Ce mémoire analyse la nature juridique de la commission d’indemnisation des victimes d’erreurs judiciaires, en examinant ses critères formels et matériels pour conclure qu’il s’agit d’une juridiction civile spécialisée.
Université de Ngaoundéré
Faculté des sciences juridiques et politiques
Département de droit privé
Option : Droit pénal et sciences criminelles
Mémoire en vue de l’obtention d’un Master – Recherche en droit privé
Présentation du projet
La nature juridique de la commission d’indemnisation des victimes d’erreurs judiciaires
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Bambe Djorbele
Dirigé par: Pr. Prosper Nkou Mvondo
Année académique : 2014 – 2015
RÉSUMÉ
La nature juridique de la commission d’indemnisation des victimes d’erreurs judiciaires n’est pas évidente. Elle ne peut être déterminée qu’à partir des critères juridiques bien connus. Ladite commission est alors une juridiction tant du point de vue des critères formels que matériels. Sur le plan formel, elle est une juridiction parce qu’aussi bien sa composition que la procédure à suivre devant elle, ont un caractère juridictionnel. Sur le plan matériel, le régime de ses décisions ainsi que les finalités de celles-ci indiquent qu’on est bien en présence d’une instance juridictionnelle. L’analyse des critères sus-évoqués a permis de comprendre que la commission est une juridiction judiciaire civile de première instance créée spécialement pour statuer en matières d’erreurs judiciaires ; d’où son caractère spécialisé. Mais, la réalité de sa nature juridictionnelle n’a pas empêché de constater des manquements relatifs à l’organisation et au fonctionnement de cette institution. Ce qui a permis que des suggestions soient faites en vue de contourner la paralysie de cet organe à caractère juridictionnel. Les solutions suggérées au législateur sont de deux ordres : technique et pratique. La solution théorique consiste soit à remplacer le terme « commission » pour y substituer celui de « tribunal », soit à indiquer clairement dans le texte législatif que « la commission est une juridiction ». La solution pratique quant à elle commande que les dispositions du code de procédure pénale relatives à la commission puissent profondément être revues afin que cette institution fonctionne normalement en tant que juridiction du vingt-unième siècle.
ABSTRACT
The legal nature of the commission created for compensating victims of miscarriages of justice is not obvious. Formal and practical criteria have to be examined before its determination. The analysis of both formal (the composition and the procedure before the commission) and practical (the activity of the commission and the aim of its decisions) criteria has revealed that the commission is a court. Furthermore, the study of these criteria has permitted to conclude that the commission is a civil judicial court of first instance specialized in the compensation of justice’s miscarriages. That is why it is a specialized court. In spite of the fact that it is a court, many breaches have been observed concerning the organization and the functioning of the commission. In this case, we have suggested to the legislator to do two types of improvement: technical and practical improvements. The technical suggestion consist, for the legislator, in either replacing the word « commission » by « tribunal » or indicating clearly in the law that « the commission is a court ». The practical solution has to do with the modification of the criminal procedure code clauses concerning the commission which will permit it to normally work as a court of twenty-first century.
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE : LA NATURE JURIDICTIONNELLE DE LA COMMISSION AU REGARD DES CRITÈRES FORMELS 12
CHAPITRE I : LA NATURE JURIDICTIONNELLE DE LA COMMISSION AU POINT DE VUE DE SON ORGANISATION 15
Section1 : La commission : une juridiction collégiale 15
Section2 : La commission : une juridiction indépendante 25
CHAPITRE II : LA NATURE JURIDICTIONNELLE DE LA COMMISSION AU POINT DE VUE DE SA PROCÉDURE 39
Section1 : Les règles de procédure de nature juridictionnelle 40
Section2 : Les garanties procédurales de nature juridictionnelle 53
DEUXIÈME PARTIE : LA NATURE JURIDICTIONNELLE DE LA COMMISSION AU REGARD DES CRITÈRES MATÉRIELS 66
CHAPITRE I : LE CARACTÈRE JURIDICTIONNEL DE LA COMMISSION QUANT AU RÉGIME SPÉCIFIQUE DE SES DÉCISIONS 69
Section1 : Les conditions juridictionnelles d’élaboration des décisions 70
Section2 : Les effets juridictionnels inhérents aux décisions élaborées 89
CHAPITRE II : LE CARACTÈRE JURIDICTIONNEL DE LA COMMISSION QUANT À LA FINALITÉ DE SES DÉCISIONS 103
Section1 : La résolution des litiges : première finalité juridictionnelle de la commission 103
Section2 : La garantie d’une paix sociale : seconde finalité juridictionnelle de la commission 112
CONCLUSION GÉNÉRALE 121
INTRODUCTION GÉNÉRALE
« Le législateur a moins […] le souci de la cohérence de l’ordre juridique et, partant, celui d’une certaine rigueur dans la mise en œuvre des catégories qui structurent cet ordre ».
PETIT (J.), « À propos de la théorie de la qualification : le juge et les qualifications légales » in L’office du juge, Actes du colloque organisé par le Sénat français du 29 au 30 septembre 2006, p. 157
« Il ne peut avoir une sécurité judiciaire effective, ni une bonne justice si, dans un ordre juridique donné, la nature juridique des juridictions n’est pas connue ou fait l’objet de doutes ».
NDAM (I.), « La nature juridique de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage », R.A.S.J, vol. 7, n° 1, 2010, p. 177
1. L’article 237 alinéa 1 du code de procédure pénale de la République du Cameroun1 dispose : « l’indemnité prévue à l’article 236 ci-dessus2 est allouée par décision d’une commission qui statue en premier ressort ». Une telle disposition est une innovation forte en droit pénal procédural camerounais3 tant il est vrai que les textes antérieurs4 en la matière n’avaient pas prévus une institution particulière chargée de l’indemnisation en raison d’une détention provisoire ou d’une garde à vue abusive, en dehors des juridictions de droit commun. Il est donc désormais de règle que l’indemnisation des victimes de détentions arbitraires ou de condamnations erronées doit se faire devant un organe dénommé « commission ». Comment ne pas s’étonner qu’une fonction qui était jusqu’alors juridictionnelle soit confiée non à un tribunal, mais à une « commission » ?
2. Mais qu’est-ce qu’une commission ? Le lexique des termes juridiques5 en donne plusieurs définitions. Ce terme peut renvoyer à une rémunération due à un commissionnaire, et par extension, à tout mandataire. Il peut aussi s’agir d’une mission donnée par un juge à un agent de l’autorité publique, aux fins de surveillance, de remplacement, de conservation ou de règlement d’une situation juridique. Il peut s’agir enfin de l’agrément nécessaire à l’exercice régulier de certaines fonctions. Toutefois, de telles définitions ne nous renseignent pas utilement sur les raisons ayant poussé le législateur à dénommer l’organe d’indemnisation en tant que tel. Il faut se référer au vocabulaire juridique6 pour trouver quelques pistes. Le terme commission signifie alors l’action de commettre quelqu’un, de lui confier une mission. Elle peut aussi renvoyer à un groupe de plusieurs personnes chargées (en général par une autorité) d’une même mission. Cette mission est souvent temporaire et parfois permanente ; elle est très souvent consultative et peut aussi consister à prendre une décision ou à la préparer par des moyens divers (information, étude, élaboration d’un avant-projet) ; elle est le plus souvent administrative et peut être exceptionnellement juridictionnelle.
3. Même si ces dernières définitions permettent de comprendre que c’est surtout sur la mission confiée à cette institution que le législateur voulait insister en choisissant la notion de commission, il n’en reste pas moins vrai que c’est aussi cette multitude de sens qui ne rend pas évidente la nature juridique de celle-ci. Il en est ainsi parce que la diversité définitionnelle du terme « commission » ne permet pas de ress