Titre 3: Les technologies filaires

Avant de prendre la décision d’implémenter un lien OSF (technologie Optique Sans Fil), tout opérateur aura choisi d’utiliser une technologie sans fil plutôt qu’une technologie filaire. La plupart du temps, en effet, les opérateurs remplissent leurs besoins d’interconnexion en recourant aux technologies câblées.
Il est très difficile de dégager des généralités à propos du prix de l’implémentation des technologies filaires. Les coûts sont en effet extrêmement variables en fonction des circonstances, encore bien plus que pour les technologies sans fil. Nous pouvons cependant décomposer les coûts en trois parties:

  1. – Le coût du matériel de communication et de son installation: modems, switchs, amplificateurs,…
  2. – Le coût du médium: cuivre ou fibre optique
  3. – Le coût de l’installation du médium.

Bien que le coût du matériel filaire et de son installation soit généralement plus faible que celui des technologies sans fil, nous pouvons constater qu’il existe deux coûts supplémentaires par rapport aux technologies sans fil résultant de l’achat et de l’installation du médium. Le coût du médium filaire n’est cependant pas énorme. Son installation, par contre peut être extrêmement coûteuse, mais les frais de l’installation dépendent fortement des circonstances. Pour les systèmes sans fil, par contre, le médium est gratuit et il ne doit pas être installé.
Une autre différence essentielle entre les technologies filaires et sans fil réside dans le fait que, lorsque la portée maximale du système filaire est atteinte, il suffit d’installer un dispositif amplifiant ou régénérant le signal pour atteindre des distances plus élevées.
Le coût de cette opération ne représente alors qu’une fraction du coût total d’implémentation. Par contre, pour les technologies sans fil, il faudra réinvestir dans un lien additionnel, ce qui fera doubler les coûts.
En raison de la diversité des technologies filaires et de la variabilité de coûts associés, nous ne nous risquerons pas à faire une étude comparative approfondie des dépenses. Essayons cependant de fournir des ordres de grandeur pour les trois composantes de coûts précités. Pour cela nous devons préalablement choisir une technologie filaire à laquelle comparer les systèmes OSF.
Nous sélectionnerons la fibre optique, comme le signal y est transmis par voie optique, comme pour les technologies OSF (technologie Optique Sans Fil). De plus, les débits possibles y sont du même ordre de grandeur.
Il existe essentiellement deux variétés de fibres optiques: la fibre multimode et la fibre monomode. Le cœur de la première catégorie de fibres étant plus large que celui de la deuxième, plusieurs trajectoires sont possibles pour le signal optique dans une fibre multimode alors que seule la trajectoire la plus directe est possible dans une fibre monomode.
Il en résulte une dispersion du signal beaucoup plus faible dans une fibre monomode et la possibilité d’y transporter le signal sans le régénérer sur des distances beaucoup plus élevées.
Nous sélectionnerons ici de la fibre monomode afin de ne pas devoir intégrer dans nos calculs le prix de répétiteurs, la portée de dispositifs monomodes étant souvent beaucoup plus importante que celle des systèmes OSF. Notons cependant que le matériel de transmission monomode est souvent plus coûteux que le matériel multimode.
Analysons maintenant les différentes catégories de dépenses précitées en essayant de proposer des coûts dont le déboursement entraîne l’implémentation d’un système dont les caractéristiques sont les plus proches possibles des dispositifs OSF (technologie Optique Sans Fil).

a) Le matériel de communication et son installation

Sur les conseils d’un vendeur professionnel de matériel optique46, nous utiliserons des modems et multiplexeurs de la marque Pandatel afin de dégager des ordres de grandeur pour les prix de ce matériel.
La tableau n°22 fournit les prix et caractéristiques de deux produits Pandatel, l’un présentant des performances plus faibles en terme de distance et de bande passante que les produits OSF (technologie Optique Sans Fil) typiques (le BM-Z) et l’autre présentant des performances plus élevées (le Fomux 3000).
Tableau n°22: Exemples de prix et de caractéristiques de produits optiques

CaractéristiquePandatel BM-ZPandatel FOMUX 3000
Prix unitaire800 €13.000 €
Bande passanteJusqu’à 2 MbpsJusqu’à 32 X 2500 Mbps
DistanceJusqu’à 11 kmJusqu’à 80 km
Nombre de brins22
Type fibreMonomodeMonomode ou multimode
SNMPOuiOui
DWDMNonOui
Système backupNonOui

