L’impact des rapports d’observations et la mise en évidence de la prise de risque des collectivités – Paragraphe 2 :
La mise en évidence de l’impact des travaux des chambres régionales des comptes est un exercice relativement difficile étant donné que les observations sont perçues, par la cour des comptes, comme ayant « la forme de constatations, de rappels de la réglementation, voire de recommandations »165 et n’ayant pas de forces contraignantes. En effet, les rapports d’observations aurait sans doute plus d’impact si la collectivité adressait au juge financier un compte rendu des mesures prises en fonction des irrégularités et des recommandations de la chambre régionale des comptes. Or, sauf à cesser des agissements délictueux ou irréguliers, cette intervention aurait tendance à porter atteinte au principe de l’opportunité des choix de l’ordonnateur, donc cette idée, même si elle tend à offrir un impact plus important aux interventions de la chambre, semble irréalisable de ce fait.
L’examen de la gestion est un contrôle a posteriori dont le rôle est avant tout la prévention des irrégularités et des risques de la collectivité. Toutefois, ce rôle est exercé de fait de par leur seule existence. En effet, « savoir que sa gestion sera un jour éplucher par le juge financier et les irrégularités mises en évidence dans une lettre d’observations ou dans le rapport public de la Cour, voire, pour celles qui relèvent du droit pénal, communiquées aux autorités judiciaires, constitue une puissante incitation au respect des lois et règlements »166.
Toutefois, à ce stade, le rôle du contrôle de la gestion n’emporte qu’un impact minime étant donné que la lettre d’observation n’intervient qu’après « coup » certains, notamment les élus tendent à lui reprocher son caractère tardif. En effet, lors du contrôle, les magistrats réalisent l’enquête sur une période de quatre à cinq ans et les observations sur des erreurs aussi obsolètes ont certes moins de forces.
Les chambres régionales des comptes peuvent donner une impulsion à leurs travaux en recourrant aux possibilités offertes par l’art. R. 241-24 du CJF tendant à transmettre au procureur de la république placé auprès de la cour des comptes les observations « susceptibles de concerner les administrations, services et organismes centraux de l’Etat ». Ceci permet aux administrations concernées de connaître les insuffisances dans la réglementation et les reproches en terme de gestion qui ont été relevés par la chambre régionale des comptes167.
De plus, le ministre, responsables de l’administration centrale pourra remédier aux situations récurrentes dans les divers communications par le biais de projet de loi. Ainsi, cette procédure peut se révéler efficace si le ministre donne suite. La démarche en matière de transmission se fera par la voie du référé signé du premier président de la cour après une délibération de la chambre compétente de la cour des comptes. Par contre, le procureur de la république opérera la transmission des observations par le biais d’une note du parquet, la délibération n’étant pas utile, adressée au ministre ou au directeur de l’administration centrale concernée168.
Ainsi, la fréquence d’émission de ces lettres est d’environ une trentaine par an (35 en 1998 et 34 en 1999) et concernent principalement les collectivités locales, les établissements publics locaux ainsi que le secteur sanitaire et social.
En matière de publicité, ces suites au contrôle de la gestion ne sont pas susceptibles d’être communicable aux tiers en vertu de l’art. L. 140-9 du CJF dans un souci de préserver la confidentialité et le caractère contradictoire de l’instruction. L4article 7 de la loi du 12 avril 2000169 le confirme.
L’administration destinataire est tenue de donner suite à la lettre du procureur de la république et de lui faire connaître ce qu’elle a décidé soit les raisons de leur action, de leur abstention ou de leur refus. En cas de non réponse, le parquet fera systématiquement une relance.
