 points contre 1,3 points, cependant les immigrés demeurent encore surreprésentés dans les emplois non qualifiés.
Cette évolution sensible des catégories d’emplois occupés par les travailleurs immigrés provient du fait que le niveau de formation s’est nettement élevé, d’après l’INSEE, la part des immigrés de 30 à 49 ans ayant au plus un certificat d’études primaires a diminué de moitié depuis 1982, même si elle reste encore importante, 41% des immigrés contre 17% des non immigrés, quatre fois plus d’immigrés détiennent un diplôme d’enseignement supérieur par rapport à 1982 et ils se rapprochent de la situation de la population totale. L’arrivée des nouveaux migrants entraîne également une élévation constante de la qualification de l’ensemble des immigrés vivant en France.
Depuis l’arrêt de l’immigration de travail salarié décidé par l’État en 1974, les étrangers autorisés à séjourner en France pour des motifs économiques ont des niveaux de formation et de qualification plus élévés : si les travailleurs saisonniers dans le secteur agricole restent peu qualifiés, les bénéficiaires d’une autorisation provisoire de travail sont plus diplômés et qualifiés, occupent des emplois comme assistants, enseignants du secondaire ou enseignants-chercheurs, et sont employés également dans les entreprises ainsi que dans les services sociaux et de santé.
Parmi les travailleurs permanents bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée, la proportion de cadres et d’ingénieurs est également en progression.39
En réalité, il s’agit d’une question controversée par la diversité des acteurs et des groupes d’intérêt concernés dont les plus prioritaires ne coïncident pas, les pays riches ont besoin de travailleurs hautement qualifiés pour des activités économiques à haute intensité de connaissances et à cause des pénuries au plan local, ces personnes doivent être recrutées dans les pays pauvres et dans une économie de marché émergente.
Par rapport aux pays pauvres, précisément en Afrique et en Asie, la perte de spécialistes en IT, ingénierie et Lesmédecine a eu des conséquences dont l’ampleur dépasse énormément ce que les chiffres pourraient laisser prévisionner. Alors, nous devons évoquer nécessairement ce processus de fuite des cerveaux qui prive les régions les plus pauvres d’une utilisation optimale des compétences des personnes qui ont émigré.
Les spécialistes dans les domaines des nouvelles technologies, de l’ingénierie, de la médecine et des soins de santé ne forment qu’une petite proportion des émigrants, surtout originaire d’Afrique subsaharienne, alors que leur départ cause à la région des torts multiples et qui dépassent remarquablement les données chiffrées, probablement, à cause de l’opportunité manquée de former les cohortes suivantes ; les institutions d’enseignement supérieur manquent de chefs expérimentés pour former toute une série de professionnels importants au développement et pour entreprendre des activités de recherche pour le développement.
L’exode massif des médecins a eu un impact négatif sur la formation des nouveaux médecins, suivant la qualité des services de santé et sur la réalisation des objectifs du millénaire pour le développement, vraisemblablement, un scénario se déroule dans le secteur de l’enseignement et d’autres priorités de développement dans les pays pauvres se trouvent compromises par l’émigration d’une main d’œuvre qualifiée déjà peu abondante. De nos jours, les pays moins développés se trouvent confrontés à un double défi : comment attirer de nouveau les nationaux qualifiés vivant dans les pays de l’OCDE et comment utiliser efficacement pour le développement national les compétences peu nombreuses de ceux qui sont restés au pays.
Les facteurs économiques et démographiques sous-tendent aujourd’hui le débat et la politique en matière d’émigration des travailleurs hautement qualifiés, dans les pays riches comme dans les pays pauvres, de suite nous prenons l’exemple de l’Afrique, plus de 100 000 personnes provenant d’Afrique subsaharienne et vivant en Europe et en Amérique du Nord sont des professionnels qualifiés. L’ironie veut que ce nombre corresponde à celui de leurs homologues expatriés et employés par des organisations d’aide dans le cadre de l’aide dans son ensemble à un coût pour la région de quelque quatre milliards de dollars.40
Donc que nous entendons par fuite des cerveaux ?
