Le rôle des associations dans le Grand Âge en France

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Les associations et Grand Âge jouent un rôle crucial dans la prévention du vieillissement et la création de liens intergénérationnels. Cet article analyse leur impact sur la perception du vieillissement et leur complémentarité avec les services publics et privés en France.


Le Grand Âge en France et sa traduction dans le secteur associatif

Cette section explorera les enjeux du Grand Âge et le rôle des associations dans ce domaine. Cette exploration nous permettra de lever plusieurs hypothèses sur leur capacité à relever les défis du Grand Âge, la qualité de leurs services, leur influence sur le secteur privé, leur rôle d’observatoire quotidien de ce sujet.

Compréhension du Grande Âge en France

Le rapport au vieillissement en France : Enjeux et Défis

“S’il y a bien une vérité, elle est démographique”(Serge Guérin, 2021). Depuis le rapport Laroque (1962), la France sait qu’elle fera face à un enjeu démographique constant en raison de l’allongement de la durée de vie résultant des progrès médicaux, hygiéniques et sociaux (notamment liés à la Sécurité Sociale). Ce constat soulève la question des conditions de vie des aînés de 75 ans et plus, précédemment nommé “4ème âge”, en particulier en ce qui concerne la perte d’autonomie des personnes âgées, leur mobilité, leur lien social.

Pourtant soixante ans après, lors du Covid, une grande partie des français découvrent que “les plus de 75 ans représentent 6 millions de personnes” (Serge Guérin, 2021) soit 10% de la population française. Cette donnée étonne toujours. Serge Guérin admet qu’il y a une “redécouverte du Grand Âge” suite à des années de discours préventif négatif voire infantilisant à destination de ce public “attention les petits vieux fragiles”, “attention ils vont mourir”, “attention ne sortez pas, ce n’est plus de votre âge” (Serge Guérin, 2021).

Le sociologue constate un manquement politique où, lors des campagnes électorales, des annonces importantes sont faites pour traiter ce sujet, sans concrétisation significative, souvent relégué au second plan par des préoccupations jugées prioritaires. Il pointe avec humour ce désintérêt en notant l’absence de président se revendiquant « président de la vieillesse », préférant se présenter comme « président de la jeunesse » (exemplifié par François Hollande).

Cependant, la question de la longévité concerne l’ensemble des générations, comme le souligne Serge Guérin un “jeune s’est jamais qu’un futur vieux”. Ce constat renvoie à la méconnaissance du Grand Âge entretenue par la peur de vieillir, la représentation négative qu’on s’imagine du vieillissement. Celle-ci étant bien moins dynamique et bien moins

séduisante que celle de la jeunesse. Cette perception exagérée et dramatique de l’avancée en âge nuit à l’importance d’organiser et d’appliquer une stratégie de prévention optimale pour maintenir le maximum de personnes en bonne santé et actives tant physiquement que socialement, favorisant ainsi leur bien-être.

Le vieillissement suscite peu d’enthousiasme et ne rassemble pas la majorité de la population. Cependant, plutôt que de le considérer comme une charge ou un problème, il convient de le percevoir comme une opportunité pour accroître l’espérance de vie en bonne santé. Aujourd’hui cet indicateur se situe à 65 ans, avec une espérance de vie de 82 ans (moyenne des données deux sexes, Insee étude 2021 et 2022).

L’espérance de vie à énormément évolué : elle était de 46 ans en 1900, 79 ans en 2000, 81 ans en 2010. Désormais l’enjeu se concentre sur l’espérance de vie en bonne santé pour garantir l’indépendance, l’autonomie et le bien-être des personnes âgées. Celle-ci progresse dans une moindre mesure que l’espérance de vie mais enregistre une amélioration notable : 61 ans en 1995, 63 ans en 2010, 65 ans en 2020.

Notre rapport au vieillissement s’apparente à l’analogie de « l’arbre qui cache la forêt ». L’accent sur l’image négative du Grand Âge limite les améliorations possibles en raison des préjugés, alors que ce changement est bénéfique à tous, à la fois dans la perception et dans les actions.

Les associations impliquées dans le Grand Âge jouent un rôle crucial dans l’amélioration du quotidien des personnes âgées mais aussi dans le changement de cette perception. Bien qu’il n’existe pas de registre national pour estimer leur nombre, elles se différencient par leur taille, par leur expertise et leur portée géographique (nationale ou locale). Ces organismes apportent une réponse et un service concrets permettant de maintenir l’inclusion de ce public dans la société.

