Une classification des vêtements basée sur le prix

1.1.3 Une classification basée traditionnellement sur le prix

Comme le rappellent Burns et Bryant (1997), le prêt-à-porter et la Haute Couture affichent des différences marquantes au niveau de leur processus de fabrication, ce qui résulte en des produits différents non seulement au niveau de leurs caractéristiques, mais également de leur prix de vente.
Ce critère est d’ailleurs utilisé traditionnellement par l’industrie de la mode pour classifier les vêtements offerts sur le marché.
Le critère de prix n’est toutefois pas le seul critère de segmentation. Saviolo et Testa (2005) rappellent qu’il en existe plusieurs autres, comme la fonction et l’occasion d’usage du produit (e.g. vêtement d’intérieur ou d’extérieur, vêtement de jour ou de soir), le type de produit (e.g. manteau, jupe, pantalon), la matière première utilisée (e.g. coton, cuir) et le style vestimentaire (e.g. classique, contemporain, avant-garde). De façon générale, les auteurs (e.g. Saviolo et Testa, 2005; Simoni, 2003; Solomon et Rabolt, 2004; Wolfe, 1998) s’entendent sur l’existence d’au moins cinq segments (six en ajoutant la Haute Couture) relatifs au prix : prêt-à-porter (ou designer), diffusion, bridge, better et moderate2.
Les points de vue, qu’ils soient américains (e.g. Solomon et Rabolt, 2004) ou européens (e.g. Saviolo et Testa, 2005), varient toutefois quand il est question d’attribuer une définition universelle à chacun des niveaux des prix. Quoi qu’il en soit, cette division sert davantage de référence, car il n’existe plus de délimitation claire entre les segments, qui se chevauchent pour former un continuum (Wolfe, 1998). La catégorisation selon le prix présente un intérêt particulier, car outre le prix, des différences significatives existent entre chacun des segments, notamment en ce qui concerne le modèle d’entreprise, le niveau et le type d’innovation de produit, les stratégies de communication et de distribution, ainsi que les facteurs clés de succès (Simoni, 2003). Reconnaissant ces particularités, Saviolo et Testa (2005) présentent une synthèse intéressante des principales caractéristiques définissant chacun des niveaux de prix :
Tableau 1.1 Caractéristiques des segments de prêt-à-porter

DE MASSEBRIDGEDIFFUSION / PRÊT-À-PORTER
FACTEURS CLÉS DE SUCCÈSPrixServiceMarqueStyleGriffeCréativité
CANAUX D’ÉCHANGEDistribution évoluéeMagasins spécialisésGrossistesMagasins spécialisésBoutiquesBoutiquesMagasins concept
VARIABLES STRATÉGIQUES DE L’OFFREVolumesAssortimentsTemps de mise sur le marchéGriffe
STYLE DU POINT DE VENTEGrande superficieSpécialisationConcept de la griffe

Source : Saviolo et Testa (2005 : 131, traduction libre)

2 Certains auteurs, comme Saviolo et Testa (2005) et Simoni (2003), regroupent les segments better et moderate sous l’appellation commune « de masse », car il leur apparaît difficile de bien distinguer les deux catégories.

Plusieurs facteurs sont susceptibles d’influencer le prix de vente d’un vêtement. Wolfe (1998) les résume ainsi : la qualité des tissus employés, le type et la quantité de travail exigée lors de la production, la complexité du style et sa construction, et la réputation du designer ou du manufacturier.
Cette recherche s’intéresse au prêt-à-porter en tant que segment relatif au prix de vente. Par prêt-à-porter, on entend des vêtements de haute qualité, à fort contenu créatif, vendus à des prix entre trois et cinq fois le prix moyen de produits similaires, et se renouvelant à chaque saison, soit au moins deux fois par an, voire même plus souvent par le biais de collections secondaires précédant (comme dans le cas des pré-collections) ou succédant (comme pour les collections flash) les collections principales (Saviolo et Testa, 2005; Simoni, 2003). En outre, le prêt-à-porter représente une catégorie de produits hautement en avance sur la mode (fashion-forwarded) et qui réagit rapidement aux tendances émergentes tout en contribuant à l’établissement de nouvelles tendances qui seront suivies par d’autres entreprises généralement positionnés dans des segments inférieurs du marché (Simoni, 2003). À ce titre, Solomon et Rabolt (2004) précisent que plusieurs des vêtements prêt-à-porter deviennent à la mode en étant copiés (ou modifiés et reproposés dans des versions plus abordables), puis vendus sur le marché de masse.

