Conditions d’accès au premier emploi et dispositifs de formation
5.6. Différences de capital social entre les dispositifs de formation et conditions d’accès au premier emploi
Le passage des étudiants dans ces dispositifs de formation a donc été considéré comme une étape particulière dans leur parcours. D’un côté ils s’emparent de ces dispositifs qui prennent place dans leur trajectoire, ils y arrivent avec leur histoire, leurs acquis relationnels, leurs atouts sociaux, leurs projets… De l’autre, ces dispositifs offrent, au-delà d’un enseignement spécifié, des occasions de rencontre (jurys de recrutement, intervenants,…), des mises en situations directes et des formes d’expérimentation de rôles professionnels (stages), une identification vis à vis d’un milieu professionnel, etc.
Une sorte d’organisation, d’implantation, qui les situe plus ou moins au centre d’un carrefour relationnel entre enseignants, étudiants et employeurs du monde professionnel visé, ce fonctionnement dépendant pour une part de l’option de pilotage retenue par le responsable.
Il s’agit maintenant de confronter les informations réunies sur l’existence d’un capital social dans les dispositifs de formation (modes d’organisation, modes d’entrée dans les dispositifs et modes d’accès au 1er emploi) et celles décrivant les conditions d’entrée dans ce 1er emploi.
Nous commençons par une synthèse des types de processus à l’œuvre au sein de ces dispositifs de formation (§ 5.6.1.) ; qu’en est-il alors des conditions d’accès au premier emploi selon les configurations repérées (§ 5.6.2.) ?
5.6.1. Mode d’organisation, mode d’entrée en formation et mode d’accès au premier emploi : l’identification du capital social des dispositifs de formation
Les trois types d’indicateurs, observés séparément jusqu’à présent pour chacun des dispositifs de formation ont été réunis dans le tableau 35, page suivante.
Les expressions « canal relationnel interne » et « canal relationnel externe » désignent respectivement les moyens relationnels relevant du dispositif de formation (responsables, enseignants, intervenants, stages) et les relations de type professionnel, amical ou familial. Trois types de configuration apparaissent, basées sur les correspondances entre ces trois indicateurs :
– De façon relative, les trois dispositifs A, B et D disposent d’un capital social conséquent.
Ces trois dispositifs présentent des traits communs : ils sont très bien intégrés dans le milieu professionnel, et l’entrée dans le dispositif de formation comme l’accès au premier emploi s’effectue principalement par des canaux relationnels.
Cependant, ces canaux relationnels ne sont pas toujours majoritairement liés au dispositif de formation. Le dispositif B est le seul cas où les canaux internes dominent que ce soit pour l’entrée en formation ou pour l’accès au 1er emploi.
Pour le dispositif A, les étudiants ont accédé à leur premier emploi principalement par des canaux relationnels internes, mais sont plutôt entrés dans le dispositif de formation par des relations a priori indépendantes du dispositif, même si celui-ci joue tout de même un rôle non négligeable. Le dispositif D est dans une position un peu similaire.
Ses étudiants y sont entrés par des canaux relationnels externes ; ils ont cependant obtenu leur premier emploi autant par des relations liées au dispositif de formation que par des liens qui en étaient indépendants.