La France face aux conséquences du vieillissement démographique

En France, le Grand Âge est un enjeu sociétal qui ne se résume ni à la déficience ni à la dépendance ou à la dégénérescence. Il varie en fonction des réalités sociales et géographiques des territoires. En effet, “les 5% les plus riches, pour les hommes, ont 14 années de plus d’espérance à vivre que pour les 5% les plus pauvres”.

Cet enjeu nous oblige à reconsidérer notre perception de l’âge “pourquoi estimer que quelqu’un est senior à partir de 60-65 ans ?”. Aujourd’hui les individus de “60-75 ans et +” sont très différents de ceux d’il y a 30 ans1. Ils sont plus actifs et aspirent aux mêmes loisirs que les personnes perçues comme “non-senior”. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) classe la vieillesse en trois catégories : les « jeunes seniors » (60-75 ans), les « seniors » (75-90

ans) et les « grands seniors » (90 ans et plus). Cependant, le public visé ne se reconnaît pas dans cette classification et la rejette étant étroitement lié à l’image négative du vieillissement. De plus, les signes du vieillissement apparaissent plus tard dans la vie et ne sont pas nécessairement liés à un âge numérique, mais plutôt à une condition physiologique.

Considérer l’avancée en âge uniquement sous cet angle manque de pertinence et risque de stigmatiser et de cluster la société. En 2021, l’Insee confirme qu’un cinquième de la population française a plus de 65 ans. Ce constat demeure trop large pour estimer les enjeux du Grand Âge et de sa prévention.

Cette même année, l’Insee publie plusieurs prévisions montrant l’étendue de ces enjeux :

  • En 2040, 15% de la population française aura plus de 75 ans, a 2 fois plus c’était 1990.
  • En 2050, la France comptera plus de 5 millions de français de plus de 85 ans, soit 3 fois plus qu’aujourd’hui.
  • En 2050, environ 2 millions de personnes seront en perte d’autonomie soit 2 fois plus qu’aujourd’hui.

Ces chiffres posent la question de la prise en charge des futurs millions de français qui seront sans aucun doute exposés à leur avancée en âge et qui auront certainement besoin d’assistance. Selon le sénateur LR des Deux-Sèvres et Vice-Président de la Commission des affaires sociales, Philippe Mouiller, cette situation demande “une vision globale, une vraie stratégie sur la prise en charge des personnes âgées de demain”.

Cela pose aussi la question comment réadapter les outils existants, comment innover avec les acteurs de ce domaine (privé, public, associatif) pour éviter l’utilisation des mêmes outils pour lesquels on met des moyens supplémentaires sans meilleurs résultats. Florence Legros, spécialiste des retraites et du Grand Âge, déplore “un retard sur ce sujet” et l’incertitude sur l’état de santé et l’autonomie à des âges avancés, mais aussi le manque de projections des individus à ces âges avancés “80, 85, 90 ans et plus”.

Elle soulève la nécessité de penser et d’anticiper l’impact du vieillissement pour assurer une vie digne tout au long de la vie. Cela passe par une stratégie prenant en compte l’augmentation de la demande de service pour ce futur public, la formation, l’augmentation des ressources (solution et emploie) et une adéquation de l’offre avec les besoins du Grand Âge.

Le sénateur Philippe Moulier admet que ce secteur souffre d’un manque d’attractivité tant dans sa filière métier reconnue comme peu rémunératrice et sans plan de carrière évolutif que dans les solutions proposées à l’image des maisons de repos, des accueils de jour, le maintien à domicile. En 2021, les métiers du Grand Âge compte 250 300 professionnels.

Le ministère des Solidarités et de la santé estime que pour répondre aux 1,4 millions de personnes en perte d’autonomie le secteur doit recruter 350 000 nouveaux professionnels d’ici 2025.

Au-delà des enjeux liés au vieillissement de la population tels que le maintien en activité, l’assistance, la réadaptation des outils et des dispositifs, l’attractivité du secteur, la considération et l’intégration des individus se posent aussi la question des territoires et de leurs réalités. En effet, ce sujet n’impacte pas de la même manière les régions, les départements et les communes.

En 2019, le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) admet que “si la France rurale connaît le taux de vieillissement le plus élevé, c’est dans les couronnes périurbaines, les Antilles et sur les littoraux que la croissance du nombre de personnes âgées est et sera la plus forte et la plus rapide.

Le vieillissement de la population constitue ainsi un enjeu prospectif pour tous les territoires. Il interroge de nombreux pans de l’action publique (santé, mobilité, habitat, lien social, etc.) donc de nombreux acteurs, autant publics (État et différents niveaux de collectivités) que privés (entreprises, mutuelles et organismes de retraite, associations, etc.). De fait, la complexité est forte pour les territoires souhaitant s’emparer du sujet de façon transversale.

