Internet : un média de veille et d’anticipation

B) Un média de veille et d’anticipation
1) Une veille permanente obligatoire
Une entreprise sur quatre pratique la veille sur Internet. Elles utilisent de plus en plus cet outil pour surveiller leur environnement, les acteurs, pour mesurer l’état de l’opinion etc. L’information disponible sur Internet est colossale : à l’heure actuelle, plus de sept millions de pages sont produites chaque jour sur le Web. De plus, la qualité de l’information est très bonne. En cas de crise, on peut ainsi savoir à 18 h sur Internet ce qui se dira au journal de 20h.
Cela permet de détecter les signaux faibles pouvant dégénérer en phénomène de crise56. La société clust.com s’est rendue compte quelques temps après le lancement du site, en visitant certains forums, que les internautes commençaient à se plaindre du non-respect, en général, des délais de livraison de leurs achats sur le net. L’ancien directeur marketing de cette entreprise explique que cela a permis de prévenir de telles plaintes de leurs clients, de réajuster leurs propres délais et d’améliorer leur système de livraison.
Sur Internet, il est important de connaître et de surveiller les principaux canaux d’information. Certains sont plus facilement observables que d’autres :
les principaux canaux d’information en France
Un bon travail de veille peut donc sensiblement limiter les dégâts. Une grande entreprise alimentaire a constaté un taux anormalement élevé de réclamations sur son opération promotionnelle organisée à l’occasion d’Halloween57. Les critiques, récurrentes, paraissaient un peu trop stéréotypées. L’entreprise pense immédiatement à une rumeur. Elle a donc demandé à une agence de procéder à une recherche d’information sur Internet. Cette agence a trouvé un site animée par un mouvement protestant s’attaquant au caractère satanique de la fête d’Halloween et alimentant le discours des critiques adressées à l’entreprise en question.
En ayant ainsi identifié la source de la rumeur, elle a réagi et mesuré les risques potentiels d’opérations commerciales a priori anodines.
L’abonnement aux newsletters ou l’inscription à la liste de diffusion de certains sites, notamment ceux des associations et organisations activistes, peut permettre d’anticiper certaines de leurs actions. Ainsi, c’est grâce à la liste de diffusion de l’organisation « Sortir du Nucléaire » que la Cogema a été tenue au courant de ce qu’ils préparaient.58
Etant donné qu’il n’a jamais été aussi facile et peu cher d’attaquer une entreprise, il est indispensable de mettre en place un service de veille, que ce soit sur Internet, et même les médias traditionnels. Car n’oublions pas que l’information entre le net et les médias traditionnels circule très vite.
Parmi les éléments à surveiller, il y a le phénomène de rémanence : des pages Web, des archives que l’on continue de retrouver même des années après la crise. Lorsque la crise est terminée pour les médias classiques, son existence est prolongée sur Internet. Dans l’après crise, la veille sur Internet joue donc un rôle important. Elle permet de vérifier les traces laissées par la crise. Ces traces peuvent parasiter durablement l’image d’une entreprise. En outre, il suffira qu’apparaisse une crise qui concerne à nouveau la même entreprise ou son secteur d’activité pour que se réactivent des sites contestataires ou que les journalistes fassent référence à la crise passée. Une crise peut donc en cacher une autre.
En cas d’éléments « réactiveurs », Internet est une porte ouverte sur les crises du passé. Les informations continuent de circuler à travers les moteurs de recherche, les archives de forums etc. et peuvent donc retrouver une actualité soudaine: c’est ce qui s’est passé pour Perrier. Perrier a été accusé, il y a quelques années (début des années 90) d’avoir commercialisé des bouteilles contenant des traces de benzène. Mais il ne s’agissait pas d’une rumeur, puisque Perrier a confirmé, et a volontairement retiré 160 millions de bouteilles, pour préserver l’image de la marque et de l’entreprise. C’était un rappel par principe de précaution, même si la santé du consommateur n’était pas véritablement l’enjeu principal. (Il s’agissait du premier rappel de produit par non respect de la réglementation ; les normes régissant les eaux, gazeuses ou minérales, étant très strictes). Il a fallu presque 10 ans à Perrier, après bien des péripéties (licenciement de la moitié de ses effectifs) pour renouer avec les bénéfices. Lorsque Coca Cola a dû retirer, en juin 1999, en France et en Belgique, plusieurs millions de canettes de Coca, Sprite et Fanta, suite à des malaises répétés de consommateurs, et sous la pression des autorités sanitaires, de très nombreux forums et sites ont fait un rapprochement avec ce qui s’était passé pour Perrier et ont remis à jour une actualité que l’on croyait dépassée.
On comprend mieux pourquoi il est essentiel pour une entreprise d’assurer une veille informationnelle permanente sur Internet.
Didier Heiderich59 donne un exemple illustrant bien cette nécessité : En 2001, après les attentats du 11 septembre, la Federation of American Scientist (FAS), qui, sur son site Internet, donnait accès aux plans des bâtiments où se trouvaient la National Security Agency (NSA) et la Central Intelligence Agency (CIA), les retira aussitôt. Mais c’était oublier que le moteur de recherche Google.com, stocke dans sa base de données, les pages supprimées. Ainsi, une page supprimée d’un site peut rester présente sur ce moteur de recherche, ce qui fut le cas pour les pages du site Web de la FAS. Le plus étonnant est que ni la FAS, ni la NSA ou la CIA n’avaient pensé à ce problème de rémanence.
