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Le développement durable du transport combiné rail-route en Europe

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🏫 Université Paris 1 Panthéon – Sorbonne
📅 Mémoire de fin de cycle en vue de l'obtention du diplôme de Master 2 Professionnel - 2009-2010
🎓 Auteur·trice·s
Anna Rollier
Anna Rollier

Le développement durable du rail-route est crucial pour optimiser le transport multimodal en Europe. Cet article analyse les avantages et défis du transport combiné rail-route, en se concentrant sur des initiatives comme celle de Geodis et les obstacles à surmonter pour une transition efficace.


3. Le transport multimodal allie les avantages du transport route avec ceux du transport ferroviaire

Avant d’analyser tous les avantages du TC rail-route, nous allons nous intéresser au cas Geodis, à sa volonté d’intégrer le rail/multimodal dans son offre globale, d’un point de vu pilotage de flux, des coûts et des systèmes d’information. Cette initiative s’est faite quelques temps après le rachat du groupe par la SNCF. Nous avons interrogé certains responsables1 et ces entretiens nous ont permis de comprendre quelles étaient les motivations d’une telle proposition de service.

ÉTUDE DE CAS : GEODIS

Cet encadré est une synthèse des réponses que nous avons obtenues, montrant très clairement que l’offre proposée par Geodis répond à une évolution toute naturelle.

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Une concurrence accrue

La concurrence est de plus en plus importante pour Geodis. Elle est présente au niveau national, mais aussi européen. Son principal concurrent en France est TAB. Même s’il est moins important que le groupe Geodis BM, TAB reste un concurrent sérieux qui oblige Geodis à évoluer, s’il veut, en toute logique, rester numéro un sur le marché français. Les principaux concurrents européens sont DB Schenker, qui détient « plus de maturité et d’expertise que Geodis »2, et Ewals Cargo Care, un groupe hollandais.

Il s’agit donc pour Geodis de répondre à deux objectifs : réduire l’empreinte carbone des moyens de transport utilisés, et ne pas subir l’engorgement des routes. Selon le Vice Président de Geodis Wilson3, l’Europe est dans une situation où personne n’a d’autres choix que de développer une offre ferroviaire fiable pour limiter les engorgements des routes et pour favoriser le développement durable. Il est d’ailleurs évident que la pression fiscale sur les émissions de CO2 est de plus en plus forte : taxes carbone, péages routiers… Mais nous allons voir que, sur le point du développement durable, ce sont surtout les clients qui impulsent le mouvement.

Des appels d’offres (AO) qui évoluent

Dans les AO, les clients ajoutent des contraintes précises aux solutions à mettre en place pour satisfaire leur demande. Ils informent qu’une proposition qui irait dans le cadre de l’amélioration de la chaîne, en termes de développement durable, sera prise en considération. Sans, qu’au final, les tarifs soient augmentés, d’où la difficulté pour Geodis… De manière générale, la proportion des AO que reçoit Geodis Wilson faisant au moins une référence au développement durable, oscille entre 5% et 10%, mais ces chiffres sont en très forte croissance4. Tetrapack par exemple refuse certains camions ne respectant pas leur cahier des charges, et privilégie le TC.

Avantage en termes de coûts

Le multimodal est une solution d’avenir, pour toutes les raisons précédentes, mais également d’un point de vue économique et social, qui sont, comme nous l’avons vu, les deux autres piliers de la notion de développement durable. En effet le multimodal permet une baisse de la consommation de pétrole, de réaliser une massification des volumes de marchandises transportées et entraîne une réduction des coûts.

Selon le responsable multimodal de Geodis BM, le rail en lui-même est un moyen de transport fiable : les problèmes actuels sont la conséquence de la mauvaise gestion des terminaux, qui ne sont pas gérés comme des plates-formes logistiques, ni comme des centres de profits, alors qu’ils le devraient. En effet les coûts d’immobilisation sont très importants, l’optimisation des créneaux est mauvaise et des moyens de manutention inadaptés. L’enjeu serait d’améliorer la qualité, la visibilité et la productivité des terminaux5. Donc, actuellement, le problème avec le rail/multimodal c’est la qualité du dernier kilomètre, avec en priorité le respect des délais, car de manière générale le transport ferroviaire sur les longues distances est régulier.