La fuite ou l’exode des cerveaux désigne la migration vers les pays développés des travailleurs qualifiés ou très qualifiés du sud y compris les ingénieurs, les techniciens, les informaticiens, les spécialistes de finances, les médecins, les étudiants ou encore les professionnels de santé, etc. pour les uns, favoriser la venue de cette élite intellectuelle et professionnelle est favorable pour les sociétés d’accueil et pour les sociétés d’origines ; mais pour les autres, il s’agit d’un
- « pillage » des cerveaux, Saïd Mohamed sur « le soleil des fous » en 2001, a dit sur ce sujet :
- « après les vagues d’émigration de la tripe et du muscle, voici venue celle des neurones. Le pillage a simplement changé de forme et de méthode, mais il continue »41.
La mobilité des élites, depuis les années 2000, suscite de plus en plus un nouvel intérêt. En fait, cela résulte de la part croissante des élites dans les migrations internationales, 16,4 millions de personnes en 1990, 26,2 millions en 2000 et la tendance va de croissance.
Cela est le résultat aussi des politiques migratoires des pays riches en quête de matière grise, pour attirer diplômés et autres cadres, en effet le concurrence est rude, chacun y va de sa méthode, le permis à points au Canada, la Nouvelle Zélande et l’Australie, la carte verte aux Etats-Unis, la carte bleue en Union européenne et enfin la carte compétences et talents en France (depuis 2007).42
Le terme fuite des cerveaux, en anglais « brain drain », a été popularisé dans les années cinquante en référence à la migration vers les Etats-Unis, de scientifiques de premier rang en provenance de pays tels que le Royaume-Uni, le Canada ou l’Union Soviétique.
Ce terme est dorénavant utilisé dans un sens beaucoup plus large qui désigne la fuite de capital humain : c’est-à-dire, les individus hautement éduqués, titulaires d’un diplôme universitaire ou équivalent des pays en voie de développement vers les pays industrialisés. Au cours deux dernières décennies, cette ampleur de fuite a atteint des proportions qualifiées de phénoménales.
Revenons sur les estimations des Nations Unies, en 1975, le nombre total de travailleurs hautement qualifiés ayant émigré des pays du sud vers ceux du nord se montait à environ 300 000 personnes pour seule la période 1961 à 1972, plus tard, moins d’une génération et le recensement américain de 1990 révélait que plus de deux millions et demi des d’immigrants hautement qualifiés originaires des pays en voie de développement résidaient aux Etats-Unis non-incluant les étudiants.
La première base de données comparative estimait alors la perte cumulée de « cerveaux » à 15% du stock d’individus hautement éduqués demeurant au pays pour l’Amérique centrale, 6% pour l’Afrique, 3% pour l’Amérique du Sud et 5% pour l’Asie (Carrington et Detragiache,1998).43
La migration agit par des voies complexes sur le développement du pays d’origine des migrants. Elle est un outil utile pour déterminer les canaux en question et le modèle des cycles migratoires (annexe 1). Le phénomène migratoire peut réduire la pauvreté et stimuler la croissance de trois manières, en agissant sur l’offre de travail, en accroissant la productivité, et par les transferts de fonds. Le bénéfice net de l’émigration est la somme de ces trois facteurs (déduction faite de leurs coûts).
L’impact que peut avoir l’émigration sur l’économie d’un pays dépend de la phase dans laquelle se trouve ce pays dans le cycle migratoire.
Ce modèle met ainsi en lumière l’hétérogénéité des effets produits, selon le pays ou la région. Le cycle compte cinq phases, à savoir la sortie, l’adaptation, la consolidation, le réseautage et le retour ; à chaque phase correspond une configuration variable d’impacts sur la croissance et la pauvreté.
La plupart des pays d’émigration passent par diverses variantes de chacune de ces phases ; cependant, l’une ou l’autre peut être sautée ou accélérée et le retour peut coïncider avec de l’immigration en provenance d’autres pays. Ces cinq phases sont brièvement explicitées dans l’interprétation de l’annexe 1.44
Intéressons-ous maintenant à l’impact de la migration des travailleurs qualifiés sur l’économie domestique. Les premières études économiques sur ce thème, qui remontent aux années soixante, notaient déjà que la perte de capital humain subie par l’économie pouvait être compensée à terme par des effets en retour sous forme d’envois de fonds, de migration- retour après acquisition de nouvelles compétences, voire “d’effets de diaspora” favorisant l’insertion du pays dans des réseaux internationaux commerciaux, scientifiques et d’affaires (Grubel et Scott, 1966 ; Johnson, 1967).
