Chapitre IV :

Brève présentation de Canaan

Brève présentation de Canaan

Dans ce chapitre, nous nous proposons de présenter le lieu de circonscription de notre étude suivant certains aspects.

Evolution spatio-temporelle de Canaan

Canaan est situé à l’extrême nord et à 18 kilomètres du site historique de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. Dans le temps, cette localité était un lieu de pèlerinage et de prière pour des chrétiens (Joseph, 2014 :130). Dans les années 40, le sol de cette zone permettait de cultiver le sisal et la canne à sucre.

Par le décret du 17 mars 1971, elle fut déclarée d’utilité publique et réservée à l’aménagement d’une aire touristique, sans pour autant être matérialisé. D’amples firmes ont eu la velléité d’y lancer des projets d’aménagement habitationnel et industriel vers la fin des années 90.

Immédiatement après le séisme du 12 janvier 2010, cette zone permettait de répondre au problème des sans-abris car 105 000 logements ont été totalement détruits et 208 000 engommagés (Etienne, 2018 : 21). Au soir du séisme du 12 janvier 2010, la population de la Plaine du Cul de sac s’est déplacée vers les hauteurs de cette zone par crainte d’un tsunami. Elle a été déclarée d’utilité publique par l’arrêté du 22 mars 2010.

Délimiter le territoire de Canaan est une tâche ardue. Ses limites sont relativement floues. Entre 2010 à 2015, avant l’arrivée d’une coalition de bailleurs et d’ONG et le découpage plus fin en quartiers, le territoire de Canaan comptait cinq (5) zones officieuses qui s’étirent d’est en ouest. Il s’agit d’Onaville, Corail, Cesselesse, Jérusalem, Canaan et Saint-Christophe.

L’arrêté présidentiel de décembre 2012 contribuait à réduire l’empreinte de la zone d’utilité publique. Elle concerne à présent que 3 des 5 zones, et une partie d’Onaville et de Saint-Christophe. Son territoire couvre à présent une superficie de 33 kilomètres carré environ (Lizzaralde, 2018).

Celui-ci s’étend d’est en ouest sur 12 km le long et au nord des axes routiers RN3 et RN1. Une limite naturelle borne le site de Canaan au nord : il s’agit de la chaine des Matheux (Pierre, 2013). Au sud-est, la route nationale numéro constitue la limite, à l’ouest c’est la baie de Port-au-Prince

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Figure 1. Les nouveaux quartiers au nord de Port-au-Prince après le Séisme du 12 janvier 2010
Source : Michelet Clerveau, 2016

Cette carte de 2016 donne une idée de l’évolution de la tâche urbaine de 2004 à 2016 au nord de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. On peut tout a fait remarquer dans la zone nord du site de Canaan la chaine des Matheux.

La période allant de 2010 à 2013 est celle, où la tache urbaine s’est étendue considérablement. Cette situation est liée principalement au séisme 12 janvier 2010, à cette décision gouvernementale déclarant la zone d’utilité publique.

Le territoire de Canaan : accessibilité et description géophysique

Nous rappelons que le site de Canaan se retrouve au nord de Port-au-Prince au-delà de la Plaine du Cul de Sac entre 18˚ latitude nord et 72˚ longitude ouest. Une part essentielle du territoire de Canaan est partagée par la commune de Croix des Bouquets. Il est aussi à cheval également sur la commune de Thomazeau et celle de Cabaret.

En ce qui a trait à la constitution géologique, il convient de relater les propos de Pierre James (2013 : 25) :

Les sols de la zone de Canaan proviennent de sédiments calcaires et d’alluvions. Ce substratum est le résultat des différents versants qui terminent leurs courses dans les parties basses des montagnes. Les carbonates de calcium(CaCO3) sont en quantité considérable, ce qui nous permet d’avancer sans exagération aucune que, c’est cette karstification intense qui augmente le niveau de la sécheresse et de l’aridité très marquées de la zone ; sans négliger la guerre menées par les habitants contre la pauvre couverture végétale de la zone pour pallier le problème foncier qui est un délicat cas sur le site de Canaan depuis sa gestation.

Les pratiques culturales dans la zone ne sont pas, en effet, de nature à maintenir la fertilité des sols, qualité essentielle pour la production. L’usage abusif de la terre sans apport de matières organiques et chimiques, contribue à une réduction considérable de sa capacité à produire des récoltes abondantes et à rentabiliser les investissements.

