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Découvrez comment le Cameroun a joué un rôle crucial au sein de l’OUA pour promouvoir l’indépendance angolaise et lutter contre les conflits menaçant l’intégrité continentale. Découvrez comment le Cameroun a joué un rôle clé dans la lutte contre l’apartheid au sein de l’OUA, en unissant ses efforts diplomatiques pour promouvoir l’égalité raciale en Afrique australe et comment la diplomatie camerounaise sous Ahmadou Ahidjo a influencé la guerre du Biafra et les enjeux géostratégiques en Afrique.

La interventions du Cameroun : l’indépendance angolaise, la guerre du Biafra et lutte contre l’apartheid

Les interventions dans la recherche des alternatives relatives aux contentieux et conflits menaçant l’intégrité continentale

Au sein de l’Organisation de l’Unité Africaine, la Cameroun intervient à plus d’un titre dans la recherche des voies de sortie de crises et conflits qui menaçaient l’intégrité du continent. Parmi ces problèmes qui sont nombreux, nous allons nous appesantir exclusivement sur la question de l’indépendance angolaise, la situation en Afrique australe notamment avec la ségrégation raciale, la guerre biafraise et les conflits du Sahara occidental et Tchadien qui ont suscité un intérêt un peu plus particulier des dirigeants de Yaoundé.

Le Cameroun et la question de l’indépendance angolaise

Cette sous-section nous emmène à montrer comment la diplomatie camerounaise a été au front au sein de l’OUA dans la quête des solutions concernant la crise indépendantiste en Angola. A cet égard, au début des années 1970, le Portugal reste la dernière puissance européenne à avoir réussi à maintenir le statu quo sur ses territoires d’outre-mer. Ainsi, trois (3) mouvements de libération, dont les rivalités ont entrainé sur le continent africain les deux superpuissances dès la fin des années 1950, vont revendiquer l’indépendance de l’Angola. Il s’agit du Mouvement Populaire de Libération de l’Angola (MPLA) soutenu par l’Union soviétique et Cuba, et de l’autre le Front National de Libération de l’Angola (FNLA) et l’Union pour l’Indépendance Totale de l’Angola (l’UNITA) soutenus tous les deux par les Etats-Unis, l’Afrique du Sud, la Chine et la France. La scène politique angolaise était donc en réalité bipolarisée.

Après la reconnaissance du MPLA par l’OUA en 1964, ceci a entraîné non seulement la fin du monopole du GRAE. Ceci a créé au sein du pays une crise de légitimité entre les deux formations qui se sont partagé la scène politique angolaise. Après sa première intervention sur cette question le 7 septembre 1962 appelant à la réconciliation nationale, le président Ahmadou Ahidjo a fait trois autres sorties diplomatiques au sujet de cette crise indépendantiste angolaise respectivement les 1er et 13 janvier 1964 et 6 novembre 1967. Globalement, le discours camerounais condamnait avec fermeté la politique coloniale portugaise, en prônant l’indépendance de l’Angola dans les brefs délais.

En 1972 face à l’enlisement de cette crise, le discours des autorités politiques de Yaoundé monte d’un cran. Le président Ahidjo remet une fois de plus en cause le monopole du Portugal sur l’Angola comme par le passé, mais également ses principaux soutiens occidentaux à l’exemple des Etats-Unis, de la France, la Grande-Bretagne et l’Italie. De ce qui suit, le 25 mai 1972 lors de la 9ème édition consacrée à la journée de la libération de l’Afrique, il affirme :

Nous lançons de nouveau un vibrant appel à l’opinion publique internationale pour qu’elle fasse pression sur ceux qui feignent encore de ne pas savoir qu’aucun homme n’est libre si tous les hommes ne sont pas libres, et dont les attitudes, en raison de leur poids dans les affaires internationales limitent l’efficacité de l’action des Nations-Unies en faveur des droits de l’Homme et de liberté des peuples.

Ces termes de l’ex-président illustre parfaitement le désarroi et la posture diplomatique de Yaoundé qui remet ici en cause de manière implicite l’attitude de certaines puissances étrangères qui ont soutenu les hostilités portugaises, et lancé de ce pas un appel à l’opinion publique internationale en vue de résorber cette crise.