La littérature ultérieure, dans les années soixante-dix, a cependant négligé ces effets en retour pour se focaliser sur le seul impact de court terme, à savoir l’effet de fuite, nécessairement négatif du point de vue de la population restant au pays.
Cette conclusion pessimiste repose en fait sur un certain nombre d’hypothèses qu’il est utile de préciser : (i) la migration résulte d’un processus d’autosélection, (ii) la mobilité internationale du travail est parfaite et il n’y a pas d’incertitude sur les perspectives de migration future, et enfin, comme nous venons de l’indiquer, (iii) il y a déconnexion totale entre les émigrants et leur pays d’origine une fois que ceux-ci ont émigré (pas d’effet de diaspora, de migration-retour ou d’envois de fonds).
Dans de telles conditions, il est clair que l’émigration de travailleurs qualifiés ne peut que réduire le stock de capital humain de long terme (ou la proportion d’éduqués dans la population adulte résidente).
Comme le soulignent de nombreux rapports internationaux (par exemple, OCDE, 2000 ; OIT, 2002), les conditions d’admission des immigrés sont récemment devenues plus restrictives dans la plupart des pays d’accueil. D’une part, des procédures de sélection qualitative ont été mises en place ; et d’autre part, de nouveaux programmes visant à attirer une main-d’œuvre éduquée et qualifiée sur une base temporaire ont également été introduits.
Afin de rendre compte de ces évolutions, supposons que les candidats à l’immigration ne soient désormais autorisés à rester dans le pays d’accueil qu’une fraction ? de la seconde période.
Le fait de substituer des visas permanents à des visas temporaires renforce les mécanismes d’autosélection parmi les migrants : avec un rendement espéré de l’éducation plus faible qu’en cas de migration définitive, on s’attend à ce qu’un nombre réduit d’individus investisse en éducation et que seuls les individus appartenant à la frange supérieure de la distribution des aptitudes trouvent bénéfique de s’éduquer.
Dans la réalité, la mobilité internationale des travailleurs n’est pas libre. Les pays d’accueil imposent des restrictions à l’immigration sur la base de critères nationaux ou personnels tels que la maîtrise de la langue du pays d’accueil, le niveau d’éducation, ou la présence de proches déjà sur place.
Dans le cas des migrants qualifiés, ce sera souvent aux employeurs de faire la preuve que le candidat à l’immigration vient pallier une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Dans certains pays comme le Canada ou l’Australie, un système par points vise à évaluer la contribution potentielle du migrant à l’économie. Tout ceci rend la perspective de migration particulièrement incertaine : à tous les stades du processus de migration, il y a une certaine probabilité que le projet de migration doive être repoussé ou abandonné.
Les individus qui s’engagent dans des investissements éducatifs avec une perspective de migration en tête ont à tenir compte de cette incertitude ; paradoxalement, comme dans le cas de la migration temporaire, une telle incertitude ouvre la possibilité d’un gain net pour le pays d’origine.
Les conditions exactes requises pour que cette possibilité se matérialise ont fait l’objet de nombreuses contributions théoriques (Mountford, 1997 ; Stark et al., 1998 ; Vidal, 1998 ; Docquier et Rapoport, 1999 ; Beine et al., 2001).45
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37 Global Migration Group. LA MIGRATION ET LES JEUNES : DEFIS ET OPPORTUNITES. P.5-7
38 ADERANTI ADEPOJU, Human Resources Development Center, Nigeria. La migration des personnes hautement qualifiées : équilibrer les intérêts et les responsabilités et lutter contre la fuite des cerveaux. Fondation Roi Baudouin – Global Forum on Migration & Development (GFMD), Civil Society Day.
39 Musée de l’Histoire de l’Immigration. Les travailleurs immigrés sont-ils qualifiés ? Un marché du travail en pleine évolution.
40 ADERANTI ADEPOJU, Human Resources Development Center, Nigeria. La migration des personnes hautement qualifiées : équilibrer les intérêts et les responsabilités et lutter contre la fuite des cerveaux. Fondation Roi Baudouin – Global Forum on Migration & Development (GFMD), Civil Society Day.