Des exploitations des carrières situées en montagne provoquent également dans la zone l’érosion accélérée des bassins versants et modifient la morphologie des sols. Cela entraine une déstabilisation des pentes, la création de porte faux et le déplacement des terres sous les gisements d’arbres de la zone.

L’exploitation de grandes surfaces nues provoque des régimes torrentiels qui réduisent l’infiltration d’eau vers les nappes. La plupart des versants, sont entièrement déboisés et mis en construction et en culture ; ils deviennent donc sujets à une érosion vigoureuse qui s’intensifie en quotidienneté et de manière générale et généralisée. Ce qui entraine incontestablement une perte considérable en terre et une production exponentielle de sédiments. Sans faire de conclusion précipitée, le « pays » de Canaan c’est une zone très vulnérable aux différents risques naturels et anthropiques.

Cette zone semi désertique en raison du climat sec et sa couverture végétale très dispersée est confrontée à trois risques environnementaux naturels majeurs. Ce sont les risques liés à l’irrégularité des débits d’eau de surface et un manque de disponibilité d’eau de qualité, les risques sismiques et les risques d’éboulement et de déferlement des résidus friables.

Carte archéologique de Canaan montrant l'évolution territoriale entre 2010 et 2020 » alt= »Localisation de Canaan en périphérie de l’Aire métropolitaine de Port-au-Prince »>
Figure 2. Localisation de Canaan en périphérie de l’Aire métropolitaine de Port-au-Prince
Source : Carte de Open street Map adaptée par Petter et al., 2018

Cette carte montre la localisation du site d’étude au regard de l’aire métropolitaine. Elle se rapproche davantage du site historique de la commune de Cabaret.

Données démographiques

Selon l’UCLBP, le territoire presqu’inhabité de Canaan avant 2010 compte une population de 250 00 personnes en 2015. La zone de peuplement de Canaan s’étend actuellement d’Onaville jusqu’aux confins du village pécheurs au nord et même au-delà.

Une enquête de 2016 de la Croix- Rouge réalisée auprès de 1 847 ménages estime que 94% des Cananéens proviennent des huit communes de l’arrondissement de Port-au-Prince et de des zones urbanise de la Croix des Bouquets qui compose l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. Parmi les 6% de migrants externes, certains viennent d’aussi loin que le Cap-Haitien, les iles de la Gonâve et de la Tortue et de Saint- Domingue en République Dominicaine (Peter et al., 2018 : 200).

Cette enquête (2016) de la Croix-Rouge fait mention de la plus ancienne population (3 à 6 ans) qui est de l’ordre de 36% ; les pionniers (plus de 6 ans) sont estimés à près de 13% ; les derniers venus sont de 28% (moins de 6 mois).

La croissance annuelle de la population de Canaan est de 6%. Selon Onu-habitat elle peut avoisiner 446 6000 vers 2035 (2016, cité par Petter et al. 2018 : 2010).

Carte de l'évolution territoriale de Canaan entre 2010 et 2020 » alt= »La superficie de la zone habitée de Canaan en 2018″>
Figure 3. La superficie de la zone habitée de Canaan en 2018
Source: open street map ; Univ munich, 2018

La question foncière et le mode d’occupation du sol

A Canaan, le foncier n’est pas régularisé. La pression foncière y est omniprésente et grandissante. La disponibilité d’une concession publique et la présence de l’aide humanitaire ont agi comme un aimant pour des milliers de personnes fuyant à l’origine camps surpeuplés et bidonvilles de la capitale en quête de meilleures conditions de vie et de propriété terrienne. Elles ont été suivies d’une vague de spéculateurs fonciers flairant la valorisation du sol.

Deux (2) formes de conquête du territoire se sont succédé dans le temps. Anne Marie Petter (2018 : 205) a pris bien soin de les présenter et nous les rapportons :

D’abord l’invasion ou le squat par des individus venus seuls ou en groupes de voisinage s’appropriant des parcelles d’une taille conséquente aux besoins de chacun de leur ménage. Pour éviter le vol du terrain, les familles sécurisaient la parcelle à l’aide d’une enceinte de pierre ou avec des clôtures rudimentaires, mais le plus important était d’ériger rapidement un abri et d’occuper physiquement la propriété.

Ont ensuite suivi les invasions dites « pirates ». Avant même l’arrêté officiel déclarant la zone d’utilité publique, ceux qui eurent la chance d’avoir des « entrées » au Palais National et vent de cet arrêté se sont approprié de vastes territoires seuls ou regroupés en organisations communautaires.