Tableau 35. Tableau général des variables observées pour le mode de fonctionnement de chaque dispositif
Dispositifde forma- tion | Mode d’organisation | Mode d »accès » au dispositif de formation | Mode d’accès au premier emploi |
A | – implantée dans faculté parisienne renommée- grande articulation avec le milieu professionnel : nombreux intervenants, association des anciens élèves très active sur modèle des grandes écoles
– responsable : conventions professionnelle et académique – 21% de professionnels en formation continue |
– canaux relationnels dominants* 41% de canaux rela- tionnels externes (ami- caux principalement)
* ¼ de canaux relationnels interne |
– forte dominante des canaux relationnels :* internes principale- ment (dispositif de formation-stage 47%)
* externes (relations amicales 13%, relations professionnelles 12%) |
B | – longue implantation dans faculté parisienne- articulation forte et permanente avec le milieu professionnel : jurys de sélection, temps forts rituels, rencontres et échanges réguliers, nombreux intervenants professionnels
– forte intégration du responsable dans le milieu professionnel : convention professionnelle – 17% de professionnels en formation continue |
– canaux relationnels dominants* principalement internes à l’institution (48%, essentiellement les élèves entre eux)
* ¼ de relationnels externes |
– forte dominante des canaux relationnels :* internes principale- ment (formation-stage
50%) * externes (relations amicales 20%) |
C | – implantation récente dans une grande école de management de province- gestion conjointe avec une grande fondation spécialisée du secteur culturel
– articulation au milieu professionnel « naissante » gérée par une adjointe à travers un support médiatisé (fichier), rendue plus ardue par un recrutement européen – responsable : convention professionnelle, mais récurrence des changements de personne – 44% de professionnels en formation continue |
– canaux non relationnels (médiatisés) dominants, essentiellement annonces presse (47%) | – forte dominante descanaux relationnels :
* internes : rôle quasi exclusif du dispositif de formation (86%) |
D | – implantation grande métropole de province- forte association université et organisme professionnel spécialisé du secteur culturel de stature nationale (formation/conseil)
– organisation concrète totalement articulée à la pratique professionnelle de l’organisme associé (jurys de sélection tutorats, accueil des enseignements) : convention professionnelle – 70% de professionnels en formation continue |
– canaux relationnels dominants* principalement externes (53%, professionnels ou amicaux)
* à noter 30% de démarches personnelles |
– forte dominante descanaux relationnels, équilibre entre :
* internes (dispositif de formation 31%) * et externes (relations professionnelles 20%, relations amicales 16%) |
E | – implantée dans une université de province- articulation au milieu professionnel par l’intermédiaire d’un centre de recherche spécialisé sur le domaine
– organisation très formelle de quelques contacts avec le milieu professionnel (conférences) – la dimension université-recherche constitue la référence principale de ses responsables : convention académique – 22% de professionnels en formation continue |
– canaux non relation-nels (médiatisés) très dominants, principalement des centres d’information du type Cio… (59%) | – Equilibre entrecanaux relationnels et non relationnels (médiatisés) :
* internes (dispositif formation 30%) * médiatisés (petite annonce 25%, candidature spontanée 20%) |
– Le dispositif C est dans une situation moins facilement identifiable, qui peut être qualifiée d’intermédiaire. Il est de création récente, a souffert d’une certaine instabilité à sa direction, et l’importance des moyens non relationnels dans l’accès au dispositif de formation traduit ses choix fondateurs, à savoir un recrutement d’élèves sur une base géographique étendue (l’Europe).
Dans le même temps il est conjointement organisé avec une structure professionnelle culturelle, et explicitement doté de moyens conséquents pour offrir, entre autres, un service d’aide au stage.
Cela se retrouve dans la grande importance de la mobilisation par les élèves des canaux relationnels propres au dispositif parmi les moyens utilisés pour accéder au premier emploi, atteignant près de 85%.
Nous avons tout de même considéré que son articulation au monde professionnel était moins forte (moyenne) que dans le cas des trois dispositifs précédents, mais que, disposant d’un capital social en cours de constitution, il s’inscrivait tout de même dans une dynamique permettant de la qualifier aussi de « naissante ».
– Le dispositif E : implanté dans une université de province, il est pour sa part moins bien intégré au plan professionnel que les précédents.
Le principal espace de référence du responsable reste le milieu universitaire lui-même, et peu de démarches sont menées à l’initiative du dispositif pour créer, développer ou maintenir des contacts avec le monde professionnel.
Cela se repère très bien dans les moyens utilisés pour accéder à ce dispositif, essentiellement des canaux non relationnels parmi lesquels des canaux parfaitement anonymes comme les Centres d’Information et d’Orientation.
