Que se passe-t-il dans les soirées de défonce ?

Que se passe-t-il dans les soirées de défonce ?

b) Que se passe-t-il dans les soirées de défonce ?

Si certains binge-drinkers préfèrent rester dans un lieu privé (un appartement dans la plupart des cas) pour se défoncer, la grande majorité choisit d’aller faire la fête (toujours en se défonçant) après la « préchauffe ».

Une fois arrivés à la soirée, les groupes de binge-drinkers ne se séparent pas, ils s’assoient au tour de la même table, dansent ensemble, crient ensemble, déconnent ensemble et surtout boivent ensemble. Dans les soirées étudiantes, on n’envisage pas la fête sans alcool, c’est « impossible ». Même ceux ou celles qui ne boivent pas encouragent les plus téméraires.

Le principal est d’attirer l’attention, de montrer aux autres qu’on n’est pas « ringard », que l’on sait s’amuser et faire la fête et, ils commencent à boire dès qu’ils arrivent sur les lieux.

La défonce se fait toujours à travers des jeux, des défis (cf. 3-IV/ Jeux, défis, rituels et représentations de la cuite); les uns affrontant les autres sous les applaudissements et les encouragements des spectateurs parmi lesquels certains attendent leur tour pour se mesurer à d’autres binge-drinkers en essayant de boire plus en moins de temps pour espérer se voir hissé au rang de « héros ».

Certains préfèrent prendre des verres alors que d’autres choisissent de boire directement à la bouteille. Dans ces soirées, la décoration est toujours la même : un DJ, de la musique techno, des lasers et des jeux de lumière, etc. Mais ce qui attire le plus l’attention, ce sont les rangées de bouteilles de bière, de vodka, de champagne et de pré- mix… exposées au bar.

Ceux qui sont défoncés, mais tiennent toujours debout, essayent de « chauffer la piste », de faire le spectacle et d’attirer l’attention. C’est l’exemple de ce jeune homme qui, lors d’une soirée organisée par son école, est monté sur le bar. Torse nu, il agite sa chemise en criant sous les applaudissements de ses amis. Ou encore d’un autre qui se jette en arrière du haut du balcon pour se faire attraper par un groupe d’amis.

Les situations les plus extrêmes s’observent surtout dans les soirées « open bar » ou « happy hour ». En effet, comme la consommation d’alcool y est gratuite pendant toute la soirée ou au moins pendant une ou deux heures, les défonces y sont plus extrêmes et les cas de coma éthylique plus fréquents.

Des soirées de ce genre sont souvent obligées de faire appel au SAMU ou aux sapeurs pompiers ou même d’instaurer une cellule de dégrisement dans les coulisses de la fête. Il faut aussi noter, comme nous l’avons déjà montré, que le nombre de cas de coma éthylique constitue souvent un critère de désignation des soirées « réussies ».

C’est surtout dans les soirées « open bar » (boisson à volonté) que l’on observe les cas de défonce les plus rapides et les plus « extraordinaires ». C’est parce que naturellement, comme la boisson y est gratuite, les binge-drinkers en profitent mais surtout, se précipitent de se défoncer de peur qu’il y’ait pénurie d’alcool en cours de soirée.

Les soirées étudiantes, surtout des « grandes écoles », constituent un exutoire pour les étudiants et, ont leur propre code notamment en ce qui concerne la défonce et les relations filles/garçons :

– « Les gens, ils ont envie de se lâcher, ils en profitent, ils font n’importe quoi, ils boivent et puis ils chopent. Une chope, c’est quand il y a deux personnes qui s’embrassent voilà… » (Ben, étudiant en 1ère année d’école de commerce).

La fête peut durer toute la nuit et, dans certains cas, elle ne finit pas là où elle a commencé.

Soirée défonce
Soirée défonce – Source:berkeley35.skyrock.com

c) La mobilité dans la défonce : la ronde des soirées, des boites et des bars

Faire la fête, pour un binge-drinker, ne se résume pas seulement à se défoncer rapidement et sans limite. Certains apprennent à rallonger la fête, à « retarder le KO final » parce qu’ils ont tendance à faire le tour dans plusieurs soirées, plusieurs boites durant toute la nuit (en général le week-end) jusqu’à l’aube.

D’où l’importance du rôle du capitaine de soirée. En effet, cette ronde des soirées nécessite parfois une certaine mobilité (la possession de moyen de transport part un ou plusieurs membres du groupe) et, elle est souvent facilitée par la proximité entre les soirées étudiantes (la concentration de plusieurs écoles, de plusieurs campus dans un même espace).

En effet, à certaines périodes de l’année (début ou fin d’année académique, décembre, janvier, etc.) où les festivités battent leur plein, on peu enregistrer simultanément plusieurs soirées étudiantes dans le même campus ou dans des campus voisins. Ce qui favorise aussi, comme nous l’avons déjà vu, l’esprit de compétition entre les différentes écoles, les différents clubs, associations et campus.

Certains des binge-drinkers, voulant multiplier les expériences et voulant toujours être au devant de la scène (pour montrer aux autres qu’ils sont les plus « fun »), sont parfois tentés de faire le tour (à pied ou bien en voiture) dans différentes soirées.