3.1. Répondre aux problématiques du développement durable

Le TC, en limitant la consommation de carburants dont les prix ne cessent d’augmenter, permet une baisse du coût du transport, c’est que nous verrons dans un premier temps.

Doté d’une efficacité énergétique jusqu’à cinq fois supérieure à celle du transport routier, le TC rail-route permet ensuite de réduire les émissions de gaz à effet de serre, et ainsi de répondre aux exigences du développement durable, et aux futures normes d’émissions de CO2.

Le TC réduit l’encombrement des réseaux routiers et permet de répondre aux attentes des entreprises, c’est ce que nous verrons enfin.

3.2. Le TC rail-route : baisse des coûts de transport

3.2.1. Hausse du prix du pétrole

Le prix du carburant représente 25% du coût du transport, une somme non négligeable, surtout sur les longues distances. Plus le prix du baril du pétrole augmente, plus bien sûr, cette proportion augmente. Les graphiques suivants montrent l’évolution du prix du pétrole des carburants, de Janvier 2005 à Avril 2010.

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Source : http://www.insee.fr/fr/indicateurs/indic_conj/donnees/petrole.pdf

Graphique 5

Prix du pétrole (Brent, prix spot à Rotterdam) – 9 juin 2009 – n° 157 ©INSEE 20096

Graphiques 6

Evolution du prix des carburants et du pétrole – source :

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Source : http://www.zagaz.com/stats.php

Les précédents graphiques font ainsi apparaître trois phases :

  • en 2005 les entreprises européennes ont commencé à ressentir la hausse du prix du pétrole, hausse qui n’a cessé de s’accentuer jusqu’en août 2008. Les entreprises ont donc été obligées de remettre en cause leurs stratégies de distribution, et d’optimiser leurs flux, en les massifiant, en pratiquant une meilleure gestion des tournées, des chargements, en envisageant le transport combiné pour limiter le « tout routier », voire même, en envisageant d’autres énergies que le pétrole.
  • puis en août 2008 le prix du carburant a subitement chuté, signe d’une baisse d’activité brutale et du ralentissement de la demande mondiale. Les courbes d’offre et de demande se sont déplacées : on a observé un excédent de quantité offerte par rapport à la nouvelle quantité demandée, et cette abondance temporaire de pétrole a fait baisser son prix. Pour endiguer cette chute, l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) a réduit son offre pour raréfier le pétrole. Les industriels ont dû revoir tous leurs schémas de transport et renégocier leurs contrats à la baisse ; et les prestataires du transport européen ont alors réduit leurs capacités.

Nous avons vu, dans un premier temps, que face à la hausse du prix du pétrole les industriels ont commencé à optimiser leurs flux et à envisager d’autres modes que le mode routier, pour réduire les coûts du transport. La baisse du prix du pétrole qui a eu lieu ensuite n’a pas, comme nous pourrions le croire, totalement inversé cette tendance d’optimisation des flux. En effet, même si cette baisse a profité au transport routier, les industriels ont été contraints de réduire leurs dépenses de manière drastique, ce que ne permettait pas le transport routier, surtout pour certains types de marchandises et de flux7.

Donc face au manque de moyens financiers et à la crise – le ralentissement de la production industrielle a réduit de 25% le trafic des marchandises8 – les industriels ont été contraints d’aller encore plus loin dans leur logique d’optimisation des flux de marchandises, que ce soit en les massifiant, en les organisant, et en envisageant des moyens de transport plus intéressants.

De plus les professionnels ont globalement prévu juste : un environnement inflationniste et la hausse du prix du pétrole. Ces anticipations ont influencé les stratégies des entreprises9.