Source : Pandatel
Selon le même professionnel, le premier peut être obtenu à 800 € alors que le prix du second tourne plutôt autour de 13.000 €.
Etant donné que les performances des systèmes OSF (technologie Optique Sans Fil) se situent entre celles de ces deux produits, la valeur d’un dispositif de transmission sur fibre optique dont les performances sont comparables à celles des systèmes OSF doit donc se trouver entre ces deux prix. Nous supposerons donc que le prix moyen d’un tel dispositif est de 5.000 € par unité.
Il est évident que le prix de ce matériel peut être beaucoup plus faible ou beaucoup plus important, mais l’objectif est ici de fournir des ordres de grandeur afin de comparer ces dépenses aux autres composantes du coût des technologies filaires et aux coûts des systèmes OSF.
Nous supposerons une configuration du matériel optique en « point à point », identique à celle utilisée pour les systèmes OSF, c’est-à-dire que deux dispositifs sont connectés entre eux par un canal exclusif.
Le prix du matériel intervenant dans le lien est donc égal à celui de deux modems ou multiplexeurs auquel on ajoute le prix des répétiteurs éventuels intervenant pour régénérer le signal lorsque la portée maximale du matériel est atteinte.
Rappelons que nous utilisons du matériel monomode dont la portée est bien plus élevée que celle de dispositifs OSF (technologie Optique Sans Fil). Nous pouvons donc négliger le prix des répétiteurs et supposerons que le prix total moyen du matériel monomode intervenant dans un lien point à point en fibre optique est de 10.000 €.

b) Le médium

Plusieurs types de câbles optiques monomodes sont disponibles. La plupart du temps, les câbles utilisés contiennent un nombre élevé de fibres optiques (plusieurs dizaines).
Il est en effet intéressant d’installer plusieurs fibres à la fois, comme le coût d’installation du câble est souvent beaucoup plus important que le prix de la fibre optique proprement dite.
Dans le but de comparer ce qui est comparable, nous supposerons cependant l’utilisation d’un câble contenant le nombre minimal de fibres requis dans un lien « point à point », c’est-à-dire deux (une pour chaque sens de communication). Selon un vendeur professionnel de matériel de câblage47, un tel câble coûte environ 750 € par kilomètre.
Remarquons que le même câble en version multimode coûte plus cher au mètre, ce qui semble paradoxal vu que le monomode est plus fin et plus complexe à produire.
La raison en est que les câbles monomodes sont produits et achetés en quantités beaucoup plus grandes car ils permettent des portées plus importantes.

c) L’installation du médium

Les coûts d’installation de la fibre optique peuvent fortement varier en fonction de l’endroit où elle est placée et de la méthode d’installation utilisée. Nous verrons que ces dépenses constituent souvent la plus grande partie de la valeur d’investissement d’un lien en fibre optique.
Dans son étude sur les plates-formes d’accès à haute bande passante48, Stagg Newman avance des prix pour l’implémentation de systèmes Gigabit Ethernet à fibre optique.
Il y décrit notamment les coûts de placement de fibres optiques selon la façon dont elles sont installées:

– La méthode « Aerial »:

La fibre optique est suspendue le long de pylônes comme le sont certains câbles électriques à haute tension. Cette méthode est essentiellement utilisée dans des zones rurales. Elle revient à environ 10.000 $ par mile ou 5.200 € par kilomètre.

– La méthode « Pull through »:

La fibre optique est tirée à travers des canalisations souterraines existantes comme des égouts. Cette méthode revient à environ 25.000 $ par mile ou 12.900 € par kilomètre

– La méthode « Bury »:

La fibre optique est installée dans des petites tranchées superficielles. Cette méthode est essentiellement utilisée en banlieue des villes. Elle revient à environ 60.000 $ par mile ou 31.000 € par kilomètre

– La méthode « Trench »:

La fibre optique est placée dans des nouvelles conduites installées dans des tranchées profondes. Cette méthode est essentiellement utilisée en ville. Son coût dépend fortement des circonstances et peut varier entre 150.000 $ par mile ou 77.000 € par kilomètre et 550.000 $ par mile ou 285.000 € par kilomètre.
Notons que dans les villes, il faut souvent y ajouter les droits de passage payés à la commune qui peuvent parfois s’élever à 250 € par mètre49.
La combinaison des différents coûts décrits ci-dessus permet de déterminer une fonction liant la distance du lien en fibre optique au coût total d’implémentation. La Figure n°18 représente la Valeur Actuelle Nette de ces coûts en fonction de la méthode d’installation utilisée ainsi que la VAN de l’utilisation de technologies OSF (technologie Optique Sans Fil). La VAN est calculée sur une période de 15 ans.
Remarquons que nous négligeons d’éventuels coûts récurrents pour les systèmes à fibre optique et que la VAN des coûts est donc identique à celle des investissements. Rappelons que nous utilisons un prix moyen pour les coûts du matériel de transmission sur fibre optique et que le coût total représenté sur la Figure n°18 ne varie donc pas en fonction de la bande passante.
Figure n°18: Comparaison de la VAN des coûts d’implémentation des technologies à fibres optiques par rapport aux technologies optiques sans fil.
Les technologies filaires - Comparaison de la VAN des coûts d'implémentation des technologies à fibres optiques par rapport aux technologies optiques sans fil
Source : calculs personnels
Nous pouvons faire deux observations essentielles:
– Les coûts les plus importants des technologies à fibre optique sont ceux proportionnels à la distance, notamment les coûts d’installation du médium, ceux-ci étant très variables en fonction de la méthode utilisée.
– Contrairement à ce que prétendent les constructeurs de dispositifs OSF, les coûts de tels systèmes ne sont pas toujours plus avantageux que ceux des technologies à fibre optique. Lorsque les méthodes « Aerial » et « Bury » sont utilisées, la fibre optique revient même toujours moins chère.
Par contre, lorsque des tranchées doivent être creusées, la fibre optique n’est parfois intéressante que pour des faibles distances de quelques centaines de mètres. Le modèle OSF à 2500 Mbps semble toujours plus cher que la fibre optique.
Il faut cependant noter que les méthodes « Aerial » et « Bury » ne peuvent être utilisées que dans des zones peu denses et que la seule méthode applicable en ville est souvent le creusage de tranchées (méthode trench). La technologie OSF sera donc surtout avantageuse en ville.
D’autre part, il faudrait également considérer d’autres critères que la VAN dans le choix entre une technologie OSF ou à fibre optique. La fibre optique ne nécessite en effet pas de ligne de vue et ne craint pas le brouillard. La disponibilité d’un lien en fibre optique ne dépend donc que des dysfonctionnements du matériel et d’éventuelles coupures de la fibre.
Par contre, la durée d’installation de la fibre optique peut être de plusieurs mois alors que l’installation d’un système OSF ne nécessite que quelques jours. De plus, alors que l’intégralité des dépenses en fibre optique est effectuée avant son utilisation, les systèmes OSF nécessitent un investissement initial moindre et permettent une répartition des dépenses sur la période d’utilisation du lien.
Le Tableau n°23 résume les avantages et inconvénients des technologies filaires par rapport à l’optique sans fil.
Tableau n°23: Avantages et inconvénients des technologies filaires par rapport à l’OSF

AVANTAGESINCONVENIENTS
– Pas de ligne de vue requise
– Plus grande fiabilité
– Moins cher dans zones peu denses
– Implémentation plus lente
– Investissement initial plus grand
– Souvent plus cher en ville