A l’occasion du dixième anniversaire de l’OUA, la même attitude fut adoptée par le chef de l’Etat Camerounais lors d’un autre Discours, où il se félicite de l’alliance que venait de nouer les mouvements de libération nationale contre le Portugal. Quand survint la révolution des œillets en avril 1974 au Portugal, suivie de l’annonce de la décision d’accorder l’autonomie aux territoires d’outre-mer encore sous le joug Portugais, le président Ahidjo déclara lors de la 23ème session du comité de coordination pour la libération de l’Afrique que:

Je pense aux évènements dont le Portugal vient d’être le théâtre. Ceux-ci constituent sans contexte une grande victoire pour les peuples africains en lutte contre le colonialisme portugais dans la mesure où celui-ci, face à la détermination des mouvements de libération, a été acculé à reconnaitre qu’on ne peut avoir raison par la force de la volonté d’indépendance des peuples africains. Nous serions plus heureux encore si le peuple portugais s’engageait dans la voie de la négociation avec les mouvements de libération… A défaut de cela, les peuples concernés n’auront pas d’autres choix que de continuer la lutte, appuyés par l’OUA et les autres peuples épris de liberté, jusqu’à la reconquête totale de leur souveraineté.

Les multiples sorties diplomatiques du Cameroun au sein de l’OUA, en plus de ses bons offices auprès du Portugal, ont contribué dans une certaine mesure à emmener l’ogre portugais à reconnaitre le 19 juillet 1974 le droit à l’indépendance de l’Angola. Le nouveau régime de Lisbonne accepta, par les accords d’Alvor, le transfert du pouvoir aux Angolais et, le 11 novembre 1975, l’Angola accéda à l’indépendance. Hors mis de cette crise angolaise, le Cameroun intervint également au sein de l’OUA pour statuer sur la question de la ségrégation raciale en Afrique australe.

Le Cameroun face aux velléités ségrégationnistes en Afrique australe

Bien après la genèse de l’OUA, l’une des préoccupations majeures qui constituèrent un casse-tête à l’unité africaine fut l’apartheid qui sévit en Afrique australe plus précisément en Afrique du Sud et en Namibie. C’est une politique dite de développement séparé, affectant des populations selon des critères raciaux ou ethniques dans des zones géographiques déterminées. Cette politique se voulait l’aboutissement institutionnel d’une politique et d’une pratique jusque-là empirique de ségrégation raciale, élaborée en Afrique du Sud depuis la compagnie néerlandaise des Indes orientales de la colonie du Cap en 1652. Cette pratique qui vit le jour en 1948 au même moment que la ’’déclaration universelle des Droits de l’Homme’’ de l’ONU le 10 décembre, est du point de vue législatif que réglementaire, en contradiction flagrante avec les textes Onusiens.

Que ça soit l’ONU ou l’OUA, ces deux organisations désavouent cette pratique qu’ils qualifient d’odieuse. Dans cette même lancée, le Cameroun que ce soit sous Ahidjo que sur Biya s’oppose tout aussi à ce système racial. En tant que membre du Comité de libération de l’OUA pour l’Afrique, le Cameroun abrita en mai 1974, des travaux de ce Comité à Yaoundé. La démarche diplomatique du Cameroun dans sa lutte contre l’Apartheid fut inscrite en droite ligne avec les objectifs et la posture de l’OUA sur la question. C’est pourquoi le Cameroun par l’intermédiaire d’Ahmadou Ahidjo, alors président en exercice de l’Organisation de l’Unité Africaine, fut mandaté par ladite institution de présenter lors de la 24ème session de l’Assemblée générale des Nations-Unies le ‘’manifeste de l’Afrique Australe ou de Lusaka’’ le 6 octobre 1969 à New-York.