La veille doit se réaliser avant, pendant et après une crise. La rapidité de circulation des informations est telle aujourd’hui que l’entreprise doit obligatoirement savoir ce que se dit sur elle.
2) Les contradictions qui trahissent
Avant de communiquer sur Internet, l’entreprise doit vérifier toutes les informations publiques. Car les contradictions entre son discours, et ce qu’elle affiche sur le Web, peuvent être source de crise. Didier Heiderich m’expliquait que peu d’entreprises ont aujourd’hui le réflexe de modifier, voire même de « dépublier » certaines informations gênantes. En cas de crise, elles mettent en place un site web, ou simplement quelques pages à partir de leur site officiel, sans contrôler les publications déjà présentes en ligne. Danone, en pleine période de restructuration et de suppression d’emploi, annonçait fièrement sur son site Internet, que « l’Homme était au cœur de son système ».
Au moment où le gouvernement annonçait le déremboursement des traitements homéopathique, les laboratoires Boiron, leaders sur ce marché, ont lancé une pétition contre cette décision60. Sur leur site Internet, le groupe expliquait que « l’homéopathie est un marché difficile », et que « la marge opérationnelle de l’industrie homéopathique s’est dégradée de 50% en quelques années », tandis que sur leur rapport annuel 2002, destiné principalement aux investisseurs, le discours semblait beaucoup plus optimiste : « la croissance des ventes de médicaments s’est élevée à 7,8% ».
La contradiction passe aussi par les mots clés utilisés pour le référencement des sites Web. Ces mots clés, sensés être invisibles aux yeux de l’internaute de base, peuvent trahir le discours tenu par l’entreprise. Ainsi, les semenciers pro-ogm61 utilisent le mot clé « malbouffe » pour leur référencement. Didier Heiderich m’expliquait le cas du site de Total : birmanie.total.com. (mis en place pour répondre à la polémique sur ses activités en Birmanie), qui utilise les termes « total travail forcé ». Pour trouver les mots clés utilisés pour le référencement, rien de plus simple : il suffit simplement d’aller dans Internet explorer, « affichage », puis « source ».
D’ailleurs, si l’on entre les mots « total travail forcé » sur le moteur de recherche Google, le résultat qui s’affichera, ne correspondra pas à la page vers laquelle on sera dirigé. La direction se fera sur birmanie.total.com. Et pour cause : cette page (birmanie.total.com/fr/travail-force- birmanie.html) n’existe pas, ou plutôt n’est pas accessible. Elle sert uniquement à « booster » le référencement.
total travail forcé sur le moteur de recherche Google
Il est très négatif de laisser, à la portée du public, des éléments aussi contradictoires, qui peuvent être en eux-mêmes des sources de crise.
On peut même aller plus loin et se demander, si, dans la société actuelle où beaucoup d’entreprises affichent leurs engagements éthiques, ce système de référencement n’est pas « limite »…
3) Sites Web cachés ou « Dark Site »
Tous les risques ne sont évidemment pas prévisibles, mais certains secteurs sont plus « à risque » que d’autres : secteur nucléaire, alimentaire, automobile etc. Il est donc prudent, pour une entreprise de prévoir, le site dont elle aura besoin pour communiquer en cas de crise, d’accident. Ce site sera prêt à être activé sans délai le jour où…
Un site Web de crise « prêt à l’emploi », (dark site, où site « fantôme ») activable à tout moment, avec un système par exemple de questions réponses prédéfinies, sur des scénarios prévisibles, avec des vidéos, des photos, ou même des textes, peut permettre de gagner beaucoup de temps. Car ce n’est pas dans l’urgence que l’entreprise pourra définir la structure, le contenu, le graphisme, et même les ressources pour l’alimenter.
L’entreprise américaine de jus de fruit, Odwalla, a été confrontée en 1996 à la contamination d’un de ses produits ayant entraîné la mort d’un enfant. Après avoir retiré ses produits des linéaires, la marque a ouvert très rapidement un site exclusivement dédié à la crise, informant régulièrement les consommateurs sur l’affaire. On pouvait également trouver des informations sur ses processus de fabrication, le témoignage d’experts extérieurs à l’entreprise etc. De nombreux internautes ont félicité l’entreprise pour sa politique de transparence62.
La veille sur Internet est un processus souvent sous-estimé.
Pourtant, s’y préparer permet d’avoir tous les moyens à disposition pour réagir rapidement le moment venu.
Le tableau ci-dessous63 synthétise bien le processus de la veille sur Internet :

Veille sur Internet
Veille en amont– Objectif de la veille
– Budget
– Internet ou externe
– Processus d’alerte
– Processus décisionnels
– Moyens
– Sources
– Fréquence
– Circuits
– Synthèses
Veille de crise
Veille Après crise

Quel que soit le type de veille (veille en amont, veille de crise, veille après crise), l’organisation doit être réalisée de manière rigoureuse et régulière.
Lire le mémoire complet ==> (Internet et la communication de crise: Internet est-il un accélérateur de crise ?)
Mémoire de fin d’études
Groupe ESA-Paris – Master Communication et Marketing

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