Dans la même veine, la différence relative avec les autres dispositifs du point de vue des canaux mobilisés par les étudiants pour obtenir leur premier emploi est très nette : ceux-ci s’équilibrent entre des canaux non relationnels et quelques canaux relationnels internes, le tout étant révélateur d’un capital social relativement peu développé.
Apparaissent ainsi trois types de configurations, selon une gradation sur un axe opposant d’un coté forte articulation au milieu professionnel visé et usage dominant de canaux relationnels (internes et externes) pour les modes d’accès à la formation ou au premier emploi, et de l’autre, articulation faible au milieu professionnel visé et usage plus intensif de canaux médiatisés (non relationnels) pour l’accès à la formation ou au premier emploi. Ces profils de fonctionnement ont été résumés dans le tableau 36 :
Tableau 36. Configuration de fonctionnement des dispositifs de formation
Dispositifs | Mode d’organisation :articulation au milieu professionnel | Mode d »accès » au dispositif :canaux dominants | Mode d’accès au premier emploi : canaux dominants |
A | – forte | – relationnels externes | – relationnels internes |
B | – forte | – relationnels internes | – relationnels internes |
D | – forte | – relationnels externes | – relationnels internes et externes |
C | – moyenne (« naissante ») | – non relationnels (médiatisés) | – relationnels internes |
E | – faible | – non relationnels (médiatisés) | – mixte : relationnels (internes) et non relationnels (médiatisés) |
5.6.2. Capital social des dispositifs de formation et conditions d’entrée dans les milieux professionnels
Il s’agit maintenant de confronter les types de fonctionnement des dispositifs de formation identifiés ci-dessus et les conditions d’entrées dans le premier emploi pour les étudiants, c’est- à-dire l’effet sur le parcours des étudiants d’une bonne articulation d’un dispositif donné au monde du travail. Ces conditions sont décrites à partir de quatre indicateurs d’importance inégale (tableau 37).
5.6.2.1. Les indicateurs des conditions d’accès au premier emploi
Deux indicateurs solides considérés comme représentatifs des conditions d’accès à l’emploi et permettant d’opposer simplement les dispositifs et les conditions d’insertion de leur public ont tout d’abord été retenus.
Le premier critère, simple, consiste en la possibilité pour l’élève d’avoir pu occuper ou non un emploi pendant la période d’enquête. Il s’agit du taux (a) correspondant à la proportion d’étudiants sortis d’un dispositif donné et ayant occupé un emploi au moins sur la période d’observation.
Le second critère porte, lorsqu’un emploi a été obtenu, sur la rapidité d’accès au premier emploi : ce critère pouvait être évidemment relié plus explicitement au mode d’accès à ce premier emploi. Il s’agit du taux (b) défini par la proportion d’étudiants sortis d’un dispositif donné accédant au premier emploi en moins de 6 mois.
La construction de ces critères a paru plus sûre, dans le contexte de cette enquête, que celle d’un taux de chômage à une date donnée, beaucoup trop sensible, à ce niveau de finesse, aux modes de désignation de leur situation par les personnes interrogées elles-mêmes.
Ce type d’indicateur photographique instantané, désignant la situation principale de l’intéressé, soulève en effet ici quelques questions d’ordre méthodologique : cette façon de faire « durcit le trait » en ignorant toutes les ruses, les doubles sens, les camouflages aussi, et réduit à un indicateur univoque des situations parfois bien plus complexes186.
Deux autres indicateurs complètent cette description. Ils correspondent respectivement à la proportion d’élèves qui entrent dans le secteur culturel dès leur premier emploi, ce qui est une façon d’observer la connexion avec un secteur d’activité, et au poids des contrats à durée déterminée (CDD), indicateur non exempt d’ambiguïté comme cela a déjà été exposé plus haut.