Cette intervention se matérialisa par la suite par l’organisation à Yaoundé d’un Colloque portant ‘’sur les méfaits de la discrimination raciale et de l’apartheid’’ et en même temps d’un séminaire sur les mesures à prendre à l’échelon national pour mettre en œuvre les instruments des Nations Unies visant à combattre et à éliminer la discrimination raciale et pour favoriser les relations harmonieuses entre les races. C’est la toute première fois que les Nations-Unies en étroite collaboration avec un Etat organisaient du 16 au 29 juin 1971 une telle rencontre en Afrique même où persistait le fléau. Il fut aussi associé au président Zambien Kaunda, alors président en exercice de l’OUA dans la campagne d’explication sur la situation en Afrique australe à travers les pays occidentaux. C’est ainsi que lors du VIIIème sommet de l’organisation, il fut chargé de mission auprès du conseil de sécurité de l’ONU cette fois à propos de la Namibie.

Le Cameroun soutint également la lutte armée des mouvements de libération nationale en Afrique australe et l’application des sanctions économiques contre l’Afrique du Sud. A ce sujet, ‘’la déclaration de Mogadiscio’’ adoptée en 1971 par l’OUA, préconisa clairement l’intensification de la lutte armée pour en finir avec le colonialisme et le racisme présents en Afrique australe. Le virage pris en 1969 avec le ‘’Manifeste de Lusaka’’ se transforma ainsi en option irréversible qui vint soutenir la stratégie politico-diplomatique de l’organisation panafricaine. La contribution du Cameroun à ce sujet fut donc financière, matérielle et morale.

Toujours s’agissant de cette politique ségrégationniste, le président Ahidjo rappella l’impérieuse ‘’nécessité de tout mettre en œuvre pour extirper également de la chair africaine la douloureuse et humiliante écharde de l’apartheid en Afrique australe et assurer la libération de la Namibie et l’avènement du gouvernement de la majorité au Zimbabwe et en Azanie’’.

Allant dans le même sillage, En s’adressant aux diplomates venus lui présenter les vœux de nouvel an, en décembre 1983, le président Paul Biya renchérit que : ‘’Le Cameroun condamne l’odieuse politique de ségrégation raciale et d’Apartheid pratiquée par l’Afrique du Sud et dénonce les complicités qui les favorisent. Notre conviction est que tous les pays du monde ont le devoir de soutenir les pays de la ligne de Front, victimes des agressions répétées Sud-Africaines’’.

Cette ligne de conduite diplomatique de Yaoundé face à cette politique ségrégationniste sud-africaine se manifeste également par l’adhésion du Cameroun aux principaux instruments juridiques internationaux. Adoptés dans le cadre onusien, ceux-ci condamnent avec la dernière énergie possible toutes les formes de discrimination raciale en Afrique australe. C’est le cas avec la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Celle relative à l’élimination et la répression du crime d’apartheid signée le 30 novembre 1973. Y compris la convention pour l’élimination du mercenariat en Afrique mise sur pied le 3 juillet 1977, et enfin la convention internationale contre l’apartheid dans les sports du 10 décembre 1985.

En plus de son adhésion à ces conventions internationales, le gouvernement camerounais interdit à ses ressortissants de se rendre en Afrique du Sud, bref dans tous les pays où l’apartheid est pratiqué. Ajouter à cela, le Cameroun rompit sa coopération avec tous les Etats d’Afrique australe qui ont un lien direct ou indirect avec la politique d’Apartheid. Durant l’année 1985, suite à la réunion de la Conférence de Coordination de Développement de l’Afrique Australe (SADCC), un communiqué de presse du ministère camerounais des Affaires étrangères William Aurélien Eteki Mboumoua, réaffirma le soutien constant du Cameroun aux peuples opprimés d’Afrique australe. Il indique à ce sujet que :

Tant qu’il n’y aura pas de paix en Afrique australe, tant que (…) les dirigeants racistes de Pretoria n’auront pas souscrit au processus de démocratisation des institutions socio-politiques du pays en vue de l’accession de la majorité noire à la direction d’un pays où tous : blancs de bonne volonté, métis, indiens et noirs pourront, dans une convivialité harmonieuse contribuer à l’édification d’une République Sud-africaine répondant véritablement à la définition latine de ‘’Respublica’’ c’est-à-dire la chose de tous

Les interventions du Cameroun au sein de l’OUA face à la crise ségrégationniste en Afrique australe porta finalement ses fruits puisque la ‘’Déclaration de Lusaka du Comité ad-hoc des chefs d’Etat et de Gouvernement de l’OUA sur l’Afrique australe’’ le 19 mars 1990 leva toute équivoque à ce sujet. Toujours pour ce qui est de l’implication de la diplomatie camerounaise dans la dynamique fonctionnelle de l’OUA sous Ahidjo, la guerre biafraise est tout aussi inscrite dans l’agenda diplomatique de l’ex-président.