L’impact des travaux des chambres régionales des comptes peut être plus conséquent si les observations sont insérées dans le rapport public de la cour des comptes ce qui engendre d’indéniables conséquences politiques et cela en vertu de l’art. 88 de la loi de 1982170. De plus, l’article 130 du décret de 1995 prévoit que les observations définitives peuvent « faire l’objet d’une insertion ou d’une mention au rapport public ». La transmission des observations à la cour des comptes doit être « accompagnée(s) des documents sur lesquels elles se fondent et de l’avis du ministère public »171. Mais le décret de 1995 ne précise pas la qualité de l’observation ce qui rend possible l’insertion d’une observation provisoire dont « il peut être jugé superflu de rendre cette observation définitive »172.
Or, la Cour des comptes conserve, à ce stade, le libre arbitre et n’est pas enclin à publier systématiquement les observations des chambres régionales des comptes. Par contre, si les observations ont un intérêt particulier et qu’elle décide de donner suite, alors la cour informe les communes et invite l’ordonnateur à fournir une réponse écrite aux observations qui sera publiées à la suite de celles-ci. A ce stade, il convient de s’interroger sur la nécessité de recourir à cette demande de réponse avec la nouvelle loi.
En effet, la réponse écrite de l’ordonnateur est désormais requise dès la transmission des rapports d’observations et joints à celui-ci aux fins d’information des élus. La cour des comptes ne sera plus qu’astreinte à une simple information des communes selon l’article 88 § 2 de la loi du 2 mars 1982.
Ainsi, le rapport public permet le développement de thèmes d’enquêtes au sein d’une seule chambre régionale des comptes, soit découlant d’une étude de la cour et inséré dans la partie correspondante du rapport public, soit réunissant plusieurs chambres en coordination avec la cour des comptes. Ce rapport permet notamment de mettre en exergue les situations irrégulières dans lesquelles se trouvent les collectivités173.
A titre d’exemples, les observations relatives à la ville de Nîmes ont fait l’objet d’une insertion dans le rapport public de 1998 et le rapport public met en évidence la politique d’investissements trop « ambitieuse » menée par la commune sans études préalables suffisantes, sources d’inefficacité de la dépense engagée. De plus, « le contrôle des marchés passés par la commune, notamment pour la gestion de ses services publics et l’organisation de spectacles tauromachiques, a révélé un respect insuffisant de la réglementation » dont les conséquences furent importantes sur le budget de la commune qui avait subi en 1988 une grave inondation et « dont la situation financière se trouve durablement obérée »174
De plus, il ne faut pas minimiser l’impact médiatique des observations des chambres régionales des comptes. En effet, la loi du 15 janvier 1990 relative aux financements partis et des campagnes électorales a eu comme conséquence de renforcer la pression médiatique sur les observations. De plus, les magistrats de la chambre régionale considèrent que ce mode de publication des lettres d’observations définitives apparaît comme une source d’informations relativement efficace. Toutefois, il semble que les thèmes de contrôle intéressant la presse soit limités aux observations relatives aux collectivités relativement importantes ainsi que les organismes leur étant associés ou une collectivité dont le représentant est une personnage de notoriété publique, plus précisément de grandes réalisations et dont la « dynamique » répond à une logique de nouveauté et d’actualité175. Tous les contrôles réalisés par la chambre régionale des comptes sont représentés par la presse locale ou nationale176 mais il faut souligner que le contrôle de la gestion conserve un impact relativement important et que l’efficacité des politiques mises en œuvre par les élus constituent un sujet épineux dont les journalistes sont friands.
Ainsi, même si les différentes lois n’ont pas donné au contrôle de la gestion un pouvoir contraignant, il apparaît que la médiatisation et le rapport public de la cour des comptes tendent à offrir un réel impact aux rapports d’observations dont les conséquences, en terme de politique, sur l’opinion publique est indéniable.
Lire le mémoire complet ==> (L’évaluation de l’efficacité de la dépense publique dans le contrôle de la gestion opéré par les Chambres Régionales des Comptes)
Mémoire de DEA – Mention FINANCES PUBLIQUES – Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales
Université Lille 2 – Droit et santé – Ecole doctorale n° 74

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