5.6.2.2. Des conditions d’insertion nettement différenciées
Les dispositifs de formation ont été classés dans le tableau 37 selon la qualité d’accès à l’emploi définie par les taux (a) et (b). Pour les dispositifs B, D et A les conditions d’accès au premier emploi apparaissent excellentes, tout au moins relativement aux dispositifs C et E : pratiquement tous les étudiants ont occupé au moins un emploi sur la période d’enquête, et celui-ci a été obtenu en moins de 6 mois pour plus de 80% d’entre eux.
C’est ici aussi que la proportion de ceux ayant trouvé leur premier emploi dans le secteur culturel est la plus importante (86-92%) ; la part des CDD ne les distingue cependant pas particulièrement du dispositif C.
186 Ce qui apparaît par exemple si on sépare la question de l’origine des ressources d’un individu, qui induit le plus souvent le statut déclaré puisqu’elle est socialement la plus codée, de celle de l’exercice d’une activité. On peut citer à titre d’exemple, une réponse « service national », qui s’est révélée être un VSNE occupant un poste d’administration culturelle (adjoint du directeur d’une petite alliance française), ou bien une situation de poursuite d’étude avec comme ressource les indemnités de chômage, ou encore une inactivité déclarée qui cache mal une recherche d’emploi…
Tableau 37. Conditions d’accès au premier emploi selon les modes dominants, relationnels ou non, d’accès à la formation, d’accès à l’emploi et d’organisation du dispositif de formation
Dispositifs | Mode de fonctionnement des dispositifs | Conditions d’accès au premier emploi | |||||
Organisation :articulation au milieu professionnel | Entrée dans le dispositifde formation :
canaux dominants |
Accès au premieremploi : canaux dominants | Taux a : occupation d’un emploi sur lapériode d’enquête
Taux b : durée d’accès au premier emploi |
Entrée dans le secteur culturel | Proportion deCDD | ||
B | – forte | – relationnels internes | – relationnels internes | – taux a = 100%- taux b = 83,5% | Presque tous ont occupé un emploi ; ils y ontaccédé
rapidement |
92% | 38% |
D | – forte | – relationnels externes | – équilibre relationnels internes et externes | – taux a = 100%- taux b = 88,2% | 86% | 39% | |
A | – forte | – relationnels externes | – relationnels internes | – taux a = 97%- taux b = 81% | 86% | 43% | |
C | – moyenne(« naissante ») | – non relationnels(médiatisés) | – relationnels internes | – taux a = 87,5% 1/8 aucun emploi ;- taux b = 71,4% accès moins rapide | 79% | 39% | |
E | – faible | – non relationnels(médiatisés) | – mixtes non relationnels (médiatisés) et relationnels internes | – taux a = 74,1% 1/4 aucun emploi ;- taux b = 60,0% accès lent | 70% | 70% |
Pour le dispositif C, les conditions d’accès au premier emploi sont un peu moins favorables que dans le cas précédent : 12,5% des étudiants n’ont jamais occupé d’emploi sur la période, les autres n’étant que 71% à l’avoir obtenu en moins de 6 mois.
Ils sont enfin un peu moins nombreux à être entrés dans le secteur culturel pour leur premier emploi. Enfin, pour le dispositif E, les conditions d’accès au premier emploi sont ici les plus défavorables : 74% des étudiants ont occupé au moins un emploi sur la période d’enquête, et seulement 60% l’ont obtenu en moins de 6 mois.
Le taux d’accès au secteur culturel est ici le plus faible, et, surtout, la part des CDD y est très élevée, distinguant trop nettement ce dispositif sur ce plan pour pouvoir l’ignorer.
5.6.2.3. Fonctionnement des dispositifs de formation et conditions d’insertion
Qu’en est-il alors du capital social lié au mode de fonctionnement des dispositifs de formation, et des conditions correspondantes d’accès au premier emploi pour les élèves ? Deux points peuvent être relevés ici.
1) Le premier point est général, et concerne toutes les dimensions relationnelles qu’on peut repérer. Les conditions d’insertion sont les meilleures quand les dispositifs de formation sont fortement articulés au milieu professionnel et que les moyens relationnels, qu’ils soient liés ou non au dispositif, sont les plus mobilisés.
Trois types de dispositifs apparaissent alors. Les dispositifs A, B et D qui réunissent les meilleures conditions d’accès au premier emploi sont aussi ceux pour lesquels les canaux ayant permis d’y accéder comme les canaux d’obtention du premier emploi sont les plus relationnels et l’articulation est la plus forte avec le milieu professionnel.
Le dispositif C offre des conditions d’accès de moindre qualité : son articulation au milieu professionnel est aussi moins assurée, les formes de recrutement dans le dispositif sont très médiatisées.
Malgré cela, les canaux d’accès au premier emploi restent très relationnels, relevant d’ailleurs essentiellement d’un seul type, ceux offerts par le dispositif lui-même, ce qui aurait pu être la source de meilleures conditions d’insertion que celles constatées.
Enfin, pour le dispositif E, une faible articulation au milieu professionnel et une tout aussi faible mobilisation de réseaux relationnels (toujours relativement aux autres dispositifs) pèse sur les conditions d’accès à l’emploi de ses élèves.
2) Le second point concerne le strict point de vue du capital social propre aux dispositifs de formation, et non pas les ressources relationnelles mobilisables par les élèves.
Si ces dernières jouent un rôle clairement positif dans l’accès au premier emploi, ce n’est cependant pas si net lorsqu’on retient dans l’analyse celles relevant uniquement du dispositif de formation.
Pour les dispositifs A et B, les résultats escomptés sont obtenus : la présence d’un capital social fort pour ces dispositifs joue dans le sens attendu, à savoir de bonnes conditions d’accès au premier emploi.
Ces dispositifs accueillent majoritairement des étudiants sans expérience professionnelle et leur ont offert la moitié des canaux d’accès au premier emploi. Ils ont ainsi complété les réseaux amicaux, ou professionnels pour quelques uns, que ces étudiants détenaient, ceci limitant la nécessité d’appel aux canaux non relationnels.
Par ailleurs, l’accès au dispositif A se faisant plus par des relations externes au dispositif, on peut considérer qu’il bénéficie d’un effet de réputation « hors les murs » conséquent dû probablement à son implantation dans une université parisienne renommée.
Le dispositif D est dans une position similaire du point de vue des bonnes conditions de démarrage de ses élèves, de sa bonne implantation professionnelle et de la forte dimension relationnelle des modes de recrutement le concernant ou des modes d’accès au premier emploi.
Cependant, un indicateur important du capital social du dispositif, la proportion de relations qui lui sont propres ayant permis d’obtenir un emploi, n’atteint pas le niveau des deux précédents.
Ce dispositif accueille en effet un public très différent puisqu’il comporte 70% d’actifs professionnels en formation continue ou en reprise d’étude, donc plus âgés et disposant déjà de relations professionnelles187.
Ceux-ci ont donc moins besoin du capital social du dispositif de formation : son rôle du point de vue de l’accès au premier emploi est largement contenu, ou équilibré, par l’importance des réseaux relationnels de type professionnel (20%) ou amical (16%) dont disposait son public ou par les 20% de professionnels qui retrouvent l’emploi occupé auparavant après leur formation.
On retrouve symétriquement comme mode dominant d’accès au dispositif les canaux relationnels externes professionnels ou amicaux. Ce dispositif est ainsi fortement marqué par son ancrage professionnel, son organisation concrète étant totalement articulée à la pratique professionnelle de l’organisme associé.
Le dispositif C offre à ses élèves des conditions d’accès au premier emploi d’un peu moins bonne qualité comparé aux dispositifs A, B et D. Cela correspond au résultat escompté d’après son articulation moyenne (« naissante ») au milieu professionnel visé, constatée plus haut.
Cependant, la caractérisation de sa situation est loin d’être évidente. En effet, à l’inverse de D, l’indicateur des moyens mobilisés pour accéder au premier emploi montre tout de même une part importante des canaux relationnels propres au dispositif lui-même.
Même s’il a été considéré que ce n’était pas suffisant du fait des autres indicateurs, ceci est un indice de la présence de capital social, suggérant que les conditions d’accès à l’emploi à sa sortie auraient pu être de meilleure qualité.
Une explication pourrait être la suivante. Devant assumer ses objectifs d’ouverture européenne, il s’inscrit dans une logique de recrutement géographiquement éclatée et très « médiatisée » : les modes d’entrée dans le dispositif révèlent ainsi un usage important de canaux non relationnels (pour près de la moitié par l’intermédiaire d’une annonce dans la presse) et pour une part de réseaux professionnels (relationnels externes).
Du point de vue de l’accès au premier emploi, il s’avère que, bien qu’étant composé à 44% de professionnels actifs en formation continue, la part de relations professionnelles antérieures mobilisées est assez faible (10% ; cf. tableau 29, § 5.4.3.2.). Par ailleurs, la part des relations amicales est très faible, et il n’y a aucune relation familiale alors qu’il s’en trouve dans tous les autres dispositifs.
Le dispositif de formation est ainsi amené à jouer un rôle très important dans le premier accès au milieu professionnel : il fournit 85% des canaux d’accès à ce premier emploi, essentiellement par le stage.
Ceci montrerait à la fois le fort investissement du dispositif qui alloue des moyens conséquents à la recherche de stage sans pour autant disposer d’une assise relationnelle stabilisée (la volonté de mixage élèves/employeurs est ici l’une des plus explicites avec le dispositif B, même si elle ne se traduit pas totalement dans les faits) et la faiblesse du réseau mobilisable par une partie de ses étudiants qui se retrouve dans une ville de province en venant d’horizons très divers et à la suite d’une mobilité géographique importante, qui les prive ou les éloigne d’une bonne part de leur réseaux sociaux habituels (amicaux, familiaux voire professionnels puisqu’ils sont assez nombreux dans ce dispositif).
187 Nous pouvons faire ici une remarque : bien que la part d’élèves issus d’une catégorie sociale élevée (père cadre ou profession intellectuelle supérieure, cf. § 5.3.2.) soit ici la plus faible, les élèves issus de ce dispositif obtiennent leur premier emploi dans des conditions au moins aussi favorables que ceux issus de dispositifs dans lesquels les origines sociales aisées dominent. Le réseau personnel professionnel accumulé (voire amical, à cet âge, ces deux réseaux se recoupent souvent) et celui du dispositif de formation sont là
Enfin, la situation du dispositif E est plus claire. Les conditions d’accès au premier emploi sont les moins favorables, quel que soit l’indicateur retenu, et ceci pouvait être attendu de son fonctionnement, de son articulation plus faible au milieu professionnel comme du choix du mode de pilotage adopté à l’époque par son responsable.
Ce dispositif cumule les difficultés et montre a contrario comment l’absence de capital relationnel propre au dispositif de formation pèse sur les conditions d’accès des élèves qui en sont issus.
Son public, majoritairement des étudiants sans expérience professionnelle, ne dispose pas plus des réseaux relationnels personnels qui facilitent l’accès à l’emploi que les élèves issus des dispositifs A ou B dont la composition est équivalente ; mais cette faiblesse n’est pas compensée par ailleurs par les canaux que fournit le dispositif lui-même (30%) comme c’est le cas pour A et B.
Ceci se lit autant dans l’importance des canaux non relationnels (« médiatisés » 45%) pour accéder au premier emploi, que dans les canaux mobilisés dans l’accès à la formation, essentiellement médiatisés eux aussi.
Ainsi la formation E apparaît surtout tributaire de canaux non relationnels constituant en quelque sorte un canal mobilisable « par défaut ».