41 Saïd MOHAMED. Le soleil des fous, 2001. Hommes & Migrations | 2002, P.133-135
42 Musée de l’Histoire de l’Immigration. Que signifie l’expressions « fuite des cerveaux » ?
43 Frédéric Docquier, Hillel Rapoport. Migration du travail qualifié et formation de capital humain dans les pays en développement : un modèle stylisé et une revue de la littérature récente. Économie internationale 2005/4 (no 104), pages 5 à 26
44 Denis Drechsler et Jason Gagnon. Les migrations, une source de développement à exploiter. Annuaire suisse de politique et de développement. Migration et développement : un mariage arrangé. P.73-89 | 2008
45 Frédéric Docquier, Hillel Rapoport. Migration du travail qualifié et formation de capital humain dans les pays en développement : un modèle stylisé et une revue de la littérature récente. Économie internationale 2005/4 (no 104), pages 5 à 26
Conclusion
Après avoir analysé les différents grands axes de l’immigration et l’émigration dans le monde, en Afrique, plus précisément en Afrique subsaharienne, tout en prenant le Niger comme modèle, et avoir démontré l’impact de cette migration régulière ou irrégulière sur l’économie, la population et les pays, tout en montrant le rôle de chacun des acteurs sociales dans ce débat mondial, qui rentre bien entendu dans la nouvelle politique de mondialisation ; que pourrait être alors l’espoir que nous voyons dans la migration ?
Sur la planète terre, nous trouvons plus de six milliards d’êtres-humains vivants, seuls 150 millions sont dénombrés par les Nations Unis comme inscrits dans un processus migratoire ; ces migrants sont classifiés en plusieurs profils tels que : les migrants économiques, les regroupements familiaux, cerveaux, experts ou encore les étudiants et les personnes déplacés et réfugiés. En réalité, le chiffre demeure assez faible au regard des inégalités de développement, des génocides, des crises politiques, des fractures socio-culturelles qui divisent le monde et des catastrophes écologiques.
Tandis que la visibilité de cette mobilité mondialisée depuis la fin des années quatre-vingt, tout en touchant des profils de population beaucoup plus diversifiés, ainsi que l’image médiatisée de l’Eldorado occidental sont la principale cause de deux tendances peuvent être classifiées comme contradictoires :
A la fois le renforcement de la fermeture des frontières des pays d’immigration les plus convoités ; Et la pression de l’imaginaire migratoire qui incite à les franchir dans l’espoir d’un horizon meilleur.
L’utopie de la libre circulation généralisée d’un côté pour le citoyen du monde suggérée par Emmanuel Kant (le droit de quitter un pays, y compris le sien, énoncé par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme en 1948), les prolégomènes d’un droit de migrer énoncé par le droit d’asile, par les revendications des sans papier, l’affirmation d’une citoyenneté de résidence soutenue par les églises et les associations de défense de Droits de l’Homme, les avancées de la libre circulation communautaire ; de l’autre, une crispation réciproque entre l’obsession de l’immigration clandestine et l’envie de bouger.
La « mode de l’immigration », oui, c’est comme ça que nous pouvons l’appeler, en entre autres, elle est induite par les conditions d’accueil espérées, telles que l’accès au travail, aux biens de consommation, aux garanties démocratiques, à l’Etat-providence, à la culture occidentale, à la réalisation individuelle, plutôt que forcée par le contexte de départ. Ce ne sont pas les plus pauvres qui migrent comme il semble avoir fait passer le facteur d’attraction avant le facteur d’expulsion tout en gardant la différence de l’ère des migrations de masse.
Enfin, Il est clair et net que les seules raisons qui soient politiques et économiques, ne suffisent pas pour rendre compte des motivations des migrants pour quitter leur terre natale, les aspirations culturelles, les besoins et les espoirs de liberté, les logiques diasporiques se conjuguent pour substituer un faisceau d’explications à un jeu unique de raison du départ. C’est pour ça, après avoir brossé un état de lieu, les attentes des migrants, surtout en Europe, nous nous pencherons sur les tendances de cet irrésistible attrait de la mobilité, en quête d’une démocratisation des frontières.