Le Cameroun et la guerre biafraise au sein de l’OUA

La guerre du Biafra est un conflit civil au Nigeria qui se déroula du 6 juillet 1967 au 15 janvier 1970 et fut déclenchée par la sécession de la région orientale du Nigeria, qui s’autoproclama République du Biafra sous la direction du colonel Ojukwu. Les origines de cette guerre remontent au mois de janvier 1966, lorsque les Haoussa, ethnie présidant alors aux destinées de la vie politique nigériane, furent victimes d’un coup d’Etat, fomenté par le peuple ibo, à l’est du pays, et qui porta au pouvoir le général Aguiyi-Ironsi.

La politique de centralisation à outrance de celui-ci provoqua une révolte du nord du pays, aboutissant en juillet de la même année à un second putsch qui installa le chef d’état-major de l’armée, Yokubu Gowon au poste de chef du gouvernement fédéral. Les Ibo s’engagèrent alors dans la voie de la sécession ; avec à leur tête le colonel Ojukwu, gouverneur de la province orientale, qui proclama la République du Biafra en mai 1967.

Cette guerre qui tournait autour des enjeux géostratégiques notamment les ressources pétrolières préoccupant l’Organisation de l’Unité africaine, le Cameroun par la voie de son président Ahmadou Ahidjo montra sa désapprobation face à ce conflit. Il souligne alors que : ’’La solution à cette guerre devait se trouver dans le cadre de l’intégralité du Nigéria’’.

On comprend déjà qu’à travers ses sorties diplomatiques, le chef d’Etat camerounais préconisait une alternative commune à cette guerre et condamnait de ce fait le principe de la reconnaissance d’un Etat sécessionniste. Cette attitude du président Ahidjo se matérialisait plus tard par son opposition à l’idée que son territoire puisse servir de base arrière aux troupes biafraises dans cette guerre de sécession, ce qui favorise plus tard leur échec et la victoire des troupes loyalistes nigérianes.

Lors du sommet de l’OUA en 1969, le président Ahidjo martela que le problème du Nigéria constituait un test pour la capacité de l’institution continentale à trouver des solutions aux problèmes africains et que pour cela, il allait se conformer à l’esprit de la charte. Il joua de part cette attitude et sa situation dans la région un rôle déterminant dans la recherche des alternatives et surtout à la fin de la guerre comme médiateur. De ce fait, pendant le déroulement de ce conflit, le président de la République Fédérale du Cameroun fut parmi les membres de la mission de consultation créée par l’OUA pour prendre contact avec le gouvernement fédéral nigérian et voir comment l’organisation pouvait aider à régler ce conflit. Cette mission obtint du général Gowon de rencontrer le colonel Ojukwu alors que le général Ankra, chef de l’Etat du Ghana, n’eut pas les mêmes résultats avec le leader biafrais.

Au terme de cette guerre le 12 janvier 1970 qui fit 1 million de morts en grande partie les civils affamés, il revint au chef de l’Etat camerounais de jouer le rôle de médiation entre le Nigéria et les Etats francophones qui reconnurent le Biafra. C’est ainsi qu’il obtint le rapatriement des enfants biafrais réfugiés au Gabon et l’amélioration des relations avec cet Etat et la Côte d’Ivoire.

Il serait difficile de sortir de cette analyse portant sur l’implication de la diplomatie camerounaise sous Ahidjo sans aborder la question de la crise au sein de l’OUA qui faillit conduire l’organisation continentale au bord de l’éclatement dans les années 1980.

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