Si la fête se déroule dans une boite de nuit, ils préfèrent, à la fin de celle-ci, se rendre dans un « after », c’est-à-dire une boite ou un bar spécialisé dans les fins de soirées et dans lesquels les fêtards peuvent profiter des dernières heures de la nuit et surtout boire quelques verres s’ils ne sont pas encore défoncés, une fois terminées les soirées dans lesquelles ils s’étaient rendus :

– « Par exemple avec les potes on peut pas imaginer faire la fête pendant seulement deux heures. Dès fois on va dans des afters ou dans des bars, on se paye quelques conso et puis on bavarde, on fait la fête jusqu’au matin… » (binge-drinker, étudiant en médecine).

– C’est vrai que quand il y a genre deux soirées pas trop loin, je vais tout faire pour aller voir de l’autre côté. C’est un peu monotone d’être dans la même soirée pendant toute la nuit, sinon on s’amuse pas. C’est pas trop enrichissant » (L., étudiant en école de commerce).

Certains « afters » peuvent même ouvrir leurs portes jusqu’à six ou sept heures. C’est pourquoi après des nuits de fête, le taux d’absentéisme est souvent très élevé dans certaines écoles de commerce et d’ingénieurs comme le note Laurence, responsable pédagogique des « première année » à l’ESC Rouen, qui évalue à « un quart » le nombre d’étudiants de première année présents après la soirée hebdomadaire du mercredi.

De la même façon qu’ils l’avaient commencée plus tôt et dans un autre endroit, certains binge-drinkers peuvent finir la fête plus tard aussi dans d’autres lieux, toujours dans le but de la rallonger et d’en faire parfois un mode de vie. Ici, le binge-drinking constitue l’excès d’une fête qui est elle-même un excès, une fête de plus fréquente et de plus en plus longue parce que commençant « trop tôt » et finissant « trop tard ».

Cependant, le plus important dans le binge-drinking n’est pas tant la défonce elle-même que tout le « spectacle » qui lui est souvent associé après les soirées étudiantes.

d) Après la soirée, le « spectacle » continue !

Si le binge-drinking fait l’objet de tant de critiques, c’est surtout à cause des états, des attitudes et des comportements des binge-drinkers après les soirées de défonce. Il y a certes des comportements à risque sur lesquels les acteurs de la prévention essayent toujours d’attirer l’attention.

Les plus connus étant la conduite en état d’ivresse, les violences, les rapports sexuels non protégés, etc.

Mais, ce que nous appelons « spectacle post-défonce » n’a rien à voir avec tout cela. Nous voulons mettre l’accent sur ces « scènes » filmées, photographiées, immortalisées, échangées via bluetooth ou affichées dans les blogs et, qui font l’objet de commentaires parfois héroïques ou moqueurs.

Il s’agit du spectacle des vomissements, des bagarres, des cris, des délires, etc. auxquels on peut presque toujours assister à la fin de chaque soirée étudiante (surtout des « grandes écoles ») ou même avant.

On y voit des étudiants défoncés qui essayent de retrouver leur chemin en titubant, d’autres qui n’en peuvent plus de vomir, d’autre encore qui sont avachis par terre pendant que les cas les plus critiques sont évacués par leurs amis (et parfois par le SAMU ou les sapeurs pompiers) :

– « Tu vas voir quand je publierai les photos. T’as de la chance qu’on n’en ait pas quand Flo t’a retrouvée dans les toilettes à moitié morte. » (Commentaire de Kinji sur l’article publié par Twitter dans son blog).

– « … et dépantalonnée », rajoute Laure.

Toujours pour montrer qu’ils sont plus « fun », plus « cool », plus amusants, certains peuvent parfois tourner le spectacle à l’autodérision, comme ce groupe d’étudiants de l’ESC Rouen qui, venant d’une soirée organisée non loin du campus, préfèrent s’inventer un moyen de transport peu discret : ils ont transformé des caddies en poussette pour embarquer les défoncés.

C’est surtout dans les soirées ou les galas organisés par les Bureaux Des Etudiants BDE des écoles de commerce et d’ingénieurs que nous observons davantage des comportements de ce type.

On peut toujours dire qu’ils sont partie intégrante du processus de « déscolarisation scolaire » organiquement encré dans ces écoles et qui vise à détourner les élèves du « sérieux scolaire » qui ne fait plus partie des compétences requises pour s’intégrer dans le monde managérial auquel ils sont destinés.

Ils multiplient ainsi les « délires » et les « conneries » surtout après les beuveries. C’est d’ailleurs pour des situations comme celles-là qu’ils choisissent souvent un(e) ou des « capitaines de soirée » qui devront s’abstenir de boire afin de pouvoir veiller à la sécurité des défoncés et assurer leur transport.

C’est aussi pourquoi ce statut de « capitaine de soirée » est difficile à assumer : non seulement on n’a pas le droit de boire mais on doit supporter les défoncés, les aider à se relever, les amener chez eux ou chez la personne où ils doivent dormir le temps de se reprendre.

L’autre élément important du binge-drinking, et qui reflète une fois de plus sa dimension intégratrice, c’est le cadre rituel et ludique qui lui est associé.

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