Vers une tentative de délimitation de l’Aire métropolitaine de Port-au-Prince
Région métropolitaine, aire métropolitaine et zone métropolitaine désignant le territoire de la ville métropole et sa périphérie sont des termes difficiles à saisir de manière claire notamment dans leur délimitation. Dans le cas de l’agglomération urbaine de Port-au-Prince, n’importe qui peut accuser des difficultés à la délimiter. Jean Goulet et al. (2018: 294) a abondé en ce sens :
Le visiteur qui débarque à Port-au-Prince ne fait pas de différence entre la commune elle-même, définie par ses frontières institutionnelles, et l’espace urbanisé qui s’exprime par une occupation continue et ininterrompue de bâtiments et aménagements urbains (trame urbaine sans discontinuité). Même parmi les résidents de longue date du grand Port-au-Prince, bien peu savent à quel moment ou à quel endroit précis dans leur parcours quotidien ou occasionnel, ils franchissent les frontières de Delmas pour entrer dans Pétion-Ville, par exemple. Les frontières ne sont que politico- administratives et n’intéressent, finalement, que les institutions qui sont confinées à l’intérieur de celles-ci par leurs mandats. Il existe toutefois des frontières identitaires propres aux centaines de quartiers dans les communes de l’aire métropolitaine, frontières qui sont bien connues de la part des populations qui y résident.
Dans cette partie, nous espérons clarifier le sens de la notion d’aire métropolitaine de Port-au- Prince – le terme dont nous avons retenu – et l’étendue qu’elle couvre dans le cadre de ce travail.
En effet, en raison de l’expansion accélérée de la tâche urbaine de Port-au-Prince marquée par un bâti non discontinu dont les racines historiques remontent à 1915, la définition de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince correspondant au huit communes11 de l’arrondissement de Port- au-Prince perdent son sens.
De Léogâne à l’ouest jusqu’à Croix des Bouquets, Thomazeau, Cabaret vers le nord-est se développe actuellement à un rythme accéléré un territoire urbain dense de plus en plus étendu, à dominante d’habitat résidentiel informel sans étage dans un contexte de grande vulnérabilité environnementale : naturelle et anthropique (Paul. 2016). Son expansion récente concerne trois (3) zones qui font face à de graves problèmes d’étalement urbain rapide et non planifiés par les pouvoirs publics :
11 Il s’agit de la définition traditionnelle et institutionnelle de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince (Goulet et al.,2018 :319). Les huit communes sont Port-au-Prince, Pétion-Ville, Delmas, Cité-Soleil, Tabarre, Carrefour, Gressier, Kenscoff. Elle est institutionnelle dans la mesure où la constitution de 1987 a prévu l’arrondissement comme une division administrative.
- La zone nord-est : dans l’arrondissement de Croix-des-Bouquets: les communes de Croix- des Bouquets, de Thomazeau et de Ganthier et dans l’arrondissement d’Arcahaie, la commune de Cabaret.
- La zone ouest : dans l’arrondissement de Port-au-Prince, la commune de Gressier et dans l’arrondissement de Léogâne, la commune de Léogâne.
- La zone sud : dans l’arrondissement de Port-au-Prince, les communes de Pétion-Ville et Kenscoff.
Ainsi, notre définition de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince s’inspire des travaux de Jean Goulet et al. Elle prend en compte la force des liens économiques et l’extension de la zone d’influence du grand Port-au-Prince.
Alors l’aire métropolitaine de Port-au-Prince déborde très largement les limites des huit communes traditionnelles de l’arrondissement de Port-au Prince que sont Port-au-Prince, Pétion-Ville, Delmas, Cité-Soleil, Tabarre, Carrefour, Gressier, Kenscoff. Plus encore, elle s’étend depuis Léogâne à l’ouest jusqu’aux limites de la commune de Cabaret à l’est. Elle comprend à ce titre des communes telles Croix-des- Bouquets, Ganthier et Léogâne (Goulet et al. 2018 : 294-319). A ce titre, le territoire de Canaan fait partie de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince et de ses nouvelles périphéries.
Vers le choix d’un modèle explicatif
A l’évidence, le modèle choisi doit être conforme à notre intention de recherche, c’est-à-dire celui-ci doit être à même d’objectiver la mobilité résidentielle des habitants de Canaan entre 2010 et 2020. Un tel modèle doit nous permettre de rendre compte des motivations résidentielles des Cananéens, et le cadre de vie subséquent à leur installation sur ce territoire.
Les différentes considérations des deux grandes approches de la mobilité résidentielle ne suffisent pas pour expliquer le phénomène étudié. Les perspectives déterministes et humanistes : la première d’une part banalisent le rôle des individus et avance que leurs déménagements constituent des réponses inévitables étant donné l’environnement ou les structures qui englobent et dépassent ces mêmes individus ; quant aux approches humanistes, elles considèrent que les acteurs prennent consciemment leur décision – mais n’est pas forcément rationnelle d’un point de vue économique – et disposent d’une certaine latitude dans leur choix. Elles ne nous semblent pas adapter à notre objet d’étude.
Quant aux perspectives macro- et micro-analytiques, loin de nous l’idée d’étudier les mouvements résidentiels de par le contexte dans lequel ils s’insèrent (caractéristiques physiques et socio-économiques de l’entité spatiale) ou de prendre en compte le processus de décision dans ces différents aspects.
Cela dit, nous partons du postulat selon lequel « les individus et les ménages disposent au cours de leur vie d’un minimum de liberté d’action et de lucidité dans leurs pratiques résidentielles ». C’est-à-dire le choix résidentiel peut en même temps lié à des contraintes et des aspirations du ménage. Nous réfutons l’idée que les choix résidentiels se font uniquement selon une rationalité purement économique. D’autres logiques sont à l’œuvre lors des mouvements résidentiels. Il s’agit de la thèse développée par Catherine Bonvalet et Françoise Dureau (2000 :1) et repris par Patrick Rérat (2016).
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11 Goulet, J. et al. (2018). L’aire métropolitaine de Port-au-Prince : Définition et enjeux. Port-au-Prince : Presses Universitaires.