Ils ont tracé routes et parcellaire, celui-ci vendu entre 2 500 et 5 000 gourdes (35,80 € à 71,60 actuels) dépendamment de la zone, et ce parfois plusieurs fois si les parcelles n’étaient pas sécurisées et occupées rapidement.

Vosh Dathus (2013) a évoqué par rapport au mode d’accès au foncier à Canaan une fabrication de la propriété par le bas.

Par ailleurs, l’auto-construction et le lotissement prédominent comme mode d’occupation du territoire. Les habitations sont localisées dans des parcelles généralement plus grandes que celles des quartiers précaires de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince. Les parcelles ne sont pas systématiquement contiguës. Il en résulte un espace résidentiel dispersé en contraste avec la majorité des espaces urbanisés de l’aire métropolitaine (Paul, 2018).

A distance, Canaan est semblable à une vaste étendue de terre non définie, chargé de constructions manifestement anarchiques. En vertu de nos séances d’observations réalisées dans la zone nous avons vu que quel que soit le numéro de Canaan considéré (1, 2, 3, 4, 5, 6) on observe des maisons construites, en bois (chèltè), en bloc, de toitures en tôle, et en béton armé, l’ensemble sont des maisons individuelles. On observe également des logements constitués uniquement de tôle dans les hauteurs, particulièrement dans la zone de Bellevue qui ne porte pas bien son nom.

En poursuivant les observations, à mesure qu’on se rapproche, Canaan se présente comme une agglomération en pleine expansion.

Carte illustrant l'évolution spatio-temporelle de Canaan entre 2010 et 2020 » alt= »Lotissement à Canaan »>
Figure 4. Lotissement à Canaan
Source : Wilguens PHARIUS/18-03-2021

A Canaan, les terrains sont morcelés en plusieurs parcelles. Le lotissement est une opération foncière, impliquant le plus souvent l’habitat individuel. Celui-ci prédomine à l’échelle mondiale dans les contextes marqués par l’étalement urbain.

Activités économiques

A Canaan, il est à remarquer depuis son urbanisation accélérée le développement d’une économie locale de produits et services de subsistance. Se côtoient marchés, petits commerces de produits variés comme des boissons gazeuses et alcoolisées, (boutiques de pèpè (fripe), des points de vente de clairins artisanales, des kiosques d’eau et de loto, des banques de borlettes (lotterie), des bric à brac (maisons d’affaires), des quincaillerie, salons de beauté, restaurants et même des hôtels, aux vives couleurs haïtiennes traditionnelles.

Carte illustrant l'évolution spatio-temporelle de Canaan entre 2010 et 2020 » alt= »Banque de borlette (lotterie) »>
Figure 5. Banque de borlette (lotterie)
Source : Wilguens Pharius/8-3-2021

Pour répondre à ses besoins, on est aussi chauffeur de moto taxi. Mais le plus important moteur économique de la zone est la vigoureuse industrie de la construction qui s’y active sans relâche encore aujourd’hui. Mais aussi, il y a le port Lafiteau à quelques mètres de Canaan qui peut disposer d’un fort pouvoir d’attraction.

Carte archéologique de Canaan montrant l'évolution territoriale entre 2010 et 2020. » alt= »Vue aérienne du port Lafiteau Global »>
Figure 6. Vue aérienne du port Lafiteau Global
Source : Haïti Press Network

Inauguré en 2015 il s’agit du seul port susceptible d’accueillir les grands navires Panamax du Canal de Panama. Les Panamax – pour Panama maximum – désignent les cargos de très grandes dimensions qui puissent franchir le canal du Panama en pleine charge. Ce sont des navires de 294 mètres de longueur et de 32 mètres de largeur. Les Panamax peuvent transporter 12 à 13 containers de front.

Le port Lafiteau s’étend sur 12,5 mètres de tirant d’eau et devra atteindre jusqu’à 900 mètres de poste d’amarrage à la fin du projet. Il s’agit du port le plus profond d’Haïti. Le projet a prévu également un quai de 260 000 mètres carrés. Les promoteurs ont projeté d’y investir un montant d’environ 65 millions de dollars américains. A nos jours, les retombées positives de ce port sur la zone tardent à se montrer.

Pour citer ce mémoire et trouver toutes ses pages
Université 🏫: Université d'État d'Haïti - École normale supérieure - Département des Sciences Sociales/Géographie
Auteur·trice·s 🎓:
Wilguens PHARIUS

Wilguens PHARIUS
Année de soutenance 📅: En vue de l’obtention du Diplôme d’Etudes Normales en Sciences Sociales/Géographie - 2021
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