1.1.4 Différentes sources : différentes appellations

Les entreprises qui proposent des vêtements prêt-à-porter reçoivent différentes appellations. On parle tantôt de maisons Haute Couture, tantôt de griffes, tantôt de marques industrielles, tantôt de marques de luxe… Afin de mettre un peu d’ordre dans ce vocabulaire, Saviolo et Testa (2005) proposent une division des marques en trois catégories basées sur leur savoir-faire et leurs caractéristiques :
1. les maisons de mode ou griffes (e.g. Giorgio Armani, Paul Smith, Ralph Lauren, Valentino), qui reposent originalement sur des compétences artistiques, possèdent une forte orientation produit, contrôlent souvent des entreprises de production ou de gestion de licences et offrent une gamme de produits diversifiée (e.g. accessoires, parfums, mobilier),
2. les marques industrielles (e.g. Diesel, Ermenegildo Zegna, Hugo Boss, Max Mara), qui jouissent de compétences industrielles et commerciales, affichent une forte orientation marché, proposent une gamme de produits complète et sont positionnées sur de multiples segments,
3. les marques de détail (e.g. Benetton, The Gap, Zara), qui produisent leurs vêtements, contrôlent leur réseau de distribution et possèdent des compétences commerciales.
Dans le segment prêt-à-porter, Saviolo et Testa (2005) notent que les maisons de mode centrées sur un créateur sont en concurrence avec quelques marques industrielles perçues comme des maisons de mode même si privées d’une personnalité créatrice centrale. Les auteurs offrent d’ailleurs une représentation graphique claire du (ou des) segment(s) de prédilection de chacun des types de marques, faisant par la même occasion ressortir l’importance de chacun de ces segments sur le marché et les caractéristiques typiques qui évoluent avec le niveau de prix des produits :
Figure 1.1 Segmentation du marché de la mode selon le prix
Segmentation du marché de la mode selon le prix
Source : Saviolo et Testa (2005 : 128, traduction libre)
Pour mieux circonscrire le concept de griffe, Saviolo et Testa (2002) l’opposent au concept général de marque :
In the high end of the fashion market there is sometimes confusion between the word griffe and the word brand. The concept of the griffe is associated with the creative sign of an inspired mind. The world of griffes is thus the world of creation, of something unique that cannot be reproduced. The brand, on the other hand, does not come into existence as a unique work, but is part of an industrial series. Griffes can become brands, but brands cannot become griffes (Saviolo et Testa, 2002 : 153).
Cette différenciation entre la griffe et la marque est partagée en partie par Kapferer (1997), qui nuance toutefois la notion de griffe en le comparant à celle de marque de luxe. Pour Kapferer (1997), la marque de luxe propose des produits d’une qualité exceptionnelle et communique également certains idéaux, mais à la différence de la griffe, son territoire n’est pas (toujours) celui de la pure création fruit de l’imaginaire d’un créateur. Saviolo et Testa (2005) reconnaissent la présence récente des marques de luxe dans le segment prêt-à-porter du marché, mais préfèrent placer ces dernières dans une catégorie à part du fait qu’elles proposent un éventail de produits hautement prestigieux, mais pour la plupart classiques et répétés dans le temps, comme dans le cas de modèles de sacs à main, de chaussures et de montres. Les études de Pasini (2005), qui fait ressortir le caractère intemporel des produits de luxe, et de Clais (2002), qui montre l’importance de leur patrimoine, supportent la vision de Saviolo et Testa (2005) sur les marques de luxe.
Sans renier l’existence et l’intérêt des marques industrielles et des marques de luxe, ce projet de recherche fait le choix de se concentrer sur les maisons de mode pourvues d’un créateur à la tête du processus créatif et du développement des produits et de l’image, puisque cette catégorie d’entreprises est majoritaire dans le segment prêt-à- porter. La définition de maisons de mode présentée par Saviolo et Testa (2005), bien qu’utile pour les distinguer des autres types de marques, apparaît toutefois trop restrictive et évoluée, car elle met de côté plusieurs marques au modèle d’entreprise moins développé. Par les dénominations maison de mode et griffe, cette recherche se référera donc essentiellement aux marques répondant au critère d’orientation produit et dont l’image véhiculée et la marchandise proposée sont le résultat de l’inspiration d’un créateur. Cette définition exclut donc les attributs d’unicité et d’absolue perfection des produits qu’en donne Kapferer (1997) lorsqu’il positionne les griffes au-dessus des marques de luxe.
En adoptant une toute autre perspective, soit celle du lieu de vente du produit mode, Moore et Burt (2001) obtiennent des dénominations différentes de celles exposées précédemment. En effet, les auteurs parlent plutôt des détaillants de mode internationaux (international fashion retailers), qu’ils classent en quatre catégories :
1. les détaillants de mode spécialisés (product specialist fashion retailers),
2. les designers de mode (fashion designer retailers),
3. les détaillants d’articles généraux (general merchandise retailers),
4. les détaillants de mode généraux (general fashion retailers).
Cette classification présente un intérêt dans la mesure où la définition du terme designers de mode (internationaux), élaborée par Fernie, Moore et Lawrie (1998) après discussions avec le British Fashion Council et des éditeurs de magazines de mode internationaux, vient compléter celle de maison de mode ou griffe. Ainsi, pour être considéré comme international, les auteurs considèrent qu’un designer de mode doit respecter les critères suivants :
* jouir d’un profil international dans l’industrie de la mode en présentant un défilé de mode dans l’une des capitales de la mode, i.e. Londres, Milan, New York ou Paris,
* être établi dans l’industrie de la mode depuis au moins deux ans,
* mettre en marché des produits de sa propre marque,
* produire des items qui sont vendus dans deux pays ou plus.
Le prêt-à-porter, au sens donné par Saviolo et Testa (2005) et Simoni (2003), proposé par les maisons de mode ou griffes correspondant à la définition simplifiée formulée précédemment, et répondant aux critères des designers de mode internationaux avancés par Fernie, Moore et Lawrie (1998), est celui qui sera spécifiquement étudié dans le cadre de cette étude.
Lire le mémoire complet ==> (Cette collection de prêt-à-porter est-elle un succès ?)
Le regard des griffes internationales sur la performance
Mémoire présenté en vue de l’obtention du grade de maître ès sciences (M.Sc.)
HEC MONTRÉAL – Sciences de la gestion (marketing)

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