Titre 4: Les lignes Louées
Lorsqu’un un opérateur a besoin d’une connexion entre deux points, il ne doit pas nécessairement la construire mais il peut également la louer. C’est le choix économique bien connu entre la possession ou la location d’une ressource.
Ainsi, des opérateurs ayant investi dans un réseau et n’utilisant pas l’intégralité de sa capacité en revendent l’utilisation à d’autres opérateurs où à des entreprises. La plupart du temps, l’opérateur revendeur sera un opérateur historique, mais pas nécessairement.
Les prix des lignes louées dépendent essentiellement de trois facteurs:
– La bande passante: Celle-ci varie de 2 Mbps à plusieurs Gbps. Notons cependant que seuls les prix des lignes louées à bande passante inférieure à 155 Mbps sont fréquemment publiés par les opérateurs. Pour les autres bandes passantes, les prix font l’objet de négociations individuelles.
– La distance entre les deux points connectés:
Elle varie de quelques kilomètres à plusieurs centaines de kilomètres.
– La localisation des points connectés:
Dans la plupart des pays, le territoire est découpé en zones classées en fonction de la densité du réseau et de la demande. Au moins le réseau est développé et la demande est importante aux extrémités de la connexion, au plus le prix sera élevé.
Le coût de ces lignes est constitué de deux composantes:
– L’installation:
Il s’agit des frais de la connexion physique entre le bâtiment à relier et le point de présence le plus proche du réseau de l’opérateur. Chez Belgacom, par exemple, l’installation d’une ligne louée à haut débit (34 ou 155 Mbps) peut coûter jusqu’à 5.000 €.
– La location: redevance mensuelle payée à l’opérateur.
Le tableau n°24 reprend des ordres de grandeur pour la somme annuelle payée en frais de location de lignes louées virtuelles et les compare avec les coûts annuels équivalents des produits OSF précédemment calculés. Les coûts de lignes louées ont été déduits des tarifs en vigueur chez Belgacom50, de discussions avec des professionnels51 et d’une étude réalisée par la commission européenne52.
Celle-ci publia en 2000 une analyse de la situation concurrentielle du marché des lignes louées dans l’Union Européenne. Des prix pratiqués par les opérateurs historiques y sont publiés.
La Belgique faisait alors partie du groupe de pays où la concurrence était la moins développée et où les tarifs pratiqués étaient les plus élevés. En décembre 2002, la commission publia un nouveau document53 décrivant l’évolution des prix dans l’Union Européenne.
Ceux-ci auraient alors diminué de 30%. Pour estimer les prix d’aujourd’hui, nous supposerons donc que ceux-ci ont diminué de 35% par rapport à l’étude initiale de 2000. Il est difficile de trouver des prix publics au dessus de 155 Mbps.
Cependant, selon un document de AOptics54, les lignes louées à 622 et 2500 Mbps coûteraient en moyenne aux Etats-Unis respectivement 7000 et 14000 dollars par mois. En convertissant en Euro avec un taux de 0,83 dollars/euro, nous obtenons un prix annuel d’environ 70.000 et 140.000 euros.
Tableau n°24: Ordres de grandeur des frais annuels de location de lignes louées et coûts annuels équivalents de produits OSF comparables.

Bande passante Ligne Louée (distance < 5 km)Tarif annuelBande passante
OSF comparable
Coût annuel équivalent maximal
34 Mbps20.000 €50 Mbps16.000
155 Mbps40.000 €155 Mbps18.000
622 Mbps70.000 €622 Mbps22.000
2500 Mbps140.000 €2500 Mbps37.000

Source : commission européenne, Oaptix, Belgacom
Nous constatons que, d’un point de vue économique, les lignes louées sont beaucoup moins avantageuses que l’optique sans fil.
Cependant, cette différence de prix doit être mise en regard avec les avantages qu’offrent les lignes louées par rapport à l’OSF (technologie Optique Sans Fil): Elles ne nécessitent pas de ligne de vue, présentent une plus grande fiabilité et nécessitent un investissement initial moindre. Le tableau n°25 présente différents avantages et inconvénients des lignes louées par rapport aux technologies OSF.
Tableau n°25: Avantages et inconvénients des lignes louées par rapport à l’OSF (technologie Optique Sans Fil)

AVANTAGESINCONVENIENTS
– Pas de ligne de vue requise
– Plus grande fiabilité
– Moindre investissement initial
– Plus chères

_________________________
46 DINH telecom, Herstal, Belgique
48 Broadband access platforms, Stagg Newman, McKinsey and Company, avril 2002.
49 Selon Bart Pen de la société Multicap (www.multicap.be)
50 http://www.belgacom.be/web/car/staticsite/en/leasedlines_tariffs/nat_digit_ll.html
51 Eric Mannie, Intairlink
52 Commission Européenne (décembre 2000), « Sixth report on the implementation of the telecommunications regulatory package », Annexe 7
53 Commission Européenne (décembre 2002), « Explanatory Memorandum: leased lines: commission closes the leased line sector inquiry and two ex-officio cases in Belgium an Italy »
54 Allen M., Pelosi L. Bhakta D. (octobre 2002), « Summary of business opportunity », AOptix

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