  • depuis le début de l’année 2009, le prix du pétrole augmente à nouveau : les raisons sont multiples et concernent des aspects politiques, financiers et économiques10. Elles concernent également, et surtout, des aspects fondamentaux et classiques d’offre et de demande : l’offre est limitée par les réserves mondiales qui diminuent, et par un phénomène de consommation qui croît plus rapidement que les nouvelles découvertes11. Même si cette augmentation des prix a été compensée partiellement « par le raffermissement de l’euro par rapport au dollar », comme le souligne le président de l’ Union française des industries pétrolières (UFIP)12, elle amène les entreprises à imaginer des modes de transport moins coûteux sur le long terme, tout comme l’utilisation de carburants alternatifs non soumis à cette fluctuation ; ou comme, en ce qui nous concerne, l’utilisation du transport ferroviaire qui, de surcroît, va dans le sens d’une meilleure qualité environnementale.
3.2.2. Les autres facteurs de baisse des coûts

Le transport combiné réduit la consommation de carburant, puisque le parcours routier se fait sur de courtes distances et, nous l’avons vu, la part du carburant dans le coût de transport est relativement importante. D’autre part, le transport routier impose d’autres coûts, que le transport ferroviaire permet également d’éviter : notamment la rémunération du personnel roulant, surtout pour des longues distances, et le prix des péages autoroutiers.

Par ailleurs, les contraintes sur le transport de nuit sont importantes, et ce dernier est limité. Un chauffeur routier réalisant un trajet de plusieurs jours devra prendre ces heures de repos dans la journée, et stopper son véhicule pendant la nuit. Ces plages horaires non utilisées pourraient s’apparenter à des coûts d’opportunité. Alors que les trains, eux, ont des horaires plus étendus, et sans surcoûts.

Nous pouvons ainsi remarquer que le transport combiné permet de réaliser des économies d’échelle : pour un parcours, les quantités transportées sont plus importantes, alors que les coûts liés ne le sont pas. Les transporteurs routiers peuvent diminuer leurs coûts variables (carburants et les pneumatiques…). Disons, en raisonnant simplement, qu’un seul train peut transporter des dizaines de conteneurs, alors que ces dizaines de conteneurs auraient été transportés par des dizaines de camions conduits par des dizaines de chauffeurs, avec tous les coûts attachés à ce mode de transport. Bien entendu, le TC rail-route nécessite des opérations et des infrastructures supplémentaires (grues, terminaux…), mais le retour sur investissement de ces infrastructures sont rapides, notamment parce que les quantités transportées sont très importantes.

Un dernier coût que nous n’avons pas encore évoqué concerne les taxations des émissions de CO2. Ces dernières ne s’appliquent pas encore au TRM, mais nous verrons un peu plus loin, que dans un futur proche des mesures vont être prises à leur sujet.

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1 C’est d’ailleurs la mission qui a été confiée à Mme M. VILLARROEL, de chez Geodis Global Solution, qui m’a d’ailleurs permis d’assister à certaines de ces réunions.

2 Propos recueillis lors de l’entretien de Patrick B********, Directeur multimodal chez Geodis BM, le 12/11/2009 – Cf. Annexe.

3 Propos recueillis lors de l’entretien de J-P E*******, Senior Vice président chez Geodis Wilson, le 13/11/2009 – Cf. Annexe.

4 Propos recueillis lors de l’entretien de J-P E*******, Senior Vice président chez Geodis Wilson, le 13/11/2009 – Cf. Annexes.

5 Cf. Partie III.1.

6 http://www.insee.fr/fr/indicateurs/indic_conj/donnees/petrole.pdf.

7 Cf. partie I. -2.3. Quand est-ce que le transport rail/route est intéressant ?.

8 http://www.rue89.com/passage-a-lacte/2009/12/16/et-si-route-et-rail-faisaient-bon-menage-130295.

9 François Béguin, Compte rendu « Le prix du pétrole devrait augmenter à partir de fin 2009 » LEMONDE.FR | 10.12.08 – http://www.lemonde.fr/economie/article/2008/12/10/le-prix-du-petrole-devrait-augmenter-a-partir-de-fin-2009_1129410_3234.html.

10 Avec l’anticipation de la reprise économique en Asie, en Chine notamment.

11 La hausse des prix à la pompe devrait se poursuivre, L’Expansion.com avec AFP – 09/06/2009 http://www.lexpansion.com/economie/actualite-economique/la-hausse-des-prix-a-la-pompe-devrait-se-poursuivre_182923.html.

12 Ibid.

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