»

L’Agence du National de la Cohésion des Territoires (ANCT) et l’Observatoire des Territoires confirment au travers de cartes géographiques la vision de la CGET et documentent la migration des plus de 65 ans. Certains territoires concentrent une part plus importante des plus de 65 ans, cela suscite un effet de migration en raison de leur attractivité.

Bien que la mobilité résidentielle des plus de 65 ans soit moindre que celles de jeunes adultes, elle demeure importante et s’accroît en âge (La Caisse des Dépôts, 2022). La mobilité entre 65 et 74 ans est de moins de 3% par an et atteint presque 6% après 85 ans (Caisse des dépôts, 2022).

Ces migrations sont motivées par plusieurs logiques : d’épanouissement, de rapprochement familial, de sécurisation en se dirigeant vers un habitat plus adapté au vieillissement. Cependant en 2022, la Caisse des Dépôts soulève que les déménagements de seniors sont le résultat d’une dégradation de leur accès aux soins.

Les cartes de l’Agence du National de la Cohésion des Territoires (ANCT) et l’Observatoire des Territoires montrent une autre réalité moins réjouissante : la solitude et ses impacts. En France 33,5% des personnes de plus de 65 ans et plus vivent seules. Ce constat est visible dans une multitude de villes quel que soit leurs tailles et la part de personnes des plus 65 ans et plus présentes dans ces villes.

On note que les villes, notamment les grandes villes, avec une part peu importante de personnes ayant 65 ans et plus, enregistrent tant en nombre qu’en part le plus de personnes “de plus de 65 ans et plus” vivant seules. Il convient de rappeler que la solitude renvoie à un “état de quelqu’un qui est seul momentanément ou habituellement” (Larousse).

Selon Xavier Briffault, chercheur au CNRS, « la solitude est aussi mauvaise pour la santé que 15 cigarettes par jour »(Atlantico, 2022). Pour le pape François, la solitude est

aussi « l’une des maladies les plus répandues en Europe ». En 2021, l’association luttant contre l’isolement et la solitude des personnes âgées, prioritairement les plus démunies, Les Petits Frères de Pauvres affirme dans son rapport “Solitude et Isolement quand on a plus de 60 ans en France” que :

  • Un demi-million de personnes âgées ne rencontrent jamais ou quasiment jamais d’autres personnes (mort sociale)
  • 1,3 million de personnes âgées ne voient jamais ou quasiment jamais leurs enfants et petits-enfants
  • 3,9 millions de personnes âgées, soit une sur cinq, n’ont pas ou quasiment pas de relations amicales, contre 1,5 million en 2017.

Le rapport met en évidence une nette détérioration de l’isolement social, qui varie selon les territoires et est exacerbée par un déficit marqué de relations de qualité. Les facteurs contribuant à cette mort sociale sont la perte d’autonomie, les revenus modestes, l’absence de famille proche et l’exclusion numérique. Ces situations touchent autant les hommes que les femmes et concernent toutes les tranches d’âge, bien que l’isolement soit plus marqué chez les personnes de plus de 80 ans. Ce rapport souligne l’importance cruciale du lien social, et il est essentiel de réfléchir collectivement à des solutions pour prévenir cette situation dramatique.

En somme, les enjeux du Grand Âge en France sont de taille et nécessitent une réflexion approfondie et une action concertée de la part des pouvoirs publics, des acteurs du secteur, et de la société dans son ensemble. L’objectif est d’assurer une qualité de vie optimale aux personnes âgées tout en préservant leur autonomie et leur dignité.

Le vieillissement de la population est un défi qui dépasse de loin le problème des retraites. Ce défi ne peut être ignoré. Entre 2,7 et 3,7 millions de personnes devraient devenir dépendantes dans les années à venir. La question de la dépendance est souvent reléguée au second plan, tandis que les débats sur la réforme des retraites prennent l’avant-scène.

Pourtant, cette problématique est cruciale pour l’économie et la société française. Il est impératif de trouver des solutions adéquates pour faire face à cette réalité démographique et assurer une prise en charge appropriée des personnes âgées et des personnes dépendantes. Une approche globale et humaine est nécessaire pour relever ce défi.

Il importe de revoir notre perception de l’âge, d’adapter les services et dispositifs en tenant compte des spécificités territoriales, et de prévenir l’isolement social chez les personnes âgées. Une coopération entre les acteurs publics associatifs et privés est essentielle pour assurer une vie digne et épanouissante à tous, indépendamment de leur âge.

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1 Ana Bedia, Directrice du média 65ymas.com pour Arte 27 lors du débat Grand Âge : comment prendre soin